Texte intégral
Entretien au quotidien letton Diena le 21 juillet :
Diena : Quelle est la principale menace à laquelle doit faire face l'Union européenne à l'heure actuelle ?
Michèle Alliot-Marie : Le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive sont sans conteste les menaces les plus importantes pour l'UE. La multiplication des crises régionales en est une autre qui ne doit pas être négligée.
Qu'elles soient à nos frontières ou plus lointaines, elles créent une instabilité menaçant nos concitoyens présents sur ces terrains. Elles sont propices aux trafics. L'Europe de la défense est devenue une réalité concrète de la coopération européenne à 25. Nos capacités de réaction rapide, le développement des moyens de sécurité civile, l'intensification de la lutte contre le financement du terrorisme, l'amélioration de la coopération opérationnelle par le renforcement d'Europol mais aussi l'intensification des échanges d'informations constituent autant de progrès que devra coordonner M. De Vries. Sa nomination récente comme coordonnateur de la lutte européenne contre le terrorisme marque une avancée. Cette lutte appelle déjà une vigilance accrue et un effort dans la durée.
La lutte antiterroriste n'est pas que militaire. Elle n'aura de véritable efficacité que si nous nous employons à comprendre les origines de cette menace : sous développement, sentiment d'injustice, désespoir.
Diena : Etes-vous satisfaite des capacités de défense mises en place par l'Union européenne jusqu'à maintenant ? Comment envisagez-vous le développement de ces capacités dans l'avenir ?
Michèle Alliot-Marie : Les progrès de l'Europe de la défense depuis deux ans sont considérables tant dans le domaine institutionnel qu'opérationnel. Dans le domaine opérationnel, l'Union européenne s'apprête à relever l'OTAN en Bosnie à la fin de cette année. Le Corps européen et la brigade franco-allemande seront prochainement engagés en Afghanistan. S'agissant des capacités militaires, la cellule de planification et de conduite d'opérations de l'état-major de l'UE monte en puissance et sera opérationnelle fin 2005. Les premiers groupements tactiques français et britanniques de 1 500 hommes seront déployables dès 2005. La force de gendarmerie européenne aura son état-major installé en Italie dès cet automne et elle sera opérationnelle en 2005. Au plan institutionnel, l'Agence européenne de défense sera en fonction avant la fin de l'année. Le Collège européen de défense et de sécurité ouvrira sa première session à l'automne.
Nous devons nous féliciter de ces avancées, maintenir le cap et poursuivre avec détermination dans la voie que nous avons collectivement choisie. Ensemble, nous devons donner à l'Union européenne, première puissance économique du monde, les moyens d'être aussi une grande puissance politique et militaire.
Diena : Quel rôle pourrait, à vos yeux, être attribué à la Lettonie en ce qui concerne les capacités de défense européennes en cours de développement ?
Michèle Alliot-Marie : La récente adhésion de la Lettonie à l'UE est un événement historique dont nous nous réjouissons. Elle renforce la famille européenne. Elle élargit le champs géographique de la stabilité, de la démocratie et de la paix sur notre continent.
La participation de la Lettonie à notre effort collectif pour développer nos capacités européennes de réaction rapide constitue une précieuse contribution. Elle peut être pleinement associée au renforcement de nos capacités militaires au sein de l'Agence européenne de défense, participant ainsi à la rationalisation des efforts communs et à la préparation de l'avenir. La Lettonie a également toute sa place pour améliorer nos capacités de planification et de commandement au sein de l'état-major de l'UE.
Je suis persuadée que la Lettonie sera un acteur de l'affirmation de l'Europe comme puissance politique engagée au service de la paix et de la liberté.
Diena : Plusieurs des nouveaux membres de l'UE voient dans la présence des Etats-Unis en Europe un élément essentiel à la stabilité de notre région. Adhérez-vous à ce point de vