Texte intégral
Fernand TAVARES
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs bonjour et bienvenue en direct sur France 3 à l'Assemblée nationale. Dans quelques instants, place à la séance des " Questions au gouvernement ". Auparavant j'ai le plaisir de recevoir Madame ALLIOT-MARIE, ministre de la Défense. Madame, hier on a évoqué la situation en Côte d'Ivoire qualifiée par le Premier ministre d'une situation - entre guillemets - tendue. A l'heure où nous parlons, donc cet après-midi, qu'en est-il exactement ?
Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de la Défense
A cette heure-ci, comme ce matin, la situation en Côte d'Ivoire est calme, elle est calme aussi à Abidjan. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne soit pas fragile, nous l'avons vu malheureusement au cours des jours qui se sont écoulés ; il y a des périodes d'accalmie et parfois un appel venant soit de la radiotélévision ivoirienne ou de la rumeur - car il y a beaucoup de rumeurs à Abidjan - et qui mobilise des milliers de personnes extrêmement agressives.
Fernand TAVARES
Il y a un certain nombre d'informations qui nous sont parvenues, disant entre autres, que l'armée française aurait tiré sur la foule. Est-ce que là-dessus vous avez des précisions ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Je m'élève totalement contre ce type d'informations dont je ne sais pourquoi l'une d'entre-elles a été relayée sur une grande radio ce matin. Ceci est tout à fait faux. Il y a des foules ivoiriennes qui sont armées tantôt de machettes, tantôt d'armes légères. Et au sein de ces foules ivoiriennes, il y a eu, effectivement, à plusieurs reprises, des échanges de coups de feu, notamment hier. Que s'est-il passé hier ? Les soldats français étaient autour de l'Hôtel IVOIRE pour protéger les ressortissants français et étrangers qui s'y étaient regroupés. Sur ces entrefaites, la foule a été appelée à manifester et plusieurs milliers de jeunes des milices pro-Laurent GBAGBO, ainsi qu'un certain nombre de personnes autour de ceux qui ont créé les exactions ces derniers jours, se sont regroupés et se sont rapprochés. Les forces armées ivoiriennes elles-mêmes se sont interposées et elles ont effectivement mis en place un cordon entre les soldats français et la foule ivoirienne. La foule ivoirienne a alors attaqué de différentes façons les soldats ivoiriens ; un gendarme ivoirien a été tué, les autres ont été quasi-lynchés par la foule. Il y a eu, à ce moment-là, des échanges de coups de feu entre les soldats ivoiriens et la foule ivoirienne. En ce qui concerne les soldats français, ils n'ont jamais, depuis le début, à l'égard de cette foule et de ces milices, jamais fait autre chose que des tirs de sommation.
Fernand TAVARES
Alors Madame le Ministre, il y a quelques jours - ce qui a un peu tout déclenché - c'est le bombardement des troupes françaises qui a d'ailleurs entraîné la mort de sept soldats à qui ont rendra hommage tout à l'heure aux Invalides en présence du chef de l'Etat et la France a reçu ordre de répliquer. Donc, on peut estimer quelque part, qu'elle se trouve par moment en état de légitime défense. Aujourd'hui, est-ce qu'elle peut également se trouver dans cette circonstance, ces troupes françaises, de pouvoir répliquer aussi, parce que c'est de la légitime défense, tout simplement.
