Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, sur le Programme de renforcement de la Cohésion sociale, l'exclusion sociale et la politique urbaine, notamment le renouvellement de l'offre de logements sociaux et la rénovation urbaine, Paris le 7 juillet 2004.

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Circonstance : Présentation du Programme de Cohésion sociale devant le Conseil économique et social le 7 juillet 2004

Texte intégral

M. le Président du Conseil économique et social .- Monsieur le ministre je me permets de vous appeler à cette tribune pour que vous puissiez présenter ce programme de cohésion sociale que nous attendons et que des questions puissent vous être posées.
M. Borloo, ministre de l'emploi, du travail et la cohésion sociale.- Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai eu à assister à ce moment fort que fut le discours de votre président en fin de mandature que je crois effectivement marquante. En tous les cas c'est la vision qu'en a un membre du gouvernement.
Monsieur le président, merci de me donner quelques minutes pour m'exprimer devant cette assemblée qui est, je crois, plus que tout autre lieu de la République, le lieu de la cohésion sociale.
Devrais-je simplement rappeler la mémoire de Mme de Gaulle Anthonioz, et de l'avis que vous avez rendu sur l'avant-projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale ; c'était il y a huit ans et puisque la République est continue sur ces sujets-là, deux ans après, un autre texte qui reprenait l'essentiel de ce qui avait été dit dans cet avis, était voté par un autre gouvernement, et tant mieux. Ce texte de 1998 a été lui aussi fortement inspiré des travaux de votre assemblée.
Monsieur le président, c'est hier que s'est réuni - comme quoi la République est continue mais parfois un peu lente - ce qui était prévu dans la loi de 1998, c'est-à-dire la conférence nationale de lutte contre l'exclusion, présidée par l'excellent sénateur SEILLIER, et c'est également hier qu'a eu lieu le premier comité interministériel de lutte contre l'exclusion qui suivait de quelques jours le conseil des ministres m'autorisant à présenter au pays un programme national de cohésion sociale.
Comme quoi cette semaine-là est à la fois la semaine de l'aboutissement de votre mandature et d'un pas décisif sur des sujets qui vous tenaient à cur et qui tenaient à cur aux uns et autres, mais sur lesquels la république a mis quelque temps pour se mettre effectivement en ordre de marche.
Comme quoi ces sujets qui font assez l'unanimité dans les diagnostics et dans les approches de solutions sont, en fait, des sujets d'une extrême complexité méthodologique car souvent l'émotion l'emporte sur la technique, souvent les régulations budgétaires de tous ordres se font plutôt au détriment de ces matières-là, plus invisibles, plus humaines. Ces actions nécessitent les interventions de beaucoup d'acteurs. Ce sont des matières qui mélangent la démocratie, le bénévolat, l'institutionnel, bref, ce sont des sujets évidemment complexes et, pour tout vous dire, Monsieur le président, le plan de cohésion sociale que je vais vous présenter rapidement, en réalité, le Conseil économique et social le connaît presque avant de l'avoir lu puisqu'il est largement influencé par la douzaine de rapports importants qui, de 1986 à cette année, ont émaillé section par section, rapporteur par rapporteur, la vie de ce Conseil économique et social.
En deux mots, après un texte qui est venu ici, qui était celui du mois d'août 2003 sur la ville et la rénovation urbaine, texte qui avait fait l'objet d'une saisine très rapide, monsieur le Président, puisqu'elle devait être du 7 mai et votre conseil a bien voulu délibérer très vite ce qui nous a permis de passer devant le Conseil des ministres le 18 juin pour un vote définitif des deux assemblées le 23 juillet, une publication au journal officiel le 1er août ; si je vous dis cela, vous devinez le clin d'il, c'est que lorsque nous saisissons le CES dans l'urgence, nous nous appliquons l'urgence à nous-mêmes car six semaines après être au journal officiel, vous avouerez que nous avons essayé d'être aussi diligents que vous.
Deux mots sur ce texte qui comporte trois sujets majeurs.
D'abord le problème de rénovation urbaine dont beaucoup de membres du CES sont des acteurs dans le cadre de l'Agence Nationale de Rénovation Urbaine. L'agence va bien. Son conseil d'administration se réunit aujourd'hui, présidé par Jean-Paul Alduy. Le contre pouvoir du Comité de suivi et de vigilance est en place, présidé par Yazid Sabeg. Le pilotage actuel, ce sont 25 à 30 milliards d'euros de travaux dans nos quartiers qui en avaient le plus besoin. Nous en sommes aujourd'hui, dans les instructions et pré instructions, à près de 19,7 milliards pour un peu moins de 5 milliards d'intervention de l'agence. Par rapport à ce que nous vous avions présenté, le pari est tenu. Je pense qu'il faudra même que nous augmentions de un ou deux milliards les capacités de l'agence pour aller au bout de ce sujet tout à fait crucial. J'en profite pour vous remercier de nous avoir soutenus sur cette agence de rénovation urbaine.
Pari difficile qui fonctionne dans une totale démocratie, dans un pluralisme complet puisqu'il s'agit d'un véritable copilotage, l'État n'étant que l'un des acteurs au conseil d'administration de l'agence parmi beaucoup d'autres tels que les partenaires sociaux, le monde HLM, la caisse des dépôts et les associations représentatives des élus de France.
Ensuite le surendettement, deuxième sujet que le CES connaît bien notamment sous l'impulsion de M. Le Duigou qui avait rendu un rapport en 2000, me semble-t-il. Ce fut plus long à mettre en route, l'inquiétude des bénéficiaires ne sachant pas très bien comment cela allait se passer. Sous la présidence de Guy Canivet, un comité de pilotage a été mis en place et aujourd'hui, cette loi de la deuxième chance, dieu merci, rend son office et permet à un certain nombre de familles d'en bénéficier.
Enfin, le troisième sujet majeur concerne les zones franches urbaines. Dans ces quartiers qui en avaient tant besoin, nous sommes en train d'exploser tous les compteurs. Il ne faudra pas le dire si vous avez des amis à Bercy, mais les compensations de l'État au titre fiscal et social vont être douloureuses. Mais enfin, c'est de l'argent qui est dépensé pour une belle et noble cause, celle de remettre les gens de ce quartier dans la dignité de l'activité.
Cela, c'était pour les petits. Le bébé va bien et merci d'y avoir largement contribué.
Aujourd'hui, je vais vous parler du reste, c'est-à-dire que je vais répondre à la question que vous m'aviez posée à l'époque. Vous m'aviez dit : " C'est bien gentil de faire cela, mais le reste du logement dans le pays ? Mais les petits dans ces écoles qui dérapent dès la maternelle ? Mais ces villes qui n'ont pas un sou ou celles qui sont le plus plombées ? Et puis cette grande cohorte de ceux qui sont loin de l'emploi, près de l'emploi, mais qui butent et à force de buter on s'en éloigne, ou ceux qui sont durablement loin de l'emploi ? "
Au-delà des corps d'origine, si j'ose dire, j'ai senti un soutien assez dépiégeant d'un certain nombre de sujets et en même temps une interrogation pour le reste. D'une certaine manière, je viens chez vous en seconde semaine pour vous dire ceci : j'avais bien compris que ce serait bien de faire de la cohésion sociale un axe gouvernemental. Depuis notre dernière entrevue, il y a un axe gouvernemental qui s'appelle la cohésion sociale. C'est le titre du rapport de Mme de Gaulle Anthonioz.
Aujourd'hui, tout le pays est prêt à considérer qu'il n'y a pas de prospérité économique durable sans prospérité sociale. Le fond de l'équilibre du modèle français, aujourd'hui, est celui-là. Ce programme, monsieur le président, c'est bien autre chose que la loi, qui va être un soutien au programme. Dans ce programme, il y a bien d'autres choses qu'une loi. Il y a des accords, des conventions. Si l'on parle du logement ce sera essentiellement par convention avec la profession. Bien sûr, qu'il nous faut un soutien législatif pour quelques aspects techniques, le contrat d'activité et de formation par exemple. Mais surtout parce que nous ne pouvons pas mettre en mouvement le pays si l'État n'est pas fiable et dans une démocratie, la meilleure façon d'être fiable sans que cela vaille vraiment caution bancaire c'est quand même une loi de programmation. Une loi de programmation dans le temps, une loi de programmation par thème, une loi de programmation par ligne et par année ce qui permet de dire " halte " à la première tentative de dérapage. C'est la raison essentielle pour laquelle nous avons besoin d'une loi même si, à bien des égards, sur l'apprentissage et sur d'autres sujets et après concertation, nous aurons besoin d'un texte législatif.
