Texte intégral
Q- On va parler, bien sûr, du débat que vous allez avoir sur la Turquie à l'Assemblée nationale...
R- Et si j'en crois ce que vous nous dites, "c'est une mascarade" et nous partageons le même avis.
Q-. Ne répétez pas l'édito. Mais après tout, la Turquie c'est dans 15
ans, et il y a des choses peut-être plus urgentes.
R-C'est plus rapide que ça.
Q- N'avez-vous pas honte ? Le groupe UDF a voté l'amendement de la loi sur les territoires ruraux qui permet d'élargir le champ de la publicité sur les alcools. Savez-vous combien il y a de décès chaque année dus à l'alcool ? 45000 !! 1 million de personnes qui sont dépendantes !
R-Je ne sais pas si... D'une part, ce n'est pas sur l'alcool c'est sur le vin, ce qui n'est pas la même chose, c'est un élément de notre culture. Et est-ce que le fait de dire : le Chablis a telle ou telle caractéristique ou que tel ou tel vin a tel ou tel parfum, ou a telle ou telle robe, est-ce que...
Q- Pardonnez-moi, les considérations électorales ne l'emportent-elles pas sur des considérations sanitaires , Si on a bien compris, P. Douste-Blazy, lui, est scandalisé.
R-Si le Gouvernement voulait vraiment s'opposer à l'amendement, c'est très simple : il suffit qu'il utilise "le vote bloqué" ; le parlementarisme rationalisé a tous les moyens pour interdire au Parlement de voter telle ou telle disposition. Donc, si le Gouvernement voulait vraiment bloquer une disposition, il pourrait le faire : il suffit de demander une seconde lecture, et cela se fait tout seul. Donc, le Gouvernement a dû jouer un rôle de duplicité sur le sujet, en disant aux parlementaires : on va vous dire qu'on est contre, on vous laisse voter.
Q- Vous renvoyez donc la responsabilité au Gouvernement ?
R-Non, mais c'est très bien que le Parlement prenne ses responsabilités et tant mieux. Mais honnêtement, cela va-t-il augmenter considérablement la consommation de vin ? Je n'en suis pas convaincu.
Q- Autre chose : en commission des lois, il a été proposé de remonter à 30 % d'abattement sur la résidence principale pour ce qui concerne l'impôt sur la fortune. Approuvez-vous ou désapprouvez-vous ?
R-Je vais vous dire : sur l'impôt sur la fortune, il est clair qu'il faudrait que la France s'interroge sur... Est-ce que la question, par exemple, de l'augmentation du barème, de la progression du barème chaque année, pour tenir compte de l'inflation, c'est une question qui ne devrait pas se poser. Cela devrait se faire automatiquement. Le problème est que, quand vous présentez un budget, dont l'essentiel des symboles est de dire "on s'adresse aux populations les plus favorisées", le risque est grand que, lorsque vous y ajoutez de plus l'ISF, on renforce cette image. Mais si vous présentez un budget qui est juste, équilibré, la question de l'ISF ne se pose pas. Je vais vous donner un exemple : j'ai déposé un amendement, que j'espère voir adopter, sur l'ISF, qui permet à un chef d'entreprise de pouvoir bénéficier de dispositions sur l'outil de travail si ce sont deux entreprises distinctes. Donc, voilà.
Q- C'est la philosophie générale du budget que vous mettez en cause.
R-Le problème est que, quand vous avez un budget, où l'essentiel des mesures s'adresse aux populations les plus favorisées, quand vous y ajoutez en plus l'ISF, l'effet majeur devient assez fort et trop fort.
Q- On s'achemine vers un "non", vers une abstention, ou vers un "oui" du groupe UDF à la loi de Finances...
R-Pour tout vous dire, nous avons rencontré N. Sarkozy hier soir, dans son bureau, et je lui ai dit : voilà, nous, nous considérons que le Parlement a encore un rôle à jouer contrairement à ce que pensent trop souvent le Gouvernement. Et donc, de deux choses l'une : soit, sur un certain nombre de dispositions, le Gouvernement nous entend et "tu" nous entends, et dans ce cas-là, nous serons en mesure de voter ce texte, soit le Gouvernement est comme il est sur tous les textes, absolument fermé à toute écoute et tout dialogue, et nous ne voterons pas ce texte.
Q- Que vous a-t-il répondu ?
R-Nous commençons les discussions cet après-midi.
