Texte intégral
La réunion a été marquée par plusieurs interventions pour féliciter la France de sa victoire lors du match de football hier soir. Je suis très touché par l'intervention très fair-play de Jack Straw. C'est vrai que c'était un beau match, qui prouve, d'ailleurs, que dans toute compétition non seulement il faut être fair-play mais il ne faut jamais désespérer. C'est un peu l'état d'esprit qui doit nous habiter dans cette dernière ligne droite pour obtenir un bon résultat et une bonne Constitution.
Je voudrais évoquer maintenant le point principal de notre réunion de ce matin, à quelques jours de la conclusion de cette longue négociation qui a commencé il y a plus de deux ans et qui doit se conclure positivement au sein du Conseil européen. Cela veut dire sur un accord et sur une bonne Constitution dont le texte doit être, à mes yeux, le plus près possible des travaux de la Convention. Je vous le redis, nous sommes dans la dernière ligne droite. La Présidence irlandaise a utilisé une méthode qui a été acceptée par tous et que nous avons soutenue. Je répète qu'elle a fait, tout au long des mois passés, un travail très intelligent. Et c'est à ce travail que l'on devra, sans doute, je le souhaite, une conclusion positive sur une bonne Constitution. La méthode de la Présidence irlandaise était de procéder par ajustements successifs, après avoir écouté tout le monde. Et c'est ce qu'elle a encore fait ce matin, de telle sorte qu'elle puisse limiter les questions qui vont remonter jeudi et vendredi prochains au Conseil européen. Il y aura jeudi probablement deux documents sur la table des chefs d'État et de gouvernement : une proposition qui tiendra compte de nos derniers débats d'aujourd'hui sur tout ce qui fait l'objet, aux yeux de la Présidence, d'un accord - donc une proposition définitive - et le ministre irlandais a souhaité qu'on n'y revienne pas. Et puis, probablement un autre document avec certaines questions qui restent ouvertes et qui devront être tranchées par les chefs d'État et de gouvernement sur les questions institutionnelles, le préambule et peut-être un ou deux points liés au champ de la majorité qualifiée.
Le sentiment général que j'ai senti ce matin était que l'on va, que l'on doit aller, vers un accord jeudi et vendredi. Et probablement la nécessité politique de cet accord est peut-être plus affirmée depuis hier soir. Voilà ce que je ressens à la suite du résultat des élections européennes, de l'abstention extrêmement forte que l'on a constaté dans tous les pays européens. Ce sentiment, je l'ai déjà exprimé avant même les élections devant vous : dans le climat que l'on ressent dans l'opinion, il y a de l'inquiétude liée à l'insécurité, à l'instabilité du monde, aux problèmes sociaux. Il faut que la maison européenne soit en ordre. Et le meilleur signal que l'on puisse donner pour montrer aux citoyens que la maison est en ordre, pour qu'on affronte efficacement les enjeux ou les défis de la croissance, de l'écologie, de la sécurité, c'est clairement de se mettre d'accord sur cette Constitution. Mon opinion personnelle c'est que le résultat des élections hier doit encourager les chefs d'État et de gouvernement à aboutir à cet accord.
Vous connaissez les positions françaises. Je ne reviens pas sur les différents points. Peut-être un mot sur un sujet que j'ai évoqué ce matin qui touche à la majorité qualifiée. Vous connaissez nos demandes sur la majorité qualifiée, voire nos réserves pour qu'on ne revienne pas en arrière sur certains sujets, qu'on aille un peu en avant, notamment sur la dimension sociale. La Présidence irlandaise doit naturellement tenir compte des réserves ou des demandes des autres. Mon souhait est qu'elle trouve un équilibre entre ce que demandent les uns et les autres. Il faut un équilibre d'ensemble sur cette question et naturellement s'assurer de ce qui est, pour moi, la question principale - je crois d'ailleurs qu'on sous-estime cette question, de manière générale -, comment cette Union va-t-elle décider ? Si nous ne nous sommes pas tus, tout au long de la Convention, comme encore aujourd'hui, pour qu'on ne recule pas mais qu'on avance sur certains sujets, c'est pour que cette Union soit capable de décider et d'agir.
