Déclaraion de Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance, sur le projet de loi portant réforme du divorce, Assemblée nationale le 13 avril 2004.

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Circonstance : Débat parlementaire sur le projet de loi portant réforme du divorce

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
La réforme du droit de la famille que Dominique PERBEN et mon prédécesseur, Christian JACOB, ont entreprise, s'inscrit dans la volonté politique de doter notre pays d'une législation mieux adaptée aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.
La famille constitue d'abord le cadre juridique de l'engagement et de la solidarité entre époux et le modèle social de l'apprentissage des enfants. Et il m'apparaît indispensable de rappeler ici l'attachement des Français - qui, pour près de 25 millions, sont mariés - à cette grande institution républicaine qu'est le mariage.
Mais la famille - qui symbolise aujourd'hui plus que jamais cette aspiration à l'épanouissement - a perdu en longévité ce qu'elle a gagné en intensité. L'engagement mutuel pour un projet de vie n'a jamais été davantage souhaité mais le nombre de divorces - environ 115 000 aujourd'hui - traduit la vulnérabilité de la cellule familiale, et donc la nécessité de procédures de séparation pacifiées.
Dès lors, le divorce doit être considéré non pas comme la sanction d'une union qui ne peut se poursuivre mais, autant que possible, comme un moment de dialogue, de respect mutuel entre époux, dans le but de préserver les intérêts des tiers, notamment des enfants.
C'est la conclusion à laquelle a clairement abouti le groupe de travail mis en place en décembre 2002 par le ministre de la justice et le ministre délégué à la famille et qui a associé parlementaires, professionnels du droit de la famille et l'ensemble du mouvement familial, dans une réflexion de grande qualité.
Monsieur le Garde des Sceaux l'a rappelé à l'instant : le Gouvernement a souhaité moderniser notre législation sur le divorce en simplifiant des procédures encore trop longues et complexes et en privilégiant une démarche de responsabilité des époux plutôt qu'une logique de l'affrontement.
Je ne reviendrai donc pas sur l'ensemble des développements qui viennent de vous être exposés mais je voudrais, Mesdames et Messieurs les députés, orienter mon propos sur deux objectifs plus particuliers de ce projet de loi en matière de protection des liens familiaux.
- adapter les procédures de divorce à la diversité des situations familiales ;
- privilégier une approche pacifiée de la séparation de nature à favoriser une recomposition familiale ultérieure, notamment au travers de la médiation familiale.
1 - Adapter les procédures de divorce à la diversité des situations familiales.
Aujourd'hui, le divorce concerne sans distinction les couples de tous âges, de toutes conditions sociales, avec ou sans enfants. La décision de divorcer elle-même est prise soit par les deux époux en même temps, soit à l'initiative de l'un d'eux.
Quant aux procédures, elles sont entamées dans des circonstances elles-mêmes très diverses. Certaines sont déclenchées en pleine situation de crise alors que d'autres régularisent une longue séparation de fait.
En 1975, le législateur a instauré le divorce sur requête conjointe pour tenir compte de la volonté simultanément exprimée des époux de mettre fin à leur union. Mais, près de 30 ans plus tard, force est de constater que les trois cas de divorce figurant dans notre droit - consentement mutuel, rupture de la vie commune et faute - ne suffisent plus à répondre à des situations conjugales qui n'ont cessé de se diversifier.
Avec le projet de loi qui vous est soumis, coexisteront quatre cas de divorce :
- le consentement mutuel ;
- l'acceptation du principe de la rupture du mariage,
- l'altération définitive du lien conjugal,
- la faute.
Le divorce par consentement mutuel - procédure créée en 1975 et utilisée dans près de la moitié des procédures de divorce - est ainsi sécurisé et simplifié, qu'il s'agisse de demande conjointe des époux ou de demande présentée par l'un des époux et accepté par l'autre :
- sécurisé car il appartiendra au juge de s'assurer de la volonté claire et du consentement libre et éclairé des époux pour homologuer la convention de séparation.
- simplifié parce que le juge, face à des époux parfaitement consentants, pourra, sans être tenu d'attendre de délai minimal, homologuer la convention définitive de séparation réglant la totalité des dispositions relatives à la dissolution du régime matrimonial.
Le Gouvernement a surtout voulu favoriser le comportement constructif et responsable des époux même en amont du consentement global sur les modalités de séparation. Pour cela, il a créé la notion d' "accord amiable des époux sur le principe de la séparation".
Il ne s'agit pas ici de faciliter le divorce mais aujourd'hui les époux qui souhaitent divorcer n'ont le choix qu'entre la procédure de consentement mutuel ou le divorce pour faute qui conduit le conjoint en désaccord à créer une situation de crise fondée sur des accusations pas toujours avérées. Il faut éviter que des procédures inadaptées ou artificiellement conflictuelles ne transforment le divorce en instrument de déstabilisation des parents et de leurs enfants.
