Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
La situation du cirque en France, vous le savez, est tout à fait paradoxale.
Elle témoigne d'une grande vitalité et son rayonnement en France et à l'étranger ne se dément pas. Ce succès s'appuie sur l'assise populaire d'un art qui s'est diversifié et ouvert à de nouvelles formes. Le paysage circassien aujourd'hui fait preuve d'une vitalité exceptionnelle dans le renouvellement des techniques et des formes, tout en s'appuyant sur un patrimoine aussi riche que fragile.
Mais cette situation est précaire. Et les intempéries qui ont dévasté les chapiteaux à la fin de l'année dernière ont encore accru, pour nombre d'entre eux, cette précarité
Pourquoi une année du cirque ?
Parce que les arts du cirque récemment pris en compte par le ministère de la culture doivent être reconnus comme une discipline majeure du spectacle à l'instar du théâtre et de la danse, j'ai décidé de faire de 2001 l'année du cirque.
Il s'agit de la première année de mise en uvre d'un plan structurant pour ce secteur abordant l'ensemble des problématiques suivantes :
création et diffusion ;
formation ;
itinérance et implantation ;
valorisation et transmission du patrimoine.
Le succès de cette année du cirque et du plan de développement qu'elle engage dépend très largement de l'implication de l'ensemble des professionnels mais aussi des collectivités territoriales aux côtés de l'Etat.
Il est clair que l'une des premières missions du ministère dont j'ai la charge est de favoriser les écritures contemporaines et d'accompagner le renouvellement des formes en conséquence, le cirque de création aura donc toute sa place dans ce plan.
Pour autant, la problématique de la création doit être croisée avec un regard attentif porté sur le cirque de tradition et les difficultés économiques d'une discipline toute entière. Je veillerai à ce que les actions qui seront engagées profitent à toutes les formes du cirque.
Qu'ai-je mis en uvre depuis 2 ans ?
Après l'incontournable dissolution de l'ANDAC du fait des malversations de son directeur, dissolution qu'appelaient les recommandations des corps de contrôle, j'ai du rapidement mettre en place un nouveau dispositif confiant :
A Hors les Murs, une mission d'information et de conseil auprès des professionnels ;
A l'ONDA, une mission de soutien à la diffusion des spectacles auprès du réseau de diffuseur culturel public sous la forme de garanties financières ;
Et restituant à l'administration du ministère, l'attribution directe des aides à la création et au fonctionnement des entreprises de cirque.
J'abonde, cette année, les crédits consacrés aux arts de la piste de plus de 5 MF sur le seul titre IV, en dépit des contraintes pesant sur le budget de mon ministère. Je rappelle qu'en 99 l'intervention en faveur des cirques était de 40 MF, ce qui représente une progression de 12%.
1) La création et sa diffusion
L'année du cirque, ne sera pas un feu de paille. Elle ouvre un programme triennal de développement assorti des moyens qui lui sont nécessaires et qui concerne au premier chef les équipes artistiques elles-mêmes.
L'aide directe du ministère aux équipes artistiques fait l'objet d'une mesure nouvelle d'1 MF.
Pour ce qui est de la diffusion des spectacles, j'ai décidé, comme vous le savez, d'un programme de 150 " scènes conventionnées " en 3 ans. Certaines d'entre elles affirment dans leur préfiguration dores et déjà une spécificité arts du cirque très marquée.
Je citerai les villes d'Elbeuf, d'Auch, de Cherbourg, de Châteauroux et de Lannion. Des projets s'élaborent également à Obernai, Lille, Châlons en Champagne, Amiens.
De nombreuses scènes nationales sont d'ores et déjà fortement impliquées dans la diffusion du cirque, voire commencent à s'inscrire dans les dispositifs de production et coproduction.
Au cours de la saison 1997/1998
21 scènes nationales ont programmé 97 représentations de spectacles de cirque.
En 1998/1999
36 scènes nationales auront programmé 194 représentations de cirque.
En matière de coproduction, je tiens à saluer l'engagement du Carré Magique de Lannion, de la Coursive de La Rochelle, du Volcan du Havre, de Culture Commune à Loos en Gohelle, du Merlan à Marseille, de l'Arc au Creusot, du Cratère d'Alès et désormais de la Ferme du Buisson à Marne-La-Vallée.
Ai-je besoin de rappeler la place prépondérante qu'occupe l'établissement public du Parc de la Villette en tant que plate-forme internationale de diffusion et de production en faveur des formes les plus contemporaines des arts du cirque.
Enfin, et cette mesure n'est pas la moindre, je voudrais parler de l'équipement des cirques.
Le programme d'équipement des cirques sera renforcé. Plutôt que de maintenir une "aide à l'innovation scénique" mal adaptée aux besoins du secteur, j'ai choisi de créer un fonds d'investissement, doté de 2 MF. en 2000, il sera abondé en 2001. Tous les types de cirques - j'y tiens beaucoup - y seront éligibles.
2) L'enseignement et la formation professionnelle.
Je souhaite disposer d'un véritable schéma directeur de l'enseignement et de la formation professionnelle dans le domaine du cirque, comme d'ailleurs dans les autres disciplines du spectacle vivant, sur lequel les services du Ministère devront travailler avec les professionnels.
Il y a une réelle dynamique de l'enseignement du cirque, portée par une très forte demande. On dénombre aujourd'hui près de 600 écoles de cirque. Sur ce réseau, nous avons, avec le Ministère de la jeunesse et des sports, une responsabilité particulière et, me semble-t-il sur deux points prioritaires :
Premier point : les questions de sécurité. J'ai signé avec Marie-Georges Buffet une convention nationale sur la sécurité qui fait de la charte de la Fédération française des Ecoles du cirque un instrument de référence ;
Deuxième point la qualification des formateurs, incluant cet aspect de sécurité, sur laquelle nous travaillons avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports.
Nous travaillons également avec le Ministère de l'Education nationale. Cette année pour la première fois un Bac option cirque sera créé à Chatellerault. Cette opération à caractère expérimental devra être évaluée et le cas échéant étendue.
En ce qui concerne la formation professionnelle :
nous soutenons de façon accrue cette année six écoles à vocation professionnalisante, qui sont assez bien réparties sur l'ensemble du territoire national : Amiens, Chambéry, Chatellerault, Montpellier, Mougins et Toulouse ;
à l'échelon supérieur, il existe trois écoles de référence : l'Ecole nationale du cirque avec ses deux volets, Rosny-sous-bois et le Centre national des arts du cirque (CNAC), d'une part, l'Ecole Fratellini, qui a un projet de développement fort, centré sur les formes académiques, que nous soutenons, et qui est complémentaire, d'autre part.
Le Schéma directeur que j'ai évoqué doit permettre de renforcer la cohérence de ce réseau. Dans ce cadre, la responsabilité particulière de l'Ecole nationale du cirque devrait être précisée. Je souhaite qu'un groupe de travail qui réunirait la FFEC, le CNAC, des représentants des écoles et de l'Etat fasse des propositions opérationnelles qui pourraient être mises en chantier en 2001, année du cirque.
3) L'accueil, l'implantation et l'itinérance des cirques.
Les équipes, eu égard à leur caractère itinérant rencontrent encore trop souvent des conditions d'accueil variables, et parfois- je crois qu'on peut le dire - indignes, dans les communes françaises : terrains souvent excentrés, non ou mal équipés, à la limite de la salubrité. Une charte de l'accueil d'un cirque va être élaborée en collaboration avec le ministère de l'Intérieur, les associations d'élus locaux, les collectivités locales les plus actives et, bien entendu, les professionnels. Elle sera rendue publique l'année prochaine et j'ai donné à l'association Hors les Murs les moyens d'engager sa préparation sans délai.
Les discussions que je mènerai au cours de cette année, avec le ministère de l'Intérieur, devront aussi faire une large part aux règles applicables à la sécurité des représentations et aux modalités de contrôle de celles-ci.
4) La valorisation et la transmission du patrimoine.
