Déclaration de M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie, sur la place des profession paramédicale dans la mise en oeuvre de la réforme du système de santé, Charenton le 9 décembre 2004.

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Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) à Charenton le 9 décembre 2004

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous remercier de m'avoir invité à votre Congrès, qui se tient à un moment décisif pour la réforme de l'Assurance maladie.
Je tenais à être présent afin de vous signifier clairement l'importance que j'accorde à tous les professionnels de santé, et notamment aux infirmières et aux infirmiers.
Les Français connaissent vos compétences, votre rôle dans les soins aux personnes les plus fragiles, des soins qui ne peuvent être réalisés par d'autres personnes que vous.
Contrairement à ce que j'entends dire parfois, la réforme ne se fera pas uniquement avec les médecins. Nous souhaitons poursuivre notre échange constructif avec tous les acteurs du système de santé.
Cette réforme, je souhaite le rappeler, vise à préserver notre système de santé, un système où l'on cotise selon ses moyens et où l'on est soigné selon ses besoins.
Nous n'avons pas fait appel aux recettes du passé : déremboursements massifs ; augmentation des prélèvements obligatoires. Nous avons clairement fait le choix de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, en d'autres termes le choix de la qualité et de l'amélioration de l'offre de soins. Nous souhaitons avec vous et avec les autres professions de santé décloisonner les pratiques et promouvoir une coordination plus efficace de notre système de santé.
Je sais qu'un certain nombre de sujets qui concernent votre profession sont en instance, en attente, je dirais même en souffrance depuis bien longtemps. J'y reviendrai. Vous le savez certainement, j'ai l'habitude de parler clairement, avec franchise à mes interlocuteurs. C'est une garantie de transparence et c'est ainsi que nous pouvons faire avancer les dossiers.
1° La réforme accorde toute leur place aux professions para-médicales, notamment aux infirmières
Elle vise à responsabiliser l'ensemble des acteurs du système de santé autour de la maîtrise médicalisée : l'Etat, les organismes gestionnaires, mais aussi les patients et les professionnels de santé.
A/ Etre responsable, pour vous, c'est inscrire votre action dans le cadre d'un partenariat avec les autres professions de santé et avec l'Assurance maladie
Si vous n'avez pas souhaité signer la convention infirmière de 2002, je connais votre désir de revenir dans le système conventionnel. C'est en étant partie prenante des accords que la responsabilité des acteurs, la responsabilité de tous les acteurs, pourra véritablement s'exercer.
Nous souhaitons que les organismes gestionnaires et les professionnels de santé aient une attitude de responsabilité. Face au défi de la maîtrise médicalisée, chacun doit s'engager. Il nous faut sortir d'une culture de la défiance et recréer les conditions de la confiance.
Ce souci de coopération est souligné dans la loi par la création de l'UNPS (Union nationale des Professions de santé), qui sera un lieu de dialogue privilégié entre les professions de santé. Par ailleurs, la possibilité reconnue par la loi du 13 août de conclure des accords-cadre entre les professions de santé et l'UNCAM se situe dans le même objectif d'améliorer la coordination et la qualité des soins et de promouvoir les actions de santé publique.
Je sais que les infirmières vivent au quotidien cette organisation coordonnée des soins, qu'elles travaillent en étroite relation avec les médecins ou les kinésithérapeutes, avec lesquels elles échangent déjà des informations sur les patients. Pour vous l'interprofessionnalité n'est pas un mot abstrait, c'est déjà une réalité vécue.
Représentée au sein du conseil de l'UNPS, votre fédération pourra faire entendre ses propositions et ses demandes, dans une structure reconnue comme partenaire de l'Assurance maladie. Le décret précisant la composition de l'UNPS est en cours d'examen par le Conseil de la CNAM : je veillerai à ce qu'il préserve les équilibres entre les différents acteurs. L'enjeu consiste à mieux organiser notre système de soins. C'est également ce qui motive la mise en place du Dossier médical personnel (DMP).
B/ Le DMP est un outil qui améliore le suivi des patients
Notre ambition est d'en faire, à terme, l'outil de la coordination des soins entre les professions de santé. Dans un premier temps, nous avons fixé deux objectifs : lutter contre la iatrogénie médicamenteuse et éviter les examens redondant. Le DMP est un escalier qu'il faudra monter, avec les professionnels, marche après marche. Pour être mis en place dans les meilleurs délais, il devra être sûr et simple. Il devra par ailleurs présenter toutes les garanties en matière d'éthique, de sécurité et de confidentialité afin de ne pas être utilisé dans un autre but que le soin. Je suis très attaché au respect de ce principe.
La montée en charge se fera dans la durée, son contenu évoluera. Mettons ce temps à profit afin de réfléchir à la manière dont chacun des acteurs pourra y avoir accès, dans le respect de ses compétences respectives. Contrairement à ce que vous indiquiez dans une récente interview, Madame la Présidente, je n'ai jamais dit que le DMP serait interdit aux infirmières et aux pharmaciens.
