Texte intégral
Q- Les conséquences du "oui" socialiste à la Constitution européenne, c'est peut-être un bon signe pour J. Chirac avant le référendum qu'il veut organiser en 2005 sur cette Constitution. Mais au fait, ce jour-là, on demandera aux Français de dire "oui" ou "non" au texte européen ou à J. Chirac ? F. Hollande a prévenu hier : il veut un vrai référendum "déconnecté de tout enjeu de politique intérieure". Invité de "Question Directe", J.-F. Copé bonjour. Vous êtes porte-parole du Gouvernement et aussi nouveau ministre délégué au Budget. Hier, le Gouvernement était réuni en séminaire, est-ce qu'on a parlé de ce référendum, il pourrait être organisé plutôt que prévu, au printemps ?
R- On n'a pas parlé de la date, d'abord, parce que c'est une prérogative qui revient au président de la République de déterminer à la fois le processus du référendum et, bien entendu, la date de sa tenue. Donc je n'ai pas d'information sur la date que retiendra le président de la République. Vous savez qu'il y a toute une procédure : il faut naturellement que l'on révise la Constitution, il y a donc un grand débat parlementaire à la clé et donc rien n'est techniquement possible avant le printemps, de toute façon.
Q- Vous l'avez dit, la campagne pour ce référendum va exiger beaucoup de pédagogie et de conviction. C'est vrai que l'Europe elle inquiète encore, pour certains elle peut aggraver les conséquences de la mondialisation, on craint beaucoup les délocalisations. Prenons un exemple concret : en quoi l'Europe va améliorer la vie d'une ville comme Meaux, par exemple, dont vous avez été le maire pendant sept ans et dont vous êtes toujours le premier adjoint ?
R- Je crois qu'il faut que les choses soient claires. Ce n'est pas la mission première de l'Europe que d'être en première ligne pour la vie quotidienne dans une ville comme celle dont je suis élu, la ville de Meaux. Cela relève des maires, cela relève bien entendu de l'action gouvernementale. Par exemple, la politique pour aider les quartiers, pour démolir des barres ou des tours invivables, pour reconstruire un habitat, voilà la sécurité dans les villes, ce n'est pas non plus du domaine de l'Europe. Par contre, ce qui est du domaine de l'Europe...
Q- Alors comment les convaincre pour le "oui? "
R- Mais attendez, ce n'est pas la mission de l'Europe ; la mission de l'Europe, c'est quoi ? D'abord c'est d'accompagner un certain nombre de programmes. Par exemple, l'Europe participe au financement de ces programmes de rénovation urbaine. Mais sa mission première, ce n'est pas celle-là, bien sûr, sa mission première c'est de faire ensemble que 25, puis 27 grands pays, qui sont ensemble dans le continent européen, puissent veiller à la fois à protéger nos concitoyens des méfaits de la mondialisation et en même temps à les préparer aux atouts de la mondialisation. Chacun a bien compris que s'il n'y avait pas d'Europe, chaque pays, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne se débrouillerait seul face au vaste monde à un moment ou bien entendu les enjeux sont énormes.
Q- Est-ce que vous êtes prêt, pour faire gagner le "oui", à organiser des meetings communs par exemple avec le Parti socialiste ?
R- Non, parce qu'il ne faut peut-être pas rentrer dans ce type de confusion. En revanche, je trouve, pour être tout à fait honnête sur ce point, que la déclaration de F. Hollande à la suite du résultat de la consultation était de haute tenue. Car je trouve vraiment remarquable et responsable que chacun en appelle à sortir des clivages partisans traditionnels. Pour autant, la vie des partis politiques, l'UMP, le PS, leur organisation fait qu'on imagine quand même mal que des militants de parti politique se retrouvent ensemble dans une même réunion le soir. En revanche...
Q- Chacun pour soi pour le "oui".
R- Voilà, mais c'est très important, car chacun doit apporter sa propre tradition, sa propre culture pour aller évidemment en campagne vers le "oui".
Q- Alors est-ce que le "oui" à la Constitution européenne, que vous souhaitez, sera aussi un "oui" à J. Chirac ?
