Texte intégral
Interview dans le journal "L'Union" (Aisne) le 07 Avril 2000
Pour la première fois, les jeunes filles seront accueillies demain à la Journée d'appel de préparation à la défense, lancée en octobre 1998. Alain Richard, ministre de la Défense, saluera cette nouvauté en rendant visite le même jour au 1er régiment d'artillerie de Marine de Laon-Couvron. Dans l'interview qu'il nous a accordée, le ministre revient sur les relations entre l'armée et la nation, fait le point sur la réserve, évoque la mission de la KFOR au Kosovo et le malaise des gendarmes.
L'Union : Le lien entre l'Armée et la jeunesse est-il encore à réinventer ou bien êtes-vous satisfait de la journée d'appel de préparation à la défense telle qu'elle existe actuellement?
Monsieur Alain Richard : Sans hésiter, je raye la première mention et je choisis la deuxième réponse! Jean-Pierre Masseret et moi-même considérons que cette journée répond à ses objectifs. Elle vient en conclusion d'une initiation à la Défense de plus en plus développée dans l'enseignement secondaire. Nous nous apercevons que le niveau de compréhension des grands objectifs de sécurité du pays est satisfaisant. En repartant de la base que représentent les jeunes générations, nous constituons un rapport solide et confiant entre la société et sa Défense.
Outre le pourcentage de satisfaction des jeunes à l'issue de cette journée, prés d'un quart d'entre eux souhaite un nouveau contact avec la défense. Et nous voyons dans les enquêtes d'opinion que la confiance des Français en leurs armées est au plus haut.
La réorganisation des réserves semble piétiner ce qui constitue un autre problème de relation entre la nation et son armée.
La préoccupation est justifiée. Nous passons à un systeme radicalement nouveau. Auparavant, les réserves étaient automatiquement alimentées par les anciens du service militaire, et les plus motivés se sélectionnaient d'eux-meme pour fournir les réservistes réellement actifs.
Aujourd'hui, il nous faut, sur la base du libre choix, reconstituer un groupe de 100 000 réservistes. Il y a un travail d'explication et de motivation à faire. Compte tenu de l'intêret manifesté par les jeunes lors de la Journée d'appel et de préparation à la Défense, j'ai bon espoir.
Les Nations-Unies demandent à nos militaires déployés aux Kosovo d'étre surtout des policiers . Est ce que ce n'est pas une mission impossible à remplir vu le context explosif ?
Il ne faut pas être pessimiste, la KFOR, qui signifie force de stabilisation du Kosovo, a comme mission d'établir de façon pacifique un environnement de sécurité globale. C'est difficile dans une province sans antécédent démocratique et presque dépourvue de structures étatiques, sortant d'une terreur de masse.
Il faut du temps et de la détermination. Si nous cédons au découragement parce que c'est difficile, nous nous montrerons faibles, ce qui serait à la fois condamnable et dangereux.
Quand il y a des attentats fréquents, des détentions d'armes, des provocations, des manifestants armés de grenades, la tache de sécurité des hommes de la KFOR ne peut être résumée à un simple travail de police. Les enquêtes liées au trafic d'armes et à la préparation d'attentats relèvent de la KFOR, en collaboration avec la mission civile de l'ONU.
Je constate que, malgré la difficulté de la tâche, la collaboration entre les représentants des communautés et Bernard Kouchner n'a jamais étè aussi étroite et que certaines agressions ne se produisent plus.
Il faut savoir que les capacités des factions extrémistes sont en décroissance. Les manifestations violentes de Mitrovica en septembre et mars ont été sans lendemain. La reprise du contrôle s'est réalisée sans bruit, loin des caméras. Et on le doit à l'engagement et au courage des militaires de la KFOR, parmi lesquels les soldats français jouent un rôle essentiel.
Une Europe de la Défense est en train de se construire, mais quand l'Europe sera-t-elle capable de s'émanciper des Etats-Unis ?
Par respect pour nos anciens qui n'avaient pas trouver de circonstances favorables malgré leurs espoirs, les Quinze se devaient de faire un grand pas en avant sur la Défense, composante indispensable d'une Europe politique adulte. L'Europe de la Défense présente, à la fois, une capacité d'action autonome et une volonté de coopération transparente et loyale par rapport à l'OTAN et aux Etats-Unis.
Nous partageons des valeurs communes. Nous ne vivons pas ce développement d'une Défense européenne comme une concurrence négative, ni comme un souhait d'écarter les Etats-Unis de L'Europe òu ils ont un rôle à jouer. C'est une possibilité de choix nouvelle donnée aux Européens d'intervenir là ou naissent les problèmes.