Un deuxième point a fait l'objet d'une discussion à l'instant, au déjeuner, concernant la phase nouvelle qui est ouverte en Irak après l'adoption de la résolution 1546. L'Union exprime, va exprimer, à partir des propositions de la Commission et de la lettre commune de Javier Solana et de Chris Patten, sa disponibilité pour participer à la reconstruction politique et économique de l'Irak. Cette manifestation d'unité de l'Union européenne, que j'ai d'ailleurs soulignée au cours du déjeuner, me paraît très importante. C'est une unité qui est reconstruite ou qui se retrouve après un certain nombre de divisions entre nous. Et je trouve très important que l'on manifeste ainsi l'unité politique, à partir du moment où la résolution encadre le nouveau processus qui est engagé à Bagdad pour aider l'Irak à retrouver sa place au sein de la communauté internationale, et en même temps que nous manifestions notre disponibilité pour aider ce processus à réussir. Nous aidons, nous voulons aider cette région à sortir d'une spirale de violence dont on a encore vu, dans les heures passées, des exemples tragiques avec une douzaine de morts, dont d'ailleurs un Français, dans laquelle sont plongés cette région et l'Irak depuis trop longtemps. Toutes les idées qui ont été proposées par la Commission et par Javier Solana sont utiles. J'ai simplement évoqué le souhait et l'exigence de pragmatisme qui doit sous-tendre l'action de l'Union européenne. Il faut que notre engagement européen soit graduel, progressif, concret. Voilà pourquoi il faut réfléchir précisément, dès maintenant, à l'aide que nous pouvons apporter au processus électoral, l'aide que nous apporterons le moment venu à la formation du personnel de sécurité ou de la gendarmerie, l'aide que nous apporterons à la reconstruction économique et politique. Donc, réfléchissons maintenant et engageons l'action de l'Union européenne de manière progressive et graduelle en tenant compte de la situation de sécurité, de l'évolution de ce processus de transition politique. J'ai également exprimé le souhait que notre engagement européen s'inscrive dans une très étroite coordination avec les Nations Unies. Dans la déclaration qui sera faite aujourd'hui, il sera fait référence aussi, et nous avons été heureux que cela soit inscrit, à l'exigence que tous les prisonniers en Irak soient traités dans le respect des lois internationales.
Au moment où je vous ai rejoint, Louis Michel rendait compte de la mission très utile qu'il a faite en République démocratique du Congo pendant plusieurs jours où il a rencontré tous les interlocuteurs de ce pays et de la région. J'indique simplement que la transition engagée dans ce pays est toujours fragile mais il n'y a pas d'alternative à ce processus de transition. Nous voulons sauvegarder tout ce qui a été réalisé depuis un an dans ce pays à la fois par les autorités congolaises et par les pays voisins. Nous avons insisté, j'ai insisté, auprès de Louis Michel, et c'est le message qu'il a fait passer pour dire que la paix ne sera durable dans la région des Grands Lacs que si la République démocratique du Congo recouvre sa totale souveraineté ainsi que son intégrité territoriale. Et c'est le sens de la politique que conduit l'Union européenne.
Je voudrais peut-être simplement évoquer la question du Proche-Orient, qui sera l'objet d'un des points de la discussion cet après-midi, pour rappeler ce que j'ai déjà eu l'occasion plusieurs fois de dire, c'est-à-dire notre attachement unanime à la Feuille de route, à la négociation, au respect de ce cadre très important que constitue le Quartet. Il me semble d'ailleurs que les différents partenaires du Quartet que sont les États-Unis, les Nations unies, la Russie et l'Union européenne ont réaffirmé leurs engagements sur ces différents points.
Dans ce cadre-là, dans le cadre des dispositions de la Feuille de route, l'adoption par le cabinet israélien du plan de désengagement de Gaza est un élément positif qu'il faut réussir. Nous pensons aussi que le dialogue entre Israéliens et Palestiniens doit reprendre parallèlement puisque, de mon point de vue, il n'y a pas d'alternative à ce dialogue sauf la violence ou la poursuite de la violence. Je pense que le retrait de Gaza peut contribuer à la reprise du dialogue s'il permet à l'Autorité palestinienne d'exercer, notamment dans le domaine de la sécurité, sa pleine responsabilité. Il faut dire aussi, c'est mon sentiment, que l'Union doit être prête à l'accompagner pour que ce retrait de Gaza réussisse.
