Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la politique en faveur de la danse, Pantin le 18 juin 2004.

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Circonstance : Inauguration du nouveau bâtiment du Centre national de la danse à Pantin le 18 juin 2004

Texte intégral

les Ministres, Cher Jean-Jacques, Cher Jacques,
Madame la Sénatrice,
Madame la Présidente, Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis de la Danse,
Je suis très heureux d'inaugurer le Centre National de la Danse et de vivre avec vous ce moment important et émouvant de l'histoire de la danse en France. Premier bâtiment abritant un établissement public à ouvrir ses portes depuis la Bibliothèque Nationale de France en 1994, le Centre National de la Danse est surtout le premier établissement public exclusivement dédié à la danse.
Cette institution est dédiée à la communauté chorégraphique tout entière. Elle est conçue pour répondre à ses besoins, dans le respect des spécificités de ses métiers. Au-delà, elle doit contribuer à l'installation, sur le plan national, d'une culture de la danse.
C'est naturellement aux danseurs que je m'adresse en premier lieu : vous êtes les artisans, les acteurs et les ambassadeurs de cet art très exigeant. Je tiens à vous dire tout d'abord mon admiration. Je tiens à vous exprimer mon soutien ferme et déterminé. Je tiens à vous dire ma confiance en l'avenir de la danse, de toutes les formes de danse. Le Centre National va devenir le centre de ressources, l'outil de recherche, de culture et de développement dont la danse a besoin.
Il a vocation à devenir une institution de référence au niveau national et international.
Une institution singulière. Un véritable creuset. Former, accompagner les professionnels dans l'exercice de leurs métiers, créer et diffuser, développer et valoriser la culture chorégraphique : telles sont ses missions.
C'est donc une institution multiple. Un fantastique lieu de synthèse où les différents domaines de l'art chorégraphique pourront interagir, se nourrir les uns les autres, s'ouvrir librement aux quelque 200 personnes accueillies quotidiennement.
Une grande médiathèque hébergeant un fonds spécialisé est en cours de constitution.
La danse possède enfin un lieu de culture, un espace privilégié où alimenter sa réflexion théorique, construire sa mémoire et valoriser son patrimoine. Je tiens à remercier les personnalités qui grâce à leurs dons généreux ont contribué à sa richesse : Madame Gilberte Cournand qui a versé à la médiathèque les fruits du travail et de la passion de toute une vie ; Monsieur Roderic Lange qui nous transmet les archives d'Albrecht Knust; la Fondation Rudolf Noureev.
Le Centre National de la Danse sera un lieu fédérateur, le centre de toutes les danses et de tous ses serviteurs, un lieu de convivialité ouvert sur la cité.
Je remercie Monsieur le maire et la municipalité de Pantin, qui a offert le bâtiment, d'accueillir cet établissement public. Le Centre National de la Danse est un lieu prestigieux d'art et de culture que vos concitoyens s'approprieront.
Par sa position géographique, le Centre s'inscrit dans un ensemble unique de grands établissements dédiés au spectacle vivant, dans la continuité de la Cité de la Musique, du Parc de la Villette, du Conservatoire national supérieur de Paris, reliés par le canal de l'Ourcq.
Le Centre est une véritable réussite architecturale. Je me réjouis de ce dialogue entre ces deux arts du mouvement et de l'espace : la danse et l'architecture.
Je tiens à saluer le travail accompli avec talent par les architectes Claire Guieysse [Guièsse] et Antoinette Robain.
La construction initiale de 1972, oeuvre de l'architecte Jacques Kalisz, se caractérise par la puissante austérité des volumes de béton brut, animés par des jeux de lumières naturelles dans les vastes espaces intérieurs.
Dans le respect de la vision de le Corbusier constatant que " l'architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés dans la lumière... ", nos architectes se sont emparé de l'ossature colossale correspondant à l'ancienne cité administrative de Pantin. Elles ont assuré l'accueil des danseurs en leur offrant plusieurs studios confortables et propices au travail individuel.