Michèle ALLIOT-MARIE
Oui, nous avons perdu neuf militaires. Et nous avons eu trente-huit militaires blessés, alors que ces hommes étaient venus apporter la paix. Alors qu'ils étaient dans leur cantonnement, ils ont été lâchement attaqués par un avion des forces armées ivoiriennes. Et vous me permettrez d'abord de penser à eux, les morts, les blessés et de penser à leurs familles que j'ai rencontrées hier. C'est extrêmement dur, surtout quand ce sont des hommes qui sont venus apporter la paix à qui d'autres ont donné la mort. Effectivement, le président de la République a demandé de répliquer, car nous étions en légitime défense. Il a également demandé de neutraliser l'ensemble des aéronefs, c'est-à-dire les avions militaires mais également les hélicoptères de combat ivoiriens qui avaient participé à cette attaque ou qui pouvaient revenir porter de nouveau la mort. Et nous l'avons fait. Nous intervenons selon les règles de l'ONU. Ce n'est pas nous qui les fixons ; elles nous autorisent à intervenir dans un certain nombre de cas, et nous sommes autorisés aujourd'hui, depuis samedi soir, à intervenir, à tirer à la fois quand nos militaires sont attaqués, donc en légitime défense, et pour assurer la protection des gens qu'ils sont chargés de protéger, des Français ou des ressortissants de la communauté internationale. Et soyez assurés que je connais les militaires, ils ne le font vraiment qu'en dernière extrémité. Ils sont autorisés à intervenir également pour porter secours à la force de l'ONUCI puisque dans toute cette affaire, ce n'est pas nous qui sommes en première ligne, ce sont les soldats de l'ONU, les Casques Bleus de l'ONU qui sont pour la plupart, d'ailleurs, des Africains.
Fernand TAVARES
Alors Madame la Ministre de la Défense, il y a évidemment une urgence, c'est non seulement la protection de nos ressortissants mais on sent bien que beaucoup d'entre eux veulent quitter Abidjan. Alors est-ce que c'est déjà organisé, quitter Abidjan et quitter peut-être la Côte d'Ivoire pour revenir en France ? Il y a quand même eu un certain nombre de traumatismes matériels et physiques, d'après ce qui se dit aujourd'hui. Que se passe-t-il exactement ? Est-ce que tout est prévu, tout est organisé pour transférer, si besoin est, les Français qui le demanderaient ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Notre préoccupation majeure est effectivement d'abord la protection des ressortissants. Et il faut bien dire qu'assurer cette protection n'est pas quelque chose de facile pour nos militaires qui sont sur place. D'abord parce que les ressortissants français ou étrangers auxquels s'attaquent les jeunes patriotes et les différents voyous, sont répartis sur tout le territoire ; ils sont souvent très dispersés. Ils ont, à Abidjan, beaucoup de mal à circuler, compte tenu de ce qui se passe, et les militaires doivent aller les chercher là où ils se trouvent, pour les protéger. Nous en avons ramené un très grand nombre au sein de notre enceinte militaire ; il y en a également un millier qui se trouvent dans l'enceinte de la Force de l'ONU et nous avons, grâce à la sécurisation de l'aéroport que nous avons assurée, la possibilité de faire des évacuations sanitaires - ce que nous avons fait notamment avec nos blessés. Nous avons également maintenant la possibilité de faire poser un certain nombre de gros porteurs, ce qui nous permettra de rapatrier ceux qui le souhaiteraient vers la France.
Fernand TAVARES
Vous avez mobilisé les compagnies aériennes ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Il y a effectivement des compagnies aériennes. Nous avons adopté un texte ce matin qui permet de faire poser ces avions sur l'aéroport d'Abidjan, ce qui normalement n'est pas possible puisque ce sont des militaires qui tiennent l'aéroport. C'est maintenant une chose faite. Trois avions atterriront dès ce soir et permettront à tous ceux qui souhaitent rentrer, notamment parce que les écoles françaises ont été brûlées, de pouvoir le faire. Leur accueil est prévu et assuré depuis hier. Nous avons une cellule au Quai d'Orsay qui s'occupe effectivement de cet accueil puisque certains d'entre eux ont malheureusement tout perdu ou ont dû partir en laissant l'essentiel de leurs biens.
Fernand TAVARES
Comment vous expliquez, vous, tant de haine de la Côte d'Ivoire à l'égard de la France, tout d'un coup ?
Michèle ALLIOT-MARIE
C'est une haine à vrai dire, xénophobe. La France est visée parce que nos ressortissants français, qui travaillent là-bas, sont les plus nombreux. Mais d'autres ressortissants de bien d'autres pays, d'Espagne, d'Italie, etc. sont également visés. D'une façon générale il y a une sorte de racisme et de xénophobie qui est en train de se développer dans ce pays. Ce que l'on ne peut que regretter quand on connaît les Ivoiriens et quand on connaît ce pays qu'est la Côte d'Ivoire.
