Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la mutualité et l'aide du ministère de la défense en faveur des mutuelles de la Défense nationale, Paris le 27 juin 2000.

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Circonstance : Assemblée générale de l'Union des mutuelles de la défense nationale, Paris le 27 juin 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les directeurs,
Messieurs les officiers généraux,
Messieurs les présidents des Fédérations,
Messieurs les Présidents des Mutuelles,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Je suis heureux de pouvoir revenir parmi vous, pour présider cette séance solennelle de l'assemblée générale de l'union des mutuelles de la défense nationale.
Notre rencontre d'aujourd'hui se déroule sous d'heureux auspices. Nous fêtons le cinquantenaire de l'union des mutuelles de la défense nationale et, hasard des circonstances, cet anniversaire se situe à un moment fort de l'histoire du mouvement mutualiste. A un moment où il s'apprête à prendre un nouveau départ, assuré du soutien fort et marqué que le président de la République et le Premier ministre lui ont apporté lors du 36ème congrès de la mutualité française.
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Cinquante ans pour une mutuelle, c'est encore la jeunesse, surtout si on prend la mutualité dans son ensemble pour référence. En effet, la mutualité plonge ses racines jusqu'au moyen âge.
L'union des mutuelles de la défense nationale qui, parmi les mutuelles qu'elle fédère en compte une plus que centenaire, s'amarre ainsi à l'époque ou la mutualité était à peine sortie de la suspicion dans laquelle étaient tenus les mouvements associatifs.
En autorisant le capitaine de Gendarmerie PAOLI à créer en 1889, l'ancêtre de la caisse nationale du gendarme, le ministère de la Défense faisait preuve de son intérêt pour les questions sociales et témoignait si besoin était, d'un esprit très moderne. Neuf ans plus tard, en 1898 était adoptée la charte de la mutualité.
La création elle-même de l'union des mutuelles de la défense nationale, était elle aussi marquée par un événement fort de l'histoire sociale. Elle intervient en effet cinq ans après l'institutionnalisation de la sécurité sociale.
La mutualité a été le premier mouvement social qui a apporté aux individus, sécurité, cohésion, entraide et prévoyance. Elle a précédé la sécurité sociale qui a trouvé dans la mutualité ses principes d'action. Pourtant, l'apparition de la sécurité sociale a été pour la mutualité un cap difficile à passer.
La couverture sociale devenant obligatoire, y avait-il encore une place pour une protection sociale volontaire ? Le mouvement mutualiste n'avait-il pas là achevé sa mission historique ? N'était-il temps pour la mutualité de disparaître ?
La mutualité s'est adaptée à ce nouvel environnement et, loin de disparaître, a rapidement pris sa place au côté de la sécurité sociale avec laquelle elle constitue dorénavant l'un des deux versants de notre système de protection sociale.
C'est dans ce cadre, que l'union des mutuelles de la défense nationale est apparue en 1950. Elle a été créée à l'initiative des présidents de la mutuelle civile de la guerre et de la mutuelle nationale militaire.
Elle regroupe des mutuelles civiles et militaires aux traditions et à l'histoire différentes. Les hommes qui ont animé et animent cette union, ont surmonté ces différences en privilégiant la force de l'unité et de la fraternité mutualiste. Ils ont su forger à cette union une identité propre.
Depuis cinquante ans, l'union a évolué, créée à l'origine pour défendre les intérêts mutualistes et permettre aux militaires de bénéficier des contrats de garanties ouverts aux personnels civils, elle s'est progressivement recentrée sur sa mission d'information, de coordination et d'échanges.
Elle est aujourd'hui à l'origine des campagnes de prévention en matière de santé au ministère, elle est aussi une source de documentation et d'information de premier rang et pour le ministère un interlocuteur de premier plan.
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Les évènements historiques impriment fortement leur marque à l'union, même son cinquantenaire ne se déroule pas à un moment anodin, mais en même temps que la mutualité s'engage dans une réforme en profondeur, de la même ampleur que celle qu'ont connu les armées, il y a peu.
Depuis de longues années, notre système de protection sociale connaît des difficultés sérieuses dues à une crise économique et sociale. Le gouvernement s'est engagé à mettre en uvre les moyens du redressement.
La sécurité sociale est désormais inscrite dans la Constitution et le Parlement se prononce sur les priorités de la santé et vote ses dépenses et ses recettes. Les équilibres financiers sont progressivement restaurés. Mais ils restent fragiles.
En ce qui concerne plus particulièrement la mutualité, la construction européenne, l'ancienneté de certaines dispositions régissant son fonctionnement qui dataient du XIXème siècle nécessitaient que soient prises les mesures requises pour adapter le premier et le plus important mouvement social français, à un monde qui a changé.