Il va de soi que le DMP a vocation à terme à devenir l'outil du partage de l'information, d'une information nécessaire pour le patient, mais aussi entre les professions de santé afin de garantir la continuité et la qualité des soins. Je voudrais, sur le sujet de la coordination et des réseaux de soins, revenir sur un point essentiel.
La réforme ne concerne pas uniquement les soins de ville, elle concerne aussi l'hôpital.
Le DMP, l'accréditation des praticiens, les accords de bon usage des soins, la mise en place du médecin traitant, les MRS sont autant de sujets qui intéressent l'hôpital, acteur majeur de notre système de santé. L'ensemble des professionnels de santé ont vocation à agir en faveur de la coordination des soins et de la qualité, et vous êtes pleinement associés à cette évolution.
2° L'organisation de votre profession est une préoccupation qui vous tient à coeur
A/ C'est un sujet sur lequel je compte avancer
Votre fédération s'est beaucoup impliquée depuis 20 ans sur ce sujet.
Je connais votre souhait, votre Présidente vient de l'exprimer à nouveau, de voir la profession infirmière dotée d'une représentation professionnelle libérale. J'ai bien compris que c'est un des sujets " en souffrance " dont je parlais en introduction.
Vous avez été reçus par mon cabinet le 3 mai 2004 dans le cadre du dialogue et de la concertation avant le vote de la loi. Vous avez adressé vos propositions et avis et nous en avons tenus compte.
Votre fédération, dans une lettre transmise le 23 juillet 2004, s'était opposée à un amendement créant les URPS (Unions régionales des Professions de Santé). Nous vous avons écoutés, nous ne les avons pas inscrites dans la loi. Vous avez été un partenaire exigeant dans la préparation. Nous serons un acteur attentif dans son application.
Je sais que l'un des thèmes de votre congrès concerne l'organisation de votre profession. J'attends vos propositions et avis sur ce sujet afin d'avancer.
Il est notamment important de développer - comme vous l'avez souligné, Madame la Présidente - l'évaluation des pratiques professionnelles et la diffusion des bonnes pratiques de soins, en lien avec la Haute autorité de santé. Je connais d'ores et déjà l'engagement réel de nombre d'infirmiers dans des actions d'évaluation des pratiques (EPP) ou de formation professionnelle. Je n'ai pas de doute sur la nécessité de voir ces démarches reconnues et validées. C'est l'un des enjeux de la réforme, c'est votre volonté. Comment et pourquoi ne pas nous retrouver sur cette question ?
B/ Les aides à l'installation et une meilleure répartition des soins infirmiers sur le territoire sont aussi une priorité
Les sujets de démographie et d'installation sont aujourd'hui décisifs : c'est la question de l'accès aux soins qui est ici en jeu. Aujourd'hui, le nombre d'infirmiers libéraux décroît dans certains départements alors qu'il augmente dans des départements déjà bien pourvus. Il importe de proposer une offre de " soins infirmiers " de qualité sur l'ensemble du territoire.
Vous savez que la loi du 13 août prévoit la possibilité, pour les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), de conclure des contrats avec des professionnels de santé libéraux pour les inciter à se regrouper dans des zones où est constaté un déficit en matière d'offre de soins. Dans le même esprit, les Missions régionales de santé (ARH + URCAM) définissent des orientations relatives à l'évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé libéraux et les modalités de rémunération spécifique qui peuvent leur être attribuées. La loi sur les territoires ruraux, en cours d'examen devant le Parlement, permet également aux collectivités territoriales d'aider les professionnels de santé à s'installer.
La question des disparités géographiques trouve là des premières réponses. Elles traduisent la politique volontariste du gouvernement afin de favoriser une meilleure répartition de votre profession sur le territoire. C'est une nécessité pour vous afin d'éviter les situations de surcharge. C'est une nécessité pour les Français, qui doivent bénéficier d'un accès égal à des soins de qualité.
C/ Ouvrir le débat sur le droit à la prescription
Vous demandez par ailleurs le droit de prescription concernant certains produits de santé.
Comme pour d'autres professions para-médicales, cette possibilité pourrait faciliter la prise en charge du patient. C'est un des aspects de la coordination des soins au service de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
Je suis ouvert à ce qu'une réflexion s'ouvre sur ce sujet, avec deux questions essentielles : quels produits sont concernés et dans quelles conditions ceux-ci sont prescrits. Mais nous ne pouvons avancer seuls, vous et nous. Dans la mesure où il concerne la qualité et la coordination des soins, c'est un sujet qui intéresse l'ensemble des professionnels de santé. Je souhaite en discuter très librement et très franchement avec les médecins.
Je ne passerai pas sous silence le sujet dont votre Présidente a largement fait état dans son discours, à savoir l'amendement du Sénat sur les " aidants " inscrit dans le cadre du projet de loi sur le handicap.
3° Il faut aboutir à une solution équilibrée au sujet des soins apportés aux personnes handicapées.
Je souhaiterais vous rappeler l'intention initiale de Marie-Anne Montchamp.
