Déclaration de M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, sur la réforme de l'assurance maladie, notamment la deuxième étape du processus de réforme par le dialogue social, la concertation et la négociation, et la mise en place de groupes de travail, Paris le 9 février 2004.

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Circonstance : Réunion de l'ensemble des partenaires Ségur - Assurance maladie à Paris, le 9 février 2004

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté mon invitation à engager la concertation sur la modernisation nécessaire de notre assurance maladie.
Le travail qui nous attend est considérable. Mais l'enjeu, sauvegarder notre assurance maladie solidaire, est indispensable pour notre société.
Grâce au diagnostic partagé établi par le haut conseil, et comme le Gouvernement s'y était engagé, une première étape essentielle a été franchie avec succès. J'en suis heureux. J'en félicite tous les membres du haut conseil, et notamment son président Bertrand Fragonard, que j'ai invité parmi nous aujourd'hui.
1. Nous engageons donc aujourd'hui ensemble la deuxième étape du processus de réforme de l'assurance maladie : celle du dialogue social, de la concertation et de la négociation.
D'emblée, soyez assurés de la détermination du gouvernement et de ma détermination pleine et entière à conduire la réforme. Nous le savons tous. Notre système d'assurance maladie connaît des difficultés sérieuses : difficultés de gouvernance, difficultés d'organisation, difficultés financières et malaise ou désenchantement des professionnels de santé. Nous devons le sauvegarder ensemble. Le gouvernement prendra naturellement ses responsabilités. Mais c'est un défi qui nous engage tous. C'est un défi commun !
Notre devoir envers nos concitoyens, envers nos enfants et les générations qui leur succèderont nous oblige. Nous devons moderniser notre système d'assurance maladie, lui faire surmonter les difficultés auxquelles il est confronté. Il nous faut prendre exemple sur cet acte fondateur de nos prédécesseurs en 1945 afin de léguer à nos successeurs cet acquis social exemplaire qui fait la fierté de la France. Je vous le dit, le Gouvernement, comme vous tous, considère que l'assurance maladie fait partie de notre patrimoine social.
2. Oui, nous devons sauvegarder notre système d'assurance maladie car c'est bien lui qui est à la source de l'excellence de notre système de santé. Et, cette situation nous la devons aux valeurs fondatrices qu'il nous faut évidemment préserver.
Nous devons sauvegarder notre assurance maladie obligatoire et universelle. Elle garantit à tous une couverture indépendante des conditions d'âge ou d'état de santé.
Nous devons maintenir un système solidaire et juste où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. C'est pourquoi le Gouvernement rejette avec force toute forme de privatisation de notre assurance maladie, ou de mise en concurrence entre régimes. Je le dis avec netteté pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Si des critiques s'élèvent, ce qui, somme toute, est bien légitime, elles ne peuvent pas se baser sur cette crainte qui n'est pas fondée. C'est un engagement fort que je veux poser d'emblée poser comme préalable.
Le Gouvernement est en outre attaché à un système paritaire dans lequel les partenaires sociaux représentant ceux qui le financent et qui en bénéficient sont pleinement et véritablement responsables. Le Gouvernement écarte l'étatisation de l'assurance maladie.
Le Gouvernement veut renforcer l'égalité d'accès aux soins. C'est cette égalité d'accès qui permet à chacun de bénéficier de notre système de santé suivant ses besoins. C'est une de nos grandes forces, comme le montre l'OMS au travers de son classement des systèmes de santé. Or, cette égalité n'est aujourd'hui pas complètement garantie, par manque d'offre de soins dans certaines régions, pour des considérations financières pour certaines personnes. Notre réforme doit régler ces difficultés et gommer ces inégalités persistantes.
Nous devons également encore accroître la qualité des soins. Nous avons la chance en France d'avoir des professionnels de haute qualité. C'est grâce à eux que nos indicateurs de santé sont bons. Les Français le reconnaissent. Mais, comme le montre le Haut conseil, de nombreuses améliorations sont possibles, notamment en ce qui concerne la coordination des soins et la mise en oeuvre des meilleures pratiques. Notre obsession doit être de toujours mieux soigner.
Enfin, nous devons apporter une réelle viabilité à long terme à notre système d'assurance maladie. Sa solidité financière ne peut pas être négligée. Nous le savons, il ne supporterait pas une spirale de déficits. Un redressement est nécessaire. Comme l'a souhaité le Président de la République, un retour vers l'équilibre en 2007 et la perspective d'une croissance des dépenses alignées à moyen terme sur la richesse nationale sont nécessaires.
3. Quelles pistes d'actions pour réussir cette réforme ? Je retiendrais celles proposées par le Haut conseil. Elles sont justes, équilibrées et n'ont pas suscité d'oppositions. Elles doivent donc constituer notre fil conducteur.
