Conférence de presse de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur l'entrée de la Bulgarie dans l'Union européenne, le sort des infirmières bulgares condamnées à mort en Libye et le projet de télévision française d'information internationale, Sofia le 6 décembre 2004.

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Circonstance : Réunion du Conseil ministériel de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) le 6 décembre 2004 à Sofia (Bulgarie)

Texte intégral

Mesdames, Messieurs
Je vais regagner Paris après une visite brève mais intense en Bulgarie. J'ai assisté à la conférence qui a été le point d'orgue de la présidence bulgare de l'OSCE. Je tiens à remercier publiquement le ministre des Affaires étrangères, Solomon Passy, et les autorités bulgares pour leur accueil et la qualité de leur travail pour l'organisation de cette grande conférence.
Avec le Premier ministre, le président de la République, le ministre des Affaires étrangères que j'ai rencontrés successivement, nous avons évoqué également d'autres enjeux qui intéressent très directement la Bulgarie, et notamment des enjeux européens ; en particulier l'entrée de la Bulgarie dans l'Union européenne, avec cette étape importante qu'est le Conseil européen du 17 décembre que vous préparez. Je souhaite que le Conseil européen puisse fixer, pour la Bulgarie et pour la Roumanie, une date pour le traité d'adhésion, le plus tôt possible en 2005. Il convient de finaliser maintenant les négociations d'adhésion et de confirmer, ce que nous souhaitons, l'entrée effective de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne en 2007. J'ai suivi de près la préparation de la Bulgarie depuis quelques années, bien sûr depuis huit mois comme ministre des Affaires étrangères, mais auparavant comme commissaire européen chargé des fonds structurels.
Cette politique régionale est l'une des plus humaines, des plus concrètes de l'Union européenne puisqu'elle doit permettre aux régions bulgares de s'équiper, pour les transports par exemple ou la protection de l'environnement, elle permet aux entreprises de bénéficier de conditions plus favorables, et de formation.
La solidarité européenne doit jouer son rôle, comme elle l'a fait depuis 15 ou 20 ans à l'égard de l'Espagne, du Portugal ou de la Grèce. Mais l'argent qui vient de Bruxelles ne doit pas revenir à Bruxelles. Il faut que la Bulgarie s'organise au niveau du gouvernement et des autorités régionales pour être en mesure de préparer les projets et de les réaliser, dans des conditions de rigueur et de transparence, en matière d'appels d'offre, afin que cela soit bénéfique pour la population bulgare.
J'ai aussi eu l'occasion de rencontrer des investisseurs français et bulgares qui travaillent à notre coopération économique. J'ai dit au président de la République, au Premier ministre et au ministre mon souhait d'intensifier ces relations qui peuvent être améliorées, avec un engagement des entreprises françaises plus important.
Ce partenariat économique avec la Bulgarie doit se développer sur des projets importants, par exemple de coopération militaire, comme c'est le cas avec l'acquisition par la Bulgarie d'hélicoptères européens - nous sommes très heureux de ce choix, de ce réflexe européen de la Bulgarie - dans le domaine de la sécurité et de la production d'énergie électro-nucléaire, dans le domaine de l'aménagement du territoire également. Par exemple, ce soir arrive une délégation d'experts dans le domaine de l'aménagement de la montagne. Cela ne doit pas vous étonner puisque j'ai été président pendant 17 ans d'une région montagnarde, la Savoie. La France peut mener une coopération pour aider la Bulgarie à aménager les sites exceptionnels qui sont les siens pour les sports d'hiver.
Enfin, la Bulgarie comme la France est très attachée à la diversité culturelle. Nous appartenons ensemble à la famille francophone. Il faut développer les échanges avec les jeunes. Cette diversité culturelle se traduit également par l'ouverture du Centre culturel bulgare à Paris.
Q - Le sort des infirmières bulgares condamnées à mort en Libye est un grand sujet de préoccupation en Bulgarie. Dans une déclaration récente, le ministre des Affaires étrangères libyen a estimé que les victimes devaient être indemnisées. La Bulgarie refuse de payer des indemnités parce que ce serait reconnaître une culpabilité qui n'existe pas, se référant à l'expertise du professeur Montagnier. Quel est votre réaction ?
R - Nous sommes actuellement préoccupés de cette situation qui comporte une dimension humaine très grave, notamment pour les enfants et aussi pour les infirmières bulgares qui se trouvent condamnées. Nous souhaitons trouver une issue par le dialogue, notamment un dialogue avec l'Union européenne, en pensant à la fois aux enfants et aux familles, à la coopération médicale avec la Libye et aux infirmières bulgares.
