Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "Europe 1" le 24 janvier 2005, sur la place de l'UDF dans l'échiquier politique, et sur le droit de grève.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Quel week-end G. de Robien. Bonjour merci d'être là et en direct. Plus fort et mieux que Poutine, Bouteflika ou N. Sarkozy, F. Bayrou réélu président de l'UDF avec 99% des voix. Il se veut ni dans la majorité, ni dans l'opposition, en réalité plus près de l'opposition. Est-ce que la rupture est déjà en route ?
R- Ni dans la majorité, ni dans l'opposition, c'est cela qui me fait peur, parce qu'à force d'être ailleurs, on n'est nulle part. Je crois qu'en aucun cas, il faut que l'UDF aille vers l'opposition. En tous cas, moi je serai le gardien vigilant d'une UDF solidaire de la majorité, mais qui a son franc-parler. Parce qu'il faut que l'UDF ait son franc-parler.
Q- Vous voulez dire qu'il y a des risques aujourd'hui ?
R- Il y a des dérives effectivement. On peut prendre la réunion d'hier comme une réunion qui engage l'UDF vers une espèce d'opposition. Il y a une opposition en France, c'est la gauche. Et il y a une majorité autour du président de la République et du Premier ministre. On a été élu par des électeurs qui sont les mêmes. Et donc, aujourd'hui, se diriger vers l'opposition, c'est être déloyal par rapport aux électeurs qui ont élu par exemple les parlementaires.
Q- Vous voulez dire que beaucoup d'UDF sont élus avec l'aide des chiraquiens ?
R- Et réciproquement.
Q- Et que la rupture, c'est le risque de perdre des mairies et des mandats ?
R- Des mairies, des mandats, des députés et de se retrouver effectivement sans groupe parlementaire. Donc il faut absolument, dans le Vème République, dans cette constitution qui fait qu'au premier tour on choisit, au deuxième tour on élimine, eh bien il faut garder un esprit d'union, être soi-même, affirmer son identité mais toujours dans un esprit d'union de façon à ce que le deuxième tour soit un deuxième tour de retrouvailles.
Q- Et vous voyez d'ores et déjà ou vous l'imaginez, F. Bayrou au deuxième tour de 2007 ?
R- Ecoutez ! là, ce sont les électeurs qui décident. Aujourd'hui, il n'y a pas d'élections présidentielles. F. Bayrou a le droit d'être candidat aux élections présidentielles, c'est son droit. Il doit maintenant faire un projet et non pas seulement se contenter d'être le procureur du Gouvernement et, autour de son projet, on verra si il y a effectivement un mouvement populaire qui se regroupe pour l'élire le premier du premier tour, et le seul du second.
Q- Vous le croyez ?
R- Mais on peut toujours. En politique, on ne peut jamais préjuger des résultats. Regardez ce qui s'est passé aux dernières élections présidentielles. Est-ce qu'on imaginait un tel score par exemple de L. Jospin, et hélas un tel score de Le Pen.
Q- G. de Robien, vous dites qu'il se comporte comme un procureur du gouvernement Raffarin. Mais comme il a dit lui-même en politique, il n'y a pas de crime de lèse-majesté. Il peut cogner si il veut.
R- Non pas cogner. On peut et il doit parler. Il doit débattre, il doit échanger des arguments pour voir quelles sont les meilleures solutions - les meilleures solutions ! -, et pas les meilleurs anathèmes. Les meilleures solutions pour les Français car la politique c'est de trouver des solutions, et la politique c'est aussi de les mettre en pratique lorsqu'on peut et qu'on a une position par exemple dans l'exécutif gouvernemental.
Q- Il veut un gouvernement de vérité, c'est-à-dire qu'on n'a jamais traité ainsi le gouvernement Raffarin et vous-même, de menteur.
R- Mais il a été au Gouvernement, et dans le gouvernement de J. Chirac - avec J. Chirac comme président de la République. Qu'est-ce que c'est qu'un gouvernement de vérité ? Moi je suis dans un gouvernement de vérité qui dit des choses qui sont quelquefois pas agréables à entendre, mais qui sont des choses vraies. Et si ce n'était pas le cas, je ne serais pas au Gouvernement.
Q- Le président des 31 députés UDF à l'Assemblée, H. Morin, demande au président de la République d'engager sa responsabilité lors du prochain référendum en Europe. F. Bayrou a dit que c'était une démarche personnelle mais qu'il la trouvait légitime, c'est-à-dire que Chirac dise : " si c'est "non" au référendum, je m'en vais ". Vous croyez que c'est une bonne idée ?
R- Je pense que si H. Morin veut une crise majeure politique en France, et déstabiliser effectivement la politique et la majorité, il n'y a qu'à le suivre. Mais c'est une question qui appartient au président de la République et je crois que F. Bayrou a eu raison de rappeler que la réponse à la question posée par H. Morin n'appartenait qu'au président de la République.
Q- Le "oui" à l'Europe de l'UDF, est-ce que ça vous paraît, G. de Robien, aujourd'hui un oui franc ou un " ouistiti " ?