Mais au fond, monsieur le président, c'est vraiment sur ce programme national de cohésion sociale - que nous vous avons adressé le jour même, dès que nous avons pu le rendre public - que nous souhaitons recueillir - peu importe quand, le plus vite possible - le sentiment de votre institution au-delà même d'un texte de loi dont nous souhaiterions vous soumettre un avis.
Qu'y a-t-il dans ce programme ? Finalement, rien que vous ne sachiez déjà.
Premièrement, l'aide au retour à l'emploi : le marché du travail est un marché qui a besoin de ressources humaines. Nos compétiteurs européens mettent quatre fois plus de moyens humains pour cette relation très à recréer, à tisser entre l'entreprise et le demandeur d'emploi : en matière d'accompagnement, en matière de connaissance de nouveaux métiers, en matière de fédération de l'information, des prévisions à trois ans, à un an, à trois mois, dans l'immédiateté.
Cette relation entre les deux, qui existe déjà dans bien des endroits et dans d'autres pays également, c'est la maison de l'emploi et des métiers qui regroupe l'ensemble des partenaires. Peu importe la forme locale qu'elle revêtira, mais l'État s'engage sur des moyens matériels et humains massifs pour aider à cette relation. La France se trouve face à un paradoxe extrêmement fort : une tension très forte sur certains métiers et sur certains bassins, plus forte que chez nos collègues européens et en même temps, une partie très importante de la population qui est en recherche d'activité, et pour certains durablement.
Le deuxième grand sujet est celui de l'alternance, l'alternance des jeunes. Nous savons et votre institution dit depuis longtemps ce qu'il faut faire, que le pays ne manque pas de livres blancs. Nous avons des bibliothèques complètes de livres blancs. Tout simplement, cette fois-ci, on le fait en accord avec les grandes fédérations professionnelles et les partenaires sociaux. On se donne les moyens pour que l'ensemble de notre jeunesse ait droit à l'alternance privée c'est-à-dire à la fois individuelle artisanale, les grandes entreprises et en même temps publique puisque nous ouvrons, sous réserve de la réunion du Conseil supérieur de la Fonction Publique, une troisième voie de manière plus importante sur l'apprentissage public, notamment pour que notre service public ressemble un peu plus à la diversité de la population française.
Le troisième grand sujet est ce contrat d'activité et de formation qui n'est finalement que la synthèse de ce que vous avez écrit dans trois rapports différents. En faisant le bilan de l'existant, le RMI était une allocation différentielle, avancée sociale à l'époque, mais il ne permettait ni directement la formation, ni de sortir de l'isolement avec des revenus en réalité assez faibles.
Il y avait des outils divers que l'on a simplifiés, les fameux contrats aidés, qui avaient le mérite de l'activité, qui n'avaient pas le mérite de la durée et de la formation, sauf dans un cas, pour la durée. On a essayé de faire la synthèse de tout cela. Ce sont les contrats d'activité et de formations qui vont demander au porteur, à celui qui va en assurer le portage, en échange de l'activité, une obligation de formation qualification sous des formes diverses à apprécier, notamment sous des formes de validation d'acquis de l'expérience.
Le troisième grand sujet, c'est ce que vous avez dit dans deux rapports successifs, le travail de l'économie solidaire, qui est majeur, massif. Là, vous verrez des éléments importants, cent millions d'euros par an de soutien, et la création d'encadrement et de tutorat et surtout, la clarté et la durée des engagements pour les contrats aidés, le contrat unique marchand, le contrat unique non marchand, la souplesse, mais la durée, afin que les différents partenaires sachent sur plusieurs années comment pouvoir reconstruire les parcours des uns et des autres. Tout cela, tout le monde le sait. Tout cela, votre assemblée l'a dit et écrit à de nombreuses reprises. Nous ne faisons que le mettre en place.
Il y avait aussi, de la part d'un des rapports de votre assemblée, un point très important sur la création d'entreprise et notamment sur les charges sociales qui pèsent sur le chômeur créateur d'entreprise, la bascule qui fait que, tout d'un coup, on est un contributeur à 100 % alors que l'on peut avoir des revenus en dessous du SMIC. C'était absurde. Là aussi, le texte de loi prévoira d'y remédier.
Le deuxième grand sujet, c'est la maison. Vous savez que le premier dessin qu'un enfant fait en maternelle, c'est une maison, c'est le toit. Je ne vous décrirai pas la situation critique du logement en France. Là aussi, le Conseil économique et social a fait deux rapports, dont un qui est resté célèbre sur les copropriétés dégradées. La situation est assez claire, après un drame, avec une production de trente-huit mille logements publics en 1999 alors que notre besoin est en moyenne de quatre-vingt mille, avec un marché privé qui s'est restreint pour des raisons de perte de confiance, nous nous mettons d'accord avec la profession pour un contrat de confiance. En gros, on sort du financement tatillon, par opération, où il manque toujours un euro au bon endroit, pour un accord global des besoins sur cinq ans que l'on finance globalement et en une fois. Nous devrions signer avec la profession en septembre lors de l'Assemblée générale de rentrée.
Deux ou trois autres sujets complémentaires pour débloquer tout cela sont indiqués dans le programme.
Ensuite, les problèmes du coût du foncier, notamment dans un certain nombre de sites comme l'Île-de-France où est prévu le financement exceptionnel du foncier et le montage d'établissements fonciers spécifiques. Car on peut avoir un loyer de sortie sociale, un coût de construction maîtrisé, encore faut-il que l'on ait un coût d'entrée, celui du foncier, qui soit social, du moins conventionné, au même titre que l'on a un loyer conventionné.
Le logement privé, l'hébergement d'urgence, on connaissait la situation, les chiffres sont dans le plan. Dans le cadre du contrat de confiance prévu, en priorité des logements adaptés, la population française à héberger a changé : ce que l'on appelait une famille très nombreuse il y a quinze ans, c'était quatre enfants ; ce que l'on appelle une famille très nombreuse aujourd'hui, c'est onze et plus. Évidemment, même si ce ne sont pas les mêmes réalités, même si ce ne sont pas des sujets extrêmement massifs, ce sont des sujets extrêmement préoccupants.
Enfin, l'égalité des chances. Nous avons le sentiment que la République n'était plus tout à fait au rendez-vous. La discrimination est une réalité dans ce pays, le sujet est moins massif quantitativement que dans d'autres pays, mais beaucoup plus grave qualitativement aujourd'hui. C'est un sujet qui se durcit. La reproduction des discriminations sociales est une réalité de ce pays. Tout commence le premier jour de la première rentrée. Le plan prévoit donc, pour simplifier, concernant les écoles, un regard plus précis du dialogue entre les recteurs d'Académie, les élus et l'éducation, non pas sur la transformation de la carte scolaire, mais faire attention à ce que, dans certains cas, ce pour quoi elle a été faite ne produise pas des résultats inverses de ségrégation, comme on l'a vu dans un certain nombre de sites. Des équipes de réussite éducative, comme mises en place dans de nombreux pays qui s'occupent, dès le premier dérapage, y compris parascolaire, de tous petits enfants. On met le paquet, c'est un million d'euros par site, sept cent cinquante millions d'euros qui vont être mis, c'est du vrai nouvel argent en totale liberté d'utilisation par les acteurs locaux, entre la maîtresse, le chef d'établissement, les CAF, les autorités locales, l'organisation territoriale n'est pas encore totalement déterminée, mais c'est bien de cela dont il s'agit, faire en sorte en tous les cas que l'on puisse intervenir entre l'enfant, la maîtresse, les parents, l'environnement tout de suite, comme dans les dizaines de programmes qui existent à l'étranger.
Le doublement des moyens publics dans les ZEP dans les trois ans. C'est la grosse cavalerie de l'éducation nationale qui serait réorientée, notamment par les programmes dits de PEEP IV qui organisent les équipes pédagogiques. Et puis, le drame des villes qui n'en peuvent plus, qui subissent toutes les charges socio-urbaines, Montfermeil, Clichy-sous-Bois, Chanteloup-les-Vignes, ces orphelines de la République. L'ensemble de la DSU répartie à 75 % des villes, ce qui n'est plus très discriminant, représente six cent millions d'euros. Il est prévu par tranche de cent vingt millions d'euros par an d'augmenter cette DSU pour recentrer sur ces villes là, concentrer le véritable indice de DSU pour faire en sorte que ces villes pauvres aient des moyens de fonctionnement qui soient à la hauteur des charges socio-urbaines qu'elles supportent.