R- Je crois que ce n'est pas l'objet de ce référendum. Ce serait, me semble t- il, une vraie erreur d'approche que de penser que l'on pourrait, ici ou là, transformer cette consultation essentielle sur l'avenir de l'Europe en approbation d'une politique intérieure, ou de l'approbation même du chef de l'Etat ou de son Gouvernement. Nous, bien entendu au Gouvernement, on va faire une énorme campagne pour le "oui". Le Premier ministre nous y a naturellement fortement invités, hier, au séminaire gouvernemental.
Q- Enorme campagne, cela veut dire quoi ?
R-Cela veut dire qu'on va vraiment, physiquement, aller le plus loin possible, partout dans toutes les régions naturellement pour faire de la pédagogie. Vous savez, notre principal adversaire, en réalité, c'est la désinformation. C'est par exemple faire croire qu'il y a dans ce traité des enjeux relatifs à je ne sais quoi, moi : par exemple à des sujets qui n'ont rien à voir avec ce traité constitutionnel. Pourquoi est-ce qu'il y a cette Constitution européenne ? C'est tout simplement parce qu'on veut une Europe plus efficace. Comme on est 25, puis 27 pays, ensemble, il faut par exemple un exécutif européen plus efficace, un président qui soit élu pour deux ans et demi, plutôt qui tourne pour six mois, il faut une Commission qui soit mieux organisée, etc.
Q- Revenons maintenant sur N. Sarkozy qui est maintenant à la tête de l'UMP. Quelle est sa marge de manuvre à la tête de l'UMP ? Parce que le Gouvernement exige de lui, j'ai bien compris un soutien sans faille, mais alors cela veut dire que l'UMP va devenir un parti godillot.
R- Non, mais d'abord on n'est pas dans une logique d'exiger...
Q- Si, si, ce sont les termes qui ont été employés : "soutien sans faille
R- J'arrive, j'arrive, ce n'est pas ça. Il y a, de manière assez spontanée et assez naturelle, un lien extrêmement étroit entre le principal parti de la majorité et le gouvernement et ce lien il est dans les deux sens. C'est à la fois à travers un travail d'écoute, de dialogue, d'explication, de concertation, mais aussi c'est vrai, de soutien, cela va de soi. Et donc je crois que c'est aussi cela que nos militants, nos sympathisants attendent. Et puis aussi je crois que c'est très important qu'il y ait ce travail de proposition de la part de l'UMP et d'initiative. Tout cela doit aller dans le bon sens et tout cela doit se faire naturellement, de manière amicale.
Q- Mais jusqu'où peut-il aller N. Sarkozy dans l'art de suggérer des réformes, des idées au Gouvernement sans franchir peut-être la ligne jaune de la critique en disant que les choses ne vont pas assez vite au Gouvernement ?
R- Oh, mais après tout cela, ce sera bien entendu affaire du temps qui va passer bien sûr, de l'organisation de la nouvelle équipe qui vient de s'installer. Moi vous savez, j'attache beaucoup d'importante aux faits et aux propos qui sont tenus. Le congrès de l'UMP de dimanche dernier a été évidemment pour notre famille politique un moment très important, il y a eu des échanges très précis. A la fois, entre N. Sarkozy, nouveau président de l'UMP et J.-P. Raffarin, Premier ministre. L'un et l'autre ont si je puis dire dialogué de manière très publique, en expliquant l'un et l'autre qu'ils avaient besoin l'un de l'autre. Et qu'en réalité, personne n'imagine qu'il n'y a pas entre le Gouvernement et le principal parti de la majorité, comme d'ailleurs avec le groupe parlementaire un travail en commun pour une seule mission ; réussir, aider, contribuer à réussir le quinquennat du président de la République - c'est-à-dire à accomplir les engagements que le président a pris devant les Français. Et la feuille de route elle est longue. Il s'agit de toutes les réformes que les autres n'ont pas voulu faire avant. Donc autant vous dire qu'il y a du boulot ! Parce que les retraites, la Sécurité sociale, la réforme de l'Etat, il faut moderniser, il faut que les Français en aient pour leurs impôts, il faut de la sécurité, enfin tout autant de choses sur lesquelles on travaille d'arrache-pied.
Q- Vous ne trouvez pas quand même que cela fait un peu beaucoup ? N. Sarkozy a eu ce sacre au Bourget, et maintenant il va participer dimanche prochain à une émission de variété sur France 2. Ce n'est pas un peu excessif dans la communication politique ?