Le troisième cas de divorce est le divorce pour altération définitive du lien conjugal qui remplace le divorce pour rupture de la vie commune, procédure qui est restée marginale, compte tenu des conditions particulièrement strictes imposées à l'époux demandeur.
Il s'agit ici de prendre acte du fait que les caractéristiques d'une vie commune ont cessé et de ramener de 6 ans à 2 ans le délai de séparation nécessaire avant l'assignation en divorce.
En tout état de cause, je veux bien insister sur un point : il s'agit d'adapter notre droit à la pluralité des situations humaines et non pas de nous engager dans une logique de banalisation du divorce.
Ainsi, le Gouvernement n'a pas souhaité - tout comme le groupe de travail sur la réforme du droit de la famille - supprimer le divorce pour faute qui doit continuer à s'appliquer pour les cas de violation grave des devoirs du mariage.
Autant, il est inutile de recourir au divorce pour faute dans les cas qui ne le justifient pas ; autant, le divorce pour faute doit être maintenu quand il est porté atteinte aux droits fondamentaux du conjoint ou des enfants, qu'il s'agisse de violences conjugales ou de tous autres sévices dont se rendrait coupable le conjoint à l'origine de la demande de divorce.
2 - privilégier une approche pacifiée de la séparation de nature à favoriser une recomposition familiale ultérieure
Eviter d'entrer dans une logique de l'affrontement pour sortir du mariage et engager les époux dans une démarche de responsabilité, y compris après que les liens du mariage ont été supprimés, tel est l'état d'esprit auquel ce projet de loi veut conduire les couples engagés dans une procédure de divorce.
Une avancée importante de ce projet de loi est l'instauration d'un tronc commun de procédure : en généralisant la requête introductive non motivée, les époux peuvent se présenter à l'audience de conciliation, sans avoir figé la procédure de manière définitive, ni énoncé un quelconque grief. On exonère ainsi la procédure d'une logique d'affrontement qui est forcément préjudiciable aux tiers, notamment aux enfants et aux proches des époux.
La qualité des échanges à ce moment crucial de la procédure - puisqu'il s'agit le plus souvent d'organiser l'éclatement de la famille mais tout en protégeant psychologiquement et matériellement ses membres - en sera renforcée, et la recherche d'un accord entre les parties, facilitée.
Pour parvenir au règlement consensuel de la rupture du mariage, j'attache beaucoup d'importance à la médiation familiale comme instrument de construction ou de reconstruction du lien familial.
La médiation familiale permet de renforcer l'autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture grâce à l'intervention d'un tiers impartial.
Consacrée par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, elle s'est aussi développée en dehors de toute procédure judiciaire grâce à l'action des caisses d'allocations familiales qui ont compris combien les familles pouvaient être aidées par elle.
Afin de développer sur l'ensemble du territoire une médiation familiale de qualité, il est indispensable de professionnaliser cette technique ainsi que l'ont préconisé tant le Conseil national consultatif de la médiation familiale que le groupe de travail préparatoire à la Conférence de la famille de 2003 "Services à la famille et soutien à la parentalité".
A cet égard, je veux rappeler l'action que le Gouvernement a déjà entreprise en la matière, notamment avec la création du diplôme d'Etat de médiateur familial qui a fait l'objet du décret du 2 décembre 2003 et de l'arrêté du 12 février 2004. Désormais le diplôme existe et les centres de formation agréés vont pouvoir assurer cette formation spécialisée.
Et je veux aussi rappeler l'augmentation considérable de l'effort financier du ministère de la famille, du ministère de la justice et des caisses d'allocations familiales.
- Les dotations du ministère de la famille sont passées de 1,5 million d'euros en 2002, à 2,6 millions d'euros en 2004 ;
- celles du ministère de la justice de 0,5 million d'euros en 2002 à 1,9 million en 2004 ;
- celles des caisses d'allocations familiales, maintenues à 3,5 millions d'euros depuis plusieurs années ont atteint 8,4 millions d'euros en 2004.
Cet effort, qui s'ajoute à la participation financière des familles, devra être poursuivi.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif du Gouvernement est en réalité d'apporter à la procédure de séparation des époux un supplément d'humanité.
Si le divorce est nécessairement un échec, il est essentiel que ce moment matériellement et moralement difficile soit atténué par des procédures pertinentes qui favorisent la restauration du dialogue et la préservation des liens entre les parents et les enfants.
En pacifiant le divorce, vous ne le banalisez pas. Vous donnerez à la famille une deuxième chance pour se recomposer de façon harmonieuse.
Tous ensemble, nous éviterons ainsi que, pour les époux, le conflit ne s'ajoute à l'épreuve et que, pour les enfants, l'affrontement des parents ne s'ajoute au chagrin de les voir séparés.
Je vous remercie.


(source http://www.famille.gouv.fr, le 5 juillet 2004)