Enfin, en matière de discrimination, le programme charte de la diversité. Les entreprises nous ont dit " Banco, on le fait, très bien, on fait confiance ", ce sera cela partout, à défaut de quoi il sera indiqué dans le texte que le Parlement sera saisi dans un délai maximum de trois ans s'il n'y avait pas un grand mouvement de lutte de non discrimination act à la française, c'est-à-dire les moyens internes de s'assurer que la vie et la représentation de l'entreprise soient à peu près les mêmes que la population dans le bassin de vie dans lequel les entreprises travaillent.
Enfin, un dernier sujet qui est un peu connexe, mais pas tant que cela. La haute autorité va avoir son texte de loi avant la fin de l'année. Nous pilotons une réflexion avec la Chancellerie pour sortir le racisme du délit de presse, ce qui n'autorise pas l'État à intervenir directement par le Parquet, ce qui nous paraît être une anomalie. Ce sujet me paraît crucial et très important.
Pour tout vous dire, monsieur le président, étant un ministre qui a déjà eu le bonheur de venir batailler chez vous pour essayer de convaincre, et qui a le sentiment profond et réel que cette institution est unique dans la République, et qu'elle permet de dégager ce que vous appeliez tout à l'heure " des chemins communs et non pas des consensus mous ", c'est vrai que, malgré votre discours de fin de mandature, malgré ce que je devine de contrariétés que cela peut supposer, et bien qu'un texte de loi d'appui ne soit qu'un texte de loi et non pas l'ensemble du plan, je n'ose vous proposer, monsieur le président, malgré la fin de votre mandature, de bien vouloir accepter que le gouvernement vous saisisse officiellement dès demain pour un travail de l'été avant la fin... mais j'ai compris que la fin c'était après le dîner de demain soir, qu'après le dîner il y avait encore quelque chose... ou le dîner d'hier soir, pardon ! (Sourires) Seul l'endroit m'avait marqué !
Je n'ignore pas tout cela mais après le dîner, après les vacances, il y a un renouvellement et après, cela va nous mettre à l'année prochaine.
Alors il y a urgence. Et puis au nom de l'engagement que nous avons eu nous-mêmes, au nom du fait que ce Conseil économique et social est pour moi vraiment celui de la cohésion sociale, je ne doute pas de la qualité du prochain et de la qualité du renouvellement, mais le temps que les jeunes s'y mettent, si l'on pouvait terminer comme cela maintenant, ce serait tellement formidable ! Je vous en remercie.
(Applaudissements)
M. le président.- Merci, monsieur le ministre. Chers collègues, tout cela a été fait dans des délais extrêmement courts et je ne sais pas s'il y a des questions, mais ce que je puis confirmer, c'est que M. Borloo est tout à fait prêt à répondre.
Mme Rastoll.- Monsieur le ministre, dans le volet "logement" du plan de cohésion sociale, vous pointez le doublement en quinze ans des logements indécents. Vous pointez la multiplication par quatre de la liste d'attente pour l'accès au logement social, donc vous mettez l'accent sur le problème de l'accès au logement pour les personnes les plus en difficulté. J'ai quelques questions, si vous le permettez.
La loi contre l'exclusion prévoyait en 1998 des accords collectifs pour mettre dans chaque département les organismes HLM, les organismes de logements sociaux, autour de la table pour loger les plus en difficulté. Si ces accords collectifs, on peut le penser, n'ont pas été assez productifs puisqu'il faut le plan de cohésion sociale, a-t-on repéré les freins ? A-t-on repéré les obstacles ?
Par ailleurs, vous prévoyez la production de cent mille logements sociaux par an, et pour cela, vous dites : " une convention-cadre à signer entre l'État et l'Union sociale de l'habitat " ; voyez-vous comment faire pour motiver aussi les collectivités locales ?
Enfin, plusieurs prêts locatifs sont prévus pour la production de logements sociaux ; pourra-t-on éviter que la demande de prêts ne se concentre sur les prêts qui seraient destinés au logement intermédiaire et pas aux logements les plus sociaux ? Merci.
M. le président.- Merci, madame Rastoll, qui, dans cet hémicycle, représente le logement.
M. Borloo.- Mme Rastoll, tout d'abord, j'en profite pour vous remercier - ainsi que Mme Crosemarie - d'être venue à l'Assemblée nationale et au Sénat présenter l'avis du Conseil économique et social devant nos deux assemblées lors du vote du dernier texte.
Par ailleurs, sur ce sujet, que vous connaissez mieux que quiconque, les freins et les obstacles, il y en a de nombreux. Il y en a eu de nombreux. Vous avez raison de dire qu'en 1998 étaient prévus ce dispositif et cette loi, et je ne doute aucunement de la volonté d'engagement de ses parties prenantes. Et pourtant, c'est l'année qui précède l'année noire du logement social en France : 1999. 39 843 logements produits seulement. Comme quoi il peut y avoir dans la vie des décalages entre les volontés manifestes, engageantes, et les réalités. Alors pourquoi ce décalage ? Je suis personnellement convaincu qu'il y en a plusieurs.
La première, c'est un mode d'organisation -mais je pense qu'on le verra sur d'autres sujets dans les mois qui viennent- qui a été performant et qui ne l'est plus du fait de l'évolution de la société française. Je m'explique.
Le principal flux sur le logement social, c'est une collecte sur les entreprises, ce que l'on appelle traditionnellement entre nous le 1 %, même s'il n'est plus de 1 % et qu'il est géré paritairement. Est-ce que l'on aurait mis en place un système comme celui-là avec quatre millions de sans-emploi ? Quelle est la feuille de route réelle de la gestion de ce fonds quand il y a quatre millions de sans-emploi ? Quelle est l'organisation de ces professions dans lesquelles l'État ne donne pas la feuille de route ? Quel est le véritable statut d'une société anonyme dont les actionnaires, jusqu'à la loi d'août, étaient des actionnaires qui ne votaient pas réellement à hauteur de leurs actions, dans laquelle les utilisateurs, locataires ou collectivités, n'étaient pas présents ou représentés ?
Bref, on a un système qui a merveilleusement fonctionné lorsqu'il s'agissait de loger les salariés des entreprises qui prélevaient, et avec la reconstruction, cette dynamique de la reconstruction après le cri de l'Abbé Pierre, une mobilisation sur des schémas parfaitement connus d'une société française qui était homogène ethniquement, religieusement, par la taille de la famille et dans le plein-emploi.
La société française est aujourd'hui diverse, avec des zones de grandes tensions, avec des zones de grande précarité, ethniquement pas homogène, avec un dispositif de collecte qui, lui, ne s'est pas adapté, ou plus exactement, qui s'est adapté depuis trois-quatre ans par les premiers accords qu'il y a eus avec Mme Lienneman sur le 1 %, la révolution de la loi d'août 2003 qui a fait se réorganiser les professions, de sorte que, dans ce climat de confiance qu'a permis l'Agence de rénovation urbaine, le contrat de confiance par la profession, entre la profession et le Gouvernement, sera honoré. Cela m'a permis de donner mon sentiment général sur la question du logement en France.
Un dernier mot d'espoir, quand même. La profession du logement est une profession qui n'a en réalité pas de problèmes de flux financiers et dans laquelle il y a une matière grise de très haut niveau. Quand on a l'argent, que l'on se met à peu près tous d'accord et qu'il y a des ressources humaines, en général, on trouve des solutions aux problèmes.
Restent les collectivités. Pendant trois ans, j'ai entendu dire : "il manque l'instruction TPE" Maintenant, il n'y aura plus d'excuse. Le Gouvernement n'a plus d'excuses, la mise en place des financements ne pose plus de difficultés - le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a des clients -, le différentiel foncier va être géré. Reste le cas de l'Île-de-France, avec une procédure spéciale que l'on met en place pour ce que l'on appelle les "terrains complexes".