Le malaise de la Gendarmerie était palpable au moment de l'affaire des paillotes en Corse. Le malaise , ravivé sans doute par le débat sur les 35h , a persisté à cause des conditions de travail, òu en est-on aujourd'hui?
Je ne parlerai pas de malaise mais de demandes légitimes résultant de surcharge de travail dont je connais la réalité. Un dialogue s'est instauré à travers les organes de concertation de la Gendarmerie, cadre normal du débat sur les problèmes professionnels des gendarmes.
Souhaitant répondre aux demandes exprimées en fonction de nos capacités budgétaires, j'ai pris une série de mesures destinées à faciliter la prise de temps libre, à alléger les charges administratives, à améliorer la dotation en matériel...Tout cela doit permetre un meilleur aménagement du temps de service sans réduire la sécurité publique. Nous sommes actuellement en train de mettre ces mesures en pratique. La concertation sur leur application se poursuivra tout au long de l'année , j'y attache beaucoup d'importance.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 avril 2000)
Interview dans le "Journal du Dimanche" le 9 avril 2000 :
Lors du remaniement, a-t-il été sérieusement envisagé de vous affecter au ministère de l'Economie ?
Monsieur Alain Richard
La seule opinion personnelle qui compte, c'est le choix de Lionel Jospin, et Laurent Fabius est une excellente solution. Le choix du Premier ministre, qui m'avait fait honneur en 1997, me convenait, et la stabilité est utile dans la tâche qui est la mienne. Pour l'ensemble de l'équipe, je crois qu'il y avait là intérêt à ma stabilité sur place.
Qu'est-ce qu'être rocardien au sein d'un gouvernement désormais très mitterrandien?
Contribuer au débat pour faire marcher de pair modernisation et solidarité. La gauche, qui est à l'aise avec le progrès technique, a vocation à réguler les changements pour en faire des chances de progrès social. Notre ambition est de faire des propositions autour de cette idée. Les entreprises se transforment et fusionnent, les salariés ont collectivement des intérêts là-dedans. Ainsi Michel Sapin, dans sa responsabilité aux questions économiques du PS, avait aidé à réfléchir à l'épargne salariale. Dans un PS qui se porte bien, nous essayons d'alimenter la machine à projets.
Mais l'épargne salariale ne divise-t-elle pas justement les socialistes ?
Oui, mais si le parti socialiste doit débattre aujourd'hui des moyens concrets pour les salariés de mieux comprendre l'évolution de leur entreprise. Précisément, le rôle modeste que nous cherchons à jouer, c'est de porter dans le parti, sans esprit de chapelle, des débats qui comptent vraiment dans la société française. Si ces débats se tenaient hors du PS, ce serait ennuyeux.
On a dit de ce remaniement qu'il a constitué un gouvernement de combat électoral ?
Quand on regarde les courbes de soutien de la politique du gouvernement sur maintenant 34 mois, et qu'on les superpose avec les mêmes durées de gouvernements précédents, on n'est pas très enclin à la mélancolie. Nous maintenons un lien de confiance avec la majorité de nos concitoyens. Nous avons la charge de conduire des adaptations de la société française, tout en pouvant être mis en difficulté par le président de la République, qui nous critique souvent. Il y a donc un impératif de gestion politique particulièrement attentive à la conduite des intérêts du pays et en même temps à un contact étroit avec la majorité des citoyens.
Les prochaines échéances électorales ne risquent-elles pas de museler l'action réformatrice du gouvernement ?
Beaucoup de choses peuvent être réformées dans les services publics. Il faut avoir un objectif final de services rendus au citoyen qui soient compréhensibles et soutenus par les Français. La plupart des changements réalisés se sont faits sans bruit : prenez les restructurations affectant la Défense ou les services hospitaliers. Beaucoup de réformes se font sans que les gens défilent. Et quand on fera le récapitulatif début 2002, on dira : ah oui, quand même !
Est-il vrai que beaucoup de ministres abandonneront ce gouvernement après les municipales ?
Ce ne sera pas mon cas. J'aime beaucoup St-Ouen l'Aumône, dont je suis élu depuis 23 ans, donc j'y serai à nouveau candidat. Mais s'il est utile que je reste au gouvernement, je resterai premier adjoint, et je pense que plusieurs d'entre nous feront ce même choix de compromis.
Avec 8% de femmes, l'armée française est déjà l'une des plus féminines du monde, souhaitez-vous aller plus loin et quel est votre objectif ?