R- Eh bien écoutez, je ne sais pas, il est président du principal parti de la majorité, du premier parti de la majorité. Très honnêtement, cela me paraît normal qu'il communique et qu'il soit présent dans les émissions, bien sûr. Que devrai-je dire, moi je suis chez vous ce matin !
Q- J.-P. Raffarin a organisé hier un séminaire gouvernemental. Est-ce qu'un séminaire peut relancer la crédibilité d'un Premier ministre affaibli qui a perdu tous les scrutins ces derniers mois, et je ne vous parle pas bien sûr des sondages ?
R- Je crois que si. Pourquoi ? Je crois qu'il faut parler de tout. Je ne peux pas vous dire qu'on est fou de joie quand on a un sondage qui est un peu moins bon ou quand on perd des élections comme les élections régionales. J'en parle en connaissance de cause, j'étais candidat pour la région Ile-de-France. Il faut naturellement l'assumer, il faut surtout essayer de comprendre, de tirer les leçons de tout cela. Moi je crois qu'il y a une explication parmi d'autres : c'est que, nous avons ouvert depuis deux ans et demi de très nombreux chantiers sur des réformes qui avaient été reportées et retardées, faute de courage politique de nos prédécesseurs. Et nous n'avons pas encore tous les résultats à pouvoir apporter aux Français, puisque ces chantiers ont été ouverts, mais ils ne sont pas clos. Et donc il est quelque part assez compréhensif que cela ait suscité les mécontentements de nos adversaires et puis en même temps les impatiences de ceux qui nous soutiennent. Mais l'objectif, le vrai rendez-vous, c'est 2007, car là, nous aurons eu les cinq ans pour accomplir la feuille de route. Et là, nous dirons aux Français, très clairement : voilà ce que nous avons fait, on s'y était engagé, vous pouvez cocher les cases et voilà ce que l'on veut faire pour l'avenir ! C'est ça la dynamique politique.
Q- Est-ce qu'il y a une obsession, chez vous à droite, de casser les 35 heures avec cette réforme qui va être annoncée, semble t-il le 9 décembre par J.-P. Raffarin. Travailler plus pour gagner plus, on va pouvoir abandonner un mois de RTT pour un mois de salaire.
R- D'abord, si je peux me permettre, il n'y a pas d'obsession. L'obsession, c'est bon pour les idéologues qui considèrent que la vie ne peut marcher que par des systèmes bloqués et généralement inspirés par des philosophes du 19ème ou du début du 20ème siècle. Autant vous dire qu'en 2004, tout ça n'est pas du tout de notre vocabulaire. Nous on est pratique, concret. On regarde ce qui se passe, on regarde les attentes des gens et on essaye le mieux possible de tracer des perspectives pour l'avenir, pour moderniser notre pays. Après tout, c'est ça qui est noble en politique. C'est vrai que pour ce qui concerne le rapport au travail, moi je suis de ceux qui considèrent que la France que nous avons trouvée en 2002 était une France très démotivée, parce qu'on a tellement dit que le travail c'était mal, que cela prenait de l'emploi aux autres, qu'on a fait de la réduction des 35 heures la solution miracle.
Q- Mais qui a dit "le travail c'est mal? "
R- Mais rappelez-vous de ce mouvement... Non mais écoutez, rappelez-vous de toute cette période durant ces vingt dernières années, où, à gauche en particulier, le mot clé c'était "on fera tout ce que l'on peut pour que vous travailliez moins, parce que comme ça cela donnera de l'emploi aux autres". Or, qu'on le veuille ou non, des mots d'ordre comme ceux-là à une Nation, cela veut dire à la clé qu'il y a autre chose dans la vie. Sans doute qu'il y a autre chose dans la vie, bien sûr. Mais il faut aussi bien comprendre que pour qu'un pays puisse se développer, il faut naturellement que le travail soit une des grandes valeurs. Moi par exemple, je ne vais jamais dire à mon fils que s'il veut réussir dans la vie, il faut qu'il travaille moins à l'école. Donc il y a derrière tout ça une différence philosophique entre la gauche et la droite. Le deuxième point que je veux dire qui est très important...
Q- C'est un peu de la caricature quand même !
