Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur le rôle et la place des urbanistes dans l'avenir des villes, Paris le 20 décembre 2004.

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Circonstance : Cérémonie de remise du Grand prix de l'urbanisme à Paris, le 20 décembre 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Vous savez mon grand attachement à la ville, à ceux qui y vivent et à ceux qui la font. Et, chaque année, je suis particulièrement heureux de me retrouver parmi vous, que ce soit comme membre du jury, ou comme ministre chargé, en votre nom, de remettre ce grand prix d'Urbanisme.
En effet, cette cérémonie du Grand prix de l'Urbanisme, c'est d'abord, chaque année, l'occasion de saluer et de mettre à l'honneur les urbanistes et l'ensemble des acteurs qui oeuvrent pour la ville avec enthousiasme et passion.
Au-delà de la célébration d'un homme, de son oeuvre et de sa pensée, c'est aussi la grande fête de l'urbanisme comme en témoigne le nombre et la qualité des participants de cette assemblée nombreuse, une assemblée diverse et internationale qui reflète toutes les facettes de l'acte de bâtir la ville.
Le rôle du Grand prix de l'Urbanisme
Je suis heureux que mon ministère ait créé ce Grand prix de l'Urbanisme. Le mode original de désignation des nominés permet que ces choix reflète bien les préoccupations de notre société. Quel autre prix est capable de récompenser successivement un paysagiste et un spécialiste de la ville dense ? Et pourtant, nos concitoyens ont des interrogations lourdes sur ces deux thèmes, j'y reviendrais.
Ce prix est d'abord fait pour faire aimer l'urbanisme et les urbanistes, pour faire aimer la ville, pour sublimer l'endroit où l'on vit. Pour rendre hommage, aussi, à des auteurs, à des oeuvres et à des réflexions sur la ville.
Il distingue l'excellence. Certains parleraient de haute-couture avec l'idée que les modèles développés peuvent re-servir à d'autres. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée :
- d'une part parce que la haute couture est éphémère alors que la forme de la ville est ce que nous léguerons aux générations futures,
- et d'autre part, parce que chaque ville, chaque site, chaque îlot est unique et qu'il ne doit pas y avoir de prêt à porter en matière urbaine.
En revanche, j'espère que les grands prix peuvent inspirer les autres urbanistes, les élus, les décideurs publics et les citoyens.
Je crois à la valeur de l'excellence comme moyen de stimuler l'imagination et les créations nouvelles.
Après ces grands moments d'art urbain qu'ont été le XVIIe siècle et la période Haussmannienne, le XXe siècle a longtemps produit un urbanisme, de mon point de vue, beaucoup plus contestable. Sans doute parce que l'urbaniste n'a pas eu la place qui lui revient, et nous allons panser longtemps les plaies qui en résultent.
Nous connaissons aujourd'hui un réel renouveau de la profession, dont le lauréat de l'année, Christian de PORTZAMPARC, est l'un des témoins évidents. J'espère que le Grand prix a contribué à ce renouveau, et que l'urbanisme réhabilité, valorisé, marquera durablement, et de façon bénéfique, la qualité de vie des gens.
Les attentes par rapport au milieu de l'urbanisme
En tant que ministre de l'urbanisme, je voudrais maintenant me faire le porte-parole de nos concitoyens pour vous transmettre leurs attentes profondes à votre égard.
En premier lieu, je tiens à vous dire que notre pays a besoin de vous parce que nos concitoyens attendent beaucoup de la ville et sont inquiets de son devenir. Vous avez tous en mémoire le sondage préoccupant du Moniteur à l'occasion de la 4ème conférence des villes. Et si les élus restent en dernier ressort responsable de la ville, vous êtes les conseillers, les maîtres d'oeuvre, les créateurs de la ville, vous êtes ceux qui peuvent changer les choses.
Et les besoins sont immenses. Je cite, sans hiérarchie, quelques dossiers d'actualité urgente :
1. l'extension rapide, peut-être trop rapide, des villes, qu'il faut maîtriser et organiser, mieux organiser qu'au cours des décennies passées. Les aspirations de nos concitoyens à une vie pavillonnaire doivent être respectées ; à nous de construire du péri-urbain qui ait les mêmes qualités urbaines que ne l'avait la ville classique, c'est un défi énorme.
2. la mutation des espaces urbains et notamment des friches industrielles pour reconstruire des morceaux de ville. A cet égard, je crois que la qualité de ces nouveaux quartiers contribuera à changer en profondeur l'image de la ville centre.
3. l'impérieuse nécessité de répondre à la demande de logements de nos concitoyens, en particulier dans les grandes agglomérations.
En corollaire, la politique de rénovation urbaine qui va conduire à une transformation profonde des grands quartiers d'habitat social. Saurons-nous construire des zones ouvertes, sures et non-stigmatisantes ?
4. - Enfin, un sujet qui me tient particulièrement à coeur, la construction d'espaces publics de qualité qui contribuent à la vie civique, à la fierté des habitants et à l'attractivité de la ville centre. Un espace public qui fasse sens et qui donne du sens à un quartier ou à une ville. Un espace public qui puisse évoluer pour que les générations futures puissent se réapproprier les lieux selon les aspirations sociales qui seront les leurs.
