Texte intégral
Q- Si le "oui" du Parti socialiste au prochain référendum sur le projet de Constitution européenne sera clair et ne sera que socialiste, ainsi que l'a annoncé hier F. Hollande lors de ses vux à la presse, ce "oui" sera-t-il pour autant à ce point partagé au sein du PS ? L. Fabius était invisible hier et J.-L. Mélenchon, sénateur socialiste de l'Essonne, confirme sa volonté de faire campagne pour le "non". Une seule voix au PS ? Le sénateur de l'Essonne, monsieur Mélenchon, a l'intention de dire son opposition au référendum. Comment les choses vont-elles se passer ? Cela vous paraît-il normal que la contestation s'exprime comme ça au sein du PS ?
R- D'abord, elle est très limitée à J.-L. Mélenchon, peut-être d'autres camarades... Mais quel est l'essentiel ? L'essentiel, c'est que le Parti socialiste a voté. Et vous vous souvenez que je suis venu à ce micro, et je n'ai pas été le seul, pendant des semaines, pour convaincre les socialistes de voter "oui" ; d'autres, vous en avez cité, voulaient les convaincre du contraire. Ils ont voté, ils ont fait leur choix. Nous sommes dans une grande organisation démocratique qui doit maintenant faire apparaître les droits et les devoirs de chacun. Le droit, c'est de garder sa conviction : nul n'est obligé d'abjurer ou de se renier. Mais le devoir, c'est de faire respecter la décision d'une grande majorité de socialistes. Alors, pourquoi cette position ? Parce que le Parti socialiste est un parti qui n'est pas simplement là pour défendre tel ou tel intérêt. Il est là pour, demain, je l'espère, gouverner, et pour faire les choix qui engagent le pays. Donc je ne suis pas dans un jeu, je ne suis pas dans une tactique, je ne suis pas dans une manuvre. Je suis là pour que mon pays puisse répondre "oui" à un traité constitutionnel parce qu'il est bon pour l'Europe et donc bon pour la France. A partir de là, il y a un vote des militants socialistes qui va dans ce sens, et les socialistes, ensemble, feront campagne. Feront campagne pour le "oui", bien sûr, ceux qui dans le débat interne du Parti socialiste, avaient pris cette position. Et je respecte parfaitement les autres : ils seront silencieux. Mais il n'y aura pas deux campagnes du Parti socialiste, il n'y en aura qu'une : ce sera la campagne du "oui". Ce "oui" est différent de celui sans doute de J. Chirac ou de J.-P. Raffarin. Notre "oui" est fondé sur nos propres valeurs, mais il se trouve que c'est le même texte que nous allons approuver. C'est une constitution. Eh bien, oui, dans une constitution, que ce soit pour l'Europe ou que ce soit pour la France, c'est le cadre qui doit être déterminé. Ensuite, il y a les politiques et on retrouvera les clivages entre la gauche et la droite.
Q- Alors pour en finir avec ça, tout de même, parce qu'il y a eu un petit échange, on s'est demandé jusqu'où les choses pouvaient aller. Serez-vous un premier secrétaire autoritaire ou pas ? Imaginons qu'un Mélenchon, ou d'autres d'ailleurs, parce que beaucoup de Fabiusiens disent au fond qu'une abstention un peu visible ne serait pas si mal que ça... Serez-vous un premier secrétaire autoritaire et jusqu'où peut aller la réponse de F. Hollande à ceux qui, décidément, s'obstineraient dans le
"non" ?
R- Je serai un premier secrétaire démocratique. Et la démocratie, c'est le respect de la majorité. Et ceux qui se prétendent souvent les plus conformes aux militants, qui parfois demandent qu'ils votent - cela a été le cas d'ailleurs de J.-L. Mélenchon, qui souhaitait un vote ; de L. Fabius qui, peut-être, aspire à être désigné le moment venu par les militants, nous verrons bien -, eh bien, dans une formation politique démocratique, c'est le respect de la majorité des militants. Je n'ai pas besoin de faire acte d'autorité, j'ai simplement à rappeler les règles, les règles dans une famille, dans une organisation politique. A partir de là, je pense que les militants eux-mêmes, les adhérents du Parti socialiste, nos électeurs, seront tout à fait sensibles à ceux qui seront dans le sens de la majorité et à ceux qui ne le seront pas.