Leur geste architectural subtil respecte la puissance minérale et primitive du bâtiment de Kalisz pour mieux faire ressortir l'énergie fluide de la lumière et des danseurs. Ce geste architectural se prolonge dans le design et l'éclairage par lequel Hervé Audibert a réussi à donner tant d'éclat au bâtiment : la lumière et les couleurs de l'arc-en-ciel éclairent le béton brut. Dans le cadre d'une commande publique, Michelangelo Pistoletto a imaginé le mobilier qui habite parfaitement l'intérieur du Centre. Pierre Di Sciullo a conçu une signalétique claire et novatrice. A tous, merci.
J'exprime toute mon admiration à ceux qui ont su porter sans faillir le projet du Centre National de la Danse pendant les dix années qui ont été nécessaires pour parvenir, aujourd'hui, à cette inauguration.
En premier lieu à sa présidente, Anne Chiffert, qui s'est engagé dans ce projet avec toute son âme de bâtisseuse. Alors qu'elle était directrice de la Musique et de la Danse au Ministère de la Culture et de la Communication, elle a été la première à se mobiliser
pour mettre en oeuvre ce projet novateur.
La constance et la conviction d'Anne Chiffert sont partagées par Michel Sala, directeur général. Il a la lourde et passionnante responsabilité de piloter cette cité de la danse.
Je rends hommage également à toute l'équipe du Centre qui depuis des mois, voire des années, contribue à la réalisation de ce projet.
Je remercie tous les partenaires qui ont conjugué leurs efforts pour consolider les missions du Centre National de la Danse : le conseil général de Seine Saint Denis, la région Ile de France pour les résidences d'artistes et les actions de formation, la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI) pour l'entraînement quotidien du danseur.
Cette rencontre me donne l'occasion de rappeler quelques faits et d'affirmer quelques principes, autour desquels se construit ma vision d'une politique de la danse.
La politique de la danse s'appuie aujourd'hui sur la déconcentration et la décentralisation. Les collectivités sont nos partenaires indispensables. Du côté de l'Etat, en six ans, depuis 1998 - année de la création de l'établissement public et du début de la déconcentration pour la danse -, le budget dévolu à la création est passé de 11M à près de 18 M en 2003, soit une augmentation de 59 %.
L'Etat doit poursuivre son action et développer ses initiatives sur quelques axes majeurs que j'entends accompagner et conforter.
Je pense au soutien accru à apporter aux équipes artistiques, pour aider à la création, à la structuration, ou inciter à la résidence et à la circulation des oeuvres. Je pense aussi à la nécessité de mieux articuler les différents niveaux d'enseignement.
Nous savons à quel point le réseau des centres chorégraphiques nationaux a servi de point d'appui à cette politique. De beaux édifices ont vu le jour, à Orléans, Montpellier, Belfort, bientôt à Rillieux-la-Pape et Aix-en-Provence ; je tiens à citer également le centre de développement chorégraphique d'Uzès, la Briquetterie à Vitry sur Seine, autant d'ouvrages nés d'une concertation avec les collectivités.
Les Centres Chorégraphiques Nationaux sont l'un des pivots de notre vie chorégraphique. Espaces de création, ils sont aussi des lieux de construction et de préservation d'un répertoire vivant, pilier de notre culture de la danse. Quel serait le sens d'une création artistique sans mémoire ?
Au moment où le Centre National de la Danse offre à cette discipline de l'éphémère un nouvel outil de recherche et de mémoire, il me paraît important de rappeler que la mémoire de la danse doit rester vivante, que le répertoire doit demeurer accessible au plus large public.
La querelle des Anciens et des Modernes est aujourd'hui derrière nous. Nous n'opposons plus la vérité à la Beauté, l'Art au Merveilleux. Il n'y a pas de contradiction à être fier de notre grand répertoire classique, et à s'engager encore et toujours davantage pour la création contemporaine.
Le Centre Chorégraphique National qui va bientôt voir le jour à Aix-en-Provence ne sera pas seulement un lieu de création et de production. Il sera doté d'une salle de spectacles. A Angers, " Le Quai ", qui regroupera les activités du Centre Dramatique National et du Centre National de Danse Contemporaine, offrira un théâtre et deux salles à la danse. Deux projets qui sont des signes forts pour l'avenir des Centres Chorégraphiques Nationaux.
