Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
L'honneur me revient de prononcer la dernière intervention de cette conférence scientifique internationale, Biodiversité : Science et gouvernance. L'honneur, mais aussi la difficulté. La tâche relève presque de la gageure tant les travaux ont été riches. L'exercice s'avère périlleux et délicat mais je voudrais essayer à chaud de tirer quelques conclusions. Elles tiendront en quatre points : la recherche, l'expertise, la gouvernance, la solidarité.
Avant toute chose, permettez-moi de formuler une remarque préalable. J'ai été frappé par la qualité des communications scientifiques, la diversité des tables rondes, la hauteur de vue des débats.
En effet, la présence des scientifiques les plus éminents, celle de dirigeants de tout premier plan a montré que le rapprochement ne réduisait en rien la qualité de chacune des contributions. Ceci prouve que la diversité humaine et institutionnelle est, elle aussi productive et constructive !
Venons en maintenant à quelques remarques sur les contenus.
D'abord que peut on en retenir concernant les recherches et les résultats scientifiques ?
J'ai été frappé par la convergence de vue de tous les participants à cette conférence et en particulier de tous les scientifiques. L'érosion de la biodiversité est une réalité. Cette érosion est provoquée par les conséquences des activités humaines et Edward Wilson nous en a rappelé les principales causes : disparition massive des habitats, pollution, surexploitation des milieux et des ressources, espèces invasives.
Nous avons compris les menaces qui pèsent sur les milieux tout à la fois riches, fragiles et mal connus comme les forêts tropicales, les océans ou les récifs coralliens. Mais vous avez aussi rappelé que les écosystèmes les plus courants, ceux au milieu desquels nous vivons, sont aussi sensibles. Leur équilibre semble être la condition de notre bien être.
De nombreuses études ont montré que la richesse en espèces détermine la capacité des écosystèmes à fournir des services aux sociétés. Andrew Dobson a montré que la biodiversité joue un rôle important de prévention des maladies, en particulier des maladies, comme le paludisme, transmises par des vecteurs. C'est pourquoi la compréhension et la modélisation mathématiques des interactions entre espèces sont fondamentales pour prédire et prévenir les risques d'épidémie. On pourrait prendre d'autres exemples comme la pollution des sols, la pureté de l'eau ou l'agriculture durable.
Ces nombreux exemples d'interactions entre les espèces et les milieux illustrent le nécessaire développement des sciences de l'écologie. Il faut suivre l'évolution des écosystèmes et des populations et améliorer la connaissance des processus écologiques et évolutifs qui déterminent les variations de la biodiversité. Ce développement doit mobiliser les autres disciplines, qu'il s'agisse de la physique, de la chimie, des mathématiques, et des autres sciences de la vie ou les sciences sociales.
La description des espèces reste toutefois plus que jamais nécessaire. D'ailleurs la systématique et la taxonomie sont en train de se moderniser à grande vitesse. Michael Donoghue a fait rêver son assemblée avec des perspectives futuristes qui sont peut être plus proches qu'on ne le croit : l'accès direct et libre sur internet aux 2.6 milliards de spécimens qui se trouvent dans les collections du monde entier ou encore la mise au point de kits de diagnostic qui, par un simple prélèvement sur le terrain, donneraient directement au naturaliste la position, dans la classification du vivant, des espèces qu'il rencontrerait dans ses explorations.
Mais les études scientifiques ne suffisent pas. La contribution de la recherche à la définition des politiques publiques et privées exige une approche adaptée qui est celle de l'expertise scientifique. C'est le deuxième enseignement que je souhaiterais dégager.
La conception de l'expertise scientifique est une question majeure des sociétés modernes en raison de la complexité croissante des connaissances ; en raison aussi des enjeux que la Science fait peser sur le développement de nos civilisations.
Et, pour répondre à ces enjeux, alors qu'une gouvernance mondiale apparaît nécessaire, particulièrement dans le domaine de l'environnement, elle ne peut se concevoir sans une expertise scientifique structurée.
C'est pourquoi, le Président de la République, lundi, a indiqué que nous avions besoin d'une expertise intergouvernementale de la biodiversité.
L'appel des scientifiques que le Président du comité scientifique, Michel Loreau, vient de lire, demande qu'un tel mécanisme soit rapidement mis en place pour synthétiser les connaissances, fournir une information scientifiquement validée et appuyer les négociations internationales et les politiques publiques.