Q- Autrement dit, cela pourrait s'accorder entre l'UDF et N. Sarkozy mieux qu'entre l'UDF et J.-P. Raffarin ?
R-La seule chose, c'est qu'il y en a un qui nous invite à discuter et à faire des propositions. Ce que, globalement...le Gouvernement ne nous invite sur rien !
Q- Donc, vous pensez aujourd'hui, parce que vous avez ce bon contact avec N. Sarkozy, que les choses pourraient s'arranger sur le budget ?
R-Nous verrons bien. Est-ce un discours, une façade ou une réalité ? Nous en aurons...
Q- Il a pris des engagements ?
R-Il n'a pris aucun engagement sur le fond. Il a pris un engagement de dialoguer. Voilà.
Q- Parlons du débat de cet après-midi, sans vote, et donc très rapide. D'abord, estimez-vous que l'esprit de la Constitution est respecté par le Gouvernement ou estimez-vous que le Gouvernement se place dans l'inconstitutionnalité aujourd'hui ?
R-La réalité est que, si en 1999, alors que c'était J. Chirac, président de la République, qui a promulgué cette loi constitutionnelle, si on a ajouté un titre dans la Constitution sur les questions européennes, c'est bien parce que l'on considère que la politique européenne n'est plus du domaine de la politique étrangère ; que la politique européenne, c'est autre chose qu'une affaire qui concerne les gouvernements et la diplomatie. Et donc, si on a ajouté des dispositions, et notamment l'article 88 alinéa 4 de la Constitution, qui permet au Parlement de se saisir de questions qui sont posées au niveau européen, ce n'est pas pour les chiens ! C'est bien fait pour que le Parlement puisse se prononcer. Et qu'y a-t-il de plus important que la question, la recommandation de la Commission sur l'intégration de la Turquie à l'Union européenne.
Q- Imaginons que vous puissiez avoir cette résolution. Est-ce que le chef de l'Etat, selon vous, devrait se tenir à cette résolution, si, par exemple, elle est négative ? Où a-t-il la liberté, selon la Constitution, parce qu'il lui appartient de négocier les traités internationaux, de passer outre une résolution de ce type ?
R-Deux choses : la première, c'est que, vous le verrez, puisque l'on a déposé dans le cadre d'une procédure...
Q- On ne va pas rentrer le détail..
R-...- "On ne va pas rentrer dans le détail" -, mais ce que nous demandons, nous, c'est que l'on ne tranche pas cette question maintenant. Parce que, quand vous décidez d'adhérer, d'engager les discussions en vue de l'adhésion, c'est-à-dire que, vous considérez que, sur le principe, la question de l'adhésion de la Turquie ne pose pas de problème, et qu'après ce n'est plus qu'une question de modalité. Ce que nous disons nous, c'est que la Commission doit engager des discussions avec cette alternative entre l'adhésion, à 15 ans, ou un partenariat privilégié. Et en quelque sorte, ce que le Parlement aurait dû voter, c'est dire : nous demandons à la France d'avoir comme position que les discussions s'engagent avec cette alternative et non pas vers l'adhésion qu'on nous cache, mais qui est, grosso modo, la position du président de la République. Sur le sujet, J. Chirac a toujours été clair, il a toujours dit que la Turquie avait vocation à être dans l'Union européenne.
Q- Vous vous réveillez un peu tard d'ailleurs puisqu'en 2002, il y a eu Copenhague, vous auriez peut-être pu protester ?
R-Vous qui êtes un observateur de la vie politique, vous remarquerez que cela fait des années que F. Bayrou tient le même discours sur la Turquie.
Q- Oui mais, en 2002, je ne me souviens pas que les députés UDF se soient mobilisés pour critiquer la décision du chef de l'Etat au Sommet de Copenhague.
R-Nous avons toujours...Je vous l'enverrai.
Q- Tout cela n'est-il pas beaucoup de bruit pour pas grand-chose ? Car après tout, dans 10 ou 15 ans, car après tout, il y aura un référendum, car après tout, le référendum sera constitutionnalisé, car après tout, si on voit bien les recommandations de la Commission, à tout moment, un gouvernement aura la possibilité d'arrêter les négociations.
R-Je vais faire deux observations...
Q- C'est vrai ce que je dis ?
R-Non, ce n'est pas vrai !
Q- Comment ce n'est pas vrai ?!
R-La première, c'est que vous aurez fait les fiançailles avec la Turquie, quand vous aurez été chez le notaire, vous direz : finalement, je ne veux pas de vous, et vous ferez porter la responsabilité...