Finalement, qu'est-ce qui reste ? La relation directe collectivité locale/bailleur social. Premièrement, nous faisons le pari que les collectivités locales, pour l'essentiel, comprennent que c'est de leur intérêt vital de construire.
Deuxièmement, nous faisons le pari que, les déchargeant de ce qui pollue le regard sur le logement conventionné, c'est la gestion des urgences. Vous savez que, maintenant, elle est partagée entre le préfet et les collectivités.
Et nous faisons le pari que le message que nous avons adressé hier -qui a d'ailleurs été bizarrement interprété par la presse, mais c'est probablement notre faute- d'une marche vers le logement effectivement opposable comme moyen de pression ultime et l'ensemble de ces conditions vont permettre le déblocage général de la situation. Si ce n'était pas le cas et si, dans un délai d'un an ou dix-huit mois, on se rendait compte que le diagnostic est partagé par tous, bailleurs, financeurs et nous -ce n'est pas un point de blocage-, si l'on s'était trompé, comptez sur nous pour que, dans l'année qui vient, on y remédie de manière beaucoup plus brutale si c'était nécessaire.
M. le président.- Merci, monsieur le ministre. La parole est à M. Didier Robert, d'ATD Quart-Monde, appartenant au groupe des personnalités qualifiées.
M. Didier Robert.- Monsieur le ministre, vous avez rappelé par des mots très clairs l'histoire de nos travaux, l'histoire de la loi d'orientation de 1998 ; je voudrais soulever un point important sur la façon dont ces travaux se sont déroulés.
Cette assemblée a permis qu'à toutes les étapes nous puissions avoir un dialogue réel, pas dans des fausses conditions, avec les personnes concernées par les situations. Donc c'est vrai que c'est une loi qui est venue du terrain et, vous l'avez dit, elle a été reprise par deux gouvernements successifs.
Là je fais une parenthèse : j'ai cru comprendre de manière assez claire que vous souhaitiez avoir notre avis. Donc je ne vais pas là, tout de suite, donner un avis sur ce plan mais faire deux ou trois observations.
Il faut se rendre compte qu'il y a une conquête qu'on ne doit absolument pas perdre c'est celle de l'article 1 de cette loi de 1998, parce qu'il fixe le cadre des six droits fondamentaux qui sont la condition de la dignité, et ce n'est évidemment pas simplement un vu pieux ; ce sont vraiment les conditions de la dignité, et notre assemblée, vous le savez, l'a expliqué en long et en large. Donc là il y a vraiment une attente très forte que l'on garde le cap.
Alors, vous savez qu'il y a un an nous avons émis un nouvel avis sur l'accès de tous aux droits de tous par la mobilisation de tous. Il a été voté à la quasi-unanimité de nos collègues, et les organisations représentées ici ont dit: " Cette question nous concerne, nous avons notre part à jouer ". Donc on est là face à quelque chose de très important; il faut absolument que cette mobilisation se fasse dans la perspective de la loi d'orientation, et je ne peux pas vous cacher l'inquiétude que l'on a parfois, pas dans vos propos, je le dis clairement, mais on entend régulièrement dire qu'il faudrait changer de cap. Il y a là un cap qui est très clair et il nous semble qu'il faut le garder.
Bien sûr, comme vous nous avons mesuré là le trou énorme qu'il y a entre cet objectif et la réalité. Vous avez eu la délicatesse de dire que le comité interministériel s'est réuni pour la première fois. Bien sûr que les choses ne pouvaient pas avancer s'il n'y avait pas de pilotage. Alors je voudrais vous dire encore qu'il faut prendre la mesure de la perte de confiance des gens sur le terrain. On comprend que vous vouliez aller vite, mais il faut vraiment réunir les conditions pour qu'on puisse émettre un véritable avis de cohésion sociale, car je vous assure que cela ne va pas se faire d'un coup, après tous les reculs qu'il y a eus. Vous-même clairement dites : " Stop à ces reculs " et l'on en prend acte, mais les gens ne vont pas d'emblée se dire qu'on passe d'une logique de défiance à une logique de confiance. Cela va prendre un peu de temps, et cela, il faut que nous le réussissions ensemble. Ils ne vont pas d'emblée croire que nos politiques vont être guidées par des principes de justice.
Nous en avons pris dans notre rapport. Par exemple je vous cite un principe tout simple, que toute personne comprend: quand vous trouvez une heure de travail, de ménage ou d'autre chose, vous devez avoir un supplément de revenu. Vous savez comme moi que ce n'est pas le cas. Donc là nous avons fait des propositions notamment sur l'individualisation du revenu, sur l'allocation compensatrice de revenu. Il nous semble qu'il faut qu'on puisse vraiment arriver à ce que nos politiques soient cohérentes avec la justice sociale.
C'est surtout cela que je voulais vous dire. Dans notre assemblée, parfois, on nous dit que nous travaillons un peu lentement, mais nous n'avons pas l'habitude de renoncer sur des défis de fond. Donc s'il faut le faire, je suis convaincu que nous allons faire ce qu'il faut, mais il ne faut pas que dans la précipitation l'on soit amené à décréter la cohésion sociale car c'est beaucoup plus difficile que cela. Merci, monsieur le ministre.
(Applaudissements)
M. Borloo.- Hier il y avait donc cette réunion d'ATD-Quart monde, avec une expression, la même, sur " une heure travaillée, une heure payée ". Il est clair que j'espère aussi venir en troisième semaine, c'est-à-dire que c'est quelque chose qui progresse de plus en plus. Mais je suis convaincu que la France est devenue un pays de commentaires et qu'il y a un moment où il faut passer à l'acte. Et je suis convaincu qu'une bonne décision s'avalise tout autant dans sa qualité intrinsèque que dans le moment où elle est prise. Et je suis convaincu aussi que le feu vert aujourd'hui ne sera peut-être plus vert dans six mois. Je suis convaincu que - on peut dire ce qu'on veut - aller prendre entre onze et douze milliards, même sur cinq ans, garantis en ce moment, c'est quand même... Nous serons plutôt jugés sur nos capacités à les dépenser en 2005 que sur nos difficultés à les mobiliser.
Donc oui, bien sûr, monsieur, mais il faut aussi aller vite, et je vais vous faire un dernier aveu. C'est que mon problème, ce n'est pas que les politiques soient reconnus comme étant épris de justice sociale ; moi, mon job, c'est que cela avance. Et pour conclure je reprendrai le préambule de votre avis : " Si tous les êtres et les plus humbles n'entrent pas dans la cité, je reste dehors ", écrivait Jules Michelet. Il faut quand même qu'on se dépêche !
(Applaudissements)
M. le président.- La parole est à Gérard Alezard, de la CGT.
M. Alezard.- Monsieur le président, Monsieur le ministre, j'hésite un tout petit peu à intervenir parce que la tâche est délicate : à vous entendre, en gros vous avez pris en compte tout ce que le Conseil économique et social a fait sur toute une série de questions. Alors, au delà de cette boutade, je voudrais faire plusieurs remarques, si vous le permettez.
D'abord nous prenons acte d'une saisine dont nous devrions parler ce soir ou au repas de demain pour le Bureau, je ne sais pas. Nous sommes d'accord pour des devoirs de vacances mais pas pour des universités d'été, c'est-à-dire que si c'est pour converser entre nous sans prendre un avis clair sur le sujet, je crois que vous-même ne serez pas gagnant.
Par conséquent j'ai compris que vous avez besoin d'un certain coup de main; nous sommes prêts... En tout cas, je le dis à titre personnel, je suis assez prêt à le donner, à condition que nous ayons clairement les moyens de donner notre avis sur le sujet. Premier aspect: pour ce qui est du groupe de la CGT, nous sommes entièrement disponibles... Enfin quand je dis " entièrement " je ne parle pas pour tous les membres du groupe, mais nous sommes entièrement disponibles pour ce débat, d'abord parce que pour nous il y a une certaine continuité. Dans tous les travaux dont vous avez parlé nous avons été partie prenante, pas simplement des spectateurs plus ou moins actifs mais tout à fait partie prenante, en particulier pour ce qu'a dit Didier Robert sur la mobilisation pour les droits de tous. Donc il n'y a pas de problème là-dessus. En plus je pense aussi qu'il y a urgence. Donc la question mérite tout à fait attention. C'est autour de cela que nous aurions, nous aussi, satisfaction d'avoir en quelque sorte le bonheur de batailler avec vous, puisque vous avez évoqué cet aspect-là.