Fernand TAVARES
Merci Madame le Ministre de la Défense.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 novembre 2004)
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs bonjour et bienvenue en direct sur France 3 à l'Assemblée nationale. Dans quelques instants, place à la séance des " Questions au gouvernement ". Auparavant j'ai le plaisir de recevoir Madame ALLIOT-MARIE, ministre de la Défense. Madame, hier on a évoqué la situation en Côte d'Ivoire qualifiée par le Premier ministre d'une situation - entre guillemets - tendue. A l'heure où nous parlons, donc cet après-midi, qu'en est-il exactement ?
Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre de la Défense
A cette heure-ci, comme ce matin, la situation en Côte d'Ivoire est calme, elle est calme aussi à Abidjan. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne soit pas fragile, nous l'avons vu malheureusement au cours des jours qui se sont écoulés ; il y a des périodes d'accalmie et parfois un appel venant soit de la radiotélévision ivoirienne ou de la rumeur - car il y a beaucoup de rumeurs à Abidjan - et qui mobilise des milliers de personnes extrêmement agressives.
Fernand TAVARES
Il y a un certain nombre d'informations qui nous sont parvenues, disant entre autres, que l'armée française aurait tiré sur la foule. Est-ce que là-dessus vous avez des précisions ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Je m'élève totalement contre ce type d'informations dont je ne sais pourquoi l'une d'entre-elles a été relayée sur une grande radio ce matin. Ceci est tout à fait faux. Il y a des foules ivoiriennes qui sont armées tantôt de machettes, tantôt d'armes légères. Et au sein de ces foules ivoiriennes, il y a eu, effectivement, à plusieurs reprises, des échanges de coups de feu, notamment hier. Que s'est-il passé hier ? Les soldats français étaient autour de l'Hôtel IVOIRE pour protéger les ressortissants français et étrangers qui s'y étaient regroupés. Sur ces entrefaites, la foule a été appelée à manifester et plusieurs milliers de jeunes des milices pro-Laurent GBAGBO, ainsi qu'un certain nombre de personnes autour de ceux qui ont créé les exactions ces derniers jours, se sont regroupés et se sont rapprochés. Les forces armées ivoiriennes elles-mêmes se sont interposées et elles ont effectivement mis en place un cordon entre les soldats français et la foule ivoirienne. La foule ivoirienne a alors attaqué de différentes façons les soldats ivoiriens ; un gendarme ivoirien a été tué, les autres ont été quasi-lynchés par la foule. Il y a eu, à ce moment-là, des échanges de coups de feu entre les soldats ivoiriens et la foule ivoirienne. En ce qui concerne les soldats français, ils n'ont jamais, depuis le début, à l'égard de cette foule et de ces milices, jamais fait autre chose que des tirs de sommation.
Fernand TAVARES
Alors Madame le Ministre, il y a quelques jours - ce qui a un peu tout déclenché - c'est le bombardement des troupes françaises qui a d'ailleurs entraîné la mort de sept soldats à qui ont rendra hommage tout à l'heure aux Invalides en présence du chef de l'Etat et la France a reçu ordre de répliquer. Donc, on peut estimer quelque part, qu'elle se trouve par moment en état de légitime défense. Aujourd'hui, est-ce qu'elle peut également se trouver dans cette circonstance, ces troupes françaises, de pouvoir répliquer aussi, parce que c'est de la légitime défense, tout simplement.
Michèle ALLIOT-MARIE
Oui, nous avons perdu neuf militaires. Et nous avons eu trente-huit militaires blessés, alors que ces hommes étaient venus apporter la paix. Alors qu'ils étaient dans leur cantonnement, ils ont été lâchement attaqués par un avion des forces armées ivoiriennes. Et vous me permettrez d'abord de penser à eux, les morts, les blessés et de penser à leurs familles que j'ai rencontrées hier. C'est extrêmement dur, surtout quand ce sont des hommes qui sont venus apporter la paix à qui d'autres ont donné la mort. Effectivement, le président de la République a demandé de répliquer, car nous étions en légitime défense. Il a également demandé de neutraliser l'ensemble des aéronefs, c'est-à-dire les avions militaires mais également les hélicoptères de combat ivoiriens qui avaient participé à cette attaque ou qui pouvaient revenir porter de nouveau la mort. Et nous l'avons fait. Nous intervenons selon les règles de l'ONU. Ce n'est pas nous qui les fixons ; elles nous autorisent à intervenir dans un certain nombre de cas, et nous sommes autorisés aujourd'hui, depuis samedi soir, à intervenir, à tirer à la fois quand nos militaires sont attaqués, donc en légitime défense, et pour assurer la protection des gens qu'ils sont chargés de protéger, des Français ou des ressortissants de la communauté internationale. Et soyez assurés que je connais les militaires, ils ne le font vraiment qu'en dernière extrémité. Ils sont autorisés à intervenir également pour porter secours à la force de l'ONUCI puisque dans toute cette affaire, ce n'est pas nous qui sommes en première ligne, ce sont les soldats de l'ONU, les Casques Bleus de l'ONU qui sont pour la plupart, d'ailleurs, des Africains.