Enfin, un point très important, auquel j'ai apporté une attention particulière, peut-être une information que je voulais vous confirmer : l'accord sur l'Agence de l'Armement est maintenant acté. C'est grâce à un travail très patient et très tenace qu'il a été obtenu. Je veux rendre hommage aux différents membres du COREPER. Cet accord a été obtenu. Je dis que j'y ai apporté de l'attention parce que cette proposition figure dans les propositions de la Convention auxquelles j'ai travaillé comme président du groupe sur la défense au sein de cette Convention. C'était une de nos propositions. La France a une vision ambitieuse du rôle de cette Agence. Et c'est ce que nous avons fait valoir dans les travaux du COREPER, dans les quatre domaines d'intervention qui avaient été définis : le développement des capacités de défense, le domaine de la recherche, celui des acquisitions et celui de l'armement. Et voilà dans quel esprit, avec quelle ambition nous avons participé aux discussions qui ont eu lieu pour trouver un accord sur cette agence. Et je voudrais là encore féliciter la Présidence irlandaise pour ces efforts et sa détermination. Naturellement, il faut maintenant travailler, continuer à travailler pour mettre en place effectivement cette Agence et sa montée en puissance opérationnelle. Voilà le bref compte-rendu que je voulais vous faire, en vous remerciant pour votre attention.
Q - Quelles sont, à votre avis, les chances de parvenir à un accord sur le volet institutionnel que vous avez évoqué ce matin ? On a l'impression que nous sommes très en deçà du texte élaboré par la Convention.
R - Non. Nous ne sommes pas très en deçà. Nous sommes en deçà de certaines ambitions affichées dans la Convention mais les points sur lesquels nous avons travaillé ce matin sont vraiment ceux sur lesquels il faut des ajustements. Nous ne sommes pas très en deçà du texte de Naples, franchement. Par exemple sur les coopérations renforcées, j'ai dit, mais je n'étais pas le seul, mon attachement à la clause "passerelle" et je pense qu'on la retrouvera. Donc nous ne sommes pas très en deçà. Nous avons même, dans le domaine social, quelques avancées modestes, mais elles sont toutes bonnes à prendre. Mon sentiment, je le répète, c'est qu'il y avait ce matin une volonté de ne pas dramatiser les différentes demandes ou réserves des uns et des autres afin d'aboutir à un accord. Voilà. Je pense que nous serons, franchement, assez près de l'esprit et de la lettre du texte de Naples qui a toujours été pour moi la dernière référence, en tout cas depuis que la CIG a commencé.
Q - Y a-t-il des noms qui circulent concernant la future Commission ?
R - Si je vous dis qu'aucun nom circule vous ne me croirez pas. Mais je ne ferai pas de commentaire sur ce sujet, parce qu'il est réservé à la discussion des chefs d'État jeudi soir et je pense que c'est bien ainsi que ce soit les chefs d'État et de gouvernement qui fassent le point du meilleur candidat possible à la présidence de la Commission européenne. C'est leur responsabilité.
Q - (Sur la clause "passerelle" et les ratifications de la Constitution dans les pays de l'Union européenne)
R - Je pense qu'on va finir par reconnaître le bon sens : cette clause "passerelle" est utile dans les coopérations renforcées. Elle peut faciliter un accord entre nous jeudi ou vendredi. Donc, j'ai exprimé mon souhait qu'on préserve bien cette clause "passerelle" pour faciliter les coopérations renforcées. C'est aussi la contrepartie au fait qu'on n'avance pas tout de suite sur la majorité qualifiée, sur certains sujets où, pourtant, on devrait pouvoir avancer, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Mais il faut tenir compte des réserves ou des lignes rouges de tel ou tel. On ne peut pas refuser d'avancer sur tous les sujets. Donc, je pense que la coopération renforcée doit être facilitée puisqu'elle est un moyen communautaire, dans le cadre du Traité, d'avancer en éclaireurs, pour certains, en ouvrant la route aux autres, si je puis dire, la route commune où se trouvent tous les autres.
