Tribune de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans " International Herald Tribune" du 2 septembre 2004, sur l'aide militaire française en faveur des réfugiés du Darfour, l'action de coopération militaire avec l'Afrique et les voies d'un réglement de la crise du Darfour.

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Média : International Herald Tribune - Presse étrangère

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Darfour : sécuriser pour un règlement politique
Au Darfour, une catastrophe humanitaire se développe sous nos yeux. Elle justifie une intervention de la communauté internationale. Elle exige une mobilisation élargie et énergique. Depuis plus d'un mois, des soldats français basés au Tchad acheminent par voie aérienne, deux à trois fois par jour, une aide humanitaire destinée aux populations chassées du Darfour et réfugiées dans des camps au Tchad. Cette action a permis au Programme Alimentaire Mondial, au Haut Commissariat pour les Réfugiés, et aux Organisations non-gouvernementales présentes sur place, de distribuer des vivres à des familles traumatisées. Dès le 30 juillet, le Président de la République française avait décidé, en accord avec les autorités tchadiennes et suite à la résolution 1556 du Conseil de Sécurité, de mobiliser les moyens militaires français présents au Tchad pour cette action humanitaire d'ampleur. Ainsi, plus de 450 tonnes d'aide ont été délivrées par les éléments français au Tchad qui y consacrent toute leur énergie sans discontinuer. Cette action d'urgence était nécessaire pour éviter que ne s'aggrave une situation humanitaire inquiétante dont la communauté internationale a pris conscience. La France continuera à participer activement à l'acheminement de l'aide internationale. Elle ne peut agir seule, l'action ne peut se limiter à l'aide humanitaire.
Lors de mon déplacement récent sur la frontière entre le Tchad et le Soudan, j'ai souligné que la crise du Darfour doit mobiliser toutes les énergies du côté de l'Union européenne. Il faut continuer l'acheminement de l'aide humanitaire aux côtés de l'Union africaine et des Nations Unies, nous devons soutenir tous les efforts mis en uvre pour garantir le cessez-le-feu et assurer aux personnes déplacées un retour dans leur région d'origine en toute sécurité. Ces initiatives ne peuvent que favoriser un règlement politique dont, entre autres, les États africains mesurent l'urgence et la nécessité. La crise du Darfour est une question clé pour la stabilité dans la région que seul un règlement politique peut résoudre. L'intérêt de tous est que celui-ci prévale, au moment où le continent africain est aux prises avec des problèmes croissants de sécurité qui minent ses chances de développement et de progrès économique et social. Je crois sincèrement que la capacité d'initiative de l'Union africaine, ici comme dans d'autres zones en crise, doit être appuyée par les Européens. Il y a un an, l'Union européenne avait d'ailleurs su enrayer, avec l'aide de la communauté internationale, la crise humanitaire qui menaçait les populations de la région de Bunia à l'Est du Congo. Il faut poursuivre dans ce sens.
Les patrouilles conjointes, conduites par 200 militaires français avec les unités tchadiennes le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan, ont garanti que la crise du Darfour ne s'étende pas davantage dans cette partie de l'Afrique, avec les risques d'instabilité que cela signifierait pour la sécurité des populations civiles.
Ces moyens militaires, présents au Tchad dans le cadre d'accords bilatéraux, ont pu être mobilisés très rapidement et soutenus sur place. Cet engagement illustre à nouveau le rôle essentiel des forces françaises pré-positionnées en Afrique dans le cadre d'accords de défense ou de coopération avec de nombreux pays de la région. En étant présente sous cette forme, la France a pu contribuer au règlement des crises régionales, en liaison avec l'Union africaine et les organisations régionales, en Afrique de l'ouest, en Afrique centrale ou dans la Corne. La France participe à des actions de formation commune, ainsi qu'à des exercices menés dans le cadre du programme RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Plus que jamais, cette coopération bilatérale est l'une des priorités permanentes de notre diplomatie de défense : grâce à un savoir-faire unanimement reconnu dans la gestion des crises et à des capacités logistiques immédiatement opérationnelles, nos forces pré-positionnées apportent aux initiatives de la communauté internationale et à celles de l'Union africaine des compétences dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Cette action constitue une contribution permanente à la sécurité et à la stabilité régionales, tout en aidant nos partenaires africains à adapter leurs capacités de défense au maintien de la paix et à solution des crises.
Depuis février 2004, la France soutient la médiation du Président tchadien Idriss Deby et de l'Union africaine qui a abouti à la conclusion d'un accord de cessez-le-feu à Ndjamena le 8 avril dernier. Nous avons participé activement à la commission du cessez-le-feu (CCF), dont le commandant adjoint est un officier français. Nos troupes apportent aussi un soutien logistique à la CCF. Les termes de l'accord de cessez-le-feu humanitaire du 8 avril et du plan d'action des Nations Unies pour le Darfour conclu le 5 août sont clairs : ils doivent se traduire concrètement sur le terrain. Or, le rapport que le représentant spécial de Kofi Annan vient de transmettre au secrétariat général, à l'issue de sa mission d'évaluation, montre que sans la pleine coopération de toute les parties, la situation de crise et les atteintes à la sécurité peuvent s'aggraver. Les populations civiles, notamment les personnes déplacées, en seront les premières victimes. Comme l'a déclaré le Président Chirac le 27 août, la persistance de l'insécurité sur le terrain rend plus que jamais nécessaire l'application intégrale des mesures prévues par la résolution 1556.
Les atteintes aux droits de l'Homme et les menaces qui pèsent sur les populations du Soudan justifient une résolution aussi ferme, selon des formes qui doivent être adaptées aux réalités et à la priorité que revêtent la diminution de la violence et le retour à la sécurité, tant au plan interne que régional. Après le cessez-le-feu et la résolution du Conseil de sécurité, une nouvelle étape doit être maintenant franchie pour un règlement politique au Darfour. La France soutient en particulier les efforts de l'Union africaine pour faciliter une solution politique à cette crise.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 6 septembre 2004)