Texte intégral
R - Mesdames et Messieurs, je serai très bref parce que M. Ivanov a très bien résumé l'esprit général et les thèmes des deux entretiens que j'ai eus ce matin. Je préfère donc développer mes réponses à vos questions. Mais nous avons eu deux entretiens tout à fait passionnants.
Q - Les explications données par Vladimir Poutine sur la situation en Tchétchénie et au Caucase-Nord ont-elles trouvé la compréhension du ministre des Affaires étrangères ?
R - M. Poutine m'a exposé avec beaucoup de clarté, beaucoup de précision et beaucoup de conviction l'analyse et la politique russes en ce qui concerne le Caucase du Nord et plus particulièrement la Tchétchénie, en la replaçant dans son contexte régional et géopolitique.
J'en ai profité pour rappeler à M. Poutine que la France n'avait jamais contesté la souveraineté russe sur la Tchétchénie, n'avait jamais contesté le droit et même le devoir pour un gouvernement de lutter contre le terrorisme, mais que la France avait constamment déploré les conséquences de cette guerre sur les populations civiles, avait constamment souhaité qu'il puisse y avoir un accès pour les organisations humanitaires, et une forme à trouver de présence internationale. La France a constamment appelé de ses vux une solution politique. Et, en effet, le moment nous paraît venu de préciser, de définir, ce que pourrait être le statut d'avenir de la Tchétchénie dans la Fédération russe. Voilà quels ont été, en résumé, les termes de cet échange que j'ai jugé à la fois passionnant et extrêmement utile.
Q - A propos de votre initiative visant à procéder à l'analyse de l'aide européenne à la Russie. Cela signifie-t-il que l'aide est insuffisante ? Et à quelles conditions pourrait-elle être élargie?
R - Ce que j'ai voulu dire par là, c'est que le moment est venu de faire le bilan de l'aide et la coopération que les pays occidentaux et les Institutions Financières Internationales ont apportées à la Russie, ces dernières années.
Ce n'est pas un problème de quantité, c'est un problème d'adaptation. Il s'agit d'avoir une perspective d'avenir et de savoir quel est le type d'aide, le type de coopération, d'abord que souhaite la Russie d'aujourd'hui, et d'autre part, ce qui sera le plus utile dans l'avenir pour le développement de la Russie. A titre d'exemple, M. Poutine a eu l'occasion de parler des fonctions de régulation que devait avoir un Etat pour que l'économie fonctionne bien. Nous sommes tout à fait disposés à coopérer plus avec la Russie pour développer ce type de fonctions. M. Poutine m'a dit, ce matin, qu'il était très intéressé à ce que cette réflexion soit menée en commun avec les partenaires européens et occidentaux de la Russie.
Q - Que Vladimir Poutine vous a-t-il répondu à propos de sa vision sur la Tchétchénie et sur l'opération militaire ? Qu'avez-vous pensé de V. Poutine ? Etiez vous porteur d'un message du Président Chirac à son intention ?
