Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur le projet de loi "Solidarité et renouvellement urbains", Paris, le 2 février 2000.

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Texte intégral

Le projet de loi qui vous est soumis ce matin, élaboré conjointement avec Louis BESSON et avec l'appui du ministre délégué de la Ville, Claude BARTOLONE et à qui je vais passer la parole :
se fonde sur un double constat
propose une réelle ambition
formule des propositions concrètes et opérationnelles.

1 - Le Constat
La France est de plus en plus urbaine. 80 % de nos concitoyens vivent dans ce qu'il est convenu d'appeler l'espace urbain : la ville centre, la ville périphérique, la ville périurbaine.
Mais, au delà de ces espaces urbains historiquement constitués on en voie de l'être, nos compatriotes, y compris dans le milieu rural, aspirent, et de façon légitime, aux services offerts par la ville en matière de formation, de culture, de loisirs, de chalandise.
Cette réalité vécue ne s'oppose pas et ne doit pas s'opposer à la revitalisation du monde rural auquel sont attachés bien évidemment ceux qui en vivent mais aussi les urbains qui en sont majoritairement issus.
1.2. - Les habitants de nos villes ne se reconnaissent plus dans la conception, pourtant à l'époque déterminante et positive, qui a fondé, forgé, modulé nos villes d'aujourd'hui.
Nier les effets bénéfiques de la politique hardie de la reconstruction, les conséquences souvent heureuses de la planification urbaine serait une injure injustifiée aux générations qui nous ont précédé.
Il n'empêche que cet effort de la collectivité nationale, dopé par une croissance que chacun prédisait durable, a engendré des effets pervers que nous ne pouvons ignorer et contre lesquels il nous faut impérativement réagir.
Ainsi nous vivons depuis plusieurs décennies :
une extension souvent mal maîtrisée de l'urbanisation générant gaspillage d'espace, dépérissement de certains quartiers existants, surcoût des infrastructures, croissance continue des transports individuels inacceptables à terme pour la qualité de la vie ;
accroissement des inégalités sociales et spatiales qui pensent conduire à remettre en cause le lien social et ébranler les bases du contrat républicain et du fonctionnement de la démocratie.
Face à ces réalités pesantes, les textes fondateurs ont été modifiés, non dans leur fondement, mais par une série d'amendements permettant de pallier à leurs faiblesses les plus criantes : la liste est longue, de la réforme du logement social à la loi sur la qualité de l'air en passant par la politique spécifique sur les quartiers en difficulté.
Ces efforts louables n'ont pu atteindre leur pleine efficacité. Leurs intentions n'étaient et ne sont pas contestables. Mais elles ne suffisent pas.
L'empilement des mesures, aussi opportunes soient elles, ne suffit pas à donner du sens. Or, ce que nos concitoyens souhaitent, c'est, pour demain un véritable projet urbain.
2 - L'ambition
Cette aspiration légitime et partagée est l'ambition du projet de loi, véritable projet de société.
Projet de loi s'inscrivant dans la continuité de la loi Voynet sur l'aménagement durable du territoire et de la loi Chevènement sur l'intercommunalité ;
projet de loi assis sur des valeurs fondamentales exprimées avec conviction par l'ensemble des acteurs rencontrés lors du débat que nous avons initié avec Louis BESSON dans six grandes agglomérations de province sur le thème "Habiter, se déplacer ... vivre en ville".