Q- Peut-être qu'en attendant, la difficulté est ailleurs : quel "oui" ? Le vôtre ? Celui de J. Chirac ? Et comment faire en sorte que le vôtre n'apparaisse pas comme étant celui aussi de J. Chirac ?
R- Le nôtre, il est en cohérence avec ce qu'a toujours été la position du Parti socialiste par rapport à l'Europe, il est en cohérence avec tous les socialistes européens, qui sont tous pour le traité constitutionnel. Il est ensuite fonction du texte, que j'ai considéré, avec les socialistes, comme une avancée - il n'y a aucun recul -, et puis aussi du contexte. Qui ne voit qu'on n'a pas besoin d'Europe aujourd'hui ? Ça serait quand même un comble, au moment où les Etats-Unis d'Amérique, avec G. Bush, essayent de peser sur le destin du monde, nous, nous mettrions l'Europe en panne, l'Europe en croix, parce qu'il y aurait quelques intérêts partisans dans cette affaire ?! Non ! J'essaye, à chaque fois, parce que c'est la fonction de premier secrétaire aussi, d'être responsable, pas simplement de mon parti, mais de mon pays, et en l'occurrence aussi de l'Europe. Enfin, j'aurai, puisque vous l'avez rappelé, un entretien avec le président de la République, qui appelle lui aussi à voter "oui" - et c'est tout à fait légitime. Je poserai deux conditions, pour moi essentielles dans le débat qui va s'engager sur le traité constitutionnel. Je souhaite premièrement que
J. Chirac n'instrumentalise pas le scrutin à des fins personnelles ou à des fins partisanes. Ce serait un comble. Jusqu'à présent, je dois dire qu'il ne l'a pas fait, donc j'en prends acte. Mais, il y a une deuxième condition essentielle : c'est que le Gouvernement reste le plus loin possible du débat sur le traité constitutionnel. Ça c'est l'affaire des partis et des citoyens. "Les partis et les citoyens concourent à l'expression du suffrage", c'est une formule de notre Constitution française : eh bien, laissons les mener le débat qui convient. Certains appelleront à voter "oui" - c'est le cas du Parti socialiste -, d'autres appelleront à voter "non", mais je souhaite qu'il y ait un vrai débat, un bon débat, d'ailleurs organisé, qui puisse être soutenu d'ailleurs par les grands moyens de télévision, que les partis puissent avoir les capacités pour expliquer ce qu'est le traité constitutionnel, mais qu'on n'interfère par avec la vie gouvernementale. Je crois que c'est un conseil que je peux donner au président de la République, compte tenu de l'impopularité de son Gouvernement.
Q- Autre difficulté, ce débat sur l'Europe est passionnant, mais il peut apparaître aussi un peu comme théorique et conceptuel. F. Bayrou, à cette même place hier, lui, évoquait le malaise social et démocratique, celui qui occupe l'esprit des français aujourd'hui, et qui peut-être pourrait conduire à un "non" au référendum, c'est-à-dire à une réponse, pas à la question du référendum, mais à celle du malaise social.
R- Si F. Bayrou n'a pas tort de noter le malaise social, qui existe dans notre pays, veut sanctionner le Gouvernement, il en a un moyen très simple : qu'il vote avec nous une motion de censure pour renverser le Gouvernement ! Ça, ça serait la bonne manière. Le comble, c'est qu'il est dans la majorité. Le paradoxe, c'est qu'il a même un ministre UDF au gouvernement et qu'il vote tous les budgets. Alors, il y a un moment, c'est le principe de cohérence ou le principe de vérité : si on n'est pas content du Gouvernement, on vote contre ses orientations, on vote contre son budget et on essaye - on aura du mal, nous tous seuls, les socialistes -, à le renverser. Mais il y a aussi des échéances pour ça. En 2007, je donne rendez-vous à F. Bayrou et à beaucoup d'autres : si nous voulons changer, il faudra que nous donnions une perspective qui sera forcément différente de la droite. Donc ce sera la gauche, il n'y a pas d'autres perspectives. A partir de là, il y a le temps des alternances - ça, c'est 2007, élection présidentielles et élections législatives -, et puis il y a le temps de l'Europe - c'est le référendum dans le pays sur le traité constitutionnel. Mais j'ai suffisamment de volonté pour préserver l'Europe de toute considération de politique intérieure - et je pourrai être tenté de le faire, si je n'écoutais que mes intentions partisanes -, pour justement préserver l'enjeu, le traité constitutionnel européen, de toute autre considération. Parce que ce qui m'importe, c'est que lorsque la gauche - parce que j'espère qu'elle viendra -, au nom des Français, gouvernera de nouveau le pays en 2007, elle puisse être dans une Europe qui marche.
