Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur la modernisation du Sénat, son rôle et l'enjeu des élections sénatoriales de septembre, Paris le 9 septembre 2004.

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Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Avant toute chose, vous me permettrez d'avoir une pensée émue pour les deux journalistes français, vos confrères, nos compatriotes, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, ainsi que pour leur chauffeur, toujours retenus en Irak.
Comme vous le savez je me suis personnellement impliqué, avec Jean-Louis Debré le Président de l'Assemblée nationale, dans cette triste affaire en appelant à une manifestation de soutien le 30 août dernier au Trocadéro. J'ai souhaité à cette occasion faire entendre la voix de la République et rappeler notre attachement à trois libertés fondamentales: la liberté d'information, la liberté d'expression et la liberté de pensée. J'ai été particulièrement fier de constater que ce soir là à Paris, nous avons réussi à faire l'union sacrée de notre République dans toute sa diversité politique, religieuse, culturelle, associative...autour des trois otages. La présence de femmes voilées dans cette manifestation était également un signe important. Je continue à suivre cette affaire au quotidien.
A quelques semaines des élections sénatoriales qui ne seront pas des élections comme les autres, j'espère que vous me donnerez l'occasion de vous en parler, je suis heureux d'être devant vous ce matin. Je tiens d'ailleurs à saluer celui qui m'avait lancé cette invitation, il n'est plus parmi vous aujourd'hui. J'ai nommé Jean- Louis Prévost, votre ancien Président, un homme du Nord à la chaleur communicative, qui a été pendant de nombreuses années l'avocat de votre profession.
Ce n'est pas la première fois que je me livre à cet exercice, car je reviens toujours devant vous avec plaisir.
Tout d'abord parce que, comme un Français sur deux, je suis un lecteur de la presse quotidienne régionale, et pas seulement de la presse vosgienne...
J'apprécie donc de mettre un visage sur ces lignes qui le plus souvent m'informent intelligemment, quelquefois m'interpellent et parfois... me font bondir !
En effet vous ne nous épargnez pas... et vous avez raison ! Vos analyses frappées au sceau du bon sens nous obligent à nous remettre en question et à réajuster utilement notre action pour mieux répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
Cette vigilance, ce sens de l'action, cette ambition que vous mettez au service de l'information que vous représentez, je me suis employé à l'appliquer au service du Sénat.
Je crois pouvoir dire qu'il n'y a pas photo entre le Sénat de 1998 et celui de 2004. Même si l'on nous reproche parfois d'être trop discrets, les gens qui travaillent sérieusement ne font pas la une de vos publications. Les Français sont néanmoins de plus en plus nombreux, 62 % en 2003 contre 53 % en 1998, à considérer que l'existence de deux assemblées est indispensable au débat démocratique.
Devant l'attaque de 1998, le Sénat qualifié " d'anomalie démocratique " par le Premier Ministre de l'époque, il fallait mettre en uvre, sans délai, une riposte énergique axée sur une politique volontariste de promotion dynamique de l'institution sénatoriale et de défense active du bicamérisme.
Le bicamérisme est une garantie démocratique. Dès lors, il n'est pas étonnant qu'il ait le vent en poupe à l'échelle de la planète. En 1970 on dénombrait 45 Sénats, aujourd'hui ils sont près de 80 et une dizaine sont en gestation. De même, ce n'est pas un hasard si tous les pays membres du G8 sont des Etats bicaméraux. L'anomalie se porte bien... Merci... et le modèle sénatorial français représente une valeur sûre à l'exportation.
Il fallait également renforcer la spécificité du Sénat et moderniser l'institution sénatoriale.
C'est pourquoi j'ai souhaité faire du Sénat la Maison des collectivités territoriales. Au delà de la politique active de services offerts aux collectivités, j'ai organisé, vous les avez largement suivis et commentés, les Etats Généraux des élus locaux.
Loin d'être des grandes messes sans lendemain, ils ont débouché sur des réponses législatives d'initiative sénatoriale comme la loi Fauchon.
Mon second objectif était mieux faire connaître le Sénat et de le moderniser. L'ouverture du Sénat sur l'extérieur a emprunté plusieurs chemins.
