Texte intégral
Q - Vous êtes la ministre déléguée aux Affaires européennes. Vous étiez dans les coulisses de ce Sommet. On raconte que, dès le premier petit-déjeuner vendredi matin entre Jacques Chirac, Gerhard Schröder, Tony Blair, Silvio Berlusconi, le Sommet semblait déjà mal engagé. Confirmation ou pas ?
R - L'échec n'était pas programmé. Je fais partie de ceux qui n'imaginaient pas que la Conférence intergouvernementale ne puisse pas conclure un accord. Chacun a fait des efforts, mais finalement, hélas, certains égoïsmes nationaux n'ont pu être dépassés.
Q - Les égoïsmes de qui ? De l'Espagne et de la Pologne ou de la France et de l'Allemagne qui se sont arc-boutés aussi ?
R - Je n'attribue pas de responsabilité à tel ou tel pays. Cela n'est pas un hasard si cela a été difficile car la Constitution européenne telle qu'elle est proposée par la Convention présentait des avancées considérables notamment pour permettre à l'Europe de décider plus souvent suivant la règle de la majorité. Ce texte mettait en effet le citoyen au coeur du projet européen. Cela demandait un effort de la part de chaque pays pour admettre ce niveau d'intégration jamais atteint par l'Europe. J'espère que la présidence irlandaise pourra remettre les Etats autour de la table pour renouer le dialogue.
Q - Fera-t-elle mieux que l'Italie ? Autre méthode peut-être ?
R - La présidence italienne n'a finalement pas proposé de texte de compromis.
Q - Pourtant, on l'annonçait, ce fameux texte surprise de Berlusconi, finalement rien n'est venu.
R - On peut penser que la présidence italienne a fait ce qu'elle a pu. Elle avait fait un bon travail lors des réunions précédentes, au niveau ministériel et même au niveau des chefs d'Etats et de gouvernement. Et puis, in fine, nous n'y sommes, malgré tout, pas arrivés. L'Europe est à un tournant. Nous sommes en train d'élargir l'espace européen. J'ai vraiment espoir que le temps de la réflexion aidera enfin à trouver les compromis nécessaires.
Q - Vous êtes secrétaire général pour la coopération franco-allemande. Nicolas Baverez, avocat et économiste, nous disait à l'instant que l'axe franco-allemand ne fait plus recette. Qu'en pensez-vous ?
R - En regardant quelques mois en arrière, on se rend compte que les contributions franco-allemandes ont non seulement enrichi le texte de la Convention qui a présenté ce projet de Constitution, mais ont aussi joué un rôle véritablement décisif dans la conception même de cette Constitution. Une Constitution beaucoup plus citoyenne que les traités antérieurs. Il n'est pas question de substituer au projet européen un couple franco-allemand. Le couple franco-allemand a été générateur de l'Europe, il est maintenant au cur de l'Europe. Notre souci est d'être une force de proposition et non pas d'imposition de nos vues aux autres. Notre souci est aussi de rappeler que l'Europe ne peut être que politique. Il ne s'agit pas de diluer le projet européen dans un espace qui ne serait qu'un espace de marché. Cela, nous n'en voulons pas.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 décembre 2003)