Texte intégral
JEAN-MICHEL APHATIE : Bonjour Arnaud Montebourg.
ARNAUD MONTEBOURG : Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE : Dimanche soir, lors du Grand Jury sur RTL, Laurent Fabius a confirmé son " non " à la Constitution européenne. Le considérez-vous désormais, Arnaud Montebourg, comme le chef de file de ce " non " de gauche que vous prônez vous aussi ?
ARNAUD MONTEBOURG : Certainement pas. Il y a des convictions qui s'expriment, elles sont nombreuses. Il y a des camarades qui se torturent publiquement sur ce texte et non des moindres.
JEAN-MICHEL APHATIE : Qui se torturent, c'est-à-dire ?
ARNAUD MONTEBOURG : C'est-à-dire qui s'interrogent et puis qui décident. Le mot se torturer, cela veut dire qu'il est difficile pour des socialistes qui sont européens, comme nous, d'accepter ce texte et que ce doute là rassemble la communauté du " non ", qu'elle est liée à des choix politiques, des convictions, par rapport à ce qui s'est passé le 21 avril 2002, cela on ne peut pas l'oublier, par rapport à ce qui se passe en Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE : On va y revenir, mais je parlais de Laurent Fabius, parce qu'évidemment, quand il rejoint le camp des " non ", ça a un impact important. Par exemple, Bernard Kouchner a dit " c'est une trahison ". Alors, le fait que Laurent Fabius vous rejoigne, c'est un plus pour vous ?
ARNAUD MONTEBOURG : D'abord, je crois que notre promesse au congrès de Dijon était de faire évoluer la doctrine, l'analyse, les comportements de notre parti qu'est le Parti Socialiste. Il y a dans tous les pays européens une crise des partis socio-démocrates qui ne sont pas d'accord en leur sein sur des choses fondamentales. Donc nous, nous essayons de faire évoluer nos positions et de ce point de vue là elles ont évolué puisque nous avons été rejoint par un grand nombre de militants politiques, des anciens ministres, des parlementaires et un ancien premier ministre. Nos idées progressent et je pense qu'elles continueront à progresser dans toute l'Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE : Sur le fond du Traité, on va essayer d'être clair, il y a une partie purement institutionnelle, le Parlement, le Conseil européen, la Commission, comment ces organes sont-ils composés, quels sont leurs rapports entre eux. Là-dessus, Arnaud Montebourg, est-ce que les choses vous paraissent acceptables ?
ARNAUD MONTEBOURG : Sur ce plan là, nous n'avons pas d'objection. C'est même une légère amélioration, même si ce n'est pas le nirvana. Cependant, ce n'est pas le problème que nous pose ce texte. C'est sa IIIe partie.
JEAN-MICHEL APHATIE : La IIIe partie où sont reprises les politiques économiques et sociales en vigueur en Europe, mais sur la partie institutionnelle, ça vous paraît bien ?
ARNAUD MONTEBOURG : Sur le plan institutionnel, c'est un progrès indéniable, nous l'avons toujours dit. Néanmoins, le seul et l'unique problème pour nous, c'est que ce Traité, qui contient -excusez du peu- 400 articles et fait 300 pages, c'est une Constitution à l'Iranienne, unique au monde, dans laquelle on a décidé de constitutionnaliser des politiques. C'est comme si dans la Constitution de la République Française, on avait constitutionnalisé 50 ans de lois et qu'on dise au futur législateur qui en serait issu " vous ne pourrez jamais modifier ces textes parce qu'ils s'imposent à vous, sauf à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat ". Donc, que reste-t-il à l'expression politique ? En vérité, ce qui se passe à travers ce référendum, c'est qu'en soumettant à l'approbation des peuples européens le contenu de la Constitution et notamment sa IIIe partie et des politiques, c'est finalement l'Europe et ses politiques actuelles qui se soumettent au référendum et aujourd'hui on a ce problème, c'est que l'Europe est un instrument de paralysie politique et qui n'arrive pas, sauf à laisser la puissance du marché se développer, à faire autre chose que privatiser les services publics, laisser les délocalisations s'installer, aggraver la fracture sociale, c'est un mot cher à certains de nos adversaires.
JEAN-MICHEL APHATIE : Concrètement, vous disiez fin août devant vos amis du Nouveau parti socialiste, à propos de cette IIIe partie " nous ne pouvons pas accepter ce texte -donc le Traité- parce qu'il nous empêchera d'agir sur l'économie en France. En quoi, quel est la disposition, l'article, l'endroit du Traité qui peut empêcher les gouvernants français d'agir sur l'économie en France ?