Nous en avons retenu trois idées-forces :
Solidarité et partage impliquant les idées de renouvellement urbain, de fonction d'échange, de mixité sociale, de renforcement des liens entre l'urbain et le rural.
Développement durable et qualité de la vie : imposant une nouvelle conception des déplacements donnant toute leur place aux différents modes de transport - et pas uniquement à la voiture - en privilégiant l'écologie urbaine et en veillant à l'équilibre fragile entre espaces urbanisés et espaces protégés et agricoles.
Démocratie et décentralisation en privilégiant le dialogue sur la procédure et en établissant des rapports nouveaux et constructifs entre les communes et les agglomérations.
Décentralisation confortée dans le cadre de règles du jeu claires fondées sur la notion simple mais partagée d'un État, garant de la solidarité.
Des mesures opérationnelles et concrètes articulées autour de points fondamentaux.
Donner de la cohérence aux politiques urbaines.
Trente ans après la loi d'orientation foncière, la planification urbaine fondée sur une logique fonctionnelle de zonage doit être revue pour répondre aux enjeux d'aujourd'hui. A l'échelle de l'agglomération dans le cadre des schémas territoriaux de cohérence territoriale, à l'échelle de la commune avec le plan local d'urbanisme, la conjugaison des politiques spatiales, de déplacement et de l'habitat sera recherchée dans l'élaboration de véritables projets urbains.
Ces politiques d'urbanisme seront rendues plus claires, leur élaboration plus démocratique, leur application sécurisée.
La fiscalité de l'urbanisme sera reformée de façon à favoriser une utilisation plus rationnelle des espaces.
Conforter la politique de la ville.
La solidarité urbaine, objectif que personne peut réellement contester, implique que toutes les communes dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants contribuent au droit au logement et à la mixité sociale.
Est-il acceptable que les communes concentrent une majorité de logements sociaux pendant que d'autres les refusent ? La réponse est évidemment négative.
Ne rien faire, c'est accepter une spirale du déséquilibre conduisant à une dualité insupportable de l'espace urbain.
Il est donc nécessaire d'adapter le dispositif doté en 1991 en le rendant plus opérant.
Il ne s'agit en aucun cas d'un retour de l'État dans la politique urbaine des collectivités territoriales mais bien de faire en sorte que l'État, garant ultime de la solidarité, joue son rôle.
Il est, par ailleurs, urgent que soit trouvée une solution aux copropriétés dégradées, véritables plaies urbaines. Des mesures spécifiques sont proposées.

Mettre en uvre une politique de déplacements au service du développement durable.
Outre la mise en cohérence entre planification urbaine et planification des déplacements, il est nécessaire de rendre prescriptifs les plans de développement urbain afin de permettre aux autorités organisatrices de déplacement de mener des politiques volontaristes en matière de transport collectifs, de gestion et d'organisation du stationnement ou de la distribution des marchandises en ville.
Toujours dans un souci de cohérence et de complémentarité, la possibilité sera donnée aux régions, aux départements et aux autorités organisatrices de déplacement de coopérer au sein de syndicats mixtes de transport.
Par ailleurs, le projet prévoit l'entrée de la Région Île-de-France au Syndicat des Transports d'Île-de-France dans un cadre novateur de contractualisation pluriannuelle avec les transporteurs et le renforcement du contrôle de la maîtrise d'ouvrage.
Enfin, les résultats encourageant des expérimentations des transports express régionaux incite à franchir une nouvelle étape de décentralisation de ces services dans des conditions de totale transparence.
Assurer une offre d'habitat diversifiée et de qualité.
Le projet de loi réaffirme la mission des organismes HLM au service du droit au logement et de la mixité sociale.
Ainsi le statut du patrimoine HLM sera clarifié pour assurer sa pérennité. Les modalités de financement de la caisse de garantie du logement social seront revues dans le sens d'une plus grande solidarité entre les organismes.
Les mécanismes de concertation entre les organismes HLM et leurs locataires seront développés ; il s'agit de créer les conditions d'un dialogue régulier entre bailleurs et locataires notamment sur les projets de travaux.
Par ailleurs l'amélioration du parc privé reste un enjeu important pour développer un habitat diversifié et de qualité.
Le projet de loi permettra aux autorités publiques de traiter de façon plus efficace les situations d'insalubrité ou de péril qui existent encore trop souvent dans l'habitat ancien de nos villes. Les législations correspondantes seront modernisées et clarifiées. Elles permettront de mieux garantir les droits des occupants notamment en matière de relogement.
De même les dispositifs de prévention et de traitement des copropriétés dégradées, problème qui prend une ampleur préoccupantes, seront renforcées.

La réforme de l'ANAH qui permettra une gestion unifiée des différentes aides au parc privé accompagnera cette réforme des outils d'intervention sur le parc privé dégradé.
Nous sommes à n'en pas douter, dans la civilisation urbaine.
Civilisation urbaine :
dont nous ne devons pas avoir peur
qui ne doit en aucun cas être opposé au monde rural
mais dont nous devons dessiner les contours pour répondre aux aspirations fondamentales de nos concitoyens :
une ville équilibrée et économiquement puissanteune ville sûre et non polluée
une ville non ségrégée spatialement et socialement. Bref, une ville, véritable lieu d'urbanité.
Pari ambitieux mais nécessaire.
Le projet de loi s'inscrit dans cette démarche.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 04 février 2000).