Q- On comprend bien qu'il y a un temps politique, sauf que c'est loin 2007 et que le malaise social est en train de s'exprimer maintenant. Politiquement, où vous inscrivez-vous, quand on entend encore une fois hier un F. Bayrou dire les choses de telle façon, qu'ensuite les auditeurs lui disaient, "c'est marrant, vous parlez comme la gauche" ?
R- Oui, mais quand on parle comme la gauche, il faut agir comme la gauche, il faut voter comme la gauche ! Le malaise social existe, on le voit. Il va y avoir des mouvements importants : cheminots le 19, postiers le 18 janvier, les enseignants le 20, beaucoup de fonctionnaires, les salariés du secteur privé sur l'emploi, sur les 35 heures... Oui, il faut que ces mouvements existent et qu'ils puissent faire reculer le gouvernement. Nous-même à l'Assemblée nationale, au Sénat, les socialistes, nous essaierons de faire reculer le Gouvernement sur le projet de loi Fillon. Cela fait partie du débat démocratique...
Q- Mais votre projet, il faut attendre 2007 pour le dire ?
R- Je suis désolé de vous le dire, mais quand on se trompe en 2002 - parce que j'estime que l'on s'est trompé et que l'on a notre part de responsabilité -, c'est cinq ans, ce n'est pas deux ans, ce n'est pas trois ans ! Les élections régionales ont eu lieu, les élections européennes aussi. On a gagné les élections régionales, et tant mieux, 20 régions sur 22 sont à gauche. On a gagné les élections européennes, et j'en suis fier, j'ai conduit cette campagne. On a même gagné les élections cantonales, on a gagné les élections sénatoriales... C'est important, mais ça ne change pas le Gouvernement, on l'a bien vu. J.-P. Raffarin est toujours là, c'est la responsabilité du président de la République. Alors, si l'on veut changer J.-P. Raffarin, la politique de la droite et, le moment venu, le président de la République, je n'ai qu'un conseil à donner aux auditeurs s'ils ont ce sentiment : c'est de voter à gauche. Mais faut-il encore que la gauche le mérite, faut-il encore que la gauche porte un projet, qu'elle ne soit pas simplement l'instrument d'un rejet. Parce que si nous ne sommes simplement qu'un refus, une expression de revendications, que la somme des contestations, nous ne sommes rien. Nous sommes dans le devoir de proposer une vraie alternative au pays.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 janvier 2005)
R- D'abord, elle est très limitée à J.-L. Mélenchon, peut-être d'autres camarades... Mais quel est l'essentiel ? L'essentiel, c'est que le Parti socialiste a voté. Et vous vous souvenez que je suis venu à ce micro, et je n'ai pas été le seul, pendant des semaines, pour convaincre les socialistes de voter "oui" ; d'autres, vous en avez cité, voulaient les convaincre du contraire. Ils ont voté, ils ont fait leur choix. Nous sommes dans une grande organisation démocratique qui doit maintenant faire apparaître les droits et les devoirs de chacun. Le droit, c'est de garder sa conviction : nul n'est obligé d'abjurer ou de se renier. Mais le devoir, c'est de faire respecter la décision d'une grande majorité de socialistes. Alors, pourquoi cette position ? Parce que le Parti socialiste est un parti qui n'est pas simplement là pour défendre tel ou tel intérêt. Il est là pour, demain, je l'espère, gouverner, et pour faire les choix qui engagent le pays. Donc je ne suis pas dans un jeu, je ne suis pas dans une tactique, je ne suis pas dans une manuvre. Je suis là pour que mon pays puisse répondre "oui" à un traité constitutionnel parce qu'il est bon pour l'Europe et donc bon pour la France. A partir de là, il y a un vote des militants socialistes qui va dans ce sens, et les socialistes, ensemble, feront campagne. Feront campagne pour le "oui", bien sûr, ceux qui dans le débat interne du Parti socialiste, avaient pris cette position. Et je respecte parfaitement les autres : ils seront silencieux. Mais il n'y aura pas deux campagnes du Parti socialiste, il n'y en aura qu'une : ce sera la campagne du "oui". Ce "oui" est différent de celui sans doute de J. Chirac ou de J.-P. Raffarin. Notre "oui" est fondé sur nos propres valeurs, mais il se trouve que c'est le même texte que nous allons approuver. C'est une constitution. Eh bien, oui, dans une constitution, que ce soit pour l'Europe ou que ce soit pour la France, c'est le cadre qui doit être déterminé. Ensuite, il y a les politiques et on retrouvera les clivages entre la gauche et la droite.