Si certains connaissent des difficultés, il serait imprudent d'en déduire que le modèle lui-même est en crise, car ce modèle, dans bien des territoires, prouve l'excellence de son impact. Lieux de création, de " fabrique " de la danse, ou lieux d'épanouissement d'un répertoire ouvert, vivant, les CCN sont au service des chorégraphes et des danseurs qui les animent. Ils sont aussi les outils du service public de la danse, mission dont tout chorégraphe qui investit ces maisons doit être le dépositaire et l'acteur.
Ce n'est pas à l'assistance réunie ici que j'apprendrai que la danse a besoin d'espaces spécifiques pour se déployer. Je porte une grande attention à l'aménagement du territoire. Je pense en particulier aux espaces de travail de proximité. Qu'il s'agisse d'un investissement direct ou de l'aide au studio, nous serons au côté des collectivités pour que les danseurs accèdent plus facilement à des outils de travail de qualité.
La danse a besoin d'être mieux prise en compte dans les réseaux de diffusion. La programmation des scènes subventionnées devra s'ouvrir à la danse. Ce doit être une priorité des prochains contrats d'objectifs et de moyens qui encadre les relations entre l'Etat, les Collectivités locales et les théâtres qu'ils soutiennent ensemble.
Je saisis cette occasion pour vous annoncer que j'ai demandé aux services du Ministère de la Culture de rouvrir l'étude du projet d'aménagement d'une salle de spectacles adjacente au Centre National de la Danse. Prolongement naturel des missions de recherche et d'accompagnement de la création dévolues aux Centre National, les études devront en particulier mesurer l'impact local de cette salle, et proposer des solutions pour son intégration harmonieuse dans le paysage chorégraphique de Paris et de l'Ile-de-France.
La création dans les années quatre-vingts, puis la pédagogie dans les années quatre-vingt- dix, ont été successivement les axes porteurs et fructueux de la politique de l'Etat en faveur de la danse.
Un autre grand chantier est devant nous : nous devons mieux accompagner les conditions de l'exercice du métier de danseur ou de chorégraphe. L'étude sur le métier de danseur récemment réalisée par le Département des Etudes et de la Prospective du Ministère de la Culture et de la Communication a fourni un diagnostic qui mérite notre attention. J'ajoute que le ministère a commandé à Anne Chiffert et à Maurice Michel, inspecteur général aux affaires sociales, une étude qui doit m'être remise dans quelques jours sur la reconversion des danseurs. Cette étude doit nous permettre d'envisager ensemble des solutions pour mieux aider les artistes à préparer leur second métier, une fois le temps venu de quitter la scène. De même, nous devons réfléchir à une meilleure insertion des jeunes dans le monde professionnel. C'est dans cette perspective que la loi réglementant l'enseignement de la danse en France devrait être actualisée.
Le Centre National de la Danse, je n'en doute pas, contribuera activement à l'affirmation de cette politique construite autour de quelques axes forts :
- la confirmation du soutien à la création,
- l'affirmation d'un nécessaire travail sur la mémoire de la danse, fondé sur la recherche mais aussi sur la préservation d'un répertoire vivant,
- le développement des outils de production, et notamment d'outils de proximité,
- la rencontre de la danse avec son public grâce à un réseau de diffusion plus ouvert,
- et la meilleure inscription sociale et professionnelle des danseurs grâce à un dispositif renforcé de formation et d'accompagnement de leur reconversion.
Je veux voir dans l'ouverture du premier établissement public consacré à la danse que nous célébrons ensemble aujourd'hui, non pas un aboutissement, mais l'illustration emblématique d'une politique globale et ambitieuse, qui veut prendre en compte la totalité du champ chorégraphique dans ses perspectives, son rôle social et sa culture.
Univers pluriel et singulier, l'art chorégraphique nous offre en partage son exigence, son élan, son envol que symbolise si bien aujourd'hui ce bâtiment prêt à appareiller vers le paysage toujours renouvelé de la création et de l'échange.
C'est avec confiance et admiration que j'adresse à tous ceux qui font la danse d'aujourd'hui mes vux les plus chaleureux pour leur action au service d'un art que je m'engage à accompagner, soutenir et développer. Le Centre national de la Danse, désormais, porte haut les couleurs de cet art que nous aimons.
Car nous voulons tous rêver avec le poète des Illuminations [Rimbaud] : " J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre, des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse ".
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 23 juin 2004)