Ce n'est pas sur ce sujet là qu'on obtiendra cet enthousiasme populaire pour ratifier, dans tel ou tel pays, le texte de la Constitution. Il faudra parler d'autre chose que de la clause "passerelle", si je puis me permettre. Je ne peux pas préjuger, franchement, de la manière dont se passeront les ratifications. Commençons par avoir une bonne Constitution. Et on jugera de cette Constitution au-delà des accords ou des compromis que l'on va trouver d'ici jeudi ou vendredi sur tel ou tel point. C'est la demande que je vous fais, dans les commentaires compétents, sans être complaisants, que vous ferez de nos travaux, n'oubliez pas tout ce qui a été acquis. L'essentiel du travail de la Convention est acquis et préservé. De 80 à 90 % de ce travail est acquis. Alors, ce qui ne serait pas juste, de mon point de vue, c'est que, dans les tout derniers jours, parce qu'il y a encore des compromis à trouver sur la majorité qualifiée, sur la double majorité, on oublie ou on efface tout le travail qui a été fait par la Convention, qui a été bien fait, et dont l'essentiel a fait l'objet d'un accord, y compris sur des sujets improbables comme la défense qui progresse encore avec l'Agence de l'Armement. Nous avons obtenu ensemble, les vingt-cinq pays ont accepté, un grand nombre d'avancées sur la Constitution, sur les compétences, sur les nouvelles politiques, sur le perfectionnement des institutions, sur le ministre des Affaires étrangères, sur les modalités en matière de défense. Nous sommes presque au bout et beaucoup de choses ont déjà été acquises. Et donc c'est plutôt en mettant en valeur le contenu de la Constitution, son architecture, les valeurs, les principes, les objectifs, les politiques que l'on pourra obtenir l'accord des peuples ou des parlementaires suivant les pays.
Q - N'aurait-il pas fallu connaître le texte de la Constitution avant les élections au Parlement européen ?
R - Peut-être une des raisons du scepticisme est qu'on n'a pas assez parlé de la Constitution dans ces élections. J'aurais en effet souhaité conclure sur cette Constitution au plus tôt, de telle sorte qu'on puisse en faire un élément de débat et de dialogue avec les citoyens. En tout cas moi, c'est ce que j'ai fait dans mon propre pays, dans toutes les réunions que j'ai tenues, et j'en ai tenu beaucoup, j'avais la Constitution à la main. Dans toutes les émissions de télévision que j'ai faites, j'avais la Constitution à la main et j'ai parlé de ce qu'il y avait dans cette Constitution. Et les gens étaient intéressés. Mais naturellement maintenant, vous me posez une question qui est juridiquement extrêmement claire. Il faut que cette Constitution, pour être utile et utilisable, soit ratifiée par tous les pays. Donc il n'y a pas d'autres solutions. Je vous remercie beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juin 2004)
Je voudrais évoquer maintenant le point principal de notre réunion de ce matin, à quelques jours de la conclusion de cette longue négociation qui a commencé il y a plus de deux ans et qui doit se conclure positivement au sein du Conseil européen. Cela veut dire sur un accord et sur une bonne Constitution dont le texte doit être, à mes yeux, le plus près possible des travaux de la Convention. Je vous le redis, nous sommes dans la dernière ligne droite. La Présidence irlandaise a utilisé une méthode qui a été acceptée par tous et que nous avons soutenue. Je répète qu'elle a fait, tout au long des mois passés, un travail très intelligent. Et c'est à ce travail que l'on devra, sans doute, je le souhaite, une conclusion positive sur une bonne Constitution. La méthode de la Présidence irlandaise était de procéder par ajustements successifs, après avoir écouté tout le monde. Et c'est ce qu'elle a encore fait ce matin, de telle sorte qu'elle puisse limiter les questions qui vont remonter jeudi et vendredi prochains au Conseil européen. Il y aura jeudi probablement deux documents sur la table des chefs d'État et de gouvernement : une proposition qui tiendra compte de nos derniers débats d'aujourd'hui sur tout ce qui fait l'objet, aux yeux de la Présidence, d'un accord - donc une proposition définitive - et le ministre irlandais a souhaité qu'on n'y revienne pas. Et puis, probablement un autre document avec certaines questions qui restent ouvertes et qui devront être tranchées par les chefs d'État et de gouvernement sur les questions institutionnelles, le préambule et peut-être un ou deux points liés au champ de la majorité qualifiée.