Mon objectif, c'est 20% de femmes dans 20 ans. Il y a potentiellement, au cours des prochaines années, un intérêt de beaucoup de jeunes femmes pour des emplois militaires de toutes sortes, y compris les plus exposés. Déjà, dans les flux d'entrée dans l'armée, on est à 10-15% de femmes selon les armes.
Vous travaillez sur la prochaine loi de programmation militaire ; à l'heure de la Défense européenne, peut-elle se faire sans concertation avec nos partenaires ?
Les chefs d'Etat et de gouvernement viennent de prendre la décision de créer une force d'action rapide européenne pour 2003. Si on réfléchit à nos moyens militaires, on n'en est pas encore à une " défense unique " car la Défense reste encore un attribut de la souveraineté nationale. Toutefois, la définition en commun des besoins est maintenant une étape que nous allons franchir. En ce qui me concerne, au cours de cette année, je vais consulter en détail mes collègues des pays comparables, mais aussi ceux de certains pays moyens de l'Union européenne qui sont des contributeurs efficaces.
Le 17 avril, l'état-major européen prend ses fonctions dans un Kosovo où tout ne se passe pas bien, quels sont les enjeux ?
Depuis 10-15 jours la situation est beaucoup plus calme dans l'ensemble du Kosovo, notamment à Mitrovica, ce qui prouve que la tendance longue est celle d'un meilleur contrôle de la situation. Le travail de reconstruction et d'établissement de mécanismes civils et démocratiques ordinaires va demander beaucoup de temps. Si les Européens veulent être pris au sérieux à l'avenir, c'est le moment de montrer qu'on ne change pas d'avis ni de développement des murs démocratiques dans la communauté albanaise va progresser, la volonté de revanche chez les albanophones et le nationalisme hostile dans la communauté serbe vont régresser. Milosevic est maintenant un vestige en Europe, la contagion positive de l'Etat de droit et de la démocratie impulsée par l'Union européenne l'a emporté.
Comment avez-vous vécu les dissensions qui sont apparues entre la Gendarmerie et l'armée de Terre ?
La réalité est que l'armée de Terre et la Gendarmerie font ensemble du bon travail. Je ne vais pas m'attarder à des ragots de troisièmes couteaux qui sont hors sujet. Quant aux quelques comportements individuels répréhensibles, je m'en occuperai en temps utile.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 mai 2000)
Pour la première fois, les jeunes filles seront accueillies demain à la Journée d'appel de préparation à la défense, lancée en octobre 1998. Alain Richard, ministre de la Défense, saluera cette nouvauté en rendant visite le même jour au 1er régiment d'artillerie de Marine de Laon-Couvron. Dans l'interview qu'il nous a accordée, le ministre revient sur les relations entre l'armée et la nation, fait le point sur la réserve, évoque la mission de la KFOR au Kosovo et le malaise des gendarmes.
L'Union : Le lien entre l'Armée et la jeunesse est-il encore à réinventer ou bien êtes-vous satisfait de la journée d'appel de préparation à la défense telle qu'elle existe actuellement?
Monsieur Alain Richard : Sans hésiter, je raye la première mention et je choisis la deuxième réponse! Jean-Pierre Masseret et moi-même considérons que cette journée répond à ses objectifs. Elle vient en conclusion d'une initiation à la Défense de plus en plus développée dans l'enseignement secondaire. Nous nous apercevons que le niveau de compréhension des grands objectifs de sécurité du pays est satisfaisant. En repartant de la base que représentent les jeunes générations, nous constituons un rapport solide et confiant entre la société et sa Défense.
Outre le pourcentage de satisfaction des jeunes à l'issue de cette journée, prés d'un quart d'entre eux souhaite un nouveau contact avec la défense. Et nous voyons dans les enquêtes d'opinion que la confiance des Français en leurs armées est au plus haut.
La réorganisation des réserves semble piétiner ce qui constitue un autre problème de relation entre la nation et son armée.
La préoccupation est justifiée. Nous passons à un systeme radicalement nouveau. Auparavant, les réserves étaient automatiquement alimentées par les anciens du service militaire, et les plus motivés se sélectionnaient d'eux-meme pour fournir les réservistes réellement actifs.
Aujourd'hui, il nous faut, sur la base du libre choix, reconstituer un groupe de 100 000 réservistes. Il y a un travail d'explication et de motivation à faire. Compte tenu de l'intêret manifesté par les jeunes lors de la Journée d'appel et de préparation à la Défense, j'ai bon espoir.