R- Un "oui" franc et massif. Je crois vraiment que la très grande majorité pour pas dire la quasi-totalité, sauf quelques-uns, est vraiment pour le oui à la Constitution européenne parce qu'ils savent à l'UDF que le "oui" à la Constitution européenne, c'est une Europe moins technocratique, c'est une Europe plus démocratique, c'est une Europe mieux structurée, c'est une Europe plus solidaire, c'est une Europe mieux organisée, c'est une Europe qui aura une voix pour la politique étrangère. Donc comme à l'UDF, on est extrêmement favorable à la construction européenne, on ne peut que répondre "oui", et avec enthousiasme, je l'ai dit hier, à la question qui nous est posée dans la Constitution européenne.
Q- Tout le week-end, on a monté G. de Robien contre F. Bayrou, F. Bayrou contre G. de Robien. D'abord est-ce que vous êtes seul à l'UDF ? Parce que vous avez donné le sentiment d'être tout seul ?
R- Oui, parce que je suis le porte-parole en fait de beaucoup de personnes qu s'inquiètent, qui s'inquiètent de ce risque, de ce risque de dérive d'une UDF qui rêve à l'opposition. Et donc beaucoup de parlementaires...
Q- Ils sont inquiets mais ils se taisent.
R- Attendez ! ce n'est pas facile non plus parce que bon, il y a quand même une pression très forte de la direction de l'UDF. Mais n'empêche qu'ils m'ont demandé de prendre la parole sur ce ton, ils m'ont beaucoup, excusez-moi, remercié à la sortie, beaucoup de militants.
Q- "Vas-y, vas-y Gilles" et on se planque !
R- Non, non, on se planque pas. Tu es notre porte-parole, il faut absolument que tu tiennes bon sur cette ligne. Nous sommes dans la majorité, nos électeurs nous disent qu'il ne faut pas quitter la majorité. Tiens bon.
Q- Un mot encore, G. de Robien. Est-ce que ce n'est pas un jeu de rôle parce qu'on gesticule, on montre ses muscles et finalement, on va voter comme d'habitude le budget. A moins que vous nous disiez ce matin, que désormais l'UDF de F. Bayrou ne votera plus les budgets Raffarin et peut-être de son successeur.
R- Je ne peux pas répondre évidemment pour les parlementaires UDF, qui sont majeurs. Mais ils voteront, j'en suis sûr, en tous cas, le budget. Sinon effectivement c'est un signe grave d'une avancée encore, ou d'une reculade vers l'opposition. Et je ne la souhaite pas.
Q- Monsieur le ministre, le président du Medef vous attaqué hier. Il a attaqué "un gouvernement qui fait une loi sur le voile, et qui n'est pas capable d'en faire une sur le service garanti aux usagers qui avait été promis par J. Chirac".
R- Alors grand 1 : il y a déjà une loi qui garantit le droit de grève. Alors il ne faudrait pas que le président des entrepreneurs souhaite, à travers cette demande, finalement, supprimer le droit de grève. Sinon, évidemment il n'y aura plus d'entreprise.
Q- Non mais il faut peut-être nuancer ou limiter le droit ou les excès du droit de grève.
R- Je dis simplement que si monsieur Seillière veut passer une loi que ce qu'il appelle, lui, le "service minimum" et qui réduirait le droit de grève à un point tel que ce droit de grève, qui est dans la Constitution, n'existerait plus, il n'y aurait plus d'entreprise. Parce qu'en France ça serait la révolte. Et nous, au contraire, nous cherchons par la voie du dialogue et de la concertation avec les partenaires sociaux à organiser le droit de grève pour qu'il soit le moins nocif possible pour les entreprises.
Q- Mais par exemple, ce qui s'est fait à la SNCF la semaine dernière ça vous
a suffit ?
R- D'une part c'est un premier pas, c'est un premier pas. C'était le 28 décembre - le 28 octobre, pardon - que la SNCF avec des partenaires sociaux a pris un excellent accord pour prévenir les conflits. Depuis ce temps-là, les préavis de grève ont été divisés par cinq. Premier avantage. Deuxième avantage, mercredi dernier, il y a eu plus de 60 % d'agents qui n'étaient pas grévistes. On a fait le meilleur service avec ça. Une loi sur ce que monsieur Seillière appelle le service minimum, n'aurait pas permis de réquisitionner évidemment au-delà de 60 %, sinon c'était une atteinte au droit de grève, et je vous rappelle que le droit de grève est constitutionnel. Donc il faut continuer à travailler avec les syndicats pour faire en sorte que le maximum de trains circulent, même les jours de grève. C'est ce que nous ferons.
Q- Donc monsieur Seillière se trompe ?
R- Monsieur Seillière doit se rapporter à la Constitution, c'est quand même notre texte absolu.
Q- Un mot. Aujourd'hui, J.-P. Raffarin préside le conseil interministériel sur la sécurité routière. Vous aboutissez à quoi ?
R- On va beaucoup travailler, apporter des réponses notamment à la conduite des transports en commun, et notamment des cars. On s'est aperçu que récemment, il y avait beaucoup d'accidents et beaucoup trop d'accidents de car. Et donc nous allons améliorer le système de santé et de vérification de la santé pour les chauffeurs de car.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 janvier 2005)