Interview de M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, dans "La Tribune" le 15 décembre 2003, sur les revendications agricoles discutées lors de la réunion du G20 à Brasilia.

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Circonstance : Réunion du G20 à Brasilia (Brésil) le 15 décembre 2003

Média : La Tribune

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Q - Hormis le commissaire au Commerce, Pascal Lamy, vous êtes le seul représentant européen à voir participé à la réunion du G20, vendredi à Brasilia. Quel a été le contenu de nos entretiens ?
R - Nos débats ont porté pour l'essentiel sur les différends agricoles au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et j'ai défendu la position européenne et française. J'ai expliqué à mes interlocuteurs que l'Union européenne n'était pas seulement un grand producteur mais aussi un grand importateur de denrées agricoles. Je leur ai rappelé que, contrairement aux Américains, les Européens ne distribuent pas d'aide alimentaire susceptible de peser sur les prix. Je crois, après ces conversations, que le G20 va finir par faire preuve de plus de flexibilité sur les questions agricoles.
Q - Comment jugez-vous la cohésion de ce groupe et ses revendications ?
R - Le G20 affiche désormais des objectifs politiques qui dépassent les seuls problèmes immédiats de ses membres. Lors de sa réunion à Brasilia vendredi, le groupe s'est déclaré attaché au multilatéralisme et préoccupé par le développement du continent africain. La délégation chinoise m'a d'ailleurs expliqué qu'elle allait lancer une initiative pour développer les investissements en Afrique et qu'une rencontre aurait prochainement lieu dans ce sens à Addis-Abeba. Théoriquement, les pays du G20 sont soudés par leurs revendications agricoles, mais ce qui les unit aussi, c'est leur besoin d'exporter en général, et dans les meilleurs délais, pour assurer leur croissance. C'est notamment le cas du Brésil. Malgré le double langage du groupe, force est de reconnaître qu'il faudra désormais compter avec le G20, qui tente de quitter le seul stade de la contestation pour devenir une force de proposition.
Q - Le président brésilien Lula da Silva a évoqué la création d'une zone de libre-échange du G20. Ce projet vous paraît-il réaliste ?
R - Un tel projet est, à mon sens, irréalisable à court terme mais il offre des perspectives intéressantes à ses membres. Ces pays disposent des droits de douane les plus importants de la planète, ce qui leur laisse une certaine marge de manoeuvre pour discuter entre eux.
Le fait que le président brésilien ait suggéré cette idée prouve bien que les discussions internes aux pays du G20 dépassent le strict cadre agricole. Je crois donc que le travail des Européens avec le groupe pourrait peut-être s'étendre aux autres sujets du cycle de Doha, comme l'accès au marché des produits industriels. Les représentants brésiliens et chiliens m'ont pour leur part affirmé qu'ils désiraient un accord sur l'investissement à l'OMC, thème figurant parmi les sujets de régulation, dits de Singapour, sur lesquels a échoué la Conférence de Cancun.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 décembre 2003)