Fernand TAVARES
Alors Madame la Ministre de la Défense, il y a évidemment une urgence, c'est non seulement la protection de nos ressortissants mais on sent bien que beaucoup d'entre eux veulent quitter Abidjan. Alors est-ce que c'est déjà organisé, quitter Abidjan et quitter peut-être la Côte d'Ivoire pour revenir en France ? Il y a quand même eu un certain nombre de traumatismes matériels et physiques, d'après ce qui se dit aujourd'hui. Que se passe-t-il exactement ? Est-ce que tout est prévu, tout est organisé pour transférer, si besoin est, les Français qui le demanderaient ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Notre préoccupation majeure est effectivement d'abord la protection des ressortissants. Et il faut bien dire qu'assurer cette protection n'est pas quelque chose de facile pour nos militaires qui sont sur place. D'abord parce que les ressortissants français ou étrangers auxquels s'attaquent les jeunes patriotes et les différents voyous, sont répartis sur tout le territoire ; ils sont souvent très dispersés. Ils ont, à Abidjan, beaucoup de mal à circuler, compte tenu de ce qui se passe, et les militaires doivent aller les chercher là où ils se trouvent, pour les protéger. Nous en avons ramené un très grand nombre au sein de notre enceinte militaire ; il y en a également un millier qui se trouvent dans l'enceinte de la Force de l'ONU et nous avons, grâce à la sécurisation de l'aéroport que nous avons assurée, la possibilité de faire des évacuations sanitaires - ce que nous avons fait notamment avec nos blessés. Nous avons également maintenant la possibilité de faire poser un certain nombre de gros porteurs, ce qui nous permettra de rapatrier ceux qui le souhaiteraient vers la France.
Fernand TAVARES
Vous avez mobilisé les compagnies aériennes ?
Michèle ALLIOT-MARIE
Il y a effectivement des compagnies aériennes. Nous avons adopté un texte ce matin qui permet de faire poser ces avions sur l'aéroport d'Abidjan, ce qui normalement n'est pas possible puisque ce sont des militaires qui tiennent l'aéroport. C'est maintenant une chose faite. Trois avions atterriront dès ce soir et permettront à tous ceux qui souhaitent rentrer, notamment parce que les écoles françaises ont été brûlées, de pouvoir le faire. Leur accueil est prévu et assuré depuis hier. Nous avons une cellule au Quai d'Orsay qui s'occupe effectivement de cet accueil puisque certains d'entre eux ont malheureusement tout perdu ou ont dû partir en laissant l'essentiel de leurs biens.
Fernand TAVARES
Comment vous expliquez, vous, tant de haine de la Côte d'Ivoire à l'égard de la France, tout d'un coup ?
Michèle ALLIOT-MARIE
C'est une haine à vrai dire, xénophobe. La France est visée parce que nos ressortissants français, qui travaillent là-bas, sont les plus nombreux. Mais d'autres ressortissants de bien d'autres pays, d'Espagne, d'Italie, etc. sont également visés. D'une façon générale il y a une sorte de racisme et de xénophobie qui est en train de se développer dans ce pays. Ce que l'on ne peut que regretter quand on connaît les Ivoiriens et quand on connaît ce pays qu'est la Côte d'Ivoire.
Fernand TAVARES
Merci Madame le Ministre de la Défense.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 novembre 2004)