J'aurai particulièrement le souci, de mettre en valeur le patrimoine circassien par :
une présentation à Paris d'une grande exposition organisée par le musée national des arts et traditions populaires, en collaboration avec la Principauté de Monaco, intitulée : " Les riches heures du cirque "
? Une mise en valeur des cirques en dur de Châlons, Reims, Amiens, Elbeuf dernier cirque théâtre, et je l'espère du Cirque d'Hiver de Paris dont ce sera le 150e anniversaire, par des photographies, des costumes ou des programmes ;
? une exposition, à la fois locale et itinérante, des affiches, des programmes, des lettres à en-tête, voire des costumes, des uvres d'art ou des accessoires du patrimoine de chacune des villes traversées il y a cent ans par le Barnum Bailey lors de sa tournée en France en 1901/1902 ;
Il y aura également d'autres manifestations axées sur l'art, la photographie, les jeux ou les jouets sur le thème du cirque faisant appel aux collections et fonds publics et privés.
Avec qui mettre en uvre cette année du cirque ?
Vous aurez compris que les collectivités territoriales, et singulièrement les villes, constituent les partenaires à mobiliser en priorité.
Les villes qui ont fait ou feront le choix de scènes conventionnées "arts de la piste", implantent des cirques ou s'impliqueront particulièrement en 2001 dans des manifestations événementielles seront retenues par l'Etat comme "pôles" de l'année du cirque, ayant vocation à structurer les actions d'une région ou d'une inter-région.
Elles seront associées à un comité de pilotage national, qui comprendra des représentants des administrations de l'Etat concerné et naturellement de la profession. Hors les murs en assurera le secrétariat.
Je viens d'esquisser le programme d'une année dédiée aux arts du cirque. Je ne peux terminer cette intervention sans évoquer le plan en faveur des cirques sinistrés par les tempêtes de la fin du mois de décembre.
Je tiens d'abord à saluer la mobilisation de tous. Des services du ministère, bien sûr, mais aussi de l'association Hors-les-Murs, très active et qui a coordonné l'instruction des dossiers, des collectivités territoriales, notamment d'Ile-de-France, le conseil régional qui participe à la relance de l'activité des cirques et à la restauration de leur outil de travail, et les conseils généraux.
J'ai demandé qu'il soit procédé à une expertise indépendante, pour rapprocher les déclarations des cirques sinistrés et les estimations des assurances. J'ai commandé cette expertise aux Tréteaux de France. Le rapport des experts vient de m'être remis hier, mes services n'ont pu encore en faire l'analyse. Une synthèse de ce document sera diffusée sous quinzaine.
D'ores et déjà, j'ai dégagé au bénéfice du cirque 11 MF. de crédits d'investissement. 4 MF. sont en principe destinés aux écoles, 7 MF. aux entreprises et équipes de cirque. Ces interventions financières, qui peuvent maintenant être mises en uvre sur des bases incontestables, vont intervenir rapidement. Elles aideront à combler une part du différentiel existant entre le coût des réparations ou d'acquisition de matériels nouveaux et le remboursement des assurances. Je veille à ce que les délais de procédure soient réduits au maximum.
En outre, j'ai décidé de porter à 7 MF. le montant initialement prévu à 5 MF. pour l'aide au redémarrage de l'activité. Ces subventions de fonctionnement exceptionnelles qui bien, évidemment, ne pourront couvrir la totalité des pertes d'exploitation, seront engagées en urgence.
J'espère que ces mesures exceptionnelles, qui ont nécessité, je ne vous le cache pas, des ajustements au sein de mon budget, permettront que les entreprises circassiennes et les écoles abordent les années à venir et, singulièrement, 2001, dans de bonnes conditions.
Je suis intervenue auprès de mes collègues, Martine Aubry, Jean-Pierre Chevènement et Christian Sautter afin d'obtenir le rapport et l'étalement du paiement des charges sociales, l'accélération des procédures d'homologation des matériels réparés ou de remplacement, le traitement simplifié des visas nécessaires au versement des subventions et le report du paiement de la TVA.
Sur l'ensemble de ces sujets j'ai obtenu satisfaction. J'ai également interpellé les principales associations d'élus locaux, afin d'obtenir l'annulation des droits de place sur les lieux et aux dates des sinistres et la gratuité pour l'année qui s'annonce. Des collectivités m'ont d'ores et déjà répondu positivement.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 11 février 2000)