R - Je vais répondre aux deux questions en même temps. D'abord je voudrais redire très simplement que notre relation avec la Russie est à nos yeux essentielle. C'est une relation très ancienne, qui vient de loin et qui ira loin. Elle s'inscrit dans la durée. Mais cette politique, cette stratégie, doit naturellement constamment s'adapter au nouveau contexte. Quand nous rencontrons des problèmes, la qualité même de cette relation fait que nous devons en parler, nous devons le dire et nous devons nous en expliquer le mieux possible. Je suis très heureux, après avoir eu l'occasion de le faire plusieurs fois avec Igor Ivanov, d'avoir eu l'occasion ce matin au meilleur niveau, au plus haut niveau du côté russe, d'expliquer pourquoi la France est préoccupée, pourquoi elle est inquiète, pourquoi elle a été critique sur cette question. Je crois pouvoir dire que M. Poutine m'a écouté avec beaucoup d'attention. Il m'a répondu avec beaucoup de conviction, de détermination et beaucoup de franchise comme je l'avais fait moi-même en lui parlant. Je crois extrêmement utile pour nos relations que nous ayons pu avoir cette explication. M. Poutine, comme M. Ivanov, nous disent que leur but est de rétablir une situation normale, compte tenu de ce qu'est la fédération de Russie, pour avancer ensuite sur le terrain politique. C'est ce que nous souhaitons le plus vivement. Comme M. Ivanov l'a dit tout à l'heure, M. Poutine m'a expliqué pourquoi, à ses yeux, la Russie n'avait plus d'autre choix que d'agir ainsi. Et je redis à ce sujet, qu'à notre avis, le moment est venu de définir une perspective d'avenir pour la Tchétchénie, à l'intérieur de la Fédération de Russie. Enfin, j'étais effectivement porteur d'un message du Président Chirac qui concernait d'éventuels futurs contacts. J'étais porteur, par ailleurs, d'un message oral du Premier ministre et avec M. Ivanov, pendant le déjeuner, nous avons passé en revue toutes les occasions de contact et de travail en commun que nous aurons dans l'année à venir.
Enfin, vous m'interrogiez sur M. Poutine. Le président par intérim m'a donné le sentiment de quelqu'un --je l'ai déjà dit sur la Tchétchénie, mais je crois que c'est global-- d'extrêmement déterminé, qui me paraît avoir une confiance et une perception aiguë et précise des relations internationales d'aujourd'hui, de la situation du monde d'aujourd'hui et de la situation de son pays. Comme d'autres avant moi, je l'ai trouvé patriote, animé par une grande idée de son pays. Il souhaite que son pays occupe la place qui lui revient et qu'il soit respecté. Nous souhaitons nous aussi une Russie qui soit forte et qui surmonte ses problèmes. Chaque fois que nous parlons de la perspective d'un monde multipolaire, il est clair que la Russie doit être un de ces pôles, comme l'Europe aussi. Ce qui fait que chaque fois que nous nous interrogeons ou, parfois, lorsque nous critiquons c'est toujours, au bout du compte, dans une perspective constructive.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)
Q - Les explications données par Vladimir Poutine sur la situation en Tchétchénie et au Caucase-Nord ont-elles trouvé la compréhension du ministre des Affaires étrangères ?
R - M. Poutine m'a exposé avec beaucoup de clarté, beaucoup de précision et beaucoup de conviction l'analyse et la politique russes en ce qui concerne le Caucase du Nord et plus particulièrement la Tchétchénie, en la replaçant dans son contexte régional et géopolitique.
J'en ai profité pour rappeler à M. Poutine que la France n'avait jamais contesté la souveraineté russe sur la Tchétchénie, n'avait jamais contesté le droit et même le devoir pour un gouvernement de lutter contre le terrorisme, mais que la France avait constamment déploré les conséquences de cette guerre sur les populations civiles, avait constamment souhaité qu'il puisse y avoir un accès pour les organisations humanitaires, et une forme à trouver de présence internationale. La France a constamment appelé de ses vux une solution politique. Et, en effet, le moment nous paraît venu de préciser, de définir, ce que pourrait être le statut d'avenir de la Tchétchénie dans la Fédération russe. Voilà quels ont été, en résumé, les termes de cet échange que j'ai jugé à la fois passionnant et extrêmement utile.
Q - A propos de votre initiative visant à procéder à l'analyse de l'aide européenne à la Russie. Cela signifie-t-il que l'aide est insuffisante ? Et à quelles conditions pourrait-elle être élargie?
R - Ce que j'ai voulu dire par là, c'est que le moment est venu de faire le bilan de l'aide et la coopération que les pays occidentaux et les Institutions Financières Internationales ont apportées à la Russie, ces dernières années.
