Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil Général de Haute Savoie,
Monsieur le Maire de Chamonix-Mont-Blanc,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens en premier lieu à vous remercier de m'avoir invitée à clore ces 5èmes Sommets (on ne pouvait rêver un intitulé de rencontres plus évocateur, si proche du Mont-Blanc !), placés cette année sous un double thème : celui du développement durable et celui du partenariat public-privé.
Par delà l'intérêt de ces thèmes, je suis tout à fait sensible à la variété des intervenants, d'origines et d'expériences diverses, qui ont su, durant les trois jours de cette conférence, montrer pourquoi et comment peut être valorisé au plan touristique le patrimoine environnemental et culturel de la planète.
Pour peu qu'on les explique, les objectifs du développement durable sont partagés et même revendiqués par la plupart de nos concitoyens. Concilier développement économique, protection de l'environnement, équité sociale et favoriser ainsi l'épanouissement de l'individu est une perspective à laquelle il est difficile de ne pas adhérer.
Néanmoins, l'urgence à agir, à engager dès maintenant un changement progressif mais profond de nos comportements n'est que trop faiblement perçue.
Comment procéder alors, sachant que le développement durable ne se décrète pas ?
- Définir déjà une véritable politique dans ce domaine, des orientations claires résolument tournées vers l'action.
- Favoriser également une " pédagogie active ", c'est-à-dire favoriser le développement de pratiques, d'initiatives et des échanges d'expériences entre entreprises, collectivités territoriales, associations et citoyens.
- Montrer qu'il est possible de concilier création de richesse, préservation et amélioration du capital humain et environnemental des territoires tout en maintenant intact, dans le long terme, leur attractivité.
Le Gouvernement s'est mobilisé dans ce sens et de plusieurs façons :
* La première a été d'adopter le 3 juin dernier, la stratégie nationale de développement durable qui fixe, sur 5 ans, des objectifs concrets et quantifiés, qu'il appartient à chaque ministre de mettre en oeuvre dans son domaine de compétence.
Ces orientations cadrent également l'action des collectivités territoriales, des entreprises, des associations et des citoyens.
Cette stratégie est le résultat d'un long processus de consultation entre les administrations et la société civile, processus que j'ai initié à travers la création, notamment, du Conseil National du Développement Durable.
Dans le domaine du tourisme, permettez moi seulement de relever deux programmes qui découlent directement de la stratégie nationale de développement durable :
Le premier programme repose sur le constat suivant : les propriétaires et les collectivités territoriales, qui consentent des efforts importants pour la préservation des espaces et des ressources naturelles, ne sont pas toujours bénéficiaires des retombées de l'activité touristique.
Une solidarité financière est donc à construire entre activités économiques découlant du tourisme et gestion des espaces naturels.
Des propositions seront faites en ce sens, dès 2004, au profit des communes touristiques ne percevant que peu ou pas de ressources alors que leurs territoires sont essentiels pour la protection de la biodiversité.
Le second programme porte sur la création d'un Fonds de solidarité prioritaire, consacré à un tourisme responsable dans les pays du Sud, pour un montant de 2 millions d'Euros, auquel s'ajoutent des aides destinées à l'Association des Etats de la Caraïbe, à l'Afrique du Sud et au Cambodge.
* Plus récemment, le 9 septembre, le Premier Ministre a présidé le premier Comité interministériel du tourisme depuis vingt ans.
A cette occasion, un certain nombre de mesures ont été prises, permettant d'adapter le secteur du tourisme aux enjeux du développement durable, c'est-à-dire des mesures favorisant l'émergence, en France, d'un tourisme plus solidaire et éthique.
De quoi s'agit-il concrètement ? Ces mesures portent sur cinq questions essentielles :
- l'intégration des personnes handicapées par la transposition des critères d'attribution du label " Tourisme et Handicap " en norme à valeur réglementaire, et ce dès 2004 ;
- la mise en place d'un réseau de territoires pilotes pour prévenir et réduire les impacts négatifs du tourisme et préserver l'environnement et les ressources naturelles ;
- le développement d'agenda 21 locaux, encourageant un tourisme favorable au développement local ;
- la création d'un label national de qualité pour l'accueil des familles dans les stations touristiques ;
- de plus, la lutte contre le tourisme sexuel impliquant les enfants sera renforcée par une meilleure sensibilisation des touristes, une meilleure prise en compte de ce problème dans la formation des professionnels et un renforcement de la coopération internationale.
Comme vous pouvez le constater, l'heure n'est plus à la définition de concepts mais à l'action.
Vous avez également choisi comme thème majeur de ces 5èmes Sommets, dans cette belle ville de Chamonix, le partenariat public-privé.
La démarche de développement durable, que j'exhorte chacun à adopter, en est imprégnée. Quant au tourisme, il constitue, à mon sens un " accélérateur " de partenariat.
Ce double constat m'amène tout naturellement à me référer à la Charte européenne du tourisme durable dans les espaces protégés, qui est l'un des meilleurs exemples de partenariat public-privé d'envergure européenne.
Proposée depuis 1999 par la fédération Europarc dans les zones sensibles et protégés d'Europe, cette charte constitue pour les parcs et les espaces protégés un cadre de mise en oeuvre d'un tourisme durable entre trois partenaires :
- les gestionnaires des espaces protégés,
- les prestataires touristiques du territoire
- et les voyagistes extérieurs au territoire.
Chaque groupe d'acteurs signe un engagement spécifique pour 5 ans, dont les résultats sont évalués suivant des critères adaptés à chaque groupe.
17 parcs sont déjà engagés dans cette démarche exigeante.
Il convient également de se référer aux opérations de réhabilitation touristique de certains espaces délaissés : espaces portuaires, zones industrielles, anciennes mines, etc que beaucoup de villes et de régions ont soutenues en France, comme au Royaume-Uni et en Allemagne.
Permettez-moi encore de mettre l'accent sur les opérations Grands sites qui ont permis, depuis 1976, en France, de répondre, par une approche partenariale et non réglementaire, à la contradiction entre l'attractivité forte de certains hauts lieux touristiques, engendrant une forte fréquentation et le caractère unique de ces espaces, fragiles et à préserver aux plans naturel et culturel.
Ils doivent de surcroît pouvoir accueillir les visiteurs dans des conditions de sécurité, d'hygiène et d'information suffisantes.
Concrètement, dans le cadre d'une quarantaine d'opérations en cours d'étude et de travaux, les opérations grands sites consistent à restaurer la qualité paysagère et à assurer une gestion pérenne de ces sites, en concertation avec les collectivités locales et les habitants.
Je voudrais à cet égard rendre hommage à la ténacité des élus de Sixt Fer-à-Cheval, située non loin d'ici, qui se sont lancés dans les travaux de l'Opération Grand Site et ont été confrontés à une importante catastrophe naturelle : un éboulement sur la zone la plus touristique. Cet exemple montre combien une concertation " vivante " est un facteur de vigilance permettant de s'adapter aux aléas.
Un label Grand Site de France vient d'être créé, dont l'objectif est de certifier la qualité de la gestion générale de ces espaces et le maintien des caractéristiques paysagères et d'ambiance des lieux.
Ce label est très attendu des acteurs locaux qui y voient, à juste titre, un moyen de valoriser leurs efforts pour le maintien de la qualité du site et de l'accueil des visiteurs.
Ce label permet aussi un dialogue constructif entre les services de l'État au niveau local, les collectivités locales et certains partenaires privés.
Je souhaite enfin évoquer, en ces lieux, la " via alpina ", itinéraire de randonnée qui va relier les huit pays concernés par la Convention pour la protection des Alpes (Convention alpine) : Italie, France, Suisse, Autriche, Liechtenstein, Allemagne, Slovénie et Monaco.
La constitution en cours d'un réseau alpin, cohérent, de chemins mis à la disposition des randonneurs est une des réalisations concrètes de la Convention alpine.
Nul doute que ce projet transfrontalier a su créer une dynamique exemplaire en associant le réseau alpin des espaces protégés et les clubs alpins.
Comme vous le voyez, les exemples sont multiples.
Je viens même d'apprendre l'insertion dans les Guides Petits Futés, et ce dès 2004, d'un message du ministère (MEDD), sur deux pages, encourageant les lecteurs à intégrer la préservation de l'environnement dans leur comportement.
Ce Sommet, de même que les prix du développement durable touristique qui sont décernés, chaque année, à l'occasion de ces Sommets, démontrent qu'il est possible de proposer des produits et services touristiques :
- qui intègrent les principes du développement durable,
- et qui démontrent, de surcroît, que les partenariats publics-privés sont le gage d'activités touristiques pérennes favorisant le respect de ces mêmes principes.
En conclusion, je souhaite vous faire part des trois réflexions que m'inspirent l'activité touristique française et mondiale, activité foisonnante, c'est le moins qu'on puisse dire.
- La première est que la France est riche d'un patrimoine exceptionnel qui explique qu'elle soit la première destination touristique au monde : elle accueille 76 millions de touristes non résidents !
Elle est également riche d'un savoir-faire dont elle peut faire profiter les pays émergents et d'une ingénierie touristique liée à la neige et à la découverte de la nature : rappelons simplement que 8 millions de visiteurs fréquentent les parcs et réserves naturelles et que 4 millions de randonneurs parcourent nos 120 000 km de sentiers balisés.
Il faut reconnaître, néanmoins, que notre expérience française du tourisme durable est souvent restreinte au domaine de l'écologie.
Notre savoir-faire touristique a donc tout à gagner à inclure la dimension sociale et économique du développement durable de même qu'une plus grande association des acteurs des pays du Sud.
Les récentes orientations fixées par l'État vont dans ce sens, très clairement. Elles encouragent l'ensemble des acteurs du tourisme à s'engager résolument dans cette voie.
- La seconde réflexion est que le tourisme est sans doute l'une des activités économiques de référence, permettant de jauger la mise en oeuvre réelle des principes du développement durable.
Pourquoi ?
Parce que son impact, positif et négatif, sur le patrimoine culturel et environnemental de la planète est tel que tout changement de comportement, même d'une fraction de la clientèle touristique, engendre, du fait de l'échelle des populations concernées, des effets palpables.
Je vais à cet égard veiller à ce que l'activité touristique durable, sous ses différentes formes, soit bien prise en compte par les hauts fonctionnaires du développement durable chargés, à l'heure actuelle, en concertation avec la société civile, d'élaborer les indicateurs permettant d'apprécier la durabilité de notre développement.
- La troisième et dernière réflexion que je voulais vous apporter est un message d'encouragement. Quelles que soient ses vicissitudes, le tourisme est une activité économique de forte croissance.
Les expériences de partenariat entre les acteurs publics et privés, l'application des principes du développement durable, démontrent à l'envie que le tourisme durable ne repose pas sur des références creuses.
Il appartient seulement à chacun d'entre nous d'essaimer l'audace de ceux qui se sont engagés dans cette voie avant les autres. Nous en avons le cadre, les outils et une dynamique économique favorable.
A nous d'échanger et de mutualiser nos expériences et nos savoir-faire.
A nous aussi de comprendre que l'accueil et l'écoute des autres et le respect et la connaissance des autres cultures font plus que jamais partie intégrante de la démarche du tourisme durable.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 9 décembre 2003)