Après huit ans d'hésitation la France ne peut plus se soustraire à l'obligation de transposer les directives européennes dans notre droit. La tâche n'était pas facile après des études confiées à Monsieur ROCARD et Monsieur PENAUD, plusieurs projets ont été élaborés. Ces délais n'ont fait que renforcer les doutes et les inquiétudes des mutualistes qui voyaient là, l'occasion d'une remise en cause des valeurs de la mutualité et l'assimilation de son action à celle des compagnies d'assurances.
Mais la mutualité est une réalité historique et contemporaine à laquelle les Français sont attachés. Le gouvernement en concertation étroite avec les responsables mutualistes et la commission européenne, devait présenter un texte respectant les directives européennes, reconnaissant les spécificités mutualistes et les valeurs de la mutualité, comme l'a rappelé Lionel Jospin lors de son intervention au 36e congrès de la mutualité française.
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Ce projet présente plusieurs caractéristiques fortes et symboliques, j'en citerai quelques-unes :
- la non sélection et la non exclusion des adhérents,
Suivant des règles de conduite éthiques mais non écrites, les mutuelles ne sélectionnent pas leurs adhérents selon leur âge, ou leur état de santé et ne les excluent pas s'ils viennent à leur coûter très cher. Dorénavant, cette règle de conduite figurera en toutes lettres dans le code de la mutualité. C'est la reconnaissance d'un aspect essentiel de la mutualité. C'est aussi souligner avec force ce qui fait la différence entre le secteur mutualiste et le secteur assuranciel, entre la solidarité et la recherche de la rentabilité. C'est un point auquel devront être très attentifs nos personnels lorsqu'ils se livreront à des comparaisons entre les mutuelles et les assurances. Ils devront en tenir compte et en mesurer toutes les implications.
- l'amélioration de l'information des adhérents
En application de cette dernière disposition les mutuelles seront tenues de fournir à leurs nouveaux adhérents leur statut et leur règlement intérieur et tout document sur la vie de la mutuelle qu'ils seraient susceptibles de demander. En outre, les mutuelles devront informer les adhérents de tous les changements dans le statut ou le règlement intérieur. A défaut, ce changement ne serait pas opposable aux intéressés. Dans ce cas aussi, le projet de texte ne fera que formaliser une pratique et les principes anciens de nos mutuelles.
- la parité hommes-femmes au sein du conseil d'administration
L'égalité de traitement entre les hommes et les femmes figurant parmi les principes énumérés par le préambule de la constitution, les mutuelles ne sauraient échapper à cette règle.
- les facilités données à l'élu mutualiste pour exercer son mandat
Sans renoncer au bénévolat le projet de refonte du code de la mutualité crée un statut de l'élu mutualiste. Des facilités doivent lui être reconnues, son employeur devra notamment lui laisser le temps nécessaire pour exercer sa mission comme vous l'avez souligné Monsieur le Président. Je noterais que la directive ministérielle défense du 27 juillet 1989 prévoyait dès cette date de telles facilités.
- l'obligation de constituer des organismes spécifiques pour les réalisations sanitaires et sociales.
Il s'agit là de la transcription des directives européennes qui imposent une spécialisation des activités. Cet aspect du projet concerne plus particulièrement les mutuelles civiles qui ont créé de nombreuses réalisations sanitaires et sociales. Mais la mise en uvre de ce principe complexe à réaliser devrait permettre toutefois une meilleure gestion des risques.
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En plus d'une mutation juridique, les mutuelles seront concernées par une évolution fiscale, inspirée des dispositions en la matière, applicables aux associations.
[En l'état actuel du projet, il semble que les mutuelles devraient être exonérées de certaines charges, notamment des taxes sur les conventions d'assurance, pour ce qui concerne leur activité complémentaire de couverture du risque maladie maternité, de l'imposition sur les plus-values, de la taxe professionnelle, de l'imposition forfaitaire annuelle, ou encore de la taxe d'apprentissage. Par contre, il semble bien qu'elles n'échapperaient pas à l'impôt sur les sociétés, sur leurs résultats, et à la taxe sur les salaires.]
Sur ce point, la réflexion doit se poursuivre dans le cadre des discussions que vous avez engagées avec le Ministère de l'Economie et des Finances, comme vous y a invité le Premier Ministre.
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Le président DAVANT a également indiqué que la mise en place des nouvelles mesures envisagées conduirait à des regroupements inévitables. Le seuil de rentabilité est en effet estimé par les professionnels à 100 000 adhérents. Il importe donc de mettre en uvre tout ce qui pour l'avenir préservera le mouvement mutualiste propre aux personnels du ministère de la Défense, et comme vous l'avez dit Monsieur le Président, de rechercher toutes les synergies possibles.