ARNAUD MONTEBOURG : Ce Traité organise l'unanimité politique, c'est-à-dire le veto, à 25. Ce n'est plus à 15. Lorsque nous étions à 15, on arrivait encore à s'entendre. Et pourtant, la bataille pour obtenir des majorités qualifiées dans les prises de décision de l'Europe était très difficile. Là, nous serons 25. Cela veut dire que des petits pays -qui sont des paradis fiscaux- ou des Etats manifestement antisociaux, disposeront d'un veto sur l'harmonisation de la fiscalité, du droit social, des protections sociales. Cela veut dire que nous allons être pris en otages par une mondialisation ravageuse qui va continuer son travail de destruction, de délocalisation, et qui va amener tous les gouvernements à s'aligner sur le moins disant social puisque la volonté politique ne pourra pas s'exercer. Si vous livrez l'Europe et le futur gouvernement de l'Europe à des paradis fiscaux et des Etats antisociaux, vous êtes obligés de faire comme eux parce que sinon le marché se chargera de vous sanctionner si vous n'organisez pas le dumping social, le dumping fiscal qui a commencé à s'exercer sur le territoire de l'Union. Cela a des conséquences sur la politique économique de tous les gouvernements de droit et de gauche en Europe. Regardez Monsieur Schröder, il mène une politique antisociale que d'ailleurs le SPD n'approuve même plus. Monsieur Raffarin n'a pas tout à fait tort lorsqu'il dit " vous savez lorsque je vois la politique de Monsieur Schröder, je suis un homme de gauche ". Il est vrai que les mesures que Monsieur Schröder a du prendre sont absolument consternantes pour un socialiste. Baisse des retraites, baisse des salaires, augmentation de la durée du travail, les épargnants doivent vider leur livret d'épargne avant de recevoir des allocations s'ils ont le malheur d'être mis au chômage. Ca, c'est l'alignement sur le moins disant social et c'est ce qui nous attend dans toute l'Europe. Si l'Europe se donne les moyens de construire des majorités politiques pour intervenir sur l'économique, le fiscal et le social, nous approuverons ce texte.
JEAN-MICHEL APHATIE : Vous souhaitez que les militants socialistes soient consultés avant la fin de l'année sur ce texte ? Quelle question sera posée aux militants socialistes d'après vous ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il va falloir que l'on fasse ce qui nous attend dans tout le pays. Qu'on examine le Traité, qu'on dise " oui " ou " non ", car nous n'avons pas d'autre choix.
JEAN-MICHEL APHATIE : Le plus simple possible, " oui " ou " non " au texte ?
ARNAUD MONTEBOURG : Ce n'est pas le plus simple possible. Nous n'avons pas d'autre choix. C'est d'ailleurs un engagement de François Hollande, nous lui en savons gré. Nous lui disons que ce référendum est un instrument démocratique exemplaire, il ne faudrait pas qu'il tourne au vinaigre.
JEAN-MICHEL APHATIE : Si le " non " l'emporte, est-ce que François Hollande peut continuer à diriger le Parti Socialiste ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il le devra.
JEAN-MICHEL APHATIE : Il devra assumer le " non " et diriger la campagne pour le " non " du Parti Socialiste. Ca vous paraît crédible ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il n'aura pas d'autre choix. Il a fait ce choix d'un référendum, il n'a pas à remettre en question...
JEAN-MICHEL APHATIE : Et s'il le perd le référendum ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il continuera avec ceux qui auront gagné.
JEAN-MICHEL APHATIE : La question de la direction du Parti Socialiste n'est pas posée à travers ce référendum ?
ARNAUD MONTEBOURG : Elle ne peut pas se poser pour une raison simple, sinon cela voudrait dire que nous serions dans une logique plébiscitaire et, excusez-moi, nous ne sommes pas d'inspiration bonapartiste...
JEAN-MICHEL APHATIE : Vous ne tirez pas les conséquences de la défaite dans un parti politique ?
ARNAUD MONTEBOURG : Mais ce n'est qu'une défaite que sur un point ponctuel...
JEAN-MICHEL APHATIE : Mais qui est majeur à vous entendre.
ARNAUD MONTEBOURG : ...et qui n'est pas de nature à refaire un organe de direction, ce sont les congrès qui sont prévus pour cela, ni de pré désigner un quelconque candidat.
JEAN-MICHEL APHATIE : On a compris. On a compris que François Hollande était enchaîné à la tête de son parti. C'est Arnaud Montebourg qui l'a dit sur l'antenne de RTL ce matin. Bonne journée.
