Entretien de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, avec "Le Figaro" le 22 juillet 2004, sur les orientations et l'action du ministère de la Coopération et sur l'aide française au développement dans le cadre des Objectifs du Millénaire.

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Q - En quoi l'action menée par le ministère de la Coopération depuis deux ans diffère-t-elle de la période précédente ?
R - Ce ministère est aussi celui du Développement. Il s'agit d'une volonté politique qui s'inscrit dans le droit-fil des Objectifs du Millénaire auxquels la France est très attachée. Ce d'autant plus que les projections ne sont pas très rassurantes. Dans les domaines prioritaires qui ont été définis, tels que l'éducation, l'accès à l'eau ou la santé, si l'on continue ainsi, il faudra attendre dix ou vingt ans de plus pour espérer une amélioration. La session de l'ONU de septembre 2005 nous permettra de faire le point.
Je ne fais pas de différence entre l'aide publique au développement et le développement durable : tout cela procède de la même démarche. Nous avons une feuille de route internationale qui nous convient.
Q - Serez-vous capables de tenir vos engagements alors que le gouvernement doit restreindre ses dépenses ?
R - Nous concevons le développement comme un espace de solidarité. Dans le contexte actuel, c'est une grosse contrainte pour nous de dégager des budgets à cet effet, mais nous tenons nos engagements. Notre APD doit atteindre 0,5 % en 2007 et 0,7 % en 2012. C'est en bonne voie puisque nous serons déjà à 0,44 % l'année prochaine. Il faut "sanctuariser ce poste budgétaire", comme Jacques Chirac l'a encore rappelé à Guadalajara, lors du Sommet UE-Amérique latine. Il a été reproché à la France son manque de clarté en matière d'aide au développement. Forts de ces objectifs chiffrés, nous pouvons maintenant nous mettre en ordre de bataille.
Q - Certes. Mais l'on sait déjà aujourd'hui qu'il manque 50 milliards de dollars supplémentaires par an si l'on veut atteindre les ODM... Que préconisez-vous ?
R - Il manque effectivement des ressources pour financer les Objectifs du Millénaire. Sauf à être de mauvaise foi, nous sommes condamnés à trouver de nouveaux financements. C'est pourquoi le président Chirac a lancé l'idée d'une taxation internationale. Une commission, sous la direction de Jean-Pierre Landau, a été créée pour en explorer toutes les pistes et rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'été. On peut imaginer toutes sortes de taxes : sur cette question, je fais confiance à l'intuition du président. Il faut un libellé simple pour que les gens acceptent le principe de cette nouvelle solidarité.
Q - Quelles sont les orientations que vous allez suivre ?
R - Le récent Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a permis de les fixer clairement, de même qu'il a clarifié la répartition des rôles entre le ministère des Affaires étrangères et l'Agence française de développement (AFD).
Q - Qu'entendez-vous par-là ?
R - Quatre idées-force doivent nous guider :
- il nous faut retrouver l'esprit de coopération au sens étymologique du terme. Cela veut dire nouer des partenariats, accepter qu'il y ait d'autres acteurs. Ce qui a été entrepris avec les autorités du bassin du Niger est, à ce titre, un bon exemple de ce que nous devons faire.
- Cette maison doit se doter d'une politique du résultat et de la performance.
- C'est l'une des conditions nécessaires pour restaurer l'influence de la France dans le monde.
- Pour y parvenir, il est impératif d'instaurer plus de cohérence dans notre action. Nous devons être capables de fédérer efficacement des ONG, la coopération décentralisée, les chambres consulaires ou autres. Le rôle de la culture doit également être reconsidéré, tout comme celui de la Francophonie, qui n'est pas un simple conservatoire, mais bien un espace de coopération.
Q - L'approche multilatérale des problèmes est en crise, comme vient de le montrer le conflit irakien. Ce contexte vous conduit-il à renforcer l'approche bilatérale ?
R - Oui, le multilatéralisme connaît des difficultés, notamment, comme vous le dites, du fait du conflit irakien. La France soutient toujours l'approche multilatérale, ce qui ne l'empêche pas, naturellement, de poursuivre, voire de renforcer, ses actions bilatérales. Lors de mes fréquents déplacements, même au sein des enceintes internationales, je fais aussi du bilatéral.
Je note que les Etats-Unis eux-mêmes signent des accords multilatéraux, comme à l'OMC, et en même temps concluent des accords bilatéraux, avec l'Amérique latine, par exemple. En matière de développement aussi, avec le Millenium Challenge Account, ils octroient un milliard de dollars par an à des pays qui répondent à leurs listes de critères.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 juillet 2004)