Sur plusieurs autres aspects je veux faire quelques remarques, simplement pour situer un peu le cadre dans lequel nous pourrions nous-mêmes intervenir.
D'abord j'ai bien lu le projet, et singulièrement l'exposé des motifs. Je n'y mettrais pas totalement la signature de la CGT mais nous sommes d'accord. Le problème qui nous gêne un peu, c'est qu'il y a une situation extrêmement grave, il y a des degrés d'urgence tout à fait importants ; il y a sans doute des hiérarchies dans les problèmes mais il faut essayer de les assumer dans l'ensemble. Ce qui me gêne un tout petit peu, donc, est que cet exposé des motifs fait peu de cas des causes, et on ne peut quand même pas penser que les politiques ou l'absence de politiques de l'emploi ne soient pas pour quelque chose là-dedans, ou les comportements d'entreprises.
Par conséquent, puisque vous avez évoqué beaucoup des rapports sur lesquels nous avons travaillé, il y en a un que vous devriez, je pense, regarder d'un peu plus près. Je ne vous dis pas: " Revenez en troisième semaine ", je pense que cela peut se faire. Nous avons travaillé plusieurs fois sur des rapports de conjoncture qui donnent des indications au gouvernement sur une autre politique de l'emploi, et là il s'agit d'un certain nombre de ruptures sur des comportements dans le rapport au coût du travail, les possibilités de création d'entreprises ou les modalités de création d'emplois.
Il me semble très important que vous notiez cet aspect. Je ne vous demande pas d'engagement ce soir mais je rejoins d'une certaine façon ce qu'a dit Didier Robert: il n'y aura de crédibilité réelle, durable sur des dispositifs, enfin, bien qu'ils soient différents (et pour certains nous les appuierons à coup sûr) de ce que nous avons connu auparavant, il n'y aura pas de dispositifs efficaces s'il n'y a pas une politique de fond qui soit singulièrement différente et beaucoup plus structurante en termes d'emploi. C'était ma première remarque.
La seconde est que je pense que du même coup, des idées intéressantes comme celle du contrat dont vous avez parlé, méritent beaucoup d'attention.
Vous avez à juste titre pointé insertion, formation et activités, ce qui me parait très important. Le problème est: quid des garanties pour que tout cela débouche sur un emploi pérenne ? Parce que si c'est la reconduction d'une succession d'emplois précaires, nous ne serons pas d'accord, vous le pensez bien, mais surtout, vous rateriez votre objectif. On est en quelque sorte disponible pour vous aider à trouver des solutions sur ce point.
Avant-dernière remarque : je ne discuterai pas ici du financement, mais enfin... d'accord, on peut dire que 12 milliards sur 5 ans, c'est pas mal. Quand on regarde d'un peu plus près les enjeux, les besoins d'une part, et d'autre part quand même, qui paie, je trouve qu'on fait encore la part belle à un certain nombre d'exonérations qui n'ont pas toujours donné lieu à des retours sur emploi.
Y a-t-il là des exigences de résultat ? Est-ce que concrètement, on dira: " D'accord pour des aides, mais dans quelles conditions et avec quelles modalités de contrôle ? "
Dernier élément, sur la saisine elle-même et les " devoirs de vacances ", je ne suis pas pour jouer les prolongations, ni non plus pour renvoyer à plus tard, mais faisons attention à ce que, pour aller trop vite ou pour aller vite tout simplement (parce que je ne vous fais pas de procès d'intention), nous ne rations pas le rendez-vous et qu'à l'extérieur, on pense que c'est simplement un dispositif de plus.
Si cela peut être autre chose, je pense que cela vaut vraiment la peine de discuter. Peut-être faut-il réfléchir à un autre aspect. J'ai toujours revendiqué que le Conseil économique et social soit saisi, donc très bien, je suis d'accord avec Jean-Louis Borloo là-dessus, il n'y a pas de problème, mais la question qui se pose pour que les uns et les autres puissent avoir un peu de temps pour travailler (je vois le Président Dermagne commencer à s'inquiéter sur les échéances), est la suivante : peut-être faut-il réfléchir à conjuguer ce qui est le rôle spécifique du Conseil économique et social, et la possibilité quand même de débats, voire de discussions, voire de négociations avec les différents acteurs.
Je ne les oppose pas l'un à l'autre et personnellement, je ne substituerai jamais les débats à l'extérieur au Conseil économique et social, ce n'est pas mon truc, mais je pense qu'il sera intéressant de réfléchir à comment faire en sorte que des organisations qui sont représentées ici puissent, sur leur propre terrain spécifique, encore vous apporter des éléments. Je pense qu'on peut conjuguer l'un et l'autre.
M. le président - Merci, Monsieur Alezard. J'ai deux autres demandes d'interventions, de FO et de la CFDT. Préférez-vous répondre unitairement ?
M. Borloo - Il ne s'agit pas vraiment d'une réponse, mais plutôt d'un commentaire. Je voudrais commencer par le dernier point: j'ai moi-même exprimé tout à l'heure -peut-être maladroitement- que j'attendais un avis et sur le plan, et sur la loi.
Disant cela, -mais ne sachant pas quels sont les us et coutumes de telle ou telle institution- j'attendais plus qu'un avis sur la loi car c'est effectivement presqu'un tout.
Si l'on dit " activités, logement, égalité ", ce n'est pas dissociable. Les différentes thématiques qui y contribuent ne le sont pas non plus. Donc, peut-on imaginer qu'il y ait un travail différé dans le temps entre une partie législative et un avis sur un avant-projet de loi ?
Et puis un avis sur l'ensemble du plan ?
Je ne suis pas président du Conseil économique et social, cela ne vous avait pas échappé, mais personnellement, j'y serais en tous les cas, prêt.
Je ne sais pas si c'est faisable ou pas, mais je suis convaincu que le rôle du Conseil économique et social pour les gouvernements quels qu'ils soient d'ailleurs, pourrait être encore plus déployé et intervenir à des moments qui ne soient pas forcément l'autosaisine ou la saisine strictement formelle, enserrés dans des délais formels.
Il y a une espèce de vie continue des choses, mais je n'ai pas d'avis sur l'organisation réelle que cela pourrait prendre.
Sur l'autre sujet, un certain nombre d'éléments qui peuvent être courts d'une phrase, sont dans ce texte. Quand on parle d'évaluation des cellules de reconversion, cela vient de votre organisation.
Quand on dit qu'il " faut clairement trouver un nouveau modèle d'équilibre entre l'anticipation et la sécurité individuelle des salariés et les mutations d'un pays ", c'est une indication d'un débat qui lui, a son organisation par ailleurs.
Mais on dit quand même vers quoi on va. On ne donne pas la réponse, puisque c'est ailleurs qu'a lieu, institutionnellement, la négociation dans le cadre d'une loi du printemps dernier sur le dialogue social.
Là, on donne des pistes, on dit un certain nombre de choses, mais il est vrai qu'on n'a pas de réponses et pour cause, on donne simplement la sensation, pour ne pas avoir ce plan en apesanteur, et que vous sachiez quand même quel est le sentiment sur ces sujets-là, de celui qui sollicite par ailleurs, sur des sujets beaucoup plus opérationnels, un avis du Conseil économique et social.
Effectivement, c'est un tout
Nous avons eu cette conversation, ou presque la même, dans le cadre d'une Commission, si ma mémoire est bonne au 2ème ou 3ème étage ici, où vous aviez fait part d'interrogations à la fois pratiques, opérationnelles, financières et de climat général.
Je pense vous avoir apporté une réponse qui est à cette heure-ci en tous les cas, vérifiée par les faits, en ce qui concerne le passé. Je suis absolument déterminé à procéder de la même manière pour l'avenir.
M. le président - Merci Monsieur le ministre. Monsieur Reynaud, vous avez la parole pour Force Ouvrière.
M. Reynaud - Monsieur le président, Monsieur le ministre et vous tous, mes chers collègues, il n'entre pas dans mon propos de l'instant d'aborder le problème de fond que vous êtes venu nous exposer ici. Je crois que la réponse des groupes se fera au moment du travail efficace, comme à chaque fois que les choses sont faites, mais je voudrais saisir l'opportunité de votre présence.