Les Nations-Unies demandent à nos militaires déployés aux Kosovo d'étre surtout des policiers . Est ce que ce n'est pas une mission impossible à remplir vu le context explosif ?
Il ne faut pas être pessimiste, la KFOR, qui signifie force de stabilisation du Kosovo, a comme mission d'établir de façon pacifique un environnement de sécurité globale. C'est difficile dans une province sans antécédent démocratique et presque dépourvue de structures étatiques, sortant d'une terreur de masse.
Il faut du temps et de la détermination. Si nous cédons au découragement parce que c'est difficile, nous nous montrerons faibles, ce qui serait à la fois condamnable et dangereux.
Quand il y a des attentats fréquents, des détentions d'armes, des provocations, des manifestants armés de grenades, la tache de sécurité des hommes de la KFOR ne peut être résumée à un simple travail de police. Les enquêtes liées au trafic d'armes et à la préparation d'attentats relèvent de la KFOR, en collaboration avec la mission civile de l'ONU.
Je constate que, malgré la difficulté de la tâche, la collaboration entre les représentants des communautés et Bernard Kouchner n'a jamais étè aussi étroite et que certaines agressions ne se produisent plus.
Il faut savoir que les capacités des factions extrémistes sont en décroissance. Les manifestations violentes de Mitrovica en septembre et mars ont été sans lendemain. La reprise du contrôle s'est réalisée sans bruit, loin des caméras. Et on le doit à l'engagement et au courage des militaires de la KFOR, parmi lesquels les soldats français jouent un rôle essentiel.
Une Europe de la Défense est en train de se construire, mais quand l'Europe sera-t-elle capable de s'émanciper des Etats-Unis ?
Par respect pour nos anciens qui n'avaient pas trouver de circonstances favorables malgré leurs espoirs, les Quinze se devaient de faire un grand pas en avant sur la Défense, composante indispensable d'une Europe politique adulte. L'Europe de la Défense présente, à la fois, une capacité d'action autonome et une volonté de coopération transparente et loyale par rapport à l'OTAN et aux Etats-Unis.
Nous partageons des valeurs communes. Nous ne vivons pas ce développement d'une Défense européenne comme une concurrence négative, ni comme un souhait d'écarter les Etats-Unis de L'Europe òu ils ont un rôle à jouer. C'est une possibilité de choix nouvelle donnée aux Européens d'intervenir là ou naissent les problèmes.
Le malaise de la Gendarmerie était palpable au moment de l'affaire des paillotes en Corse. Le malaise , ravivé sans doute par le débat sur les 35h , a persisté à cause des conditions de travail, òu en est-on aujourd'hui?
Je ne parlerai pas de malaise mais de demandes légitimes résultant de surcharge de travail dont je connais la réalité. Un dialogue s'est instauré à travers les organes de concertation de la Gendarmerie, cadre normal du débat sur les problèmes professionnels des gendarmes.
Souhaitant répondre aux demandes exprimées en fonction de nos capacités budgétaires, j'ai pris une série de mesures destinées à faciliter la prise de temps libre, à alléger les charges administratives, à améliorer la dotation en matériel...Tout cela doit permetre un meilleur aménagement du temps de service sans réduire la sécurité publique. Nous sommes actuellement en train de mettre ces mesures en pratique. La concertation sur leur application se poursuivra tout au long de l'année , j'y attache beaucoup d'importance.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 avril 2000)
Interview dans le "Journal du Dimanche" le 9 avril 2000 :
Lors du remaniement, a-t-il été sérieusement envisagé de vous affecter au ministère de l'Economie ?
Monsieur Alain Richard
La seule opinion personnelle qui compte, c'est le choix de Lionel Jospin, et Laurent Fabius est une excellente solution. Le choix du Premier ministre, qui m'avait fait honneur en 1997, me convenait, et la stabilité est utile dans la tâche qui est la mienne. Pour l'ensemble de l'équipe, je crois qu'il y avait là intérêt à ma stabilité sur place.
Qu'est-ce qu'être rocardien au sein d'un gouvernement désormais très mitterrandien?
Contribuer au débat pour faire marcher de pair modernisation et solidarité. La gauche, qui est à l'aise avec le progrès technique, a vocation à réguler les changements pour en faire des chances de progrès social. Notre ambition est de faire des propositions autour de cette idée. Les entreprises se transforment et fusionnent, les salariés ont collectivement des intérêts là-dedans. Ainsi Michel Sapin, dans sa responsabilité aux questions économiques du PS, avait aidé à réfléchir à l'épargne salariale. Dans un PS qui se porte bien, nous essayons d'alimenter la machine à projets.
