Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur les enjeux du développement de la radio numérique, Paris le 27 janvier 2005.

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Circonstance : Colloque sur les enjeux de la radio numérique à Paris au Sénat le 27 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord remercier les organisateurs de ce colloque sur les enjeux de la radio numérique, en particulier M. Joël Pons, président du comité des radios numériques françaises.
Permettez-moi de saluer les efforts de ce " comité DRF " (Digital Radios Françaises), qui rassemble depuis deux ans les opérateurs privés et indépendants de radio numérique.
Durant ces deux années, leurs efforts ont été d'autant plus impressionnants que les récepteurs étaient encore peu répandus et l'offre de services trop limitée.
Surtout, le cadre juridique qui leur était proposé était précaire : Rappelons-nous qu'avant la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, il n'existait pas de cadre juridique permettant de déployer de manière pérenne les services de radio numérique en France. Seules des expérimentations avaient été autorisées par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, sur la base de la loi du 10 avril 1996 relative aux expérimentations dans le domaine des technologies et services de l'information. De nouveaux services, comme Cofiroute, Sorbonne Radio France ou Superloustic, ont été testés par ce biais. Mais les autorisations correspondantes ont toutes, maintenant, expiré.
Afin d'adapter le cadre juridique de la radio aux spécificités du numérique, un certain nombre de dispositions législatives ont été apportées par la loi du 9 juillet 2004. Ces dispositions ont été élaborées après une étroite concertation avec l'ensemble des acteurs de la radio, autour de la Direction du Développement des Médias, du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, et de mon Ministère.
Elles présentent à mon sens trois qualités principales :
Premièrement, elles fournissent à la radio numérique en France un premier cadre juridique clair et pérenne.
Deuxièmement, elles respectent le principe, à mes yeux essentiels, de neutralité technologique. Alors que de multiples standards se disputent la diffusion de la radio numérique, comme le DAB, la numérisation des ondes courtes, moyennes et longues, avec le DRM, la radio directe par satellite, ou encore la numérisation de la FM, la loi du 9 juillet 2004 doit permettre de laisser sa chance à chacune de ces technologies. In fine, ce sont les choix des entreprises et des consommateurs qui s'imposeront naturellement. Chacun pourra évaluer les avantages et les inconvénients de chaque technologie de diffusion. Nous donnerons ainsi à la radio numérique toutes ses chances de succès.
Troisièmement, ce nouveau cadre juridique se caractérise par sa souplesse, en confiant au CSA la mission de définir les modalités d'attribution des ressources en fréquences à la radio numérique, au plus près des besoins des acteurs, en respectant les grands principes du droit de l'audiovisuel en France : pluralisme de l'information, diversité des opérateurs et des contenus. Je souhaite aussi que ne soit pas perdu de vue l'intérêt des consommateurs, qui exigent non seulement la diversité mais aussi la qualité de service, et celui de l'industrie française, qui dispose d'un véritable savoir faire pour la production, l'édition, la diffusion et la réception.
Car la balle est bien, aujourd'hui, dans le camp des entreprises de radio et du régulateur.
Nous attendons tous avec une certaine impatience le lancement de la consultation publique préalable à l'attribution des fréquences, qui sera une occasion privilégiée de débattre du futur paysage radiophonique numérique.
Je souhaite en effet que cette année 2005 soit non seulement celle du lancement de la télévision numérique terrestre, mais aussi celle de la mise en place de la radio numérique.
La diffusion numérique de la radio existe déjà dans plus d'une trentaine de pays, comme l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal, la Belgique, la Suisse, la Scandinavie, le Canada, le Japon, la Corée ou l'Australie. Les Pays-Bas ont démarré leurs premiers services réguliers de radio numérique, 70% de la population nationale étant couverts fin 2004. L'Italie et la Suède progressent aussi rapidement.
La Grande-Bretagne à elle seule annonce près de 1 million de récepteurs vendus. Aujourd'hui, 3,8% des foyers britanniques possèdent au moins une radio numérique. En 2008, cette proportion pourrait passer à 28,7 %, soit près de 13 millions de récepteurs vendus ! Présentée par le Digital Radio Development Bureau, cette prédiction élèverait à 500 millions de livres sterling la valeur du marché de la radio numérique outre-Manche, contre 90 millions de livres sterling en 2004. Il est prévu qu'avec ce passage à la radio numérique, 100 millions d'appareils deviennent obsolètes. Les revendeurs affirment déjà qu'ils vendent entre deux et trois postes numériques pour un poste analogique.
