Texte intégral
Un plan d'épargne à dix ans, c'est " trop long " pour améliorer le revenu des salariés et " trop court " pour compléter la retraite : président du groupe UDF à l'Assemblée nationale, Philippe Douste-Blazy reproche à Laurent Fabius de " mélanger les genres " avec son projet d'épargne salariale. Interrogé sur les baisses d'impôts envisagées par le gouvernement, il estime qu'elles ne sont " pas crédibles ", faute de maîtrise de la dépense publique.
Que pensez-vous du projet de loi sur l'épargne salariale présenté par Laurent Fabius ?
Il tente, en vain, d'apporter une réponse unique à trois problèmes distincts que connaît la France : la sous-capitalisation des entreprises, le financement des retraites et la stagnation du pouvoir d'achat. Ce faisant, le gouvernement mélange tout. Si l'on veut améliorer le revenu net des salariés et répondre aux attentes pressantes nées de la bonne santé de l'économie, un plan de dix ans, c'est trop long. A l'inverse, si l'on privilégie une logique de retraite, c'est trop court pour constituer un capital suffisant permettant de maintenir le pouvoir d'achat des futurs retraités. Tous les experts s'accordent pour reconnaître qu'il faut vingt à trente ans pour lisser les risques financiers et accumuler les capitaux qui feront naître une rente au moment de la retraite. Il aurait fallu faire deux projets distincts, l'un sur l'épargne salariale, l'autre sur l'épargne retraite.
Mais avec ce nouveau plan à long terme, il sera possible d'opter, en sortie, pour la rente, ce qui peut en faire un produit de retraite.
Là encore, il y a une confusion des genres. La logique de l'épargne retraite, c'est la rente, car c'est l'association d'épargne qui permet la solidité et la solidarité du système : le capital est mutualisé, le fruit du capital, c'est-à-dire la rente, est redistribué.
Quant à l'épargne salariale, elle est un revenu différé. En ce sens, la sortie en capital est logique. Mais dix ans d'attente, soit le double des PEE, cela n'a rien d'attractif au moment où les salaires sont bloqués, en partie en raison des 35 heures. Il proposer aux Français un troisième étage de retraite, par capitalisation, qui leur permette de maintenir leur pouvoir d'achat au moment de la retraite. Nous sommes les seuls de l'Union européenne à nous voiler la face.
Il existe, pourtant, un fonds de réserve des retraites. N'est-ce pas de la capitalisation collective ?
Son montant est trop faible, puisqu'il faudrait dégager une rente de 350 millions de francs en 2015, ce qui suppose un capital de 7.000 milliards de francs. Avec 30 milliards, nous sommes loin du compte. A terme, il s'agirait d'un fonds de pension d'Etat, qui placerait ses capitaux dans les entreprises. C'est le retour du capitalisme d'Etat dont les Français ont déjà payé les échecs et les dérives.
Le gouvernement envisage un plan d'une centaine de milliards de francs de baisses d'impôts sur trois ans. Jospin ne fait-il pas mieux que Juppé sur ce terrain de prédilection de la droite ?
Il ne pourra y avoir de baisses d'impôts que si le gouvernement maîtrise, voire diminue les dépenses publiques. Sinon, les annonces sur ce sujet n'auront aucune crédibilité. Si les dépenses publiques continuent d'évoluer au rythme actuel, au premier signe de retournement conjoncturel, les programmes de baisses d'impôts ne seront pas tenables. Je préfère parler de diminution des prélèvements obligatoires. Avec la croissance retrouvée, il est temps d'augmenter le pouvoir d'achat des Français. Nous proposons de baisser les charges sociales sur les salaires allant de 1 SMIC à 1,6 SMIC. Cela permettrait de redonner un mois de salaire par an à ces salariés. Au-delà de 1,6 SMIC, il faut passer par la baisse de l'impôt sur le revenu. Ainsi, la croissance serait partagée.
Jugez-vous crédible l'objectif d'un chômage de moins de 9% à la fin de l'année ?
Je ne me résous pas à penser, comme l'actuelle majorité, que le chômage structurel serait en France de 8%. Avec le rejet de la convention d'assurance-chômage, la France a raté une occasion d'aller plus loin dans l'amélioration de l'emploi. Même si cet accord pouvait être amélioré, il était favorable à la fois aux salariés, aux chômeurs et aux employeurs. Il faudra bien que le gouvernement dise à quelle logique économique répond sa politique.
Propos recueillis par Jean-François Pécresse
(Source http://www.udf.org, le 1er août 2000)
Que pensez-vous du projet de loi sur l'épargne salariale présenté par Laurent Fabius ?
Il tente, en vain, d'apporter une réponse unique à trois problèmes distincts que connaît la France : la sous-capitalisation des entreprises, le financement des retraites et la stagnation du pouvoir d'achat. Ce faisant, le gouvernement mélange tout. Si l'on veut améliorer le revenu net des salariés et répondre aux attentes pressantes nées de la bonne santé de l'économie, un plan de dix ans, c'est trop long. A l'inverse, si l'on privilégie une logique de retraite, c'est trop court pour constituer un capital suffisant permettant de maintenir le pouvoir d'achat des futurs retraités. Tous les experts s'accordent pour reconnaître qu'il faut vingt à trente ans pour lisser les risques financiers et accumuler les capitaux qui feront naître une rente au moment de la retraite. Il aurait fallu faire deux projets distincts, l'un sur l'épargne salariale, l'autre sur l'épargne retraite.
Mais avec ce nouveau plan à long terme, il sera possible d'opter, en sortie, pour la rente, ce qui peut en faire un produit de retraite.
Là encore, il y a une confusion des genres. La logique de l'épargne retraite, c'est la rente, car c'est l'association d'épargne qui permet la solidité et la solidarité du système : le capital est mutualisé, le fruit du capital, c'est-à-dire la rente, est redistribué.
Quant à l'épargne salariale, elle est un revenu différé. En ce sens, la sortie en capital est logique. Mais dix ans d'attente, soit le double des PEE, cela n'a rien d'attractif au moment où les salaires sont bloqués, en partie en raison des 35 heures. Il proposer aux Français un troisième étage de retraite, par capitalisation, qui leur permette de maintenir leur pouvoir d'achat au moment de la retraite. Nous sommes les seuls de l'Union européenne à nous voiler la face.
Il existe, pourtant, un fonds de réserve des retraites. N'est-ce pas de la capitalisation collective ?
Son montant est trop faible, puisqu'il faudrait dégager une rente de 350 millions de francs en 2015, ce qui suppose un capital de 7.000 milliards de francs. Avec 30 milliards, nous sommes loin du compte. A terme, il s'agirait d'un fonds de pension d'Etat, qui placerait ses capitaux dans les entreprises. C'est le retour du capitalisme d'Etat dont les Français ont déjà payé les échecs et les dérives.
Le gouvernement envisage un plan d'une centaine de milliards de francs de baisses d'impôts sur trois ans. Jospin ne fait-il pas mieux que Juppé sur ce terrain de prédilection de la droite ?
Il ne pourra y avoir de baisses d'impôts que si le gouvernement maîtrise, voire diminue les dépenses publiques. Sinon, les annonces sur ce sujet n'auront aucune crédibilité. Si les dépenses publiques continuent d'évoluer au rythme actuel, au premier signe de retournement conjoncturel, les programmes de baisses d'impôts ne seront pas tenables. Je préfère parler de diminution des prélèvements obligatoires. Avec la croissance retrouvée, il est temps d'augmenter le pouvoir d'achat des Français. Nous proposons de baisser les charges sociales sur les salaires allant de 1 SMIC à 1,6 SMIC. Cela permettrait de redonner un mois de salaire par an à ces salariés. Au-delà de 1,6 SMIC, il faut passer par la baisse de l'impôt sur le revenu. Ainsi, la croissance serait partagée.
Jugez-vous crédible l'objectif d'un chômage de moins de 9% à la fin de l'année ?
Je ne me résous pas à penser, comme l'actuelle majorité, que le chômage structurel serait en France de 8%. Avec le rejet de la convention d'assurance-chômage, la France a raté une occasion d'aller plus loin dans l'amélioration de l'emploi. Même si cet accord pouvait être amélioré, il était favorable à la fois aux salariés, aux chômeurs et aux employeurs. Il faudra bien que le gouvernement dise à quelle logique économique répond sa politique.
Propos recueillis par Jean-François Pécresse
(Source http://www.udf.org, le 1er août 2000)