Texte intégral
Mesdames, messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mes chers amis,
Merci.
Merci du fond du coeur d'avoir, une fois encore, répondu à l'appel de la FNSEA.
Vous êtes près de 5000, administrateurs de nos fédérations, de nos associations spécialisées, responsables communaux et cantonaux, venus de toute la France, représentant toutes les productions.
Quand je vois cette salle, quand je vois votre mobilisation et votre enthousiasme, je suis fier d'être le président de la FNSEA.
Vous êtes le premier maillon de la chaîne des militants de la FNSEA. Ceux qui ne comptent pas leurs heures, ceux qui n'ont pas peur de mouiller leur chemise, ceux qui font la force et la vitalité de notre maison, ceux qui placent l'intérêt collectif bien au-dessus de leur intérêt particulier et qui sont fiers d'appartenir à la FNSEA.
Mais aujourd'hui, hélas, vous êtes blessés dans votre âme de militant. Votre fierté est teintée d'amertume.
Amertume, oui, parce qu'on veut nous salir.
Parce qu'on calomnie des syndicalistes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes à notre combat commun.
Parce qu'on essaye de faire passer pour une malversation , des actions de solidarité.
Mais attention : derrière le battage médiatique, il y a la volonté d'un petit clan d'ultra-libéraux de détruire le réseau d'organisations solidaires et efficaces que les agriculteurs ont construit au cours du dernier siècle.
L'enjeu est de taille.
Car c'est cette organisation qui a conforté la place des agriculteurs dans la société et dans l'économie.
Sans elle, les paysans ne pèseraient rien face à des fournisseurs ou à des acheteurs de plus en plus puissants et de plus en plus concentrés.
Sans elle, ils seraient passés à côté de la modernisation, de la maîtrise des techniques et du renouvellement des générations.
Sans elle, la terre se réduirait à un simple objet de spéculation au lieu de rester un outil de travail.
Sans la FNSEA, il serait sans doute arrivé aux paysans ce qui est arrivé aux petits commerçants : ils auraient suivi un Poujade quelconque, puis ils auraient disparu.
Mais je vous le dis avec toute la force de conviction qui est la mienne : ceux qui veulent nous détruire n'y arriveront pas.
[La force de notre organisation]
Ils n'y arriveront pas car ils trouveront sur leur chemin l'immense majorité des paysans de France.
Le syndicalisme agricole a déjà subi, au cours de son histoire, d'autres tentatives de déstabilisation. Il en est ressorti à chaque fois plus fort.
Quand ils se sentent menacés dans ce qu'ils ont de plus précieux, les paysans resserrent les rangs autour de leur organisation syndicale.
D'instinct, nous savons que nous n'avons rien à attendre de ceux qui ne sont bons qu'à détruire et diviser.
Nous savons que c'est en nous rassemblant que nous sommes les plus forts.
L'an dernier, après la sécheresse, il fallait une organisation unitaire et structurée pour collecter 350 000 tonnes de paille dans les régions céréalières et les distribuer aux éleveurs... Sans vérifier d'ailleurs, leur étiquette syndicale !
Nous avons prouvé que c'est avec la solidarité que nous avons pu atténuer les blessures infligées aux terres et aux hommes du Sud de la France lors des dernières inondations.
La solidarité au quotidien, le coup de main à celui qui en a besoin, c'est notre réponse à l'impasse où conduit l'égoïsme trop souvent présent dans notre société.
Alors ne laissons pas les querelles partisanes, voire politiques, et les intérêts particuliers affaiblir cette solidarité et cette unité professionnelle. Nous sommes un syndicat professionnel et pas un syndicat de chapelles ou une Tour de Babel.
La FNSEA est une maison ouverte. Chacun s'y exprime avec ses sensibilités, ses convictions, ses différences. Dans le respect des règles démocratiques qui nous régissent.
Notre agriculture est confrontée à trop de difficultés, elle est engagée dans une mutation trop redoutable pour se payer le luxe de la division et de la démagogie.
[Les ruptures agricoles]
Au cours de ces 40 dernières années, nous nous sommes modernisés, nous avons restructuré nos exploitations, amélioré nos techniques de production, appris à gérer nos entreprises.
Aucun secteur n'a connu une mutation aussi profonde, une révolution silencieuse qui a permis à la France de conquérir son indépendance alimentaire, qui a fait de l'agriculture française l'une des premières activités exportatrices du pays.
Nous pouvons être fiers du travail accompli.
Mais aujourd'hui, l'histoire de l'agriculture est confrontée à des ruptures :
- Rupture démographique : les paysans sont de moins en moins nombreux.
- Rupture économique : les grands marchés sont saturés et la concurrence est de plus en plus rude avec des pays agricoles émergents.
- Rupture sociétale : il faut sans cesse s'adapter aux nouvelles attentes des citoyens et des consommateurs.
De plus, ces ruptures s'inscrivent dans un contexte particulièrement menaçant :
- Des débats difficiles à l'Organisation mondiale du commerce ;
- L'application d'une réforme de la Politique Agricole Commune que nous n'avons pas voulue
- une conjoncture extrêmement tendue dans trop de secteurs de production.