Q- Alors pour en finir avec ça, tout de même, parce qu'il y a eu un petit échange, on s'est demandé jusqu'où les choses pouvaient aller. Serez-vous un premier secrétaire autoritaire ou pas ? Imaginons qu'un Mélenchon, ou d'autres d'ailleurs, parce que beaucoup de Fabiusiens disent au fond qu'une abstention un peu visible ne serait pas si mal que ça... Serez-vous un premier secrétaire autoritaire et jusqu'où peut aller la réponse de F. Hollande à ceux qui, décidément, s'obstineraient dans le
"non" ?
R- Je serai un premier secrétaire démocratique. Et la démocratie, c'est le respect de la majorité. Et ceux qui se prétendent souvent les plus conformes aux militants, qui parfois demandent qu'ils votent - cela a été le cas d'ailleurs de J.-L. Mélenchon, qui souhaitait un vote ; de L. Fabius qui, peut-être, aspire à être désigné le moment venu par les militants, nous verrons bien -, eh bien, dans une formation politique démocratique, c'est le respect de la majorité des militants. Je n'ai pas besoin de faire acte d'autorité, j'ai simplement à rappeler les règles, les règles dans une famille, dans une organisation politique. A partir de là, je pense que les militants eux-mêmes, les adhérents du Parti socialiste, nos électeurs, seront tout à fait sensibles à ceux qui seront dans le sens de la majorité et à ceux qui ne le seront pas.
Q- Peut-être qu'en attendant, la difficulté est ailleurs : quel "oui" ? Le vôtre ? Celui de J. Chirac ? Et comment faire en sorte que le vôtre n'apparaisse pas comme étant celui aussi de J. Chirac ?
R- Le nôtre, il est en cohérence avec ce qu'a toujours été la position du Parti socialiste par rapport à l'Europe, il est en cohérence avec tous les socialistes européens, qui sont tous pour le traité constitutionnel. Il est ensuite fonction du texte, que j'ai considéré, avec les socialistes, comme une avancée - il n'y a aucun recul -, et puis aussi du contexte. Qui ne voit qu'on n'a pas besoin d'Europe aujourd'hui ? Ça serait quand même un comble, au moment où les Etats-Unis d'Amérique, avec G. Bush, essayent de peser sur le destin du monde, nous, nous mettrions l'Europe en panne, l'Europe en croix, parce qu'il y aurait quelques intérêts partisans dans cette affaire ?! Non ! J'essaye, à chaque fois, parce que c'est la fonction de premier secrétaire aussi, d'être responsable, pas simplement de mon parti, mais de mon pays, et en l'occurrence aussi de l'Europe. Enfin, j'aurai, puisque vous l'avez rappelé, un entretien avec le président de la République, qui appelle lui aussi à voter "oui" - et c'est tout à fait légitime. Je poserai deux conditions, pour moi essentielles dans le débat qui va s'engager sur le traité constitutionnel. Je souhaite premièrement que
J. Chirac n'instrumentalise pas le scrutin à des fins personnelles ou à des fins partisanes. Ce serait un comble. Jusqu'à présent, je dois dire qu'il ne l'a pas fait, donc j'en prends acte. Mais, il y a une deuxième condition essentielle : c'est que le Gouvernement reste le plus loin possible du débat sur le traité constitutionnel. Ça c'est l'affaire des partis et des citoyens. "Les partis et les citoyens concourent à l'expression du suffrage", c'est une formule de notre Constitution française : eh bien, laissons les mener le débat qui convient. Certains appelleront à voter "oui" - c'est le cas du Parti socialiste -, d'autres appelleront à voter "non", mais je souhaite qu'il y ait un vrai débat, un bon débat, d'ailleurs organisé, qui puisse être soutenu d'ailleurs par les grands moyens de télévision, que les partis puissent avoir les capacités pour expliquer ce qu'est le traité constitutionnel, mais qu'on n'interfère par avec la vie gouvernementale. Je crois que c'est un conseil que je peux donner au président de la République, compte tenu de l'impopularité de son Gouvernement.