Q- Pardonnez-moi, mais des fiançailles conduisent automatiquement au mariage ?
R-Non, mais si vous allez en plus avec le contrat de mariage, etc., et que vous arrivez devant le maire, et que, finalement, il y a un peuple à qui vous faites peser une lourde responsabilité en lui disant : c'est vous qui allez dire que les Turcs ne rentrent pas dans l'Union européenne, premier point, c'est lourd. Deuxième élément, on vous dit : on va modifier la Constitution. Très bien. Mais la Constitution on va la modifier quand ? Après j'imagine l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, c'est-à-dire, après 2007. Est-ce que les engagements du président de la République actuel seront tenus par les engagements du président de la République futur ? Deuxième élément. Troisième élément, il y a une espèce de...
Q- Sur ce deuxième élément, c'est vous qui dites que ce sera introduit dans la Constitution.
R-Donc, cela veut dire que l'on va faire voter les Français sur la Bulgarie et la Roumanie qui rentrent en 2007.
Q- Et pourquoi pas ?
R-Je n'ai pas entendu cela du président de la République. Troisième élément, il y a quand même une attitude absolument schizophrène dans cette affaire ; vous dites aux Français : je suis favorable à l'adhésion de la Turquie, et six mois plus tard, vous allez les faire voter sur la Constitution européenne qui est exactement le projet inverse. Il y a d'un côté, la Turquie, zone de libre-échange - on étend à l'infinie les frontières de l'Europe -, et deuxième élément, six mois plus tard, on dit aux Français : vous votez une Constitution européenne, c'est-à-dire, l'idée d'une Europe intégrée, d'une Europe puissance, d'une Europe politique. Eh bien, si les Français avec tout cela arrivent à s'y retrouver, je vous propose de vous inviter à déjeuner au restaurant.
Q- Avec votre surenchère sur la Turquie, vous ne compliquez pas encore
les affaires ?
R- Non. Attendez, il faut que l'on soit dans cette affaire extrêmement clairs. On a une position, on a toujours eu la même. Nous sommes les seuls à avoir cette même vision de la construction européenne : une Europe politique, capable de rivaliser avec les grandes puissances de demain.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 octobre 2004)
R- Et si j'en crois ce que vous nous dites, "c'est une mascarade" et nous partageons le même avis.
Q-. Ne répétez pas l'édito. Mais après tout, la Turquie c'est dans 15
ans, et il y a des choses peut-être plus urgentes.
R-C'est plus rapide que ça.
Q- N'avez-vous pas honte ? Le groupe UDF a voté l'amendement de la loi sur les territoires ruraux qui permet d'élargir le champ de la publicité sur les alcools. Savez-vous combien il y a de décès chaque année dus à l'alcool ? 45000 !! 1 million de personnes qui sont dépendantes !
R-Je ne sais pas si... D'une part, ce n'est pas sur l'alcool c'est sur le vin, ce qui n'est pas la même chose, c'est un élément de notre culture. Et est-ce que le fait de dire : le Chablis a telle ou telle caractéristique ou que tel ou tel vin a tel ou tel parfum, ou a telle ou telle robe, est-ce que...
Q- Pardonnez-moi, les considérations électorales ne l'emportent-elles pas sur des considérations sanitaires , Si on a bien compris, P. Douste-Blazy, lui, est scandalisé.
R-Si le Gouvernement voulait vraiment s'opposer à l'amendement, c'est très simple : il suffit qu'il utilise "le vote bloqué" ; le parlementarisme rationalisé a tous les moyens pour interdire au Parlement de voter telle ou telle disposition. Donc, si le Gouvernement voulait vraiment bloquer une disposition, il pourrait le faire : il suffit de demander une seconde lecture, et cela se fait tout seul. Donc, le Gouvernement a dû jouer un rôle de duplicité sur le sujet, en disant aux parlementaires : on va vous dire qu'on est contre, on vous laisse voter.
Q- Vous renvoyez donc la responsabilité au Gouvernement ?
R-Non, mais c'est très bien que le Parlement prenne ses responsabilités et tant mieux. Mais honnêtement, cela va-t-il augmenter considérablement la consommation de vin ? Je n'en suis pas convaincu.
Q- Autre chose : en commission des lois, il a été proposé de remonter à 30 % d'abattement sur la résidence principale pour ce qui concerne l'impôt sur la fortune. Approuvez-vous ou désapprouvez-vous ?