Et nous devons aussi nous battre contre ceux qui pensent que l'Europe doit laisser la production agricole au reste du monde parce que sa vocation, à elle, ce serait le jardinage !
[Franchir un cap]
Mais ces ruptures doivent nous stimuler. Nous devons les aborder comme un nouveau cap à franchir.
Et pour franchir ce cap, nous avons des défis à relever.
Ce sont les quatre défis qui ont été exposés, par nos responsables et nos invités tout au long de la matinée : les défis de la production, de l'entreprise, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Ces défis, nous allons les relever. Je sais que nous sommes prêts à retrousser nos manches. J'ai confiance.
Et nous les relèverons sans sacrifier nos valeurs.
[Les conditions pour relever les défis]
D'abord, l'agriculture doit rester productive.
Nous refusons de devenir de petits rentiers frileux qui négocieraient leurs droits à paiement en regardant pousser les marguerites.
Ensuite, notre métier doit continuer à s'appuyer sur l'exploitation à responsabilité personnelle. Elle est le socle d'une agriculture à dimension humaine, alliant efficacité économique et responsabilité des hommes.
Nous voulons rester maîtres chez nous. Ne pas être mis en tutelle par les industries de transformation et par la grande distribution, qui récupéreraient les profits à leur compte et ne nous laisseraient que la sueur et les dettes !
Et puis, nous ne voulons pas d'une agriculture à deux vitesses : avec d'un côté de grandes exploitations vouées à la production de masse ; et de l'autre de petites unités qui ne chercheraient leur salut que dans des niches et des prestations de service.
Les conséquences seraient catastrophiques : avec l'implosion du monde agricole et le déséquilibre de nos territoires.
Nous gagnerons le pari de la modernité si l'ensemble des exploitations, au-delà de leurs atouts particuliers et de leurs spécificités régionales, sont en même temps performantes et respectueuses de l'environnement.
Enfin, nous voulons une agriculture organisée et solidaire, qui permette l'accès du plus grand nombre aux moyens de production, qui donne aux jeunes les moyens de s'installer, car en sacrifiant l'installation, c'est tout l'avenir que l'on condamne !
Une agriculture organisée, certes, mais pas sur le mode corporatiste : une agriculture ouverte sur la société, soucieuse de qualité, d'aménagement du territoire, désireuse de remplir sa responsabilité sociale dans le domaine de l'emploi.
Aujourd'hui, l'agriculture n'est pas simplement productrice de denrées alimentaires ; elle est aussi productrice de biens non alimentaires et de services.
Nous venons de le voir et nous devons l'affirmer plus fort encore pour prendre toute notre place dans les orientations fondamentales de notre société.
[Accompagner les efforts des agriculteurs]
Oui, nous sommes prêts à nous engager. Car chaque fois qu'il s'est agi de prendre nos responsabilités, nous avons répondu présents.
Mais notre détermination seule ne suffira pas. Nos compatriotes et nos gouvernants doivent nous y aider.
C'est dans l'intérêt de tous.
Car l'opinion et les pouvoirs publics doivent ouvrir les yeux et enfin reconnaître que l'agriculture est essentielle à notre pays.
Elle assure aujourd'hui notre indépendance alimentaire, et elle sera capable demain de contribuer à notre indépendance énergétique.
C'est elle qui apporte au consommateur des produits de qualité, c'est elle qui entretient les paysages, c'est elle encore qui dynamise la ruralité. Et ce n'est pas quand la énième prairie aura disparu et que la France sera envahie par les ronces qu'il faudra réagir, il sera alors trop tard !
Il est urgent que le Gouvernement prenne ses responsabilités et assume aussi ses choix communautaires.
Il y a 40 ans, nos anciens ont su, au travers de grandes lois, tracer le sillon pour faire entrer l'agriculture dans la modernité. Aujourd'hui, nous affirmons la même ambition, pour que la loi de modernisation annoncée donne le cap à une agriculture innovante, responsable et durable.
Et profitons de cette occasion pour libérer les agriculteurs de cette chape de plomb que représente la bureaucratie : nous sommes des artisans du vivant pas des industriels de la paperasse !
[Conclusion]
Mesdames, messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mes chers amis,
Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins.
Comme nos prédécesseurs, nous sommes prêts à écrire une nouvelle page de l'histoire agricole de notre pays.
Nous allons l'écrire ensemble, sous la bannière de la FNSEA.
Cette FNSEA que nous ne laisserons ni salir ni détruire.
Jamais nous ne laisserons le champ libre aux populistes et aux démagogues qui sont le cancer de la démocratie.
Pas de pays sans paysans, pas de paysans sans revenu, pas de revenu sans prix !
Notre ambition est que ce slogan soit une réalité quotidienne pour chaque paysan.
Nous allons nous battre.
Je compte sur vous.
Paysans demain, Paysans DEBOUT !!
(Source http://www.fnsea.fr, le 2 mars 2004)