Il faut d'abord et avant tout s'attacher résolument à améliorer le fonctionnement du système de soins et la coordination de ses acteurs. Cette amélioration passe par la réforme de la gouvernance et par une adaptation de l'organisation des soins en ville et à l'hôpital. Nos objectifs doivent être une plus grande qualité des soins et une meilleure efficience. Notre outil doit être la responsabilisation : responsabilisation de l'Etat, de l'assurance maladie, des assureurs complémentaires, des professionnels de santé et des patients. Cette responsabilisation doit nous conduire à modifier nos comportements. Chacun doit prendre des décisions, non pas égoïstes, mais solidaires qui assureront une bonne utilisation du système de soins pour le bien-être de tous.
Par ailleurs, sans remettre en cause l'universalité de la couverture, nous devons être capables de faire des choix. Nous devons être conscients que nos moyens ne sont pas illimités. Là encore les objectifs sont la qualité et l'efficience. L'outil que je privilégierais c'est la recherche des conduites diagnostiques et thérapeutiques réellement utiles.
Enfin, nous devrons le moment venu nous interroger sur les recettes. Mais soyons réalistes, cette solution ne peut être envisagée qu'à la suite d'une profonde réorganisation, en dernier recours. Comme l'a montré le Haut conseil, dans son état actuel, l'assurance maladie ne peut pas ressembler à un puit sans fond. Je vous rappelle les propos du Premier Ministre lors de l'installation du Haut conseil : " nous ne pouvons compter d'abord sur les prélèvements obligatoires pour consolider notre système de santé. Il faut d'abord remettre de l'ordre ". Par le passé, toutes les réformes qui n'étaient basées que sur les seules baisses de remboursement et augmentations des recettes ont échoué, quel que soit le gouvernement qui les a menées. C'est donc le dernier point à aborder.
4. Ces pistes de solution sont larges. Les trois prochains mois doivent être consacrés à dégager, ensemble, dans la concertation, les actions à privilégier.
La méthode de concertation que je vais vous proposer essaie de répondre à plusieurs difficultés :
d'abord, le sujet est vaste, la réorganisation doit intégrer l'ensemble de notre système :
- les relations entre l'Etat et l'assurance maladie ;
- l'organisation de cette dernière,
- ses relations avec les professionnels de santé, l'exercice de ces professionnels ;
- leurs relations avec les patients ;
- et bien sûr comment tout ce système prend en compte les besoins de ces mêmes patients ;
ensuite, nous sommes nombreux ; une soixantaine d'organisations. La discussion ensemble n'est pas matériellement facile ;
enfin, certains sujets sont très techniques et méritent un examen approfondi.
Ainsi, je vous propose, dans un premier temps, deux moyens complémentaires de concertation :
D'une part, je recevrai vos organisations pour des discussions bilatérales en février et en mars, afin que nous puissions avoir un échange approfondi autour des pistes d'action esquissées par le Haut conseil et que vous puissiez m'apporter toute proposition que vous jugerez utile.
D'autre part, dans le même temps, une petite dizaine de groupes de travail seront mis en place pour approfondir des thèmes sur lesquels il manque des éléments plus techniques. Ils seront animés par des cadres des directions du ministère et des membres de mon cabinet.
Je vous propose 8 sujets. Je voudrais que nous arrêtions ensemble aujourd'hui la liste définitive, au vu de vos propositions.
Tout d'abord, pour ce qui concerne l'organisation des soins stricto sensu,
Un premier groupe pourrait travailler sur la façon d'assurer une meilleure répartition de l'offre.
Un deuxième groupe pourrait étudier les moyens d'une bonne coopération entre la ville et l'hôpital.
Enfin un troisième groupe pourrait s'intéresser au sujet de l'orientation et de l'information du patient.
Ensuite, autour de la qualité des pratiques médicales, nous proposons deux sujets majeurs :
l'évolution des conditions d'exercice pour une plus grande coordination des soins (quatrième groupe) ;
le bon usage du médicament (cinquième groupe).
Enfin, autour de la question de la gestion du risque,
le sixième groupe pourrait aborder le thème du partage des données médicales
et un septième celui des abus et des gaspillages, ainsi que des outils pour les limiter.
Un dernier sujet sort un peu de ces trois thèmes. C'est la question " de la régulation conjoncturelle des dépenses et de la loi de financement de la sécurité sociale " : comment concilier des nécessités d'équilibre à moyen terme aux évolutions conjoncturelles des dépenses et des recettes ?
Tous ces groupes pourraient clore leurs travaux au début du mois d'avril pour que le gouvernement puisse dans le courant du mois d'avril vous proposer un document d'orientation de la réforme.
Nous sommes déterminés à sauver notre système d'assurance maladie, un élément essentiel de notre pacte social. Nous devons y arriver ensemble. L'énergie de chacun est indispensable. Grâce à nos efforts communs, nous arriverons à surmonter les défis qui s'offrent à nous.
Je vous laisse maintenant la parole pour que vous puissiez vous exprimer, si vous le désirez, sur le diagnostic et les principes de la réforme, mais surtout sur mes propositions pour la méthode de la concertation.
Je vous remercie de votre concision. Nous aurons l'occasion de revenir plus avant sur le fond de la réforme lors de nos rencontres et de celles des groupes de travail.



(source http://www.sante.gouv.fr, le 10 février 2004)