R-Je vais vous dire : sur l'impôt sur la fortune, il est clair qu'il faudrait que la France s'interroge sur... Est-ce que la question, par exemple, de l'augmentation du barème, de la progression du barème chaque année, pour tenir compte de l'inflation, c'est une question qui ne devrait pas se poser. Cela devrait se faire automatiquement. Le problème est que, quand vous présentez un budget, dont l'essentiel des symboles est de dire "on s'adresse aux populations les plus favorisées", le risque est grand que, lorsque vous y ajoutez de plus l'ISF, on renforce cette image. Mais si vous présentez un budget qui est juste, équilibré, la question de l'ISF ne se pose pas. Je vais vous donner un exemple : j'ai déposé un amendement, que j'espère voir adopter, sur l'ISF, qui permet à un chef d'entreprise de pouvoir bénéficier de dispositions sur l'outil de travail si ce sont deux entreprises distinctes. Donc, voilà.
Q- C'est la philosophie générale du budget que vous mettez en cause.
R-Le problème est que, quand vous avez un budget, où l'essentiel des mesures s'adresse aux populations les plus favorisées, quand vous y ajoutez en plus l'ISF, l'effet majeur devient assez fort et trop fort.
Q- On s'achemine vers un "non", vers une abstention, ou vers un "oui" du groupe UDF à la loi de Finances...
R-Pour tout vous dire, nous avons rencontré N. Sarkozy hier soir, dans son bureau, et je lui ai dit : voilà, nous, nous considérons que le Parlement a encore un rôle à jouer contrairement à ce que pensent trop souvent le Gouvernement. Et donc, de deux choses l'une : soit, sur un certain nombre de dispositions, le Gouvernement nous entend et "tu" nous entends, et dans ce cas-là, nous serons en mesure de voter ce texte, soit le Gouvernement est comme il est sur tous les textes, absolument fermé à toute écoute et tout dialogue, et nous ne voterons pas ce texte.
Q- Que vous a-t-il répondu ?
R-Nous commençons les discussions cet après-midi.
Q- Autrement dit, cela pourrait s'accorder entre l'UDF et N. Sarkozy mieux qu'entre l'UDF et J.-P. Raffarin ?
R-La seule chose, c'est qu'il y en a un qui nous invite à discuter et à faire des propositions. Ce que, globalement...le Gouvernement ne nous invite sur rien !
Q- Donc, vous pensez aujourd'hui, parce que vous avez ce bon contact avec N. Sarkozy, que les choses pourraient s'arranger sur le budget ?
R-Nous verrons bien. Est-ce un discours, une façade ou une réalité ? Nous en aurons...
Q- Il a pris des engagements ?
R-Il n'a pris aucun engagement sur le fond. Il a pris un engagement de dialoguer. Voilà.
Q- Parlons du débat de cet après-midi, sans vote, et donc très rapide. D'abord, estimez-vous que l'esprit de la Constitution est respecté par le Gouvernement ou estimez-vous que le Gouvernement se place dans l'inconstitutionnalité aujourd'hui ?
R-La réalité est que, si en 1999, alors que c'était J. Chirac, président de la République, qui a promulgué cette loi constitutionnelle, si on a ajouté un titre dans la Constitution sur les questions européennes, c'est bien parce que l'on considère que la politique européenne n'est plus du domaine de la politique étrangère ; que la politique européenne, c'est autre chose qu'une affaire qui concerne les gouvernements et la diplomatie. Et donc, si on a ajouté des dispositions, et notamment l'article 88 alinéa 4 de la Constitution, qui permet au Parlement de se saisir de questions qui sont posées au niveau européen, ce n'est pas pour les chiens ! C'est bien fait pour que le Parlement puisse se prononcer. Et qu'y a-t-il de plus important que la question, la recommandation de la Commission sur l'intégration de la Turquie à l'Union européenne.
Q- Imaginons que vous puissiez avoir cette résolution. Est-ce que le chef de l'Etat, selon vous, devrait se tenir à cette résolution, si, par exemple, elle est négative ? Où a-t-il la liberté, selon la Constitution, parce qu'il lui appartient de négocier les traités internationaux, de passer outre une résolution de ce type ?
R-Deux choses : la première, c'est que, vous le verrez, puisque l'on a déposé dans le cadre d'une procédure...
Q- On ne va pas rentrer le détail..