Le sentiment général que j'ai senti ce matin était que l'on va, que l'on doit aller, vers un accord jeudi et vendredi. Et probablement la nécessité politique de cet accord est peut-être plus affirmée depuis hier soir. Voilà ce que je ressens à la suite du résultat des élections européennes, de l'abstention extrêmement forte que l'on a constaté dans tous les pays européens. Ce sentiment, je l'ai déjà exprimé avant même les élections devant vous : dans le climat que l'on ressent dans l'opinion, il y a de l'inquiétude liée à l'insécurité, à l'instabilité du monde, aux problèmes sociaux. Il faut que la maison européenne soit en ordre. Et le meilleur signal que l'on puisse donner pour montrer aux citoyens que la maison est en ordre, pour qu'on affronte efficacement les enjeux ou les défis de la croissance, de l'écologie, de la sécurité, c'est clairement de se mettre d'accord sur cette Constitution. Mon opinion personnelle c'est que le résultat des élections hier doit encourager les chefs d'État et de gouvernement à aboutir à cet accord.
Vous connaissez les positions françaises. Je ne reviens pas sur les différents points. Peut-être un mot sur un sujet que j'ai évoqué ce matin qui touche à la majorité qualifiée. Vous connaissez nos demandes sur la majorité qualifiée, voire nos réserves pour qu'on ne revienne pas en arrière sur certains sujets, qu'on aille un peu en avant, notamment sur la dimension sociale. La Présidence irlandaise doit naturellement tenir compte des réserves ou des demandes des autres. Mon souhait est qu'elle trouve un équilibre entre ce que demandent les uns et les autres. Il faut un équilibre d'ensemble sur cette question et naturellement s'assurer de ce qui est, pour moi, la question principale - je crois d'ailleurs qu'on sous-estime cette question, de manière générale -, comment cette Union va-t-elle décider ? Si nous ne nous sommes pas tus, tout au long de la Convention, comme encore aujourd'hui, pour qu'on ne recule pas mais qu'on avance sur certains sujets, c'est pour que cette Union soit capable de décider et d'agir.
Un deuxième point a fait l'objet d'une discussion à l'instant, au déjeuner, concernant la phase nouvelle qui est ouverte en Irak après l'adoption de la résolution 1546. L'Union exprime, va exprimer, à partir des propositions de la Commission et de la lettre commune de Javier Solana et de Chris Patten, sa disponibilité pour participer à la reconstruction politique et économique de l'Irak. Cette manifestation d'unité de l'Union européenne, que j'ai d'ailleurs soulignée au cours du déjeuner, me paraît très importante. C'est une unité qui est reconstruite ou qui se retrouve après un certain nombre de divisions entre nous. Et je trouve très important que l'on manifeste ainsi l'unité politique, à partir du moment où la résolution encadre le nouveau processus qui est engagé à Bagdad pour aider l'Irak à retrouver sa place au sein de la communauté internationale, et en même temps que nous manifestions notre disponibilité pour aider ce processus à réussir. Nous aidons, nous voulons aider cette région à sortir d'une spirale de violence dont on a encore vu, dans les heures passées, des exemples tragiques avec une douzaine de morts, dont d'ailleurs un Français, dans laquelle sont plongés cette région et l'Irak depuis trop longtemps. Toutes les idées qui ont été proposées par la Commission et par Javier Solana sont utiles. J'ai simplement évoqué le souhait et l'exigence de pragmatisme qui doit sous-tendre l'action de l'Union européenne. Il faut que notre engagement européen soit graduel, progressif, concret. Voilà pourquoi il faut réfléchir précisément, dès maintenant, à l'aide que nous pouvons apporter au processus électoral, l'aide que nous apporterons le moment venu à la formation du personnel de sécurité ou de la gendarmerie, l'aide que nous apporterons à la reconstruction économique et politique. Donc, réfléchissons maintenant et engageons l'action de l'Union européenne de manière progressive et graduelle en tenant compte de la situation de sécurité, de l'évolution de ce processus de transition politique. J'ai également exprimé le souhait que notre engagement européen s'inscrive dans une très étroite coordination avec les Nations Unies. Dans la déclaration qui sera faite aujourd'hui, il sera fait référence aussi, et nous avons été heureux que cela soit inscrit, à l'exigence que tous les prisonniers en Irak soient traités dans le respect des lois internationales.