Q- Autre difficulté, ce débat sur l'Europe est passionnant, mais il peut apparaître aussi un peu comme théorique et conceptuel. F. Bayrou, à cette même place hier, lui, évoquait le malaise social et démocratique, celui qui occupe l'esprit des français aujourd'hui, et qui peut-être pourrait conduire à un "non" au référendum, c'est-à-dire à une réponse, pas à la question du référendum, mais à celle du malaise social.
R- Si F. Bayrou n'a pas tort de noter le malaise social, qui existe dans notre pays, veut sanctionner le Gouvernement, il en a un moyen très simple : qu'il vote avec nous une motion de censure pour renverser le Gouvernement ! Ça, ça serait la bonne manière. Le comble, c'est qu'il est dans la majorité. Le paradoxe, c'est qu'il a même un ministre UDF au gouvernement et qu'il vote tous les budgets. Alors, il y a un moment, c'est le principe de cohérence ou le principe de vérité : si on n'est pas content du Gouvernement, on vote contre ses orientations, on vote contre son budget et on essaye - on aura du mal, nous tous seuls, les socialistes -, à le renverser. Mais il y a aussi des échéances pour ça. En 2007, je donne rendez-vous à F. Bayrou et à beaucoup d'autres : si nous voulons changer, il faudra que nous donnions une perspective qui sera forcément différente de la droite. Donc ce sera la gauche, il n'y a pas d'autres perspectives. A partir de là, il y a le temps des alternances - ça, c'est 2007, élection présidentielles et élections législatives -, et puis il y a le temps de l'Europe - c'est le référendum dans le pays sur le traité constitutionnel. Mais j'ai suffisamment de volonté pour préserver l'Europe de toute considération de politique intérieure - et je pourrai être tenté de le faire, si je n'écoutais que mes intentions partisanes -, pour justement préserver l'enjeu, le traité constitutionnel européen, de toute autre considération. Parce que ce qui m'importe, c'est que lorsque la gauche - parce que j'espère qu'elle viendra -, au nom des Français, gouvernera de nouveau le pays en 2007, elle puisse être dans une Europe qui marche.
Q- On comprend bien qu'il y a un temps politique, sauf que c'est loin 2007 et que le malaise social est en train de s'exprimer maintenant. Politiquement, où vous inscrivez-vous, quand on entend encore une fois hier un F. Bayrou dire les choses de telle façon, qu'ensuite les auditeurs lui disaient, "c'est marrant, vous parlez comme la gauche" ?
R- Oui, mais quand on parle comme la gauche, il faut agir comme la gauche, il faut voter comme la gauche ! Le malaise social existe, on le voit. Il va y avoir des mouvements importants : cheminots le 19, postiers le 18 janvier, les enseignants le 20, beaucoup de fonctionnaires, les salariés du secteur privé sur l'emploi, sur les 35 heures... Oui, il faut que ces mouvements existent et qu'ils puissent faire reculer le gouvernement. Nous-même à l'Assemblée nationale, au Sénat, les socialistes, nous essaierons de faire reculer le Gouvernement sur le projet de loi Fillon. Cela fait partie du débat démocratique...
Q- Mais votre projet, il faut attendre 2007 pour le dire ?
R- Je suis désolé de vous le dire, mais quand on se trompe en 2002 - parce que j'estime que l'on s'est trompé et que l'on a notre part de responsabilité -, c'est cinq ans, ce n'est pas deux ans, ce n'est pas trois ans ! Les élections régionales ont eu lieu, les élections européennes aussi. On a gagné les élections régionales, et tant mieux, 20 régions sur 22 sont à gauche. On a gagné les élections européennes, et j'en suis fier, j'ai conduit cette campagne. On a même gagné les élections cantonales, on a gagné les élections sénatoriales... C'est important, mais ça ne change pas le Gouvernement, on l'a bien vu. J.-P. Raffarin est toujours là, c'est la responsabilité du président de la République. Alors, si l'on veut changer J.-P. Raffarin, la politique de la droite et, le moment venu, le président de la République, je n'ai qu'un conseil à donner aux auditeurs s'ils ont ce sentiment : c'est de voter à gauche. Mais faut-il encore que la gauche le mérite, faut-il encore que la gauche porte un projet, qu'elle ne soit pas simplement l'instrument d'un rejet. Parce que si nous ne sommes simplement qu'un refus, une expression de revendications, que la somme des contestations, nous ne sommes rien. Nous sommes dans le devoir de proposer une vraie alternative au pays.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 janvier 2005)