R- Ah ! je ne crois pas Monsieur Weil, ce n'est pas de la caricature. Je crois qu'il y a derrière ça des messages très importants qu'on adresse à une Nation. Il faut travailler mieux, mais il faut aussi que chacun puisse, s'il le souhaite, travailler plus pour gagner plus. Parce que parfois la vie l'exige et cette liberté de choix, elle doit être donnée aux Français.
(source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 décembre 2004)
R- On n'a pas parlé de la date, d'abord, parce que c'est une prérogative qui revient au président de la République de déterminer à la fois le processus du référendum et, bien entendu, la date de sa tenue. Donc je n'ai pas d'information sur la date que retiendra le président de la République. Vous savez qu'il y a toute une procédure : il faut naturellement que l'on révise la Constitution, il y a donc un grand débat parlementaire à la clé et donc rien n'est techniquement possible avant le printemps, de toute façon.
Q- Vous l'avez dit, la campagne pour ce référendum va exiger beaucoup de pédagogie et de conviction. C'est vrai que l'Europe elle inquiète encore, pour certains elle peut aggraver les conséquences de la mondialisation, on craint beaucoup les délocalisations. Prenons un exemple concret : en quoi l'Europe va améliorer la vie d'une ville comme Meaux, par exemple, dont vous avez été le maire pendant sept ans et dont vous êtes toujours le premier adjoint ?
R- Je crois qu'il faut que les choses soient claires. Ce n'est pas la mission première de l'Europe que d'être en première ligne pour la vie quotidienne dans une ville comme celle dont je suis élu, la ville de Meaux. Cela relève des maires, cela relève bien entendu de l'action gouvernementale. Par exemple, la politique pour aider les quartiers, pour démolir des barres ou des tours invivables, pour reconstruire un habitat, voilà la sécurité dans les villes, ce n'est pas non plus du domaine de l'Europe. Par contre, ce qui est du domaine de l'Europe...
Q- Alors comment les convaincre pour le "oui? "
R- Mais attendez, ce n'est pas la mission de l'Europe ; la mission de l'Europe, c'est quoi ? D'abord c'est d'accompagner un certain nombre de programmes. Par exemple, l'Europe participe au financement de ces programmes de rénovation urbaine. Mais sa mission première, ce n'est pas celle-là, bien sûr, sa mission première c'est de faire ensemble que 25, puis 27 grands pays, qui sont ensemble dans le continent européen, puissent veiller à la fois à protéger nos concitoyens des méfaits de la mondialisation et en même temps à les préparer aux atouts de la mondialisation. Chacun a bien compris que s'il n'y avait pas d'Europe, chaque pays, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne se débrouillerait seul face au vaste monde à un moment ou bien entendu les enjeux sont énormes.
Q- Est-ce que vous êtes prêt, pour faire gagner le "oui", à organiser des meetings communs par exemple avec le Parti socialiste ?
R- Non, parce qu'il ne faut peut-être pas rentrer dans ce type de confusion. En revanche, je trouve, pour être tout à fait honnête sur ce point, que la déclaration de F. Hollande à la suite du résultat de la consultation était de haute tenue. Car je trouve vraiment remarquable et responsable que chacun en appelle à sortir des clivages partisans traditionnels. Pour autant, la vie des partis politiques, l'UMP, le PS, leur organisation fait qu'on imagine quand même mal que des militants de parti politique se retrouvent ensemble dans une même réunion le soir. En revanche...
Q- Chacun pour soi pour le "oui".
R- Voilà, mais c'est très important, car chacun doit apporter sa propre tradition, sa propre culture pour aller évidemment en campagne vers le "oui".
Q- Alors est-ce que le "oui" à la Constitution européenne, que vous souhaitez, sera aussi un "oui" à J. Chirac ?
R- Je crois que ce n'est pas l'objet de ce référendum. Ce serait, me semble t- il, une vraie erreur d'approche que de penser que l'on pourrait, ici ou là, transformer cette consultation essentielle sur l'avenir de l'Europe en approbation d'une politique intérieure, ou de l'approbation même du chef de l'Etat ou de son Gouvernement. Nous, bien entendu au Gouvernement, on va faire une énorme campagne pour le "oui". Le Premier ministre nous y a naturellement fortement invités, hier, au séminaire gouvernemental.
