Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Je retrouve aujourd'hui avec plaisir, près de seize mois après son installation, la Commission Nationale pour l'Élimination des Mines Antipersonnel. Vos propos introductifs l'ont souligné, Madame la Présidente : cette Commission a su remplir, dans des délais exceptionnellement courts, la mission que le Gouvernement lui avait confiée. J'en sais gré à tous ses membres.
Le rapport que vous me remettez aujourd'hui marque ainsi un triple succès.
Le succès de notre pays, celui d'une coopération étroite entre tous les acteurs intéressés, celui de votre Commission.
Notre pays a en effet tenu ses engagements de façon exemplaire. Lors de la signature de la Convention d'Ottawa, le Gouvernement français s'était engagé à devancer l'échéance fixée par ce traité pour la destruction, par chaque pays signataire, des stocks de mines antipersonnel qu'il détient ou qui sont sous sa juridiction. Cette promesse est aujourd'hui tenue. Et je me réjouis que la France ait donné l'exemple en détruisant son propre stock plus de trois ans avant l'échéance prévue par la Convention, c'est-à-dire le 1er mars 2003, et plus d'un an avant le 31 décembre 2000, date butoir fixée par la loi française du 8 juillet 1998. Les chiffres que vous citez sont éloquents : entre le 17 juin 1996 et le 20 décembre 1999, notre pays a détruit plus d'un million de mines antipersonnel, près de 200.000 " allumeurs " pour ces mines et 132.000 composants et accessoires de ces engins. Puisque plusieurs des industriels qui ont pris part à ce travail sont présents ce soir parmi nous, je souhaite leur transmettre nos félicitations pour avoir su mener rapidement à bien ces opérations dangereuses et prendre les mesures indispensables à la protection de l'environnement.
Pour établir ce bilan, vous avez su instaurer une coopération efficace entre les différents acteurs. Dans ce domaine, la transparence n'était pas toujours la règle. Vous avez su mettre en place un important dispositif de contrôle. Il est bien sûr nécessaire que votre Commission continue de surveiller l'emploi qui est fait des mines antipersonnel d'exercice, tout comme le niveau des stocks de ces mines. Je crois cependant que la qualité des relations que vous avez su établir avec l'ensemble des parties intéressées est la meilleure garantie pour l'avenir. Je souhaite à ce sujet saluer le grand professionnalisme et la rigueur dont nos armées ont témoignés.
Ce succès est enfin celui de votre Commission et de tous ceux qu'elle rassemble. Administrations, élus, organisations non gouvernementales, représentants de la société civile : votre Commission réunit tous ceux qui, en France, prennent part à la lutte contre le fléau des mines antipersonnel. C'est sans doute ce qui vous a permis de produire un travail collectif dense, sérieux, qui témoigne de l'engagement moral et de la rigueur intellectuelle de vos membres.
Je ne commenterai pas la totalité des 28 propositions de votre rapport. Certaines soulèvent des questions complexes qui doivent faire l'objet d'un examen attentif. Vos conclusions et propositions seront instruites, sous l'autorité de mon Cabinet, avec les administrations concernées. Pour l'heure, je souhaite vous assurer que notre pays, après avoir procédé aux destructions auxquelles il s'était engagé, entend poursuivre ses efforts en matière de déminage et d'assistance aux victimes.
Il nous faut pour cela renforcer les outils dont nous disposons.
Je souhaite mieux coordonner encore notre action. Celle-ci doit réunir tous les services de l'administration française susceptibles de contribuer à une réponse plus active et plus efficace de notre pays. Un Ambassadeur itinérant, M. Samuel de BEAUVAIS, a pour cette raison été spécialement chargé du suivi de la convention d'Ottawa.
Cette coordination renforcée doit aussi associer les industriels concernés. C'est pourquoi il me paraîtrait utile que des représentants des ministres chargés de la Recherche et de l'Industrie participent à vos travaux. Ce serait là un gage d'efficacité, si nous entendons en particulier que notre pays développe un savoir-faire civil en matière de nouvelles technologies de déminage. Dans le même esprit, je demanderai aux services compétents du ministère des Affaires étrangères, mais aussi des ministères des Finances, de l'Industrie et de la Défense, d'étudier les moyens de mieux soutenir les entreprises françaises spécialisées dans la destruction des munitions dangereuses.