Vous avez rappelé les travaux d'hier et d'avant-hier du Conseil économique et social, et de ceux d'une immédiateté lorsque nonobstant, il y a peu de temps (en fin de compte quelques mois), vous êtes venu demander l'avis du Conseil économique et social notamment sur le problème du surendettement. C'était en mai juin 2003.
D'ailleurs, cela me permet de faire référence -et vous l'avez fait vous-même- à Mme Neiertz et au début de cette loi, j'avais manqué l'occasion de le faire, je vous en remercie.
Tout à l'heure, vous avez cité M. Le Duigou. On peut également citer Mme Crosemarie comme rapporteur et puisque vous avez également dans cette section des finances deux autres collègues de la Banque de France, l'un de la CFTC et moi-même pour FO sur ce problème du surendettement, nous avons, me semble-t-il, essayé ensemble d'apporter des réponses utiles aux questions que vous avez posées justement à notre assemblée.
Nous avons essayé, dans le temps qui nous était imparti, extrêmement contraint, vous vous en souvenez, d'apporter les réponses les plus efficaces à votre projet de loi, Monsieur le ministre, et nous avons, les uns et les autres, apporté un peu notre pierre.
Vous avez fait référence aux " orphelins de la république " tout à l'heure, j'allais dire qu'en matière d'orphelin, il y a effectivement beaucoup de sur-endettés dans cette opération. Nous allons essayer d'avancer, de travailler ensemble. Il reste aujourd'hui beaucoup de soucis, beaucoup de problèmes, ce n'est pas le lieu aujourd'hui pour cela, mais je me permets de vous demander, monsieur le ministre -c'est à vous directement que je m'adresse- de nous recevoir le plus vite possible pour que nous puissions aborder avec vous ce qu'il reste justement à aborder par rapport aux problèmes soulevés par cette assemblée il y a un an. Je vous en remercie.
M. Borloo.- Ma seule réponse est que je vous propose de fixer la date tout à l'heure en sortant.
M. le président.- Merci, monsieur le ministre, la parole est à M. Mennecier au nom du groupe de la CFDT.
M. Mennecier.- Monsieur le Ministre, reconnaissant que votre projet ne manque pas d'ambition, vous avez raison de dire qu'il faut effectivement attaquer l'exclusion de plusieurs côtés notamment par l'emploi, l'habitat et le logement. Cela nécessite tout d'abord de la concertation avec tous ceux qui sont concernés, qui travaillent sur le terrain.
C'est une des raisons pour lesquelles la CFDT s'est rapprochée d'un certain nombre d'associations qui travaillent efficacement sur la réinsertion.
Cela nécessite des moyens, quand on parle moyens, on parle finance, et nous serons très attentifs aux moyens financiers, mais ce n'est pas seulement cela dont il s'agit, c'est aussi des textes applicables, c'est-à-dire pas seulement des lois mais aussi des décrets qui permettent de les appliquer.
Cela nécessite aussi beaucoup de coordination institutionnelle, beaucoup de coordination entre les structures politiques ; cela nécessite aussi beaucoup de persévérance, de continuité. Il est vrai que de ce point de vue, des lois quinquennales nous paraissent adaptées même si nous savons que l'avenir d'une loi quinquennale n'est jamais complètement assuré. J'étais dans cette maison quand en 1993, on a discuté de la loi quinquennale sur l'emploi et je sais ce qu'il en est advenu, mais enfin des lois quinquennales... Je dis " des lois quinquennales " parce qu'on peut s'interroger si c'est " une loi " ou " des lois ", pourquoi pas une loi quinquennale sur le logement social ou autres, mais je vous laisse le choix.
Mon autre remarque c'est que, s'agissant de l'emploi - cela a déjà été dit tout à l'heure mais je vais insister - on ne peut pas s'adressant à un membre du gouvernement lui laisser croire que pour nous, syndicalistes, représentants des salariés, l'emploi, c'est seulement une question de traitement social. L'emploi, c'est avant tout et surtout une question de politique économique dans ce pays et au niveau européen.
La CFDT que nous représentons ici a proposé des états généraux sur l'emploi. Il me semble que c'est une idée à creuser car on ne s'en tirera pas si l'on n'est pas capable de faire des politiques économiques qui favorisent l'emploi.
J'en viens maintenant à ma question. Vous allez saisir le Conseil économique et social. Je dois avouer qu'après vous avoir entendu, je n'ai pas encore très bien compris ou cerné sur quoi on était saisi.
Le Conseil économique et social, sur ces questions de l'exclusion et de cohésion sociale, a déjà fixé un certain nombre de lignes, a dit un certain nombre de choses. Les idées générales, nous les connaissons, les orientations, nous les connaissons, ce dont nous avons besoin aujourd'hui, ce sur quoi nous voulons nous exprimer aujourd'hui, c'est sur les moyens pratiques, législatifs, réglementaires, les moyens financiers qui vont être mis à disposition et qui pourraient effectivement permettre d'avancer dans les années futures. J'aimerais être un peu rassuré à ce sujet. J'ai peur et ce n'est pas mon groupe moins qu'un autre qui est capable de se mobiliser pendant les vacances, mais nous voudrions le faire de façon à être utile. Et être utile aujourd'hui sur la cohésion sociale, c'est dépasser le stade des idées générales et avancer sur des choses concrètes, précises, applicables et appliquées.
(Applaudissements)
M. le président.- Merci, monsieur le ministre ?
M. Borloo.- Merci de votre intervention. Nous sommes dans une démocratie. Tout est plus compliqué dans une démocratie ; je suis à votre disposition pour me trouver une formule démocratique dans une démocratie, qui soit plus engageante et plus efficace qu'une loi de programmation année par année, et programme par programme.
Ce n'est pas une caution bancaire, mais c'est dans l'ordre de la démocratie, l'engagement le plus élevé connu. La loi de programmation est faible quand elle est globale. Elle est faible quand elle est globale sur les chiffres non individualisés par année, et elle est faible quand elle est globale sur les actions. Quand elle est ligne par ligne et année par année, il y a une chose au moins qui est certaine, c'est que s'il advenait à quiconque l'idée de la remettre en cause, ce serait le premier jour sur la première ligne. Et dans une démocratie, c'est ce qui me paraît le plus utile. Mais si l'on regarde les lignes objectivement, une fois lancés ces programmes sont impossibles à arrêter.
Puisque sur cinq ans les décisions d'un président de la république ou le vote des électeurs peuvent intervenir, quel est celui de ces programmes qui serait arrêté ? Aucun, je pense. La vraie question, c'est de les lancer. On peut être en désaccord éventuellement sur les programmes, mais je ne crois pas que l'on soit en désaccord sur la capacité de suivre la durée. En tout cas, c'est bien programme par programme - vingt différents - opération par opération. Donc c'est dans l'opération la plus modeste qu'on se présente devant vous et sur laquelle nous souhaitons avoir votre avis au travers d'un avant-projet de loi de programmation.
M. le président.- Merci, on va regrouper maintenant deux interventions syndicales, Mme Simon de la CFTC et M. Walter de la CFE-CGC.
Mme Simon.- Monsieur le président, monsieur le Ministre, nous avons compris que vous étiez un homme pressé, nous sommes également pressés d'aboutir à plus de cohésion sociale. Tout comme vous. Nous nous rendrons donc disponibles pour travailler cet été et faire ces devoirs de vacances en vue de vous rendre un avis que nous voulons, que nous espérons véritablement opérationnel et nous espérons que vous écouterez, que vous entendrez l'ensemble des préconisations. Cela pourrait être véritablement utile. Pendant ces travaux, nous développerons la totalité de nos analyses sur les différents points qui ont été abordés dans le plan de cohésion sociale. Maintenant, il appartient au bureau d'organiser les travaux pour que nous puissions travailler le plus efficacement possible, pour être le plus utile possible à cette cohésion au niveau de la nation.
(Applaudissements)
M. le Président.- Merci, la parole est à M. Walter.
M. Walter.- Comment peut-on ne pas répondre favorablement à cette demande, pour une fois que le Conseil entend un ministre qui souhaite - d'après ce que j'ai compris - associer cette instance à l'élaboration d'une loi de programmation sur la cohésion sociale aussi ambitieuse ?
Je ne souhaite pas entrer dans le détail parce qu'il y a un certain nombre de points que l'on a déjà évoqués, que l'on continue de discuter avec vos services ; cela aussi il faut le rappeler ici. La démarche nécessite la mobilisation de tous les acteurs.
