Déclaration de M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme, sur les mesures prises par le gouvernement pour développer un tourisme durable, créateur d'emplois et respectueux du patrimoine naturel, comme par exemple l'écotourisme dans les départements d'Outre-mer, Paris le 15 novembre 2004.

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Circonstance : Journée des Maires des DOM : comment concilier le développement du tourisme, créateur d'emplois avec la préservation du patrimoine naturel ? à Paris le 15novembre 2004

Texte intégral

Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis heureux de vous retrouver à Paris, après avoir croisé certains d'entre-vous lors du Congrès très réussi de l'ACD'OM en Nouvelle-Calédonie, pour participer à cette traditionnelle journée des maires d'Outre-mer.
" Comment concilier le développement du tourisme, créateur d'emplois, avec la préservation du patrimoine naturel ? "
Cette thématique devient centrale pour les acteurs du monde du tourisme soucieux de préparer sereinement l'avenir.
Car si le tourisme constitue à la fois une source essentielle de richesse pour un territoire et représente par là même un facteur important de gestion et d'aménagement, il induit également des effets négatifs très importants : surfréquentation, développement anarchique, pollutions ou menaces particulièrement envers les habitats de la faune sauvage.
L'exemple, ou devrais-je dire le contre-exemple, espagnol est à cet égard, très éloquent :
le développement touristique massif et non structuré des Baléares et des Canaries, qui remonte à la fin des années 60, a aujourd'hui des conséquences désastreuses sur le plan écologique.
La pollution automobile, les résidus urbains jetés à la mer, l'érosion des plages ont totalement défiguré ces sites naturels remarquables, comme la plage de Palma, à Majorque, bordée de 6 kilomètres de commerces et d'hôtels vides la moitié de l'année.
Mais le désastre n'est pas qu'écologique, il est aussi économique car les touristes, toujours plus sensibilisés à la qualité environnementale des sites, finissent par déserter.
Les Canaries ont enregistré une baisse de fréquentation de 8% l'an dernier.
Voilà donc le dilemme que nous devons quotidiennement affronter : d'un côté, l'activité touristique dégrade le patrimoine, de l'autre, elle permet de l'entretenir.
Les départements d'outre-mer sont particulièrement concernés, car leur attractivité dépend, pour une grande part, de la qualité de leurs écosystèmes et de leur capacité à les préserver : les forêts pluviales, les mangroves, les barrières coralliennes, les lagons... tous ces milieux fondent leurs identités singulières.
Les élus disposent heureusement (ce n'est pas toujours le cas chez tous nos voisins européens) d'un arsenal assez complet pour protéger les sites les plus fragiles.
Ces protections peuvent être d'ordre contractuel, avec les Parcs naturels régionaux qui conduisent des démarches expérimentales pour concilier développement et respect de l'environnement.
Elles sont aussi d'ordre réglementaire, avec les Parcs nationaux :
Après la Guadeloupe, deux projets concernent directement l'Outre-Mer, avec la forêt tropicale de Guyane et les Hauts de la Réunion. Les réserves naturelles sont également très nombreuses, puisqu'elles représentent 300 000 hectares, soit 3% du territoire des DOM.
La préservation de ce patrimoine naturel passe aussi par le sauvetage des récifs coralliens.
La France est le seul pays au monde a en posséder dans les 3 océans : les surfaces récifo-lagonnaires représentent 55 000 kilomètres carrés, le double des surfaces des terres émergées qu'elles entourent.
Ces récifs sont dégradés lorsqu'ils bordent les côtes des îles les plus peuplées ou avoisinent des zones urbaines. Une initiative française pour les Récifs coralliens (IFRECOR) a donc été lancée en 1999, avec un plan national d'action qui prévoit notamment de mieux sensibiliser les opérateurs touristiques et les visiteurs. Les amateurs de plongée sous-marine en sont les premiers bénéficiaires. C'est, de fait, un segment de clientèle, dit affinitaire, qu'il ne faut pas négliger.
En effet, les pratiques sportives de pleine nature déterminent de façon croissante le choix des destinations.
Elles forment ainsi un vivier naturel pour l'écotourisme, qui se définit lui-même comme une forme de voyage responsable dans les espaces naturels qui contribue à la protection de l'environnement et au bien-être des populations et se distingue ainsi du tourisme vert, moins protecteur.
L'écotourisme, voilà un cercle vertueux, dont les exemples qui marchent sont déjà appliquées par certaines destinations haut de gamme en plein essor comme les Seychelles où les sites protégés, parcs marins compris, représentent 47% du territoire.
L'écotourisme s'adapte parfaitement aux situations contrastées de nos destinations d'Outre-Mer. C'est incontestablement une tendance lourde de l'économie touristique appelée à se développer en opposition au modèle mono-balnéaire, en perte de vitesse parce qu'il uniformise l'offre.
Les voyageurs, en quête d'authenticité, apprécient toujours davantage l'intégration paysagère de petites unités comme les lodges ou les bungalows aux blocs de béton des grands resorts.
En transformant ainsi des attraits naturels en atouts culturels, l'écotourisme offre aux destinations les plus anciennes, comme les Antilles, l'opportunité de renouveler leur image.
Les destinations en devenir, comme la Guyane ou la Nouvelle-Calédonie, peuvent quant à elles capitaliser sur la richesse de leur biodiversité pour assurer le décollage de leur économie touristique.
L'écotourisme possède aussi d'autres vertus : il apporte des fonds qui peuvent aider à la conservation des sites et permettre le développement des communautés locales qui vivent et travaillent près des sites. La formation de guide de nature ou d'interprètes est encouragée, valorisant ainsi les compétences naturelles des habitants et les incitant à cultiver leurs traditions locales. Il favorise également un allongement de la saison et une fidélisation accrue des clients.
Dans le cadre de la stratégie de développement durable, adoptée par le Gouvernement en juin 2003, le Ministère délégué au Tourisme a présenté, lors du 1er Comité interministériel du Tourisme en septembre 2003, un certain nombre de pistes en faveur du tourisme durable, dont l'écotourisme est une composante majeure.
L'Agence Française d'Ingénierie Touristique prépare actuellement un " guide d'aide à la prise en compte du développement durable dans les entreprises touristiques ". Cet organisme associé au Ministère constitue un outil très performant d'aide au montage de projet. N'hésitez pas à solliciter son expertise.
Nous avons également initié la création, avec le Ministère de l'Ecologie, d'un " label de gestion durable des grands sites " qui certifie la qualité de l'accueil et la gestion durable des espaces.
Toutes proportions gardées, ce label s'inscrit dans la même logique que le classement au patrimoine de l'UNESCO en privilégiant la planification des flux de visiteurs et la prise en compte de la notion de " capacité de charge ", pour éviter une détérioration des sites remarquables.
J'ai, enfin, lancé une réflexion sur la contribution du tourisme à la gestion des espaces naturels, qui pourrait, pourquoi pas, prendre la forme d'un dispositif de solidarité financière entre l'activité économique découlant du tourisme et la gestion des espaces naturels. Cette réflexion vous est naturellement ouverte, sans tabou. Vos contributions seront les bienvenues.
Le dernier message que je souhaite vous adresser aujourd'hui est un appel. L'organisation territoriale du tourisme donne aux Maires un large espace et vous devez vous l'approprier. Si les Offices de tourisme et les Syndicats d'initiative sont les premières vitrines de l'action touristique locale, vous êtes les meilleurs ambassadeurs de vos territoires.
Vous seuls pouvez susciter le " génie local " et faire émerger les nouveaux projets. Là encore, mes services sont à votre disposition.
Je vous remercie.

(Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 24 novembre 2004)