Déclaration de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, sur le projet de loi sur les rapatriés, à l'Assemblée nationale le 10 février 2005.

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Circonstance : 2ème lecture du projet de loi sur les rapatriés, à l'Assemblée nationale le 10 février 2005

Texte intégral

Madame le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chacun d'entre vous connaît l'économie générale du projet de loi en faveur des Rapatriés, que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement.
Nous en avons déjà débattu, de façon très approfondie, dans votre assemblée, en première lecture, le 11 juin dernier. Dans un instant, les dispositions issues de vos travaux et de ceux du Sénat vous seront détaillées par votre Rapporteur.
Permettez-moi de saluer publiquement, avec force et gratitude, le travail accompli par votre collègue Christian KERT. Monsieur le Rapporteur, une fois ce texte en vigueur, les Rapatriés pourront mesurer ce qu'ils doivent à votre travail. Vous nous avez aidé à trouver le juste équilibre entre leurs attentes, les réalités budgétaires et ce qui relève de la loi.
Madame le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, à ce stade de nos travaux, je ne reviendrai pas sur la politique d'ensemble que nous conduisons depuis près de 3 ans, ni sur les nombreuses mesures de ce projet de loi.
Je souhaite simplement souligner trois aspects qui me paraissent essentiels :
- la portée emblématique de ce texte ;
- l'ampleur de l'effort financier décidé par la Nation ;
- et l'importance du travail accompli par les parlementaires.
Mesdames et Messieurs les députés, pour les Rapatriés, de toutes origines, cette loi est un moment très fort, un moment historique. Cette loi fera date.
En effet, pour la première fois, plus de 40 ans après la fin de la guerre d'Algérie, la Nation reconnaît l'oeuvre accomplie par nos compatriotes outre-mer.
Après quarante années de débats, de polémiques, parfois d'insultes ou de calomnies, la loi, expression de la volonté générale, manifeste la reconnaissance de la France pour ce qu'ils ont bâti sur tous les continents, notamment en Indochine et en Afrique du Nord. Une oeuvre aussi bien matérielle que culturelle.
Les mots, si émouvants, que vous avez prononcés dans cet hémicycle pour qualifier cette oeuvre resteront longtemps dans leurs coeurs.
Pour la première fois, la tragédie de la guerre d'Algérie et le drame du rapatriement sont officiellement reconnus.
Pour la première fois, hommage est rendu aux victimes civiles. A votre initiative, il en ira ainsi chaque année.
Pour la première fois, est reconnu la tragédie des disparus et de leur famille confrontées à une incertitude insupportable.
Pour la première fois, la loi protège les Harkis contre les insultes, contre ceux qui veulent nier leur tragédie. Une tragédie reconnue par la loi " ROMANI " de 1994.
J'ajoute que ces dispositions ne sont pas uniquement symboliques. Elles auront des suites concrètes et durables.
Ainsi, à Marseille, dès 2006, le Mémorial d'Outre-mer présentera, en permanence, la réalité de la présence et de l'action des Français hors de métropole. L'Etat participe au financement de sa construction et participera au financement de son fonctionnement.
Ces dispositions ne seront pas sans lendemains, puisque la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie est en cours de constitution.
A la demande du Premier ministre, le préfet honoraire BENMEBAREK conduit une mission de préfiguration. Il remettra son rapport dans quelques mois. Cette fondation sera le lieu privilégié du débat et de la recherche historique. D'avance, je redis qu'il appartient aux historiens d'écrire l'histoire, sans passion, ni arrière-pensées partisanes.
Mesdames et Messieurs les Députés, la deuxième caractéristique de ce projet de loi est l'ampleur des moyens financiers que le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN, a accepté d'y consacrer.
Plus d'un milliard d'euros sont prévus pour financer les mesures en faveur des Harkis, de leurs orphelins, et des Rapatriés d'origine européenne. Même au-delà de cet hémicycle, on connaît les contraintes qui pèsent sur les finances publiques de notre pays.
Pour les Harkis, près de 700 millions d'euros rendront possible l'augmentation de l'allocation de reconnaissance, la création d'une possible sortie en capital et celle du cumul rente-capital, ajoutée à l'initiative de votre Assemblée.
Comme vous le savez, au Sénat, a été adopté un amendement qui fait bénéficier les orphelins de Harkis de cette mesure. Vous conviendrez tous de l'importance de cette décision du Premier ministre.
Ces dispositions attestent de la volonté du Gouvernement de répondre fortement aux attentes des Harkis et de ne pas oublier leurs immenses souffrances, de ne pas oublier la deuxième génération.
A ces crédits, s'ajouteront des actions en faveur du logement et de l'emploi, dont j'ai longuement parlé en première lecture.
Pour les Rapatriés d'origine européenne, pour les " pieds noirs ", plus de 311 millions d'euros sont inscrits. Nous pouvons ainsi satisfaire la plus forte des revendications des associations avec le règlement de la question dite de " l'article 46 ". Là encore, c'est un effort substantiel qui situe ce texte dans la lignée des grandes lois d'indemnisation proposées par Jacques CHIRAC, André SANTINI et Roger ROMANI.
Enfin, Mesdames et Messieurs les Députés, le troisième point que je souhaite évoquer concerne le Parlement.
Le Gouvernement a voulu, j'ai voulu, que vous soyez associés au maximum à l'élaboration de ce texte. Force est de constater que vous avez considérablement amendé et enrichi cette loi. Chacun en conviendra : vous l'avez améliorée. Qu'on en juge : sur la proposition de votre rapporteur et du Groupe UMP, avec le soutien du groupe UDF, vous avez renforcé les dispositions sur la mémoire.
Vous avez aussi élargi les mesures financières en faveur des Harkis en introduisant la possibilité du cumul rente et capital.
Sur la proposition du Groupe UDF, avec le soutien du Groupe UMP, vous avez inscrit dans la loi la création de la future Fondation. Son rôle sera essentiel.
Sur proposition du rapporteur du Sénat, les groupes de la majorité et de l'opposition, unanimes, ont adopté la mesure en faveur des orphelins.
De même, le Sénat a précisé la rédaction de plusieurs dispositions juridiques dont le principe est le résultat des votes de la majorité de l'Assemblée nationale.
Si j'ai pu donner un avis favorable à un grand nombre de vos propositions, c'est parce que vous défendiez des causes justes et que le Premier ministre a bien voulu être en permanence à notre écoute.
Mesdames et Messieurs les Députés, on peut dire, sans crainte d'être démenti, que le Gouvernement et sa majorité tiennent les engagements pris vis-à-vis des Rapatriés, et même au-delà.
Aujourd'hui, notre volonté de prendre en compte les attentes des Harkis, et des Rapatriés en général, passe par cette loi. Naturellement, le travail en commun et le dialogue se poursuivront après son adoption. Depuis près de 3 ans, je crois que nous avons toujours fait preuve d'esprit d'ouverture. Cela continuera.
Mesdames et Messieurs les Députés, pour l'heure, compte tenu de l'importance du contenu de ce texte, compte tenu de l'urgence de certaines mesures, et compte-tenu de l'importance des apports de la discussion parlementaire, je crois que l'essentiel est désormais que ces différentes mesures puissent entrer rapidement en application. Il me semble que ce point de vue, de bon sens, est largement partagé.
Madame le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, plus de 40 ans après la fin de la guerre d'Algérie, me reviennent la responsabilité et l'honneur de défendre, au nom du Gouvernement de la République, ce projet de loi.
Je ne vous cacherai pas la réelle émotion que je ressens. Depuis le début de nos travaux, à chaque instant, je pense à toutes celles et à tous ceux dont la vie fut brisée.
Je pense à ces heures terribles et sanglantes du départ de notre terre natale.
Je pense à ces années de douleur, de solitude, d'épreuves et de travail acharné qui ont suivi notre arrivée en métropole.
Je pense aussi à ceux qui sont restés indéfectiblement fidèles à la France. Une France qu'eux-mêmes ou leur père avaient servi sans faillir pendant la Grande Guerre, pour la libération de notre continent jusqu'en 1945, en Indochine, en Afrique du Nord. Une France, aujourd'hui encore fidèle à ses idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité.
Je pense enfin aux jeunes générations qui peuvent regarder leurs parents avec fierté et l'avenir avec confiance.
C'est cet esprit de fidélité, de justice et d'ouverture sur l'avenir qui sous-tend ce projet de loi.
Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 février 2005)