Ce n'est pas un problème de quantité, c'est un problème d'adaptation. Il s'agit d'avoir une perspective d'avenir et de savoir quel est le type d'aide, le type de coopération, d'abord que souhaite la Russie d'aujourd'hui, et d'autre part, ce qui sera le plus utile dans l'avenir pour le développement de la Russie. A titre d'exemple, M. Poutine a eu l'occasion de parler des fonctions de régulation que devait avoir un Etat pour que l'économie fonctionne bien. Nous sommes tout à fait disposés à coopérer plus avec la Russie pour développer ce type de fonctions. M. Poutine m'a dit, ce matin, qu'il était très intéressé à ce que cette réflexion soit menée en commun avec les partenaires européens et occidentaux de la Russie.
Q - Que Vladimir Poutine vous a-t-il répondu à propos de sa vision sur la Tchétchénie et sur l'opération militaire ? Qu'avez-vous pensé de V. Poutine ? Etiez vous porteur d'un message du Président Chirac à son intention ?
R - Je vais répondre aux deux questions en même temps. D'abord je voudrais redire très simplement que notre relation avec la Russie est à nos yeux essentielle. C'est une relation très ancienne, qui vient de loin et qui ira loin. Elle s'inscrit dans la durée. Mais cette politique, cette stratégie, doit naturellement constamment s'adapter au nouveau contexte. Quand nous rencontrons des problèmes, la qualité même de cette relation fait que nous devons en parler, nous devons le dire et nous devons nous en expliquer le mieux possible. Je suis très heureux, après avoir eu l'occasion de le faire plusieurs fois avec Igor Ivanov, d'avoir eu l'occasion ce matin au meilleur niveau, au plus haut niveau du côté russe, d'expliquer pourquoi la France est préoccupée, pourquoi elle est inquiète, pourquoi elle a été critique sur cette question. Je crois pouvoir dire que M. Poutine m'a écouté avec beaucoup d'attention. Il m'a répondu avec beaucoup de conviction, de détermination et beaucoup de franchise comme je l'avais fait moi-même en lui parlant. Je crois extrêmement utile pour nos relations que nous ayons pu avoir cette explication. M. Poutine, comme M. Ivanov, nous disent que leur but est de rétablir une situation normale, compte tenu de ce qu'est la fédération de Russie, pour avancer ensuite sur le terrain politique. C'est ce que nous souhaitons le plus vivement. Comme M. Ivanov l'a dit tout à l'heure, M. Poutine m'a expliqué pourquoi, à ses yeux, la Russie n'avait plus d'autre choix que d'agir ainsi. Et je redis à ce sujet, qu'à notre avis, le moment est venu de définir une perspective d'avenir pour la Tchétchénie, à l'intérieur de la Fédération de Russie. Enfin, j'étais effectivement porteur d'un message du Président Chirac qui concernait d'éventuels futurs contacts. J'étais porteur, par ailleurs, d'un message oral du Premier ministre et avec M. Ivanov, pendant le déjeuner, nous avons passé en revue toutes les occasions de contact et de travail en commun que nous aurons dans l'année à venir.
Enfin, vous m'interrogiez sur M. Poutine. Le président par intérim m'a donné le sentiment de quelqu'un --je l'ai déjà dit sur la Tchétchénie, mais je crois que c'est global-- d'extrêmement déterminé, qui me paraît avoir une confiance et une perception aiguë et précise des relations internationales d'aujourd'hui, de la situation du monde d'aujourd'hui et de la situation de son pays. Comme d'autres avant moi, je l'ai trouvé patriote, animé par une grande idée de son pays. Il souhaite que son pays occupe la place qui lui revient et qu'il soit respecté. Nous souhaitons nous aussi une Russie qui soit forte et qui surmonte ses problèmes. Chaque fois que nous parlons de la perspective d'un monde multipolaire, il est clair que la Russie doit être un de ces pôles, comme l'Europe aussi. Ce qui fait que chaque fois que nous nous interrogeons ou, parfois, lorsque nous critiquons c'est toujours, au bout du compte, dans une perspective constructive.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)