Dans le cadre du projet de loi handicap examiné au Sénat, un amendement (l'amendement 217) soutenu par la Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées permet aux patients souffrant de handicap de désigner une personne chargée de dispenser des actes de soins qu'ils ne peuvent accomplir eux-mêmes, par exemple certains gestes que les personnes pourraient faire elles-mêmes si elles avaient l'usage de leurs bras.
Nous ne voulons pas aller au-delà. L'objectif fixé est celui de favoriser la vie quotidienne et de préserver l'autonomie des personnes handicapées.
Il existe des cas où l'un des membres de la famille accomplit des soins, notamment auprès d'enfants handicapés, voire d'un conjoint ou d'un parent.
Je prends acte du fait que vous ne vous opposez pas à ces situations existantes, qui reposent sur une collaboration étroite entre famille, médecins et infirmières.
Je connais vos inquiétudes à ce sujet. Vous voulez préserver la meilleure qualité des soins possible. Le gouvernement soutient cet objectif. Il est hors de question de réduire la qualité des soins. Personne ne peut s'improviser infirmière. Le soin infirmier, soyons clairs, repose sur des compétences, des diplômes - reconnus d'ailleurs par un arrêté du 10 juin 2004 au niveau de l'Union européenne - et une qualification. Les piqûres d'insuline ne sont ni des gestes simples ni des actes bénins. Je ne peux qu'être d'accord avec vous.
Je crois aussi que la question de la prise en charge des personnes en situation de handicap lourd ne peut être négligée. La démarche proposée constitue un élément important de leur autonomie. Cet objectif engage la société tout entière. Cette démarche doit être conciliée avec le respect et même le renforcement de la santé publique. Cette exigence est de notre responsabilité.
Mettons-nous d'accord sur la méthode. Pour trouver les voies d'une conciliation entre ces objectifs, nous avons souhaité, avec Marie-Anne Montchamp, la mise en place un groupe de travail qui regroupe, sous l'égide de nos deux cabinets, les syndicats infirmiers, les associations de personnes handicapées, les directions du ministère, l'ANAES et l'Ordre des médecins.
Nous sommes décidés à modifier l'article pour prendre en compte vos inquiétudes. Plusieurs pistes de travail sont actuellement à l'étude pour trouver la meilleure solution possible, dans le respect de la qualité des soins, de vos compétences et de votre qualification. Je souhaite que nous avancions afin de déboucher sur un résultat respectant les droits des patients handicapés, mais assurant la qualité et l'égalité devant les soins. D'ores et déjà, une réunion de travail est prévue le 13 décembre prochain au Ministère entre les syndicats d'infirmières et les associations.
Ce dispositif doit rester par définition dérogatoire et exceptionnel. Il sera d'abord un moyen de mieux encadrer les pratiques courantes des proches des personnes handicapées grâce à l'aide des professionnels de santé et notamment des infirmières.
Conclusion
Pour conclure, j'aimerais revenir sur la réforme de l'Assurance maladie et sur votre place. Cette réforme que l'on disait impossible il y a un peu plus de huit mois, nous l'avons menée à bien avec Philippe Douste-Blazy. Elle a été votée par le Parlement le 13 août, il y a plus de quatre mois. Nous sommes aujourd'hui dans la phase décisive, celle de la mise en uvre, celle qui exige votre engagement et votre mobilisation. Vous devez le faire car votre responsabilité est entière au sein de cette réforme. Ma présence aujourd'hui témoigne de ma volonté de reconnaître la place de la profession d'infirmière dans les soins ainsi que les compétences qui lui sont propres. Des compétences que personne d'autre ne peut exercer, des compétences qui sont appelées à être reconnues dans le cadre du LMD.
A terme, le parcours de formation des futurs infirmières conduira à une licence professionnelle reconnue au niveau européen. Les conventions qui seront signées entre les IFI [Instituts de formation des infirmières] et les universités, les équivalences entre la licence et le diplôme d'exercice permettront un basculement souple et aisé. C'est un élément fort de valorisation et de reconnaissance pour votre profession. La possibilité de poursuivre une spécialisation jusqu'au Master et de créer un corps d'infirmières spécialisées - destinées notamment à être responsables dans le secteur des urgences ou dans la prise en charge de protocoles de soins complexes - constitue aussi une perspective pour l'avenir du métier d'infirmière.
Avec la réforme de l'Assurance maladie, nous avons voulu préserver notre système de santé, un système auquel vous êtes attachés et auquel les Français sont attachés. Un système qui permet de cotiser selon ses moyens et d'être soigné selon ses besoins. Aujourd'hui c'est une méthode que je vous propose, une méthode qui s'appuie sur trois idées : la détermination, le dialogue et la pédagogie. Nous allons construire ensemble, avec tous les professionnels de santé, les conditions d'une offre de soins rénovée et mieux coordonnée. Les infirmières, du fait de leurs compétences et de leur place particulière dans les soins, ont beaucoup à dire sur ce sujet. En matière de coordination et d'interprofessionnalité, votre fédération a un rôle de premier ordre à jouer. Nous avons pris nos responsabilités en faisant voter la loi, à vous de vous engager et de saisir l'opportunité qui vous est offerte aujourd'hui.
(Source http://www.fni.fr, le 17 janvier 2005)