Q- Enorme campagne, cela veut dire quoi ?
R-Cela veut dire qu'on va vraiment, physiquement, aller le plus loin possible, partout dans toutes les régions naturellement pour faire de la pédagogie. Vous savez, notre principal adversaire, en réalité, c'est la désinformation. C'est par exemple faire croire qu'il y a dans ce traité des enjeux relatifs à je ne sais quoi, moi : par exemple à des sujets qui n'ont rien à voir avec ce traité constitutionnel. Pourquoi est-ce qu'il y a cette Constitution européenne ? C'est tout simplement parce qu'on veut une Europe plus efficace. Comme on est 25, puis 27 pays, ensemble, il faut par exemple un exécutif européen plus efficace, un président qui soit élu pour deux ans et demi, plutôt qui tourne pour six mois, il faut une Commission qui soit mieux organisée, etc.
Q- Revenons maintenant sur N. Sarkozy qui est maintenant à la tête de l'UMP. Quelle est sa marge de manuvre à la tête de l'UMP ? Parce que le Gouvernement exige de lui, j'ai bien compris un soutien sans faille, mais alors cela veut dire que l'UMP va devenir un parti godillot.
R- Non, mais d'abord on n'est pas dans une logique d'exiger...
Q- Si, si, ce sont les termes qui ont été employés : "soutien sans faille
R- J'arrive, j'arrive, ce n'est pas ça. Il y a, de manière assez spontanée et assez naturelle, un lien extrêmement étroit entre le principal parti de la majorité et le gouvernement et ce lien il est dans les deux sens. C'est à la fois à travers un travail d'écoute, de dialogue, d'explication, de concertation, mais aussi c'est vrai, de soutien, cela va de soi. Et donc je crois que c'est aussi cela que nos militants, nos sympathisants attendent. Et puis aussi je crois que c'est très important qu'il y ait ce travail de proposition de la part de l'UMP et d'initiative. Tout cela doit aller dans le bon sens et tout cela doit se faire naturellement, de manière amicale.
Q- Mais jusqu'où peut-il aller N. Sarkozy dans l'art de suggérer des réformes, des idées au Gouvernement sans franchir peut-être la ligne jaune de la critique en disant que les choses ne vont pas assez vite au Gouvernement ?
R- Oh, mais après tout cela, ce sera bien entendu affaire du temps qui va passer bien sûr, de l'organisation de la nouvelle équipe qui vient de s'installer. Moi vous savez, j'attache beaucoup d'importante aux faits et aux propos qui sont tenus. Le congrès de l'UMP de dimanche dernier a été évidemment pour notre famille politique un moment très important, il y a eu des échanges très précis. A la fois, entre N. Sarkozy, nouveau président de l'UMP et J.-P. Raffarin, Premier ministre. L'un et l'autre ont si je puis dire dialogué de manière très publique, en expliquant l'un et l'autre qu'ils avaient besoin l'un de l'autre. Et qu'en réalité, personne n'imagine qu'il n'y a pas entre le Gouvernement et le principal parti de la majorité, comme d'ailleurs avec le groupe parlementaire un travail en commun pour une seule mission ; réussir, aider, contribuer à réussir le quinquennat du président de la République - c'est-à-dire à accomplir les engagements que le président a pris devant les Français. Et la feuille de route elle est longue. Il s'agit de toutes les réformes que les autres n'ont pas voulu faire avant. Donc autant vous dire qu'il y a du boulot ! Parce que les retraites, la Sécurité sociale, la réforme de l'Etat, il faut moderniser, il faut que les Français en aient pour leurs impôts, il faut de la sécurité, enfin tout autant de choses sur lesquelles on travaille d'arrache-pied.
Q- Vous ne trouvez pas quand même que cela fait un peu beaucoup ? N. Sarkozy a eu ce sacre au Bourget, et maintenant il va participer dimanche prochain à une émission de variété sur France 2. Ce n'est pas un peu excessif dans la communication politique ?
R- Eh bien écoutez, je ne sais pas, il est président du principal parti de la majorité, du premier parti de la majorité. Très honnêtement, cela me paraît normal qu'il communique et qu'il soit présent dans les émissions, bien sûr. Que devrai-je dire, moi je suis chez vous ce matin !