En ce qui nous concerne, nous serons disponibles même si la méthode est un peu innovante, nous aussi ferons preuve d'innovation et d'adaptation pour vous donner nos avis au fur et à mesure des étapes, parce qu'on va passer plusieurs étapes ensemble : une première étape d'approche philosophique puis une étape pragmatique parce qu'il y a des points à analyser. Vous pourrez compter sur le groupe de la CFE/CGC, monsieur le ministre, pour participer à ces travaux.
M. Borloo. - Comme pour le texte précédent, le cabinet, les services et moi-même sommes à votre entière disposition en commission ou individuellement lorsqu'il y a des points particuliers qui intéressent tel ou tel groupe.
M. le Président. - Merci, monsieur le ministre. Un certain nombre d'interventions m'ont été demandées, la première est celle de M. Bastide, notre rapporteur général, au nom du groupe des associations.
M. Bastide. - Vous avez compris, monsieur le ministre, que nous sommes dans la dernière ligne droite de la mandature. Vous nous invitez à un sursaut, je crois que vous avez compris que nous étions prêts à ce sursaut de quelques semaines même si les conditions ne seront pas celles que nous souhaiterions pour quelque chose de plus complet. Mais je pense que nous ferons du bon travail, comme d'habitude.
Cela étant dit, j'aimerais vous faire part d'une remarque, je ne sais pas si vous allez me répondre, et d'une inquiétude et d'une angoisse du monde associatif, surtout de ceux qui travaillent dans les champs que vous avez évoqués. Ils ne souhaiteraient pas que les associations soient simplement les réceptacles des emplois qui ne sont pas reçus par le marché et par les entreprises. Car elles ont besoin aussi de gens compétents, très compétents pour faire fonctionner souvent des projets ambitieux, qui sont soutenus traditionnellement par l'État, mais dont l'État, au cours des derniers mois, montre quelques faiblesses et quelques difficultés à assumer ses responsabilités dans le cadre de ses financements.
M. le Président. - Monsieur le ministre.
M. Borloo. - Je ferai trois remarques sur ce point.
Plus on est dans le champ du social et de l'humain, plus on a besoin de visibilité. Objectivement, l'organisation des uns et des autres, les co-financements, l'annualité budgétaire créent une situation paradoxalement plus difficile. D'autant qu'il n'y a pas la sanction d'une règle du marché. L'appréciation est la plus large, voire parfois l'oubli ou l'explication de la décision, ou l'anticipation d'une décision négative. Les associations, nous en reparlions hier avec ATD Quart monde, ce besoin de visibilité de l'action, nous sommes en train d'y travailler. Pour l'instant, il est prévu la sanctuarisation sur cinq ans. Il est prévu la souplesse et l'adaptation pour répondre en partie à un aspect de la question de la CGT concernant les effets d'aubaine. Quand on dit souplesse et sanctuarisation, il faudra dire en même temps quelle est la démocratie qui va orienter celui qui donne l'argent. Ce sujet n'est pas simple, celui de la présence de la société civile. Oui, c'est un sujet tout à fait majeur. L'idée que l'on remplace par des procédures l'appréciation à ces situations est une idée qui est très républicaine sur le papier, mais dont on connaît les uns, les autres la limite locale. C'est un point sur lequel, évidemment, l'avis du CES sera tout à fait crucial.
M. le Président. - Merci, Monsieur le ministre.
Madame Petit au titre du groupe de l'UNAF.
Mme Petit. - Monsieur le ministre, merci d'être venu nous présenter ce plan de cohésion sociale qui interpelle toutes les familles. J'aurais deux questions précises à vous poser.
Premièrement, vous nous parlez d'égalité des chances pour tous les territoires. Quand envisagez-vous d'aider les territoires ruraux ? Certes, vous avez été ministre de la ville et il est normal que vous ayez une attention particulière par rapport aux villes en grande difficulté. Je le comprends. Mais un certain nombre de territoires ruraux ont leur pauvreté cachée. Les habitants et les familles ne veulent surtout pas montrer cette difficulté sociale qu'ils vivent. Ils vivent une solidarité dans les villages, mais ils ne vivent pas forcément ce qu'il faudrait de plus pour leurs enfants et pour leurs adolescents.
Ma deuxième question tourne autour de l'adolescence et des enfants. Vous parlez de l'égalité des chances entre les enfants et les adolescents. Nous vous en remercions. Vous prenez des moyens. Mais n'oubliez pas leurs parents. Certes, les adolescents sont en pleine dérive, mais souvent parce que leurs familles sont en dérive. Les mesures qui avaient déjà été installées pour l'accompagnement des parents et des familles en difficulté sont à poursuivre. J'aimerais qu'elles participent dans ce plan de cohésion sociale, cet accompagnement des parents et cette animation autour de la vie et de l'éducation des parents pour leurs enfants. C'est de la prévention certes, ce n'est pas forcément du traitement social, mais c'est du travail à long terme pour l'avenir. Merci.
M. le Président. - Je vous remercie, Madame Petit. J'en profite, monsieur le ministre, pour vous présenter les excuses du groupe de l'agriculture qui a eu un conseil d'administration d'urgence. Ils ne sont que peu représentés, mais ils m'ont chargé de vous présenter personnellement leurs excuses.
Monsieur Salustro au titre de l'UNAPL.
M. Salustro. - J'ai écouté avec le maximum d'intérêt et d'intensité les propos de sagesse de mes amis syndicalistes et je sais qu'il faut mesurer la complexité et les moyens qu'il faut mettre en uvre pour qu'une saisine de ce type puisse aboutir à un succès.
Mais vous ne m'empêcherez pas de me souvenir de l'enthousiasme, de la tonicité, de la valeur et de la force qu'a représentés la saisine de l'an passé. J'ai eu l'occasion de vous dire que cela conférait au CES un talent de passeur, d'unité aux assemblées. Je crois que l'on ne peut pas négliger l'occasion qui nous est offerte.
Je voulais vous dire également que les professions libérales s'expriment à travers moi pour dire que professions de proximité, elles entendent participer activement et dynamiquement à cette uvre de cohésion sociale. Monsieur le ministre, puis-je me permettre de vous transmettre mes amitiés ?
M. le Président. - Monsieur le ministre.
M. Borloo. - Deux remarques, Madame. D'abord, la solidarité des territoires dont vous parlez, d'un point de vue institutionnel, reste aux départements. Au détour de ce texte, nous avons exprimé le constat que vous connaissez qui est la non-utilisation optimale des crédits réservés dans un certain nombre de cas. Ils sont tellement peu utilisés qu'ils ont disparu des textes. C'est un sujet.
Ensuite, il ne vous a pas échappé que nous n'avions pas traité délibérément, dans ce volet du plan de cohésion sociale, de l'apport décisif de la caisse nationale d'allocations familiales puisque dans les semaines qui viennent, va s'ouvrir la discussion sur la convention d'objectifs.
Nous avons eu l'occasion d'en parler longuement avec une de vos collègues, la présidente Nicole Prud'homme, à trois reprises. L'idée générale est que la prochaine convention d'objectifs ait à l'esprit fortement les enjeux de cohésion sociale, je pense notamment à l'amélioration de l'allocation de parents isolés et, plus prosaïquement, d'un certain nombre de femmes seules dans un certain nombre de nos quartiers, qui ont des difficultés de toujours, notamment d'autorité ou de retour à des activités ou actes civiques, ou dans la relation avec le monde éducatif, des problèmes de langues. Nous avons l'intention de le travailler dans le cadre de la convention d'objectifs. C'est un sujet difficile, c'est un sujet critiqué, c'est un des sujets sur lesquels on nous parle le plus d'effets pervers, il faut se dire les choses ; c'est donc un sujet sur lequel nous avons besoin du plus grand nombre d'avis autorisés.
En conclusion, ce plan n'a pas de vocation universelle. C'est un point d'étape, aujourd'hui, maintenant, sur des choses pour lesquelles on pense être prêt. Après, la vie continuera évidemment, c'est pourquoi je parlais de troisième semaine.
M. le président.- Merci, Monsieur le ministre. Très rapidement, trois questions.
Mme Attar.- Au titre du groupe de la coopération, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur les SCOP et les coopératives qui créent beaucoup d'emplois, qui ne délocalisent pas et qui ont toutes leur part dans l'économie sociale et solidaire à laquelle vous êtes attaché et que vous tentez de promouvoir dans ce plan, auquel globalement nous souscrivons, sous toutes les réserves qui ont été dites relatives à son financement et à l'étude approfondie de ce plan.
