Déclaration de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, sur les attentes de la CFDT concernant la réforme de l'assurance maladie, Assemblée nationale le 29 avril 2004.

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Circonstance : Audition de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, devant la Misssion d'information sur la problématique de l'assurance maladie à l'Assemblée nationale le 29 avril 2004

Texte intégral

Monsieur le Président
Mesdames, messieurs les députés,
Je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui. Permettez-moi de dire quelques mots en préalable avant de vous indiquer les éléments essentiels de nos propositions.
En effet, existe-t-il une fatalité pour que notre pays se montre incapable de débattre autrement que dans l'urgence et la dramatisation des principaux dossiers auxquels il est affronté ? Pourtant, en matière d'assurance maladie, nous devrions nous réjouir d'avoir construit un système qui permet à la quasi totalité de la population d'avoir accès à des soins de qualité. Même si l'on sait bien que le système de soins n'est pas le seul responsable du formidable bond en avant de l'espérance de vie, il y a bien évidemment contribué.
Il serait temps que nous comprenions que l'assurance maladie fait partie des domaines qu'il faut en permanence adapter. Aucun pays au monde n'a trouvé de solution définitive au financement de ses dépenses de santé. Périodiquement, il faut remettre l'ouvrage sur le métier car les différentes mesures ont une durabilité variable. Cela nous évitera de sortir périodiquement tout le vocabulaire de la dramaturgie. Au contraire, nous devons expliquer à nos concitoyens qu'un système vivant ne peut rester figé, que les progrès thérapeutiques permettent de mieux soigner mais nécessitent en même temps de nouvelles organisations, de nouveaux rapports entre les professionnels, de nouvelles relations entre les patients et les professionnels, voire de nouveaux financements.
Est-ce que la dernière ligne droite qui pourrait nous amener - je devrais dire vous amener - à prendre des décisions positives pour l'assurance maladie sera une étape réussie ? Nous le souhaitons. Nous souhaitons même que tout soit fait pour faciliter la recherche de solutions qui recevraient l'assentiment d'une grande partie de la représentation nationale. Nous pensons qu'il existe quelques dossiers, celui de la santé en fait partie, autour desquels il serait bon que la communauté nationale se rassemble. Dans le domaine de la santé et de l'assurance maladie, plusieurs conceptions peuvent s'opposer et cela est normal en démocratie mais nous savons aujourd'hui que les principaux choix que notre pays peut faire dépassent les clivages politiques. L'accord est large pour maintenir et améliorer un système solidaire qui laisse de moins en moins de gens au bord de la route, pour un système qui veut concilier financement solidaire avec une offre de soins diversifiée, libérale pour l'essentiel en ville, majoritairement publique à l'hôpital. Les travaux du Haut Conseil auxquels participaient des parlementaires de la majorité et de l'opposition montrent que des analyses approfondies peuvent converger.
Avant de répondre à vos questions, je formulerais quelques remarques qui me permettront, de vous montrer dans quel état d'esprit nous abordons la période.
1- Une opposition résolue à une simple réforme financière
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a pointé les carences de notre système en matière d'organisation. Nous l'avons déjà exprimé à de nombreuses reprises, la CFDT ne donnera pas son aval à des mesures qui ne viseraient qu'à répondre aux difficultés financières de l'heure. Nous avons trop connu de plans financiers qui n'ont jamais permis de toucher à l'organisation pour en approuver un nouveau sur des bases identiques. Les plans qui ont souvent amené à baisser les niveaux de remboursement n'ont contribué qu'à un résultat au fil des années : exclure une partie de la population et c'est pour cela qu'il a fallu créer la CMU. Ceux qui lisent ou écoutent nos propos savent que nous disons sans relâche depuis 1998 qu'il faut s'attaquer à la réorganisation du système de soins.
2 - Des progrès importants depuis 1996
La réforme de 1996 et certaines des évolutions qui ont suivi ont permis d'engager un processus de transformation structurelle de l'Assurance Maladie. Cette réforme a incontestablement marqué une rupture positive : Le débat sur les dépenses de santé est devenu public. Pour la première fois, les notions de qualité et d'utilité des soins sont devenues des éléments du débat public. Quatre points majeurs qui structurent désormais notre système, trouvent leur origine dans la réforme engagée en 1996 :
- le Parlement voit son rôle reconnu avec le vote annuel de la loi de financement de la Sécurité Sociale.
- Le principe de l'universalité de l'accès aux soins a franchi une étape importante avec la loi sur la CMU.
- Le financement s'est élargi à l'ensemble des revenus. Il ne repose plus uniquement sur les seuls revenus du travail.
- Pour la première fois une réforme visait à impliquer réellement l'assurance maladie dans la gestion du risque. Cette dernière fonction rendait nécessaire une rénovation des relations conventionnelles avec les professionnels de santé. Après une période de difficultés importantes qui ne sont pas encore totalement derrière nous, celle-ci s'est engagée avec la plupart des professions.
3- Quatre constats
o En rendant plus lisible l'intervention de l'Etat, et en impliquant d'avantage l'assurance maladie sur la gestion du risque, les changements intervenus depuis 1996 ont du même coup, mis en plein jour le manque de clarification dans les relations entre l'Etat, l'assurance maladie et les professionnels de santé. L'Etat a en effet joué un rôle croissant dans la gestion de l'assurance maladie depuis les années 60.
o De même l'objectif de rénover les relations conventionnelles en voulant développer une responsabilité partagée entre les différents acteurs du système de soins, a mis au grand jour l'ambiguïté des relations existant entre les professionnels de santé libéraux d'une part, l'Etat et l'assurance maladie d'autre part.
o Ensuite en améliorant la couverture des populations, la loi sur la CMU a consacré le fait que disposer d'une couverture sociale complémentaire, au-delà du régime de base, est désormais indispensable pour que toute la population bénéficie véritablement de l'accès aux soins. En fait la CMU dont l'objectif initial était seulement de répondre aux inégalités profondes dans l'accès aux soins a permis de faire la démonstration que le système de soins ne pouvait pas se réguler sans une articulation plus forte entre les régimes de base et les assureurs complémentaires.
o Enfin l'universalité du financement auquel nous sommes parvenus a montré qu'un bon système de financement n'exonère pas les différents acteurs d'agir sur les causes de l'explosion des dépenses. Cela est particulièrement clair avec le retour d'une croissance faible, sauf à décider d'augmentations régulières des cotisations ou à rejeter sur les générations futures les déficits d'aujourd'hui.
(Source http://cfdt.crte.idf.free.fr, le 28 mai 2004)