Naturellement, je ne prétends pas l'exhaustivité. Vous savez que les attentes à votre égard sont immenses. Plus fondamentalement, je crois que nous attendons des urbanistes une alchimie complexe et exigeante entre :
- des qualités d'écoute,
- de la créativité,
- de l'audace,
- du pragmatisme,
- de la patience,
- de la vision,
- et de l'imagination
pour nourrir le politique de références, de propositions, élargir son champ des possibles pour le territoire dont il a la charge. La décentralisation a été une bonne chose, et il y a un apprentissage nécessaire pour ceux qui ont ces nouvelles responsabilités. Aux élus de savoir s'entourer, écouter, convaincre. De savoir résister, aussi, à la pression des citoyens ou des modes. Aidés par vos conseils et vos compétences, les élus doivent pouvoir retrouver un projet, un souffle, une ambition pour leur ville. Par ma voix, l'ensemble de nos concitoyens compte sur vous. Soyez assurés que l'État, et particulièrement mon ministère, est à vos côtés pour vous aider à bâtir des villes plus belles, plus durables, plus citoyennes.
Pour finir, je voudrais insister sur l'importance de la valorisation du rôle des urbanistes. Il faut faire aimer la ville et les urbanistes sont les professionnels qui nous aide à construire l'avenir des villes. Je souhaite ici vous rendre hommage car, par votre travail et votre dévouement, vous montrez que faire une belle ville, un beau quartier n'est pas onéreux ni plus difficile qu'une construire une zone banale et indifférenciée.
Nous devons savoir reconnaître l'excellence, nous devons aussi préparer l'avenir en sachant distinguer les jeunes talents prometteurs.
Je souhaite ainsi compléter le Grand prix de l'Urbanisme en créant le palmarès national des jeunes urbanistes, un peu à l'image des "Albums de la jeune architecture", qui permettra, de couronner les jeunes talents du XXe siècle et d'aider les élus à reconnaître les jeunes talents, et à puiser dans ce vivier.
Nous remettrons ce prix lors de la seconde édition de cette grande manifestation qu'est l'opération "vivre les villes".
Saluer les lauréats et nominés
C'est cette conception du rôle et de la place des urbanistes qui a guidé les choix du jury international qui a décerné le grand prix de l'urbanisme 2004. Il a ainsi salué des concepteurs urbains, souvent aussi enseignants chercheurs et un aménageur.
Mais c'est surtout des profils différents qui ont été remarqués, tous porteurs d'un mariage entre une pensée, une capacité à transmettre par l'écrit ou l'enseignement, une aura internationale et une action, voire une oeuvre. Je me réjouis de la qualité exceptionnelle de la sélection faite par le jury qui a nominé Roland CASTRO, Xaveer de GEYTER et Laurent THERY aux côtés de Christian de PORTZAMPARC et de Bernardo SECCHI.
Roland CASTRO, promoteur d'une politique généreuse pour les banlieues, initiateur de Banlieue 89 qui a su, dans nombre de projets, comme à Lorient ou à Villeneuve la Garenne, démontrer la validité d'un concept qu'il a initié, le remodelage urbain.
Xaveer de GEYTER, jeune et prometteur architecte urbaniste belge qui a montré notamment à Lille son savoir-faire pour créer un quartier urbain mariant modernité et urbanité à Lille. Son livre After Sprawl alerte sur l'urgence à comprendre et à agir sur la nouvelle ville hors la ville.
Laurent THERY, directeur général de la SAMOA en charge de l'ambitieux et original projet de l'Ile de Nantes, montre que la maîtrise d'ouvrage est un art de l'urbanisme, art dont il a démontré les effets bénéfiques pour la conduite de la régénération de Saint-Nazaire alors qu'il était en charge de la délégation au développement urbain de la Ville.
Parmi les nominés, le jury a souhaité désigner un prix spécial du jury à Bernardo SECCHI, urbaniste milanais de renom, professeur et chercheur à l'école d'architecture à Venise, auteur de nombreux ouvrages. Secchi est le théoricien de la citta diffusa (la ville diffuse) dont il stigmatise les dysfonctionnements dont, un jour, dit-il, la collectivité "paiera l'addition". Il tente d'agir sur ces territoires avec son associée, Paola VIGANO, dans une démarche de projet que l'on peut voir à l'uvre en France à Rouen, à Saint-Nazaire et à Rennes ainsi qu'en Belgique et en Italie.
En désignant Christian de PORTZAMPARC comme Grand prix de l'Urbanisme, le jury salue non l'architecte, talentueux, couvert de gloire et de prix, mais l'urbaniste qu'il est depuis toujours ? Longtemps urbaniste "à compte d'auteur" lorsque, jeune architecte, il s'attache à créer un lieu avant l'objet, lorsqu'en marge d'une renommée grandissante, il poursuit inlassablement sa réflexion sur la rue et l'îlot, il est l'urbaniste désormais reconnu auquel, à Paris, à Pékin, à Sao Paulo, l'on confie des pans de ville entière.
PORTZAMPARC propose également une vision optimiste de la ville de demain, tant par ses projets que par ses écrits, une sorte de monde meilleur, ou du moins plus habitable ; un monde où le plaisir aurait toute sa place, la beauté, l'émotion aussi. Ses projets tant français qu'internationaux montrent que la ville peut toujours se penser dans le renouveau, que rien ne doit être figer, c'est un message d'espoir.
Je me félicite de la richesse de ce palmarès qui montre cette année comme les précédentes que la France est riche de talents et d'inventivité pour conforter les villes léguées par l'histoire et offrir une vision d'avenir aux territoires urbanisés en attente de qualité.
Pour finir, j'aimerais rendre hommage au jury international, réuni par la DGUHC, pour la qualité, la passion et l'engagement de ses travaux. Il a entendu les messages issus de la consultation, donc du public que vous représentez. Il en a tenu compte dans ses choix. C'est bien l'ensemble de la sélection qui prend sens. Je félicite donc l'heureux lauréat, le prix spécial et les trois nominés.
Remise des prix à Bernardo SECCHI et Christian de PORTZAMPARC (diplômes).
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 22 décembre 2004)