Le président de la République vous invitait lors de son intervention au 36ème congrès de la mutualité française à participer à ce grand chantier qu'est la réforme de la sécurité sociale afin que les progrès médicaux deviennent accessibles à tous.
Je souhaite que les mutuelles de la défense participent à ces débats et fassent entendre leur voix, compte tenu de la place qu'elles occupent au sein de la Mutualité Fonction Publique.
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L'aventure de la mutualité continue donc et la votre en particulier, se poursuit en compagnie du ministère de la défense qui dans la mesure des moyens qui lui sont consentis, contribue à alléger quelque peu vos charges.
Financièrement, en allouant une subvention à chacune des mutuelles du ministère. Le montant en est évalué selon les même critères dans la clarté et la transparence.
L'aide de ministère se traduit aussi par un appui administratif et politique pour défendre votre spécificité.
Récemment encore, pour rester dans le cadre de la refonte du code de la mutualité, j'intervenais auprès de la ministre de l'emploi et de la solidarité afin que soient maintenues, sans changement, les mesures dérogatoires dont bénéficient les mutuelles militaires. Cette intervention a été réitérée au cours des séances de travail du Conseil d'Etat qui examine en ce moment ce projet de loi.
[Il semblerait que les modalités de désignation du président du conseil d'administration des mutuelles militaires serait du domaine de la loi et que la désignation du premier vice-président relèverait du domaine réglementaire.]
Cet appui se manifeste aussi par l'autorisation exclusive qui vous est accordée de pénétrer dans les établissements militaires pour présenter votre action. C'est là un moyen efficace face à vos concurrents, ces compagnies d'assurance déjà bien implantées dans le domaine de la santé.
Pour résister à cette concurrence, c'est vers les jeunes récemment embauchés ou engagés que vous tournez vos efforts, en aménageant les cotisations mais aussi en poursuivant sans relâche des actions d'information.
Cette information indispensable des adhérents, ou futurs adhérents, passe non seulement par le canal des actions que vous entreprenez au sein des établissements militaires, mais aussi par la diffusion d'informations dans les publications du ministère.
Je vous rappellerai à ce propos la parution du récent bulletin d'information sociale "BUS" sur les mutuelles et les associations. Ce travail avait notamment été mené en collaboration avec chacune des mutuelles du ministère. Cette collaboration s'ajoute aux diverses actions entreprises ensemble, à toutes les réunions qui, sur des thèmes divers comme celui des réservations de place dans les établissements de soins, nous conduisent à resserrer les liens qui naturellement nous unissent.
L'allègement de vos charges passe aussi par la mise à disposition de personnels. Cet effort dans le cadre de la restructuration des armées n'est pas négligeable.
Les réorganisations du ministère profitent aussi aux mutuelles du moins à l'une d'entre elles qui, avec l'intégration des services du secrétariat aux anciens combattants a bénéficié d'un afflux de nouveaux adhérents, tout comme la professionnalisation continue d'amener vers l'ensemble de nos mutuelles de jeunes adhérents qui contribuent à maintenir l'équilibre fragile des générations. 16 400 emplois militaires et 4521 emplois civils devraient être créés au cours de cette année.
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Au moment de conclure cette intervention, je voudrai rendre hommage au contrôleur général des armées Guy JOURDAIN, président de la mutuelle nationale militaire et à Monsieur Jean-Pierre VIAUD, président de la Mutuelle Nationale Aviation Marine qui tous deux vont cesser leurs fonctions.
Pendant six ans, vous avez chacun pris en main les destinées de ces mutuelles, la charge a été lourde. Ce sont des "entreprises" particulières qu'il faut gérer dans un contexte en perpétuelle mutation et sans jamais perdre de vue l'éthique mutualiste faite de solidarité, d'entraide, de prévoyance et de démocratie. Vous avez su tous deux vous acquitter de cette mission avec une compétence particulière. Les résultats de vos mutuelles respectives témoignent de vos efforts. Votre départ n'est pas une coupure avec la mutualité, je sais que vos successeurs pourront compter sur vos conseils et votre expérience pour mener à bien le passage de nos mutuelles dans un nouveau contexte réglementaire auquel les mutuelles devront s'adapter rapidement, soutenues par la confiance des 738 500 adhérents et des 1 624 000 personnes protégées par vos mutuelles ainsi que par le ministère, avec toujours pour ambition de faire vivre la solidarité dans notre pays.
Je vous remercie.
(Source http:www.defense.gouv.fr, le 7 juillet 2000).