Dans ce contexte, le retard de la France est certes dû, en partie, à la richesse du paysage radiophonique national déjà installé, mais aussi, je le crois, à certaines inerties face aux mutations technologiques, qui ne sont d'ailleurs pas propres à la radio.
La radio numérique, c'est tout d'abord une amélioration considérable du son. C'est aussi l'interactivité, avec la radio à la demande, grâce aux récepteurs équipés de disques durs, ou encore la possibilité d'associer aux émissions sonores du texte ou des images.
Mais la radio numérique, c'est aussi un formidable multiplicateur de diversité culturelle. La développement de la radio numérique pourrait apporter au paysage radiophonique une révolution du même ordre que la libéralisation de la bande FM au début des années 1980, qui a donné à la France un paysage diversifié trouvant peu d'équivalents en Europe et dans le monde.
Vous savez combien je me suis battu, aux côtés des industries françaises de l'audiovisuel et du cinéma, pour favoriser les technologies qui utilisent le spectre de la télévision numérique terrestre de la manière la plus efficace. Je veux bien sûr parler de MPEG4.
De la même manière, je m'engage aujourd'hui pleinement, à vos côtés, en faveur du développement de la radio numérique, qui permet, comme la TNT, non seulement une amélioration de la qualité, mais aussi la possibilité d'introduire le multiplexage, donc de diffuser plusieurs programmes sur une même fréquence.
L'arrivée de nouvelles technologies de diffusion numérique pour la radio représente, j'en suis convaincu, un enjeu de premier plan pour ce média populaire et gratuit, dont le rôle est essentiel en matière de pluralisme et de diversité culturelle.
Le développement de la radio sous forme analogique se heurte en effet à la saturation de la bande FM (modulation de fréquence) ainsi qu'aux déclins des bandes AM (modulation d'amplitude) et notamment celles des grandes ondes et celles des ondes moyennes.
La radio numérique constitue donc, aujourd'hui, la seule solution qui permette d'accroître la diversité des programmes.
Et si la numérisation radiophonique est un fait acquis en ce qui concerne la production, ce n'est pas encore le cas pour la diffusion, qui reste analogique.
N'oublions pas non plus que les technologies de numérisation représentent des enjeux essentiels non seulement pour l'usage du spectre radioélectrique, mais aussi pour la fourniture de services multimédias complémentaires et le développement de notre industrie de l'équipement de diffusion et de réception numérique, sur un marché de dimension désormais mondiale.
La France est un marché-clé pour les technologies numériques de radiodiffusion. Et le numérique est la voie de progrès indispensable pour la radio.
Il ne faut pas ignorer enfin la délicate question de la protection des contenus numériques. J'observe qu'aux Etats-Unis, la RIAA, l'Association Américaine de l'Industrie du Disque, vient de demander au régulateur d'imposer aux radios numériques de protéger le contenu audio qu'elles diffusent sur leurs ondes avec un cryptage. Une étude de l'institut Public Opinion Strategies démontre en effet qu'il existe un important risque d'augmentation du piratage sur ce nouveau support. Là encore, des solutions devront être trouvées afin de mieux concilier le progrès technologique avec la protection du droit d'auteur et de la création.
Permettez-moi de le rappeler, il aura fallu des décennies et de nombreux physiciens tels que Faraday, Marconi, Maxwell, Ducretet et bien d'autres encore, pour arriver à la radio analogique.
Dans les années 50, on se réunissait en famille pour regarder la radio. Certains ont même dit qu'on se réunissait maintenant pour écouter la télévision. Les découvertes se sont succédées, petit à petit, et c'est leur somme qui a abouti à la radiodiffusion que nous connaissons aujourd'hui.
Le numérique constitue non pas une étape supplémentaire dans cette évolution mais une véritable rupture, radio comme télévision étant désormais diffusées à la fois sur Internet, par le câble, sur le numérique terrestre, ou par le satellite.
Cette remise en cause des modèles économiques traditionnels de l'audiovisuel sera progressive. La radio analogique ne se retirera qu'avec les progrès de la radio numérique et la diminution de ses coûts. J'observe notamment que seule l'Allemagne a fixé une date pour l'extinction du signal radio analogique, et qu'il s'agit de 2015.
2005 donnera donc, j'en formule le vu, le coup d'envoi de la radio numérique, sans pour autant sonner la fin de la radio analogique.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 28 janvier 2005)