Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, en réponse à une question sur le projet de redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie, à l'Assemblée nationale le 29 avril 1998.

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Q.- Vous savez que la sécurité est devenue, au fil des années, une préoccupation majeure des Français. Certes, avec un policier ou un gendarme pour 252 habitants, la France se situe, en termes d'effectifs globaux, au-dessus de la moyenne des pays européens. Cependant, nous savons tous que cette moyenne cache de grandes inégalités. C'est pourquoi, dans la perspective de la mise en oeuvre d'une sécurité de proximité, vous avez confié à deux parlementaires une mission qui a fait apparaître que les effectifs de la police et de la gendarmerie ne sont pas répartis de façon rationnelle sur le territoire. La mise en place des adjoints de sécurité et les contrats locaux qui se développent dans une partie du pays constituent à l'évidence des mesures positives. Un redéploiement des forces de police et de gendarmerie plus cohérent serait de nature à constituer une nouvelle avancée qui permettrait de garantir à tous les citoyens le principe républicain essentiel qu'est le droit à la sécurité. Face à l'insécurité deux attitudes sont possibles: l'exploiter ou agir contre. Je voudrais donc que vous précisiez, à quel rythme et selon quelle méthode vous comptez effectuer ce redéploiement et suivant quelle procédure de concertation avec les élus.
R.- Le conseil de la sécurité intérieure du 27 avril a effectivement décidé, sur la base des propositions du rapport confié par M. le Premier ministre, au député Carraz et au sénateur Hyest, d'opérer une nouvelle répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire national. Ainsi que vous l'avez rappelé, l'objectif est d'assurer autant que possible une sécurité égale à tous nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire national. Le redéploiement fera d'abord passer quatre-vingt-neuf circonscriptions de police en zone gendarmerie, ce qui concernera 250 communes et 1,6 million d'habitants. Dans le même temps, trente-huit communes représentant un demi-million d'habitants passeront en zone de police. Ainsi 3 000 policiers pourront être redéployés dans les zones prioritaires que sont la grande couronne parisienne, le pourtour méditerranéen, les grandes agglomérations et 1 200 gendarmes seront affectés dans des zones périurbaines.
En ce qui concerne le rythme de ces redéploiements, des propositions détaillées seront soumises à la fin de l'année au Gouvernement qui prendra ses décisions quant aux zones concernées. Les redéploiements s'effectueront dans les trois années qui suivront. Chacun sait que la répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire national n'obéit pas toujours à une logique parfaitement claire. Elle est marquée par bon nombre d'inégalités.
Vous avez également parlé, monsieur le député, de l'extrême droite qui exploite ou cherche à exploiter le sentiment d'insécurité ressenti, souvent à juste titre, par nos concitoyens. Mais j'observe que M. Jean-Louis Debré lui-même, si j'en crois du moins le journal Le Monde a osé déclarer: "Le Gouvernement veut fermer des gendarmeries en zone rurale et envisage même, au nom du redéploiement, de fermer un certain nombre de commissariats." Or des gendarmes protégeront nos concitoyens là où ils l'étaient par des policiers, et des policiers les protégeront là où ils l'étaient par des gendarmes. La sécurité sera donc tout aussi bien assurée. Quel aveu d'impuissance, monsieur Debré, car, vous le savez, la loi fixe depuis longtemps à vingt mille habitants le seuil au-dessus duquel nous sommes en zone de police et en dessous duquel nous sommes en zone de gendarmerie. Or vous n'avez pas opéré ce redéploiement nécessaire lorsque vous le pouviez. En quelque sorte, vous vous prévalez - sinon de votre propre turpitude comme j'allais le dire - du moins de votre propre immobilisme
La démarche du Gouvernement actuel est tout à fait différente. Ainsi, 80 % des 8 250 adjoints de sécurité mis en place cette année seront affectés dans les vingt-six départements les plus sensibles, où se concentrent 80 % de la délinquance. Le Gouvernement agit, il réforme, il ouvre des chantiers. Telle est la signification des mesures que le conseil de la sécurité intérieure a prises avant-hier.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 15 novembre 2001)