(Source http://www.nouveau-ps.net, le 28 septembre 2004)
ARNAUD MONTEBOURG : Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE : Dimanche soir, lors du Grand Jury sur RTL, Laurent Fabius a confirmé son " non " à la Constitution européenne. Le considérez-vous désormais, Arnaud Montebourg, comme le chef de file de ce " non " de gauche que vous prônez vous aussi ?
ARNAUD MONTEBOURG : Certainement pas. Il y a des convictions qui s'expriment, elles sont nombreuses. Il y a des camarades qui se torturent publiquement sur ce texte et non des moindres.
JEAN-MICHEL APHATIE : Qui se torturent, c'est-à-dire ?
ARNAUD MONTEBOURG : C'est-à-dire qui s'interrogent et puis qui décident. Le mot se torturer, cela veut dire qu'il est difficile pour des socialistes qui sont européens, comme nous, d'accepter ce texte et que ce doute là rassemble la communauté du " non ", qu'elle est liée à des choix politiques, des convictions, par rapport à ce qui s'est passé le 21 avril 2002, cela on ne peut pas l'oublier, par rapport à ce qui se passe en Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE : On va y revenir, mais je parlais de Laurent Fabius, parce qu'évidemment, quand il rejoint le camp des " non ", ça a un impact important. Par exemple, Bernard Kouchner a dit " c'est une trahison ". Alors, le fait que Laurent Fabius vous rejoigne, c'est un plus pour vous ?
ARNAUD MONTEBOURG : D'abord, je crois que notre promesse au congrès de Dijon était de faire évoluer la doctrine, l'analyse, les comportements de notre parti qu'est le Parti Socialiste. Il y a dans tous les pays européens une crise des partis socio-démocrates qui ne sont pas d'accord en leur sein sur des choses fondamentales. Donc nous, nous essayons de faire évoluer nos positions et de ce point de vue là elles ont évolué puisque nous avons été rejoint par un grand nombre de militants politiques, des anciens ministres, des parlementaires et un ancien premier ministre. Nos idées progressent et je pense qu'elles continueront à progresser dans toute l'Europe.
JEAN-MICHEL APHATIE : Sur le fond du Traité, on va essayer d'être clair, il y a une partie purement institutionnelle, le Parlement, le Conseil européen, la Commission, comment ces organes sont-ils composés, quels sont leurs rapports entre eux. Là-dessus, Arnaud Montebourg, est-ce que les choses vous paraissent acceptables ?
ARNAUD MONTEBOURG : Sur ce plan là, nous n'avons pas d'objection. C'est même une légère amélioration, même si ce n'est pas le nirvana. Cependant, ce n'est pas le problème que nous pose ce texte. C'est sa IIIe partie.
JEAN-MICHEL APHATIE : La IIIe partie où sont reprises les politiques économiques et sociales en vigueur en Europe, mais sur la partie institutionnelle, ça vous paraît bien ?
ARNAUD MONTEBOURG : Sur le plan institutionnel, c'est un progrès indéniable, nous l'avons toujours dit. Néanmoins, le seul et l'unique problème pour nous, c'est que ce Traité, qui contient -excusez du peu- 400 articles et fait 300 pages, c'est une Constitution à l'Iranienne, unique au monde, dans laquelle on a décidé de constitutionnaliser des politiques. C'est comme si dans la Constitution de la République Française, on avait constitutionnalisé 50 ans de lois et qu'on dise au futur législateur qui en serait issu " vous ne pourrez jamais modifier ces textes parce qu'ils s'imposent à vous, sauf à l'unanimité de l'Assemblée nationale et du Sénat ". Donc, que reste-t-il à l'expression politique ? En vérité, ce qui se passe à travers ce référendum, c'est qu'en soumettant à l'approbation des peuples européens le contenu de la Constitution et notamment sa IIIe partie et des politiques, c'est finalement l'Europe et ses politiques actuelles qui se soumettent au référendum et aujourd'hui on a ce problème, c'est que l'Europe est un instrument de paralysie politique et qui n'arrive pas, sauf à laisser la puissance du marché se développer, à faire autre chose que privatiser les services publics, laisser les délocalisations s'installer, aggraver la fracture sociale, c'est un mot cher à certains de nos adversaires.
JEAN-MICHEL APHATIE : Concrètement, vous disiez fin août devant vos amis du Nouveau parti socialiste, à propos de cette IIIe partie " nous ne pouvons pas accepter ce texte -donc le Traité- parce qu'il nous empêchera d'agir sur l'économie en France. En quoi, quel est la disposition, l'article, l'endroit du Traité qui peut empêcher les gouvernants français d'agir sur l'économie en France ?