Au moment où je vous ai rejoint, Louis Michel rendait compte de la mission très utile qu'il a faite en République démocratique du Congo pendant plusieurs jours où il a rencontré tous les interlocuteurs de ce pays et de la région. J'indique simplement que la transition engagée dans ce pays est toujours fragile mais il n'y a pas d'alternative à ce processus de transition. Nous voulons sauvegarder tout ce qui a été réalisé depuis un an dans ce pays à la fois par les autorités congolaises et par les pays voisins. Nous avons insisté, j'ai insisté, auprès de Louis Michel, et c'est le message qu'il a fait passer pour dire que la paix ne sera durable dans la région des Grands Lacs que si la République démocratique du Congo recouvre sa totale souveraineté ainsi que son intégrité territoriale. Et c'est le sens de la politique que conduit l'Union européenne.
Je voudrais peut-être simplement évoquer la question du Proche-Orient, qui sera l'objet d'un des points de la discussion cet après-midi, pour rappeler ce que j'ai déjà eu l'occasion plusieurs fois de dire, c'est-à-dire notre attachement unanime à la Feuille de route, à la négociation, au respect de ce cadre très important que constitue le Quartet. Il me semble d'ailleurs que les différents partenaires du Quartet que sont les États-Unis, les Nations unies, la Russie et l'Union européenne ont réaffirmé leurs engagements sur ces différents points.
Dans ce cadre-là, dans le cadre des dispositions de la Feuille de route, l'adoption par le cabinet israélien du plan de désengagement de Gaza est un élément positif qu'il faut réussir. Nous pensons aussi que le dialogue entre Israéliens et Palestiniens doit reprendre parallèlement puisque, de mon point de vue, il n'y a pas d'alternative à ce dialogue sauf la violence ou la poursuite de la violence. Je pense que le retrait de Gaza peut contribuer à la reprise du dialogue s'il permet à l'Autorité palestinienne d'exercer, notamment dans le domaine de la sécurité, sa pleine responsabilité. Il faut dire aussi, c'est mon sentiment, que l'Union doit être prête à l'accompagner pour que ce retrait de Gaza réussisse.
Enfin, un point très important, auquel j'ai apporté une attention particulière, peut-être une information que je voulais vous confirmer : l'accord sur l'Agence de l'Armement est maintenant acté. C'est grâce à un travail très patient et très tenace qu'il a été obtenu. Je veux rendre hommage aux différents membres du COREPER. Cet accord a été obtenu. Je dis que j'y ai apporté de l'attention parce que cette proposition figure dans les propositions de la Convention auxquelles j'ai travaillé comme président du groupe sur la défense au sein de cette Convention. C'était une de nos propositions. La France a une vision ambitieuse du rôle de cette Agence. Et c'est ce que nous avons fait valoir dans les travaux du COREPER, dans les quatre domaines d'intervention qui avaient été définis : le développement des capacités de défense, le domaine de la recherche, celui des acquisitions et celui de l'armement. Et voilà dans quel esprit, avec quelle ambition nous avons participé aux discussions qui ont eu lieu pour trouver un accord sur cette agence. Et je voudrais là encore féliciter la Présidence irlandaise pour ces efforts et sa détermination. Naturellement, il faut maintenant travailler, continuer à travailler pour mettre en place effectivement cette Agence et sa montée en puissance opérationnelle. Voilà le bref compte-rendu que je voulais vous faire, en vous remerciant pour votre attention.
Q - Quelles sont, à votre avis, les chances de parvenir à un accord sur le volet institutionnel que vous avez évoqué ce matin ? On a l'impression que nous sommes très en deçà du texte élaboré par la Convention.
R - Non. Nous ne sommes pas très en deçà. Nous sommes en deçà de certaines ambitions affichées dans la Convention mais les points sur lesquels nous avons travaillé ce matin sont vraiment ceux sur lesquels il faut des ajustements. Nous ne sommes pas très en deçà du texte de Naples, franchement. Par exemple sur les coopérations renforcées, j'ai dit, mais je n'étais pas le seul, mon attachement à la clause "passerelle" et je pense qu'on la retrouvera. Donc nous ne sommes pas très en deçà. Nous avons même, dans le domaine social, quelques avancées modestes, mais elles sont toutes bonnes à prendre. Mon sentiment, je le répète, c'est qu'il y avait ce matin une volonté de ne pas dramatiser les différentes demandes ou réserves des uns et des autres afin d'aboutir à un accord. Voilà. Je pense que nous serons, franchement, assez près de l'esprit et de la lettre du texte de Naples qui a toujours été pour moi la dernière référence, en tout cas depuis que la CIG a commencé.