R-...- "On ne va pas rentrer dans le détail" -, mais ce que nous demandons, nous, c'est que l'on ne tranche pas cette question maintenant. Parce que, quand vous décidez d'adhérer, d'engager les discussions en vue de l'adhésion, c'est-à-dire que, vous considérez que, sur le principe, la question de l'adhésion de la Turquie ne pose pas de problème, et qu'après ce n'est plus qu'une question de modalité. Ce que nous disons nous, c'est que la Commission doit engager des discussions avec cette alternative entre l'adhésion, à 15 ans, ou un partenariat privilégié. Et en quelque sorte, ce que le Parlement aurait dû voter, c'est dire : nous demandons à la France d'avoir comme position que les discussions s'engagent avec cette alternative et non pas vers l'adhésion qu'on nous cache, mais qui est, grosso modo, la position du président de la République. Sur le sujet, J. Chirac a toujours été clair, il a toujours dit que la Turquie avait vocation à être dans l'Union européenne.
Q- Vous vous réveillez un peu tard d'ailleurs puisqu'en 2002, il y a eu Copenhague, vous auriez peut-être pu protester ?
R-Vous qui êtes un observateur de la vie politique, vous remarquerez que cela fait des années que F. Bayrou tient le même discours sur la Turquie.
Q- Oui mais, en 2002, je ne me souviens pas que les députés UDF se soient mobilisés pour critiquer la décision du chef de l'Etat au Sommet de Copenhague.
R-Nous avons toujours...Je vous l'enverrai.
Q- Tout cela n'est-il pas beaucoup de bruit pour pas grand-chose ? Car après tout, dans 10 ou 15 ans, car après tout, il y aura un référendum, car après tout, le référendum sera constitutionnalisé, car après tout, si on voit bien les recommandations de la Commission, à tout moment, un gouvernement aura la possibilité d'arrêter les négociations.
R-Je vais faire deux observations...
Q- C'est vrai ce que je dis ?
R-Non, ce n'est pas vrai !
Q- Comment ce n'est pas vrai ?!
R-La première, c'est que vous aurez fait les fiançailles avec la Turquie, quand vous aurez été chez le notaire, vous direz : finalement, je ne veux pas de vous, et vous ferez porter la responsabilité...
Q- Pardonnez-moi, mais des fiançailles conduisent automatiquement au mariage ?
R-Non, mais si vous allez en plus avec le contrat de mariage, etc., et que vous arrivez devant le maire, et que, finalement, il y a un peuple à qui vous faites peser une lourde responsabilité en lui disant : c'est vous qui allez dire que les Turcs ne rentrent pas dans l'Union européenne, premier point, c'est lourd. Deuxième élément, on vous dit : on va modifier la Constitution. Très bien. Mais la Constitution on va la modifier quand ? Après j'imagine l'intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, c'est-à-dire, après 2007. Est-ce que les engagements du président de la République actuel seront tenus par les engagements du président de la République futur ? Deuxième élément. Troisième élément, il y a une espèce de...
Q- Sur ce deuxième élément, c'est vous qui dites que ce sera introduit dans la Constitution.
R-Donc, cela veut dire que l'on va faire voter les Français sur la Bulgarie et la Roumanie qui rentrent en 2007.
Q- Et pourquoi pas ?
R-Je n'ai pas entendu cela du président de la République. Troisième élément, il y a quand même une attitude absolument schizophrène dans cette affaire ; vous dites aux Français : je suis favorable à l'adhésion de la Turquie, et six mois plus tard, vous allez les faire voter sur la Constitution européenne qui est exactement le projet inverse. Il y a d'un côté, la Turquie, zone de libre-échange - on étend à l'infinie les frontières de l'Europe -, et deuxième élément, six mois plus tard, on dit aux Français : vous votez une Constitution européenne, c'est-à-dire, l'idée d'une Europe intégrée, d'une Europe puissance, d'une Europe politique. Eh bien, si les Français avec tout cela arrivent à s'y retrouver, je vous propose de vous inviter à déjeuner au restaurant.
Q- Avec votre surenchère sur la Turquie, vous ne compliquez pas encore
les affaires ?
R- Non. Attendez, il faut que l'on soit dans cette affaire extrêmement clairs. On a une position, on a toujours eu la même. Nous sommes les seuls à avoir cette même vision de la construction européenne : une Europe politique, capable de rivaliser avec les grandes puissances de demain.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 octobre 2004)