ARNAUD MONTEBOURG : Ce Traité organise l'unanimité politique, c'est-à-dire le veto, à 25. Ce n'est plus à 15. Lorsque nous étions à 15, on arrivait encore à s'entendre. Et pourtant, la bataille pour obtenir des majorités qualifiées dans les prises de décision de l'Europe était très difficile. Là, nous serons 25. Cela veut dire que des petits pays -qui sont des paradis fiscaux- ou des Etats manifestement antisociaux, disposeront d'un veto sur l'harmonisation de la fiscalité, du droit social, des protections sociales. Cela veut dire que nous allons être pris en otages par une mondialisation ravageuse qui va continuer son travail de destruction, de délocalisation, et qui va amener tous les gouvernements à s'aligner sur le moins disant social puisque la volonté politique ne pourra pas s'exercer. Si vous livrez l'Europe et le futur gouvernement de l'Europe à des paradis fiscaux et des Etats antisociaux, vous êtes obligés de faire comme eux parce que sinon le marché se chargera de vous sanctionner si vous n'organisez pas le dumping social, le dumping fiscal qui a commencé à s'exercer sur le territoire de l'Union. Cela a des conséquences sur la politique économique de tous les gouvernements de droit et de gauche en Europe. Regardez Monsieur Schröder, il mène une politique antisociale que d'ailleurs le SPD n'approuve même plus. Monsieur Raffarin n'a pas tout à fait tort lorsqu'il dit " vous savez lorsque je vois la politique de Monsieur Schröder, je suis un homme de gauche ". Il est vrai que les mesures que Monsieur Schröder a du prendre sont absolument consternantes pour un socialiste. Baisse des retraites, baisse des salaires, augmentation de la durée du travail, les épargnants doivent vider leur livret d'épargne avant de recevoir des allocations s'ils ont le malheur d'être mis au chômage. Ca, c'est l'alignement sur le moins disant social et c'est ce qui nous attend dans toute l'Europe. Si l'Europe se donne les moyens de construire des majorités politiques pour intervenir sur l'économique, le fiscal et le social, nous approuverons ce texte.
JEAN-MICHEL APHATIE : Vous souhaitez que les militants socialistes soient consultés avant la fin de l'année sur ce texte ? Quelle question sera posée aux militants socialistes d'après vous ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il va falloir que l'on fasse ce qui nous attend dans tout le pays. Qu'on examine le Traité, qu'on dise " oui " ou " non ", car nous n'avons pas d'autre choix.
JEAN-MICHEL APHATIE : Le plus simple possible, " oui " ou " non " au texte ?
ARNAUD MONTEBOURG : Ce n'est pas le plus simple possible. Nous n'avons pas d'autre choix. C'est d'ailleurs un engagement de François Hollande, nous lui en savons gré. Nous lui disons que ce référendum est un instrument démocratique exemplaire, il ne faudrait pas qu'il tourne au vinaigre.
JEAN-MICHEL APHATIE : Si le " non " l'emporte, est-ce que François Hollande peut continuer à diriger le Parti Socialiste ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il le devra.
JEAN-MICHEL APHATIE : Il devra assumer le " non " et diriger la campagne pour le " non " du Parti Socialiste. Ca vous paraît crédible ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il n'aura pas d'autre choix. Il a fait ce choix d'un référendum, il n'a pas à remettre en question...
JEAN-MICHEL APHATIE : Et s'il le perd le référendum ?
ARNAUD MONTEBOURG : Il continuera avec ceux qui auront gagné.
JEAN-MICHEL APHATIE : La question de la direction du Parti Socialiste n'est pas posée à travers ce référendum ?
ARNAUD MONTEBOURG : Elle ne peut pas se poser pour une raison simple, sinon cela voudrait dire que nous serions dans une logique plébiscitaire et, excusez-moi, nous ne sommes pas d'inspiration bonapartiste...
JEAN-MICHEL APHATIE : Vous ne tirez pas les conséquences de la défaite dans un parti politique ?
ARNAUD MONTEBOURG : Mais ce n'est qu'une défaite que sur un point ponctuel...
JEAN-MICHEL APHATIE : Mais qui est majeur à vous entendre.
ARNAUD MONTEBOURG : ...et qui n'est pas de nature à refaire un organe de direction, ce sont les congrès qui sont prévus pour cela, ni de pré désigner un quelconque candidat.
JEAN-MICHEL APHATIE : On a compris. On a compris que François Hollande était enchaîné à la tête de son parti. C'est Arnaud Montebourg qui l'a dit sur l'antenne de RTL ce matin. Bonne journée.
(Source http://www.nouveau-ps.net, le 28 septembre 2004)