Cette coordination doit permettre, en particulier, de mettre au point un plan d'action destiné à aider les États qui, faute de moyens techniques et financiers, ne peuvent détruire eux-mêmes les mines présentes sur leur territoire. Pour les pays les moins avancés, ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des plans bilatéraux de coopération.
Le déminage est en effet un des visages de l'action humanitaire de notre pays. Sur ce point, vous regrettez que la France ne soit pas plus généreuse sur le plan financier. Vous soulignez qu'au sein de l'Union européenne, tel ou tel État fournit un effort relativement plus lourd que le nôtre. Mais, vous l'avez relevé, notre action a ses spécificités, au premier chef l'importance des moyens militaires que nous engageons après la fin de conflits armés, comme en Bosnie, au Kosovo ou au Liban, pour participer au déminage de régions entières. Or, comme votre rapport le rappelle, il est difficile de traduire en termes comptables l'importance de ces interventions. Elles sont très conséquentes.
Pour aller plus loin, nous devons explorer ensemble de nouvelles pistes. Depuis décembre dernier, un Fonds de solidarité prioritaire doté de 20 millions de francs est destiné expressément au déminage humanitaire. La tâche est immense : cet effort pourrait sans doute être amplifié. Il nous permet d'ores et déjà de financer des projets importants, par exemple au Mozambique, en appui d'Handicap International.
Je souhaite par ailleurs, comme vous-mêmes, que la France mette davantage au service du déminage humanitaire les capacités d'assistance technique et l'expertise particulière qu'elle a acquises dans ce domaine, grâce à nos forces armées. Un séminaire pan-africain, organisé en février prochain à Bamako, en coordination avec le Canada et l'Organisation de l'Unité Africaine, pourrait nous offrir l'occasion de recenser les besoins d'un continent durement frappé par les mines antipersonnel. Car comme vous le soulignez, nous sommes en mesure d'offrir une gamme très large d'actions concrètes -formation des instructeurs, destruction des stocks, assistance juridique dans la mise au point de législations nationales appropriées.
Au-delà, il est essentiel que les pays bénéficiant de cette aide puissent mettre en place des structures nationales fiables, à même de prendre à moyen terme, sur le terrain, le relais des dispositifs importés.
Mesdames et Messieurs,
Le travail novateur que vous avez accompli est ambitieux. Je me réjouis qu'il soit disponible au moment où la Communauté internationale débat, à Genève, de ces questions, et où Handicap International organise à Paris et dans vingt-six villes de France la " Sixième pyramide de chaussures contre les mines antipersonnel ".
Je veux saluer cette mobilisation, qui nous invite, si besoin était, à intensifier notre combat collectif contre une arme singulièrement barbare. Certes, quelque deux ans et demi après l'ouverture à la signature de la Convention d'Ottawa, le mouvement international d'adhésion à ce traité ne se dément pas. Avec 138 signataires et 101 États parties, ce texte confirme sa capacité d'entraînement. Mais le ralliement d'une majorité de membres de la communauté internationale au " processus d'Ottawa " n'a pas suffi à convaincre tous les grands pays concernés -je pense en particulier aux Etats-Unis, à la Russie, à la Chine- ni certains protagonistes de très anciens contentieux régionaux, de renoncer aux mines antipersonnel.
Votre vigilance demeure donc indispensable. Je souhaite, au nom du Gouvernement français, que la pression de la communauté internationale continue à s'exercer, afin que se tarissent les trafics de mines antipersonnel, afin que les États qui se refusent encore à adhérer à la Convention d'Ottawa ou à l'appliquer le fassent, et afin que les belligérants cessent de recourir à ces engins aveugles et lâches. C'est ensemble que nous devons travailler encore à faire définitivement disparaître cette arme qui continue, au moment même où nous nous rencontrons, à tuer et à mutiler des hommes, des femmes et des enfants à travers la planète.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 septembre 2000)
Mesdames, Messieurs,
Je retrouve aujourd'hui avec plaisir, près de seize mois après son installation, la Commission Nationale pour l'Élimination des Mines Antipersonnel. Vos propos introductifs l'ont souligné, Madame la Présidente : cette Commission a su remplir, dans des délais exceptionnellement courts, la mission que le Gouvernement lui avait confiée. J'en sais gré à tous ses membres.
