Texte intégral
Monsieur l'ambassadeur,
Madame la présidente de l'Agence française des investissements internationaux,
Monsieur le président de l'ANVAR,
Mesdames et Messieurs,
Je me réjouis d'ouvrir aujourd'hui ce colloque franco-israélien sur le capital-risque. C'est l'occasion à la fois de souligner la qualité des potentiels de la technologie israélienne comme de la technologie française et de confronter les différents modes de financement de l'innovation tant en France qu'en Israël, mais aussi de faciliter l'échange d'expériences croisées entre capitaux-risqueurs et entrepreneurs des deux pays.
Le niveau de la participation à ce colloque témoigne du niveau d'échanges déjà existant entre nos deux pays : aujourd'hui sont présentes au moins 30 entreprises françaises et israéliennes engagées dans des projets de partenariats bilatéraux. Et ce n'est qu'une fraction très minoritaire des entreprises suivies par le dispositif de partenariat que nous avons mis en place entre le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et l'ANVAR côté français, et l'Office of the Chief Scientist, l'OCS, et le ministère de l'Industrie côté israélien.
Ce dispositif vise à favoriser la mise en oeuvre de coopérations entre sociétés françaises et israéliennes dans le secteur des hautes technologies fin 2000.
I - Pourquoi ce partenariat ?
D'abord parce que, au-delà de tous les liens d'amitié que la France peut avoir avec ce pays, et qui justifient l'approfondissement de nos échanges, l'économie israélienne recèle un potentiel et un dynamisme remarquables.
1. Israël est le pays qui présente la plus forte densité au monde de chercheurs, ingénieurs et techniciens rapporté à sa population totale.
2. Le niveau de recherche et de développement civil par rapport au PIB serait l'un des plus élevés du monde, atteignant le niveau de 4,5%. Je rappelle qu'en France, l'effort de recherche représente, avec 2,3%, la moitié de ce chiffre !
3. Israël reste ainsi, avec la Silicon Valley, à la toute première place des grandes concentrations internationales de haute technologie avec une pépinière de plus de 1000 " starts up " qui ont su se positionner sur des segments de marché (stratégiquement porteurs et qui attirent de nombreux investisseurs tant israéliens qu'internationaux). Une partie importante du tissu industriel d'Israël s'est ainsi progressivement réorientée vers le secteur des hautes technologies dans des domaines tels que l'aéronautique, l'électronique civile et de défense, les composants, les télécommunications et les logiciels informatiques, et plus récemment, les biotechnologies ; et plusieurs entreprises israéliennes ou israélo-américaines, ont donc, en quelques années, réussi à se positionner au meilleur niveau international, sur certaines niches de ces marchés (sécurité informatique, drones, réseaux de télécommunications, médicaments génériques...). En outre, plusieurs multinationales de hautes technologies ont créé des centres importants de R D en Israël.
Ce sont là des succès remarquables dont la France souhaite ardemment être l'un des premiers acteurs. A l'inverse, il y a aussi des opportunités à saisir dans notre pays pour les investisseurs et les chercheurs israéliens : notre potentiel technologique est considérable. Je ne ferai pas l'éloge de nos atouts technologiques, qui sont nombreux, je laisse à d'autres ce soin dans quelques instants. Vous comprenez donc combien il était naturel de développer un partenariat.
II- Quels résultats avons-nous déjà atteint à travers notre partenariat ?
Il a, il faut le souligner, apporté des résultats supérieurs aux objectifs initiaux de l'accord conclu en 2000, qui fixait le chiffre de 5 partenariats annuels comme résultat à atteindre.
1. Fin octobre 2004 plus d'une centaine de dossiers de partenariats franco-israéliens est en effet à l'étude, ou en cours de négociation, et environ 200 mises en contact sont initiées chaque année à travers des rencontres au cours de salons professionnels internationaux.
2. La diversité aussi bien des entreprises que des secteurs concernés est remarquable : sur les 110 dossiers en portefeuille depuis 2000, 60% des projets concernent des PME, 30% des grands groupes français, 10% des laboratoires et centres de recherche. 40% sont concentrés dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, 30% dans les sciences de la vie et 10% en électro-optique.
III- Quels sont les objectifs du séminaire d'aujourd'hui ?
Pour mieux saisir encore toutes ces opportunités technologiques mutuelles, nous sommes rassemblés pour échanger nos visions sur nos pratiques de soutien au financement de l'innovation.
J'ai en effet la conviction que le capital risque a un rôle important à jouer dans l'économie. Entre le capitalisme familial et le capitalisme des marchés financiers, entre la tirelire et la Bourse, il y a les investisseurs en capital, sans lesquels il manquerait un maillon dans la chaîne du développement de nos entreprises. Le système bancaire n'est pas toujours en mesure de financer des projets risqués. Seul l'investissement en fonds propres peut permettre à une petite entreprise, qui n'a pas encore la taille suffisante pour être cotée, de se développer.
Une récente étude que vient de réaliser Ernst Young démontre l'importance du capital investissement dans le financement de notre économie. En France, le capital investissement détient ainsi des participations dans plus de 3 600 sociétés. Près d'un million de personnes est concernée, soit 6% de l'ensemble des effectifs du secteur privé. Le capital investissement participe à la création, au développement et à la transmission de plus de 1 400 entreprises par an. Nous sommes donc bien convaincus de l'utilité de cette source de financement, et avons, pour cette raison, mis en place des outils de soutien au capital investissement.
IV- Quelles sont donc ces outils ?
A. Nous avons tout d'abord des outils pour orienter une partie de l'épargne des particuliers vers les entreprises, notamment innovantes.
Plusieurs outils existent :
1. Les fonds communs de placement à risque (FCPR) d'abord, véhicule juridique des fonds de capital-risque, sont un dispositif très attractif et fiscalement transparent pour les investisseurs étrangers. Ils permettent d'investir en France comme à l'étranger, notamment en Israël, et en totalité si les souscripteurs sont étrangers, jusqu'à 50% de leur actif si des souscripteurs français souhaitent bénéficier de l'avantage fiscal associé.
2. Les fonds communs de placement dans l'innovation ensuite, les FCPI, offrent un avantage fiscal très important aux particuliers, qui doivent investir 60% de leur actif dans des entreprises européennes innovantes, le reste pouvant être investi à l'étranger, en Israël par exemple.
3. Les contrats d'assurance vie principalement investis en actions, (ou contrats dits "DSK" ) donnent également un avantage fiscal à l'investissement aux contrats d'assurance-vie qui font le choix d'investir une proportion suffisante dans les PME.
4. Enfin, tout récemment, ont été introduits au travers de la loi pour l'initiative économique, les fonds d'investissement de proximité, qui, comme leur nom l'indique, ont vocation à orienter cette épargne vers les entreprises implantées dans l'environnement de proximité des investisseurs.
B. Ces outils, nous les adaptons aussi pour en améliorer l'efficacité.
1. Ainsi, dans la loi de finances actuellement discutée au Parlement, il est prévu que les contrats d'assurance-vie investis en actions seront modifiés afin d'inciter les assurés à contribuer activement au financement des entreprises innovantes ou de croissance. Dans ces nouveaux contrats, la part minimale des actions des entreprises non cotées et de faible capitalisation passera ainsi de 5% à 10%, en contrepartie d'une diminution de la part d'actions cotées, passant de 50% à 30%, permettant de maintenir le niveau global de risque de placement pour l'assuré. Les anciens produits dits "DSK " seront ainsi profondément transformés dans le sens d'une plus grande efficacité.
2. La réforme des FCPI donnera de son côté une plus grande souplesse de gestion, en ouvrant les FCPI aux entreprises de moins de 2 000 salariés, contre les entreprises de moins de 500 salariés aujourd'hui, et en offrant la possibilité d'investir, pour une proportion limitée, dans des sociétés innovantes dont la capitalisation boursière n'excède pas 150 millions d'euros.
C. La France s'est également dotée d'une véritable "industrie" du financement de l'innovation, en s'inspirant notamment du programme développé par Israël en 1994.
Il s'agit pour l'essentiel :
1. Du fonds public pour le capital risque, de 140 millions d'euros, créé en 2000, et du fonds de promotion pour le capital-risque, de 150 millions d'euros, créé en 2002, qui sont des fonds de fonds. Ces outils ont eu un impact structurant sur notre industrie du capital-risque puisque le nombre d'équipes de gestion est passé de 53 à 144 entre l'année 2000 et mi 2004.
2. De l'appel à projets "incubateurs publics et fonds d'amorçage", qui a permis la création de 30 incubateurs publics et, avec l'action de la Caisse des Dépôts et consignation, la création de 17 fonds d'amorçage technologiques. Ces fonds d'amorçage ont investis dans plus d'une centaine d'entreprises issues de la recherche publique.
D. La France travaille également sur la structure et l'environnement des entreprises
1. Le gouvernement a tout d'abord mis en oeuvre, dans le cadre du plan innovation, la Société Unipersonnelle d'Investissement à Risque (SUIR). Cette mesure vise à développer l'un des maillons essentiels de la chaîne du financement de l'innovation, celui des "business angels", dont le nombre est insuffisant.
2. Avec l'Aide au Projet de la Jeune Entreprise Innovante, il a également voulu apporter un soutien adapté aux "Start up". Cette mesure vise en effet un public d'entreprises précis : celles qui se créent autour de projets de R D et d'innovation et qui supportent de lourdes charges d'investissement et de développement (15% du chiffre d'affaires) avant de commercialiser leurs produits et d'accéder à la rentabilité. Il faut les aider à passer ce cap difficile. La mesure a été calibrée pour réduire les coûts de leurs projets de R D, à travers une exonération forte et de longue durée (8 ans) des charges sociales afférentes. Elle est également destinée à améliorer la rentabilité des projets, afin d'attirer davantage d'investisseurs dans ces sociétés en rémunérant mieux leur prise de risques.
3. Plus récemment, le gouvernement a décidé la création d'une agence des PME regroupant l'Agence Nationale de Valorisation de la Recherche, l'ANVAR (l'équivalent du Chief Scientist israélien) et la Banque de Développement des PME (BDPME), dans le but d'élargir l'offre de financement et de services aux PME, par exemple en offrant de nouveaux produits de quasi-fonds propres aux PME ou en facilitant leur accès à la commande publique.
4. Enfin, dernièrement, le 7 septembre exactement, à l'incitation de ce ministère, les assureurs se sont engagés à investir 6 milliards d'euros de plus d'ici à 2007 dans nos PME, en portant ainsi leurs fonds investis de 14 à 20Md d'euros.
En conclusion, si Israël ne manque pas d'atouts, la France n'est pas mal lotie non plus ! Elle a su, je crois, se donner les moyens de financer l'innovation.
Elle reste un pays très attractif pour les investisseurs : en 2003, elle est demeurée le deuxième pays au monde en termes de montant des investissements directs étrangers, derrière la Chine. Ses infrastructures, ses domaines industriels d'excellence, ou son potentiel humain de haut niveau formé tout au long de la vie, y contribuent.
Je crois que l'alliance de nos atouts respectifs peut nous conduire ensemble vers des succès encore plus grands.
C'est de cela que vous allez maintenant discuter de manière plus approfondie.
Je vous souhaite un débat fructueux. Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 24 novembre 2004)