J'ai bien noté que la conférence recommande un groupe de travail pour étudier cette recommandation. Monsieur Eliott Morley au nom du gouvernement britannique vient de marquer son soutien à cette démarche et a donné son accord pour l'inscrire dans le calendrier du G8. Au nom du Gouvernement français, je tiens à apporter le plein accord de la France à la méthode de travail proposée.
La France participera à l'étude du dossier et aux concertations internationales qu'il exige. Elle y contribuera par des experts et des moyens et souhaite aussi que toutes les parties prenantes y participent.
L'instruction de ce dossier devra être rapide afin qu'un rapport soit finalisé pour la prochaine conférence des parties de la Convention de la Diversité Biologique qui se tiendra en 2006 au Brésil.
Mais même si nous avons encore beaucoup de choses à découvrir, nous en savons assez pour agir dès maintenant. Ce que vous dites, c'est que l'érosion de la biodiversité va vite, très vite. Qu'il faut agir et que la protection de la biodiversité nous concerne tous.
Sur quels principes fonder l'action ? Comment mieux révéler à tous la valeur de ce patrimoine dont nous sommes les dépositaires ? De ce point de vue, j'ai été très intéressé par les communications qui rapprochent et analysent les avantages économiques et sociaux de la gestion des ressources.
La recherche doit en effet nous aider à intégrer la préservation et la valorisation dans la rationalité des acteurs économiques. Elle doit révéler la valeur des biens et des services que fournissent, directement comme indirectement, les écosystèmes et les ressources vivantes. Vous avez évoqué la question des instruments de marché et la possibilité de trouver des indicateurs et des modalités de conversion.
J'ai noté qu'il existait des initiatives locales, notamment relatives à la gestion forestière. J'ai ainsi apprécié que les acteurs économiques comme les propriétaires forestiers prennent en compte la richesse en espèces vivantes dans leur décision d'investissement. De même la mesure de l'impact des activités industrielles, des infrastructures de production ou de transport sur le milieu naturel est indispensable. Je tiens à saluer les initiatives que les entreprises du bâtiment ou de l'énergie ont déjà lancées.
La valorisation des ressources doit de même faire appel aux démarches volontaires et contractuelles des acteurs économiques. De ce point de vue, l'initiative lancée par un groupe d'entreprises, dont Eric Cornut vient de donner la philosophie, doit être saluée, soutenue, élargie. Aucune disposition contraignante ne pourra être plus efficace que l'engagement volontaire des acteurs en faveur de contrats équitables.
Ceci me conduit à la quatrième idée force que j'ai retenu de cette semaine : la question de la solidarité internationale et du développement économique.
Cette préoccupation qui oriente la politique du Gouvernement français a constitué un fil rouge de vos débats tout au long de la semaine. Qu'il s'agisse de science ou de gouvernance, les politiques en faveur de la biodiversité doivent réduire les écarts entre le Nord et le Sud. Il faut renforcer les capacités scientifiques des pays où la richesse biologique est la plus menacée.
Plusieurs intervenants ont rappelé que la destruction des ressources naturelles était aussi une conséquence de la pauvreté. Madame Maathaï nous a montré avec conviction que de nouvelles formes de développement étaient concevables. Plusieurs exposés ont fait référence à des perspectives de valorisation équitable. Les ressources vivantes sont un capital inestimable dont l'exploitation peut contribuer à la réduction de la pauvreté. Cette idée force devra devenir le leitmotiv de toute politique publique et privée.
Au moment où se termine cette conférence, je voudrais Mesdames et Messieurs remercier tous ceux qui en ont fait une réussite.
Remercions l'UNESCO et le Muséum National d'Histoire Naturelle, tous les intervenants pour la qualité de leur contribution et les participants pour leur assiduité et la richesse des échanges.
.
Je voudrais aussi remercier les entreprises qui ont soutenu la conférence. Merci aux organisateurs. Je sais que ce fut une lourde tâche.. Merci aussi aux interprètes.
Merci à tous ceux que je viens d'oublier et qui se sont dépensés sans limite pour cette conférence. Le discours du Président de la République et les conclusions de la conférence sont une véritable feuille de route. La conférence de Paris est un nouveau départ en faveur de la
biodiversité.
Nous sommes mobilisés. Nous pouvons sereinement nous mettre en route !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 31 janvier 2005)
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
L'honneur me revient de prononcer la dernière intervention de cette conférence scientifique internationale, Biodiversité : Science et gouvernance. L'honneur, mais aussi la difficulté. La tâche relève presque de la gageure tant les travaux ont été riches. L'exercice s'avère périlleux et délicat mais je voudrais essayer à chaud de tirer quelques conclusions. Elles tiendront en quatre points : la recherche, l'expertise, la gouvernance, la solidarité.
Avant toute chose, permettez-moi de formuler une remarque préalable. J'ai été frappé par la qualité des communications scientifiques, la diversité des tables rondes, la hauteur de vue des débats.
En effet, la présence des scientifiques les plus éminents, celle de dirigeants de tout premier plan a montré que le rapprochement ne réduisait en rien la qualité de chacune des contributions. Ceci prouve que la diversité humaine et institutionnelle est, elle aussi productive et constructive !
Venons en maintenant à quelques remarques sur les contenus.
D'abord que peut on en retenir concernant les recherches et les résultats scientifiques ?
J'ai été frappé par la convergence de vue de tous les participants à cette conférence et en particulier de tous les scientifiques. L'érosion de la biodiversité est une réalité. Cette érosion est provoquée par les conséquences des activités humaines et Edward Wilson nous en a rappelé les principales causes : disparition massive des habitats, pollution, surexploitation des milieux et des ressources, espèces invasives.
Nous avons compris les menaces qui pèsent sur les milieux tout à la fois riches, fragiles et mal connus comme les forêts tropicales, les océans ou les récifs coralliens. Mais vous avez aussi rappelé que les écosystèmes les plus courants, ceux au milieu desquels nous vivons, sont aussi sensibles. Leur équilibre semble être la condition de notre bien être.
De nombreuses études ont montré que la richesse en espèces détermine la capacité des écosystèmes à fournir des services aux sociétés. Andrew Dobson a montré que la biodiversité joue un rôle important de prévention des maladies, en particulier des maladies, comme le paludisme, transmises par des vecteurs. C'est pourquoi la compréhension et la modélisation mathématiques des interactions entre espèces sont fondamentales pour prédire et prévenir les risques d'épidémie. On pourrait prendre d'autres exemples comme la pollution des sols, la pureté de l'eau ou l'agriculture durable.
Ces nombreux exemples d'interactions entre les espèces et les milieux illustrent le nécessaire développement des sciences de l'écologie. Il faut suivre l'évolution des écosystèmes et des populations et améliorer la connaissance des processus écologiques et évolutifs qui déterminent les variations de la biodiversité. Ce développement doit mobiliser les autres disciplines, qu'il s'agisse de la physique, de la chimie, des mathématiques, et des autres sciences de la vie ou les sciences sociales.
La description des espèces reste toutefois plus que jamais nécessaire. D'ailleurs la systématique et la taxonomie sont en train de se moderniser à grande vitesse. Michael Donoghue a fait rêver son assemblée avec des perspectives futuristes qui sont peut être plus proches qu'on ne le croit : l'accès direct et libre sur internet aux 2.6 milliards de spécimens qui se trouvent dans les collections du monde entier ou encore la mise au point de kits de diagnostic qui, par un simple prélèvement sur le terrain, donneraient directement au naturaliste la position, dans la classification du vivant, des espèces qu'il rencontrerait dans ses explorations.
Mais les études scientifiques ne suffisent pas. La contribution de la recherche à la définition des politiques publiques et privées exige une approche adaptée qui est celle de l'expertise scientifique. C'est le deuxième enseignement que je souhaiterais dégager.
La conception de l'expertise scientifique est une question majeure des sociétés modernes en raison de la complexité croissante des connaissances ; en raison aussi des enjeux que la Science fait peser sur le développement de nos civilisations.
Et, pour répondre à ces enjeux, alors qu'une gouvernance mondiale apparaît nécessaire, particulièrement dans le domaine de l'environnement, elle ne peut se concevoir sans une expertise scientifique structurée.
C'est pourquoi, le Président de la République, lundi, a indiqué que nous avions besoin d'une expertise intergouvernementale de la biodiversité.
L'appel des scientifiques que le Président du comité scientifique, Michel Loreau, vient de lire, demande qu'un tel mécanisme soit rapidement mis en place pour synthétiser les connaissances, fournir une information scientifiquement validée et appuyer les négociations internationales et les politiques publiques.
J'ai bien noté que la conférence recommande un groupe de travail pour étudier cette recommandation. Monsieur Eliott Morley au nom du gouvernement britannique vient de marquer son soutien à cette démarche et a donné son accord pour l'inscrire dans le calendrier du G8. Au nom du Gouvernement français, je tiens à apporter le plein accord de la France à la méthode de travail proposée.
La France participera à l'étude du dossier et aux concertations internationales qu'il exige. Elle y contribuera par des experts et des moyens et souhaite aussi que toutes les parties prenantes y participent.
L'instruction de ce dossier devra être rapide afin qu'un rapport soit finalisé pour la prochaine conférence des parties de la Convention de la Diversité Biologique qui se tiendra en 2006 au Brésil.
Mais même si nous avons encore beaucoup de choses à découvrir, nous en savons assez pour agir dès maintenant. Ce que vous dites, c'est que l'érosion de la biodiversité va vite, très vite. Qu'il faut agir et que la protection de la biodiversité nous concerne tous.
Sur quels principes fonder l'action ? Comment mieux révéler à tous la valeur de ce patrimoine dont nous sommes les dépositaires ? De ce point de vue, j'ai été très intéressé par les communications qui rapprochent et analysent les avantages économiques et sociaux de la gestion des ressources.
La recherche doit en effet nous aider à intégrer la préservation et la valorisation dans la rationalité des acteurs économiques. Elle doit révéler la valeur des biens et des services que fournissent, directement comme indirectement, les écosystèmes et les ressources vivantes. Vous avez évoqué la question des instruments de marché et la possibilité de trouver des indicateurs et des modalités de conversion.
J'ai noté qu'il existait des initiatives locales, notamment relatives à la gestion forestière. J'ai ainsi apprécié que les acteurs économiques comme les propriétaires forestiers prennent en compte la richesse en espèces vivantes dans leur décision d'investissement. De même la mesure de l'impact des activités industrielles, des infrastructures de production ou de transport sur le milieu naturel est indispensable. Je tiens à saluer les initiatives que les entreprises du bâtiment ou de l'énergie ont déjà lancées.
La valorisation des ressources doit de même faire appel aux démarches volontaires et contractuelles des acteurs économiques. De ce point de vue, l'initiative lancée par un groupe d'entreprises, dont Eric Cornut vient de donner la philosophie, doit être saluée, soutenue, élargie. Aucune disposition contraignante ne pourra être plus efficace que l'engagement volontaire des acteurs en faveur de contrats équitables.
Ceci me conduit à la quatrième idée force que j'ai retenu de cette semaine : la question de la solidarité internationale et du développement économique.
Cette préoccupation qui oriente la politique du Gouvernement français a constitué un fil rouge de vos débats tout au long de la semaine. Qu'il s'agisse de science ou de gouvernance, les politiques en faveur de la biodiversité doivent réduire les écarts entre le Nord et le Sud. Il faut renforcer les capacités scientifiques des pays où la richesse biologique est la plus menacée.
Plusieurs intervenants ont rappelé que la destruction des ressources naturelles était aussi une conséquence de la pauvreté. Madame Maathaï nous a montré avec conviction que de nouvelles formes de développement étaient concevables. Plusieurs exposés ont fait référence à des perspectives de valorisation équitable. Les ressources vivantes sont un capital inestimable dont l'exploitation peut contribuer à la réduction de la pauvreté. Cette idée force devra devenir le leitmotiv de toute politique publique et privée.
Au moment où se termine cette conférence, je voudrais Mesdames et Messieurs remercier tous ceux qui en ont fait une réussite.
Remercions l'UNESCO et le Muséum National d'Histoire Naturelle, tous les intervenants pour la qualité de leur contribution et les participants pour leur assiduité et la richesse des échanges.
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Je voudrais aussi remercier les entreprises qui ont soutenu la conférence. Merci aux organisateurs. Je sais que ce fut une lourde tâche.. Merci aussi aux interprètes.
Merci à tous ceux que je viens d'oublier et qui se sont dépensés sans limite pour cette conférence. Le discours du Président de la République et les conclusions de la conférence sont une véritable feuille de route. La conférence de Paris est un nouveau départ en faveur de la
biodiversité.
Nous sommes mobilisés. Nous pouvons sereinement nous mettre en route !
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 31 janvier 2005)