Q- J.-P. Raffarin a organisé hier un séminaire gouvernemental. Est-ce qu'un séminaire peut relancer la crédibilité d'un Premier ministre affaibli qui a perdu tous les scrutins ces derniers mois, et je ne vous parle pas bien sûr des sondages ?
R- Je crois que si. Pourquoi ? Je crois qu'il faut parler de tout. Je ne peux pas vous dire qu'on est fou de joie quand on a un sondage qui est un peu moins bon ou quand on perd des élections comme les élections régionales. J'en parle en connaissance de cause, j'étais candidat pour la région Ile-de-France. Il faut naturellement l'assumer, il faut surtout essayer de comprendre, de tirer les leçons de tout cela. Moi je crois qu'il y a une explication parmi d'autres : c'est que, nous avons ouvert depuis deux ans et demi de très nombreux chantiers sur des réformes qui avaient été reportées et retardées, faute de courage politique de nos prédécesseurs. Et nous n'avons pas encore tous les résultats à pouvoir apporter aux Français, puisque ces chantiers ont été ouverts, mais ils ne sont pas clos. Et donc il est quelque part assez compréhensif que cela ait suscité les mécontentements de nos adversaires et puis en même temps les impatiences de ceux qui nous soutiennent. Mais l'objectif, le vrai rendez-vous, c'est 2007, car là, nous aurons eu les cinq ans pour accomplir la feuille de route. Et là, nous dirons aux Français, très clairement : voilà ce que nous avons fait, on s'y était engagé, vous pouvez cocher les cases et voilà ce que l'on veut faire pour l'avenir ! C'est ça la dynamique politique.
Q- Est-ce qu'il y a une obsession, chez vous à droite, de casser les 35 heures avec cette réforme qui va être annoncée, semble t-il le 9 décembre par J.-P. Raffarin. Travailler plus pour gagner plus, on va pouvoir abandonner un mois de RTT pour un mois de salaire.
R- D'abord, si je peux me permettre, il n'y a pas d'obsession. L'obsession, c'est bon pour les idéologues qui considèrent que la vie ne peut marcher que par des systèmes bloqués et généralement inspirés par des philosophes du 19ème ou du début du 20ème siècle. Autant vous dire qu'en 2004, tout ça n'est pas du tout de notre vocabulaire. Nous on est pratique, concret. On regarde ce qui se passe, on regarde les attentes des gens et on essaye le mieux possible de tracer des perspectives pour l'avenir, pour moderniser notre pays. Après tout, c'est ça qui est noble en politique. C'est vrai que pour ce qui concerne le rapport au travail, moi je suis de ceux qui considèrent que la France que nous avons trouvée en 2002 était une France très démotivée, parce qu'on a tellement dit que le travail c'était mal, que cela prenait de l'emploi aux autres, qu'on a fait de la réduction des 35 heures la solution miracle.
Q- Mais qui a dit "le travail c'est mal? "
R- Mais rappelez-vous de ce mouvement... Non mais écoutez, rappelez-vous de toute cette période durant ces vingt dernières années, où, à gauche en particulier, le mot clé c'était "on fera tout ce que l'on peut pour que vous travailliez moins, parce que comme ça cela donnera de l'emploi aux autres". Or, qu'on le veuille ou non, des mots d'ordre comme ceux-là à une Nation, cela veut dire à la clé qu'il y a autre chose dans la vie. Sans doute qu'il y a autre chose dans la vie, bien sûr. Mais il faut aussi bien comprendre que pour qu'un pays puisse se développer, il faut naturellement que le travail soit une des grandes valeurs. Moi par exemple, je ne vais jamais dire à mon fils que s'il veut réussir dans la vie, il faut qu'il travaille moins à l'école. Donc il y a derrière tout ça une différence philosophique entre la gauche et la droite. Le deuxième point que je veux dire qui est très important...
Q- C'est un peu de la caricature quand même !
R- Ah ! je ne crois pas Monsieur Weil, ce n'est pas de la caricature. Je crois qu'il y a derrière ça des messages très importants qu'on adresse à une Nation. Il faut travailler mieux, mais il faut aussi que chacun puisse, s'il le souhaite, travailler plus pour gagner plus. Parce que parfois la vie l'exige et cette liberté de choix, elle doit être donnée aux Français.
(source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 décembre 2004)