Q - Y a-t-il des noms qui circulent concernant la future Commission ?
R - Si je vous dis qu'aucun nom circule vous ne me croirez pas. Mais je ne ferai pas de commentaire sur ce sujet, parce qu'il est réservé à la discussion des chefs d'État jeudi soir et je pense que c'est bien ainsi que ce soit les chefs d'État et de gouvernement qui fassent le point du meilleur candidat possible à la présidence de la Commission européenne. C'est leur responsabilité.
Q - (Sur la clause "passerelle" et les ratifications de la Constitution dans les pays de l'Union européenne)
R - Je pense qu'on va finir par reconnaître le bon sens : cette clause "passerelle" est utile dans les coopérations renforcées. Elle peut faciliter un accord entre nous jeudi ou vendredi. Donc, j'ai exprimé mon souhait qu'on préserve bien cette clause "passerelle" pour faciliter les coopérations renforcées. C'est aussi la contrepartie au fait qu'on n'avance pas tout de suite sur la majorité qualifiée, sur certains sujets où, pourtant, on devrait pouvoir avancer, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Mais il faut tenir compte des réserves ou des lignes rouges de tel ou tel. On ne peut pas refuser d'avancer sur tous les sujets. Donc, je pense que la coopération renforcée doit être facilitée puisqu'elle est un moyen communautaire, dans le cadre du Traité, d'avancer en éclaireurs, pour certains, en ouvrant la route aux autres, si je puis dire, la route commune où se trouvent tous les autres.
Ce n'est pas sur ce sujet là qu'on obtiendra cet enthousiasme populaire pour ratifier, dans tel ou tel pays, le texte de la Constitution. Il faudra parler d'autre chose que de la clause "passerelle", si je puis me permettre. Je ne peux pas préjuger, franchement, de la manière dont se passeront les ratifications. Commençons par avoir une bonne Constitution. Et on jugera de cette Constitution au-delà des accords ou des compromis que l'on va trouver d'ici jeudi ou vendredi sur tel ou tel point. C'est la demande que je vous fais, dans les commentaires compétents, sans être complaisants, que vous ferez de nos travaux, n'oubliez pas tout ce qui a été acquis. L'essentiel du travail de la Convention est acquis et préservé. De 80 à 90 % de ce travail est acquis. Alors, ce qui ne serait pas juste, de mon point de vue, c'est que, dans les tout derniers jours, parce qu'il y a encore des compromis à trouver sur la majorité qualifiée, sur la double majorité, on oublie ou on efface tout le travail qui a été fait par la Convention, qui a été bien fait, et dont l'essentiel a fait l'objet d'un accord, y compris sur des sujets improbables comme la défense qui progresse encore avec l'Agence de l'Armement. Nous avons obtenu ensemble, les vingt-cinq pays ont accepté, un grand nombre d'avancées sur la Constitution, sur les compétences, sur les nouvelles politiques, sur le perfectionnement des institutions, sur le ministre des Affaires étrangères, sur les modalités en matière de défense. Nous sommes presque au bout et beaucoup de choses ont déjà été acquises. Et donc c'est plutôt en mettant en valeur le contenu de la Constitution, son architecture, les valeurs, les principes, les objectifs, les politiques que l'on pourra obtenir l'accord des peuples ou des parlementaires suivant les pays.
Q - N'aurait-il pas fallu connaître le texte de la Constitution avant les élections au Parlement européen ?
R - Peut-être une des raisons du scepticisme est qu'on n'a pas assez parlé de la Constitution dans ces élections. J'aurais en effet souhaité conclure sur cette Constitution au plus tôt, de telle sorte qu'on puisse en faire un élément de débat et de dialogue avec les citoyens. En tout cas moi, c'est ce que j'ai fait dans mon propre pays, dans toutes les réunions que j'ai tenues, et j'en ai tenu beaucoup, j'avais la Constitution à la main. Dans toutes les émissions de télévision que j'ai faites, j'avais la Constitution à la main et j'ai parlé de ce qu'il y avait dans cette Constitution. Et les gens étaient intéressés. Mais naturellement maintenant, vous me posez une question qui est juridiquement extrêmement claire. Il faut que cette Constitution, pour être utile et utilisable, soit ratifiée par tous les pays. Donc il n'y a pas d'autres solutions. Je vous remercie beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juin 2004)