Tout d'abord, une ouverture sur le monde de l'entreprise avec l'établissement de passerelles entre le Sénat et les acteurs économiques comme les stages d'immersion de sénateurs en entreprise, 190 sénateurs depuis 1999, la semaine de l'entrepreneur, Tremplin Entreprise...
Ensuite une ouverture sur la culture : vous fréquentez, j'en suis sûr lorsque vous êtes parisien, nos expositions de photos sur les grilles du jardin - ce que j'appelle " l'art passant " - ou celles de peintres prestigieux au musée du Luxembourg.
Nous avons également créé une chaîne de télévision citoyenne et civique, Public Sénat, avec laquelle certains d'entre vous ont mis en place des partenariats.
Néanmoins, le Sénat demeurait l'objet de procès instruits, ça et là, à l'encontre de sa représentativité et donc de sa légitimité, j'ai donc entrepris une auto-réforme, fait inédit dans les annales de la République. Le Sénat a réduit de lui même la durée du mandat de ses membres de 9 à 6 ans et l'âge d'éligibilité a été abaissé de 35 à 30 ans. Les élections du 26 septembre prochain seront les premières depuis la réforme.
La physionomie politique ne va pas radicalement changer, le rapport gauche droite devrait rester stable. En revanche le nouveau Sénat comptera 10 sénateurs de plus, il sera plus jeune mais surtout il sera plus féminin, 28 femmes devraient y entrer.
Je ne suis pas peu fier de vous annoncer qu'ainsi nous aurons un taux de féminisation plus fort que celui l'Assemblée Nationale, 16 % contre 12 %.
Un constat objectif s'impose : le Sénat de 2004 apparaît comme un Sénat requinqué, un Sénat revivifié, un Sénat revigoré, qui a retrouvé toute sa place au sein de nos institutions. Pour autant, il ne faut pas baisser la garde mais au contraire poursuivre la politique entreprise et même la renforcer et la prolonger. Je souhaite que le Sénat participe davantage à la modernisation de notre société.
Sur les grands enjeux d'avenir de notre pays et les sujets de préoccupation quotidienne des Français, le Sénat doit jouer son rôle de laboratoire d'idées et d'éclaireur de l'avenir. Nous possédons un atout majeur pour remplir cette mission : loin de l'agitation politicienne, le Sénat dispose du recul et de la distance nécessaires pour prendre le temps de réfléchir et faire des propositions concrètes pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Mon troisième mandat sera consacré à cet objectif : aider notre pays à se moderniser et à affronter les défis du présent et du futur.
Mais aujourd'hui, face à l'inflation législative, nous manquons de temps pour organiser de grands débats sur des sujets tels que la violence scolaire, le cadre de vie, l'emploi...
Nous devons donc réformer nos méthodes de travail, libérer du temps pour débattre des sujets qui intéressent les Français. Nous sommes en effet aujourd'hui dans une impasse. Nous encombrons l'hémicycle avec des textes trop techniques qui devraient être traités dans les commissions. Au même moment, la société nous réclame davantage de lois " sociétales ", des lois qui nous permettent de vivre ensemble.
Le problème n'est pas de se lamenter en disant " il y a trop de loi ", - c'est trop facile -, mais " comment répondre à la demande de lois ?", - c'est plus responsable -.
Nous devons également continuer de renforcer notre rôle de contrôle du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques qui doit devenir notre seconde nature. Je souhaite que les rapporteurs des commissions fassent un usage encore plus fréquent de leur pouvoir d'aller effectuer des contrôles sur place et sur pièces dans les ministères, les administrations. Il faut se souvenir que de précédents contrôles du Sénat ont permis de révéler l'existence d'une " cagnotte " budgétaire en 2002 ou de souligner les dégâts des 35 heures.
Enfin, il faut que les conclusions de ces contrôles ne restent pas " lettres mortes ". Elles doivent déboucher sur des débats en séance publique, dans l'hémicycle, avec les ministres concernés.
Voilà, chers amis, le programme dynamique d'un Président modeste au service d'un Sénat ambitieux.
Je vous remercie de m'avoir écouté et laisse la place à vos questions.
(Source http://www.senat.fr, le 21 septembre 2004)