Mais l'épargne salariale ne divise-t-elle pas justement les socialistes ?
Oui, mais si le parti socialiste doit débattre aujourd'hui des moyens concrets pour les salariés de mieux comprendre l'évolution de leur entreprise. Précisément, le rôle modeste que nous cherchons à jouer, c'est de porter dans le parti, sans esprit de chapelle, des débats qui comptent vraiment dans la société française. Si ces débats se tenaient hors du PS, ce serait ennuyeux.
On a dit de ce remaniement qu'il a constitué un gouvernement de combat électoral ?
Quand on regarde les courbes de soutien de la politique du gouvernement sur maintenant 34 mois, et qu'on les superpose avec les mêmes durées de gouvernements précédents, on n'est pas très enclin à la mélancolie. Nous maintenons un lien de confiance avec la majorité de nos concitoyens. Nous avons la charge de conduire des adaptations de la société française, tout en pouvant être mis en difficulté par le président de la République, qui nous critique souvent. Il y a donc un impératif de gestion politique particulièrement attentive à la conduite des intérêts du pays et en même temps à un contact étroit avec la majorité des citoyens.
Les prochaines échéances électorales ne risquent-elles pas de museler l'action réformatrice du gouvernement ?
Beaucoup de choses peuvent être réformées dans les services publics. Il faut avoir un objectif final de services rendus au citoyen qui soient compréhensibles et soutenus par les Français. La plupart des changements réalisés se sont faits sans bruit : prenez les restructurations affectant la Défense ou les services hospitaliers. Beaucoup de réformes se font sans que les gens défilent. Et quand on fera le récapitulatif début 2002, on dira : ah oui, quand même !
Est-il vrai que beaucoup de ministres abandonneront ce gouvernement après les municipales ?
Ce ne sera pas mon cas. J'aime beaucoup St-Ouen l'Aumône, dont je suis élu depuis 23 ans, donc j'y serai à nouveau candidat. Mais s'il est utile que je reste au gouvernement, je resterai premier adjoint, et je pense que plusieurs d'entre nous feront ce même choix de compromis.
Avec 8% de femmes, l'armée française est déjà l'une des plus féminines du monde, souhaitez-vous aller plus loin et quel est votre objectif ?
Mon objectif, c'est 20% de femmes dans 20 ans. Il y a potentiellement, au cours des prochaines années, un intérêt de beaucoup de jeunes femmes pour des emplois militaires de toutes sortes, y compris les plus exposés. Déjà, dans les flux d'entrée dans l'armée, on est à 10-15% de femmes selon les armes.
Vous travaillez sur la prochaine loi de programmation militaire ; à l'heure de la Défense européenne, peut-elle se faire sans concertation avec nos partenaires ?
Les chefs d'Etat et de gouvernement viennent de prendre la décision de créer une force d'action rapide européenne pour 2003. Si on réfléchit à nos moyens militaires, on n'en est pas encore à une " défense unique " car la Défense reste encore un attribut de la souveraineté nationale. Toutefois, la définition en commun des besoins est maintenant une étape que nous allons franchir. En ce qui me concerne, au cours de cette année, je vais consulter en détail mes collègues des pays comparables, mais aussi ceux de certains pays moyens de l'Union européenne qui sont des contributeurs efficaces.
Le 17 avril, l'état-major européen prend ses fonctions dans un Kosovo où tout ne se passe pas bien, quels sont les enjeux ?
Depuis 10-15 jours la situation est beaucoup plus calme dans l'ensemble du Kosovo, notamment à Mitrovica, ce qui prouve que la tendance longue est celle d'un meilleur contrôle de la situation. Le travail de reconstruction et d'établissement de mécanismes civils et démocratiques ordinaires va demander beaucoup de temps. Si les Européens veulent être pris au sérieux à l'avenir, c'est le moment de montrer qu'on ne change pas d'avis ni de développement des murs démocratiques dans la communauté albanaise va progresser, la volonté de revanche chez les albanophones et le nationalisme hostile dans la communauté serbe vont régresser. Milosevic est maintenant un vestige en Europe, la contagion positive de l'Etat de droit et de la démocratie impulsée par l'Union européenne l'a emporté.
Comment avez-vous vécu les dissensions qui sont apparues entre la Gendarmerie et l'armée de Terre ?
La réalité est que l'armée de Terre et la Gendarmerie font ensemble du bon travail. Je ne vais pas m'attarder à des ragots de troisièmes couteaux qui sont hors sujet. Quant aux quelques comportements individuels répréhensibles, je m'en occuperai en temps utile.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 mai 2000)