J'attire votre attention sur le logement. Le problème des collectivités locales n'est pas simple ; s'il était simplement celui des collectivités locales, il pourrait être résolu, simplement, mais il est aussi celui des riverains, qui ne sont pas les collectivités locales. Travaillant moi-même dans les logements et dans le domaine des déchets, je m'aperçois que les problèmes sont les mêmes. On a des problèmes partout pour construire, car on ne veut pas de logements sociaux dans ce pays, dans un certain nombre de communes où les maires sont très, très bien élus quand le pourcentage de logements sociaux est faible. Les ouvertures que vous faites, en particulier sur la DGF et la DSU, sont intéressantes et il faut les travailler.
Autre point plus critique, pour que l'État soit crédible, il faut qu'il honore ses dettes. Or aujourd'hui, l'État a des dettes extrêmement importantes sur le financement du logement social traditionnel à l'égard des organismes HLM. Convaincre le mouvement HLM, c'est aussi honorer ses dettes.
M. Jeantet.- Monsieur le ministre, vous avez dit que votre plan ne se résumerait pas à une loi et vous avez fait appel aux acteurs. On a bien vu comment ce point serait traité pour les acteurs qui sont dans cette maison, mais concernant les acteurs en dehors de la maison, sur le terrain, et les syndicats ont exprimé leurs points de vue avec raison, je pense aussi aux coopératives comme cela vient d'être fait et en particulier aux sociétés coopératives d'intérêts collectifs qui sont un peu trop enfermées dans un carcan, comme vous le savez sans doute, et qui mériteraient d'être plus développées, aux coopératives d'activité par ailleurs et, bien sûr, aux mutuelles et aux associations.
Cela d'autant plus, et je prends un point pour illustrer ma question, que dans les avancées qui sont dans ce plan, concernant le contrat d'activité d'emploi, on constate qu'il ne pourrait être proposé que par les collectivités locales et pas, par exemple, par les associations, tout au moins pas directement par elles. C'est ce qui figure dans le document. Cela nous intéresserait de savoir comment vous pensez associer les acteurs plus directement à votre plan.
M. Chauvet.- Si je ne commençais pas par affirmer que je suis d'accord avec les propos qui ont été tenus précédemment, mon propos pourrait paraître venir un peu à rebours du discours ambiant.
Vous vous attachez à la cohésion sociale et nous parlons ici des populations dans les situations les plus pauvres. Je voudrais profiter de l'occasion, humblement et discrètement, pour rappeler que les droits sociaux ouverts à tous sont arrivés à un point tel qu'un des problèmes qui se posent à nos populations développées, et on le constate outre-atlantique, n'est pas seulement le problème des populations les plus pauvres auquel, sous des formes ou d'autres, on trouve assistance (c'est le cas le plus fréquent, et non pas solidarité), mais des populations qui sont entre les deux.
En effet, entre les populations les plus aisées qui, avec l'accès aux droits et les moyens qu'elles possèdent, peuvent faire face aux difficultés de la vie, et les populations les plus pauvres auxquelles actuellement nous nous adressons, il existe des populations " interstitielles " qui sont quelque peu oubliées dans le débat et qui n'ont pourtant pas toujours les moyens, avec les droits sociaux existants, de faire face aux difficultés de la vie. De temps à autre, dans ses préoccupations, je voudrais que le gouvernement et le ministre qui est attaché à la cohésion sociale, s'y intéressent. Merci.
(Applaudissements)
Mme Marcilhacy.- Monsieur le ministre, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Le CERC a produit récemment une étude montrant qu'en France, il y avait un million d'enfants pauvres selon les critères français et deux millions selon les critères européens. Dans votre plan, j'ai trouvé des choses sur l'accompagnement des enfants, sur le logement ; je n'ai rien trouvé sur les ressources des familles. Ça n'est pas seulement une question d'emploi, vous savez que la moitié de ces enfants vivent dans des familles où il y a un travail. Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez rien prévu pour les enfants pauvres.
M. Borloo.- Sur le logement, Madame Attar, le crédit fournisseur est de tous temps élevé. Il est d'ailleurs inacceptablement élevé. C'est pour cela qu'il ne vous a pas échappé deux choses, compte tenu de votre compétence, Madame.
D'une part, depuis la création de l'agence de rénovation urbaine, l'État français ne fait plus ses fins de mois sur le dos du 1 %. Devrais-je rappeler qu'en dix ans, la moyenne de ce qui a été pris pour les fins de mois était supérieure au montant total de l'aide à la pierre annuel ; supérieure au montant total de l'aide à la construction en France !
D'autre part, il ne vous a pas échappé non plus que, sur le programme nouveau et marginal, pour suivre vos recommandations, nous avons raisonné en CP et non pas en AP comme, vous le savez, on le fait sur l'agence nationale de rénovation urbaine. Le compte fournisseur ne s'épuisera qu'avec le temps, et je ne vous promets pas qu'on le fera en une fois ; on serait incapable de le faire, la mécanique est ainsi faite depuis des années sur les encours. En revanche, sur le marginal du programme, ce sera fait sous forme de CP car vous avez raison, c'est tellement facile d'augmenter le crédit fournisseur, cela ne se voit pas trop, mais nos partenaires ont une capacité d'expression telle que l'on ne puisse y résister.
Ensuite, je remercie le président Salustro de son dernier message. (Sourires)
Pour les associations, je vous confirme, comme indiqué dans le document, c'est bien la collectivité locale de référence qui assure la responsabilité à l'égard de l'État, donc de vous, qu'il y aura bien un contrat de qualification quelle qu'en soit la forme, y compris sous forme de VAE.
C'est, en gros, le parrain de la collectivité locale, si j'ose dire. Mais bien entendu, cette compétence est déléguée aux associations, maisons de l'emploi, départements etc., c'est indiqué dans le texte page 19 donc, bien entendu, les associations seront des acteurs majeurs.
Enfin, à propos de la pauvreté, ce cri bouleversant, nous avons plusieurs sujets, madame. Notamment celui du million d'enfants pauvres. Le million, c'est la résultante de beaucoup de choses. C'est la résultante de parents travaillant dans des endroits où il n'y a pas de logements aidés parce que l'un des grands différentiels, c'est : "vous pouvez travailler en Île-de-France, pourvoir directement et sans aide à votre logement, et donc, vous retrouver dans des situations d'extrême pauvreté".
A l'autre bout de la chaîne de la pauvreté, c'est le RMI surendetté, si je devais faire court. C'est pourquoi on a prévu la loi de la nouvelle chance, qui touche directement ces cas-là. Le nombre d'enfants qui ne vont pas à la cantine scolaire, dont les parents sont en procédure de surendettement, est tout à fait considérable dans ce pays. Mais c'est aussi la réponse par le logement.
Deux cent soixante mille procédures actives d'expulsion ! Vous savez ce qui se passe quand la décision est rendue ? Pourquoi, souvent, les décisions sont rendues et pas exécutées - je ne vous parle pas de la non-exécution, mais elles sont rendues quand même- ? Parce que l'on transfère la responsabilité du paiement sur le compte de la préfecture. On a tout un dispositif vicieux, dans ce système-là, avec des enfants déstabilisés. Treize mille chambres d'hôtel aujourd'hui à Paris !
Je vous informe que je vais aller à la Commission de recours des réfugiés en fin de semaine ou début de semaine prochaine. Les délais d'attente sont humainement inacceptables. Il y a beaucoup de formes de pauvreté, d'instabilité d'enfants, on essaie de traiter les sujets un par un comme ils se présentent et s'il y a des aspects particuliers que nous aurions oubliés, je ne doute pas que vous nous alerteriez.
Juste un mot pour conclure, monsieur le président, pour vous dire simplement que les six ministres qui ont fait ce travail, les cabinets et les directions, sont d'âges et d'origines différentes.
D'autre part, nous savons bien que ce n'est pas le document magique de Harry Potter. On vous présente ce projet avec beaucoup d'humilité. Merci.
(Applaudissements)
M. le président.- Monsieur le ministre, un immense merci pour votre si généreuse disponibilité, que tout notre hémicycle a ressentie.
(source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 22 juillet 2004)