Le rapport que vous me remettez aujourd'hui marque ainsi un triple succès.
Le succès de notre pays, celui d'une coopération étroite entre tous les acteurs intéressés, celui de votre Commission.
Notre pays a en effet tenu ses engagements de façon exemplaire. Lors de la signature de la Convention d'Ottawa, le Gouvernement français s'était engagé à devancer l'échéance fixée par ce traité pour la destruction, par chaque pays signataire, des stocks de mines antipersonnel qu'il détient ou qui sont sous sa juridiction. Cette promesse est aujourd'hui tenue. Et je me réjouis que la France ait donné l'exemple en détruisant son propre stock plus de trois ans avant l'échéance prévue par la Convention, c'est-à-dire le 1er mars 2003, et plus d'un an avant le 31 décembre 2000, date butoir fixée par la loi française du 8 juillet 1998. Les chiffres que vous citez sont éloquents : entre le 17 juin 1996 et le 20 décembre 1999, notre pays a détruit plus d'un million de mines antipersonnel, près de 200.000 " allumeurs " pour ces mines et 132.000 composants et accessoires de ces engins. Puisque plusieurs des industriels qui ont pris part à ce travail sont présents ce soir parmi nous, je souhaite leur transmettre nos félicitations pour avoir su mener rapidement à bien ces opérations dangereuses et prendre les mesures indispensables à la protection de l'environnement.
Pour établir ce bilan, vous avez su instaurer une coopération efficace entre les différents acteurs. Dans ce domaine, la transparence n'était pas toujours la règle. Vous avez su mettre en place un important dispositif de contrôle. Il est bien sûr nécessaire que votre Commission continue de surveiller l'emploi qui est fait des mines antipersonnel d'exercice, tout comme le niveau des stocks de ces mines. Je crois cependant que la qualité des relations que vous avez su établir avec l'ensemble des parties intéressées est la meilleure garantie pour l'avenir. Je souhaite à ce sujet saluer le grand professionnalisme et la rigueur dont nos armées ont témoignés.
Ce succès est enfin celui de votre Commission et de tous ceux qu'elle rassemble. Administrations, élus, organisations non gouvernementales, représentants de la société civile : votre Commission réunit tous ceux qui, en France, prennent part à la lutte contre le fléau des mines antipersonnel. C'est sans doute ce qui vous a permis de produire un travail collectif dense, sérieux, qui témoigne de l'engagement moral et de la rigueur intellectuelle de vos membres.
Je ne commenterai pas la totalité des 28 propositions de votre rapport. Certaines soulèvent des questions complexes qui doivent faire l'objet d'un examen attentif. Vos conclusions et propositions seront instruites, sous l'autorité de mon Cabinet, avec les administrations concernées. Pour l'heure, je souhaite vous assurer que notre pays, après avoir procédé aux destructions auxquelles il s'était engagé, entend poursuivre ses efforts en matière de déminage et d'assistance aux victimes.
Il nous faut pour cela renforcer les outils dont nous disposons.
Je souhaite mieux coordonner encore notre action. Celle-ci doit réunir tous les services de l'administration française susceptibles de contribuer à une réponse plus active et plus efficace de notre pays. Un Ambassadeur itinérant, M. Samuel de BEAUVAIS, a pour cette raison été spécialement chargé du suivi de la convention d'Ottawa.
Cette coordination renforcée doit aussi associer les industriels concernés. C'est pourquoi il me paraîtrait utile que des représentants des ministres chargés de la Recherche et de l'Industrie participent à vos travaux. Ce serait là un gage d'efficacité, si nous entendons en particulier que notre pays développe un savoir-faire civil en matière de nouvelles technologies de déminage. Dans le même esprit, je demanderai aux services compétents du ministère des Affaires étrangères, mais aussi des ministères des Finances, de l'Industrie et de la Défense, d'étudier les moyens de mieux soutenir les entreprises françaises spécialisées dans la destruction des munitions dangereuses.
Cette coordination doit permettre, en particulier, de mettre au point un plan d'action destiné à aider les États qui, faute de moyens techniques et financiers, ne peuvent détruire eux-mêmes les mines présentes sur leur territoire. Pour les pays les moins avancés, ces actions pourraient s'inscrire dans le cadre des plans bilatéraux de coopération.
Le déminage est en effet un des visages de l'action humanitaire de notre pays. Sur ce point, vous regrettez que la France ne soit pas plus généreuse sur le plan financier. Vous soulignez qu'au sein de l'Union européenne, tel ou tel État fournit un effort relativement plus lourd que le nôtre. Mais, vous l'avez relevé, notre action a ses spécificités, au premier chef l'importance des moyens militaires que nous engageons après la fin de conflits armés, comme en Bosnie, au Kosovo ou au Liban, pour participer au déminage de régions entières. Or, comme votre rapport le rappelle, il est difficile de traduire en termes comptables l'importance de ces interventions. Elles sont très conséquentes.
Pour aller plus loin, nous devons explorer ensemble de nouvelles pistes. Depuis décembre dernier, un Fonds de solidarité prioritaire doté de 20 millions de francs est destiné expressément au déminage humanitaire. La tâche est immense : cet effort pourrait sans doute être amplifié. Il nous permet d'ores et déjà de financer des projets importants, par exemple au Mozambique, en appui d'Handicap International.
Je souhaite par ailleurs, comme vous-mêmes, que la France mette davantage au service du déminage humanitaire les capacités d'assistance technique et l'expertise particulière qu'elle a acquises dans ce domaine, grâce à nos forces armées. Un séminaire pan-africain, organisé en février prochain à Bamako, en coordination avec le Canada et l'Organisation de l'Unité Africaine, pourrait nous offrir l'occasion de recenser les besoins d'un continent durement frappé par les mines antipersonnel. Car comme vous le soulignez, nous sommes en mesure d'offrir une gamme très large d'actions concrètes -formation des instructeurs, destruction des stocks, assistance juridique dans la mise au point de législations nationales appropriées.
Au-delà, il est essentiel que les pays bénéficiant de cette aide puissent mettre en place des structures nationales fiables, à même de prendre à moyen terme, sur le terrain, le relais des dispositifs importés.
Mesdames et Messieurs,
Le travail novateur que vous avez accompli est ambitieux. Je me réjouis qu'il soit disponible au moment où la Communauté internationale débat, à Genève, de ces questions, et où Handicap International organise à Paris et dans vingt-six villes de France la " Sixième pyramide de chaussures contre les mines antipersonnel ".
Je veux saluer cette mobilisation, qui nous invite, si besoin était, à intensifier notre combat collectif contre une arme singulièrement barbare. Certes, quelque deux ans et demi après l'ouverture à la signature de la Convention d'Ottawa, le mouvement international d'adhésion à ce traité ne se dément pas. Avec 138 signataires et 101 États parties, ce texte confirme sa capacité d'entraînement. Mais le ralliement d'une majorité de membres de la communauté internationale au " processus d'Ottawa " n'a pas suffi à convaincre tous les grands pays concernés -je pense en particulier aux Etats-Unis, à la Russie, à la Chine- ni certains protagonistes de très anciens contentieux régionaux, de renoncer aux mines antipersonnel.
Votre vigilance demeure donc indispensable. Je souhaite, au nom du Gouvernement français, que la pression de la communauté internationale continue à s'exercer, afin que se tarissent les trafics de mines antipersonnel, afin que les États qui se refusent encore à adhérer à la Convention d'Ottawa ou à l'appliquer le fassent, et afin que les belligérants cessent de recourir à ces engins aveugles et lâches. C'est ensemble que nous devons travailler encore à faire définitivement disparaître cette arme qui continue, au moment même où nous nous rencontrons, à tuer et à mutiler des hommes, des femmes et des enfants à travers la planète.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 septembre 2000)