Ne me demandez pas quel sera le résultat de ce dialogue, mais c'est ce que nous avons dit à Tripoli, le président de la République et moi-même.
Q - De quelle façon exactement le président Chirac a-t-il évoqué l'affaire des infirmières bulgare dans sa rencontre avec Kaddafi ?
R - Nous avons, en tant que Français, en tant que membres de l'Union européenne, évoqué cette question, afin qu'une solution soit trouvée par le dialogue.
Q - La Roumanie a encore deux chapitres à fermer. La Bulgarie ne va-t-elle pas être obligée d'attendre la Roumanie ?
R - Notre état d'esprit n'est pas de prévoir la solution ou l'hypothèse la plus négative. Elle est d'encourager la Roumanie à rattraper le retard qu'elle peut connaître et à faire l'effort qui doit être fait pour être prête à temps, en même temps que la Bulgarie. Il y aura le traité d'adhésion que nous souhaitons signer le plus tôt possible en 2005. Et puis, il y a le parcours qui continue pour la Bulgarie comme pour la Roumanie. Bien sûr, il y a encore des chapitres à fermer pour la Roumanie. Cela ne veut pas dire que la Bulgarie n'ait plus d'efforts à faire ou de vigilance à avoir. Notre souci n'est pas d'encourager une sorte d'opposition ou d'antagonisme entre les deux démarches qui ont été conduites parallèlement dans les deux pays. Nous souhaitons qu'elles aillent jusqu'au bout dans l'intérêt des deux pays et dans l'intérêt de l'Union européenne. La Bulgarie doit être vigilante sur certains sujets qui sont très sensibles pour la population et pour les Etats européens. Elle a fait beaucoup d'efforts. Elle doit en faire encore pour atteindre les standards européens, par exemple sur des sujets liés à la sécurité, à la justice, à la lutte contre la corruption et à la criminalité organisée ainsi qu'à la sécurité alimentaire et sur un sujet très sensible pour nous, qui avons été touchés sur nos côtes, la sécurité maritime. La Roumanie doit faire des efforts sur d'autres sujets, plus nombreux et plus importants, mais la Bulgarie doit en faire aussi.
Q - Je voudrais revenir sur la Libye et la déclaration de M. Chalgam qui propose la liberté des infirmières contre une aide de l'Union européenne.
R - J'ai lu la déclaration de mon collègue et ami M. Chalgam, que j'ai rencontré à Tripoli. Cette déclaration est faite dans un état d'esprit constructif. Cet état d'esprit est symbolique du climat de dialogue politique que nous favorisons entre la Libye et l'Union européenne. Ce n'est pas la France seule qui doit être favorable, c'est l'Union européenne qui doit étudier cette proposition. Nous aidons la Bulgarie, comme nous aiderions dans des circonstances comparables tout autre pays de l'Union européenne dans le cadre de l'Union.
Q - Pensez-vous que la Bulgarie obtiendra une date précise pour la signature du traité d'adhésion au Conseil européen de décembre ?
R - Nous le souhaitons, nous ne sommes pas tout seuls.
Q - ( Sur l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie)
R - Nous souhaitons que les deux pays entrent en 2007. Il faut qu'ils se préparent. Encore une fois, ne regardez pas toujours ce que fait l'autre. Regardez ce que vous devez faire vous-même. Ce n'est pas une course par rapport à la Roumanie. C'est un processus vers l'Union européenne. Nous souhaitons vraiment qu'il aboutisse parce que nous avons besoin de la Roumanie et de la Bulgarie, en particulier pour un sujet important, qui est le rôle de stabilisateur que vous pouvez jouer, tous les deux, dans cette région des Balkans.
Q - Vous avez remarqué qu'il y a beaucoup de journalistes francophones. Il y a un projet de télévision française d'information internationale. Ce projet va-t-il se développer ?
R - Il y a déjà plusieurs chaînes qui portent une parole francophone. Je ne parle pas du gouvernement français, je parle d'une parole francophone. La chaîne d'information Euronews diffuse en partie des programmes en français. Il y a aussi une chaîne qui fait un travail formidable en matière de francophonie, TV5, chaîne de la diversité culturelle. Le président de TV 5, qui vient de mourir, M. Serge Adda, a réalisé un travail remarquable. Et puis, il y a ce projet que le président de la République a annoncé, la chaîne d'information continue en français. Pour ce projet, nous étudions ce que nous devons faire sur le plan budgétaire et sur le plan de son contenu. Cette nouvelle chaîne d'information travaillera en bonne intelligence avec les autres chaînes et avec des médias comme RFI et l'AFP. Le gouvernement travaille et une décision devrait être prise afin qu'elle puisse fonctionner dès 2005. Alors, vous aurez en Bulgarie une nouvelle raison d'être francophones.
Q - Quelle sera la participation de la France dans la mission de l'OTAN de formation des forces militaires en Irak ?
R - Je vous répète ce qu'a dit le président de la République et ce que j'ai déjà dit. Il n'y a pas, et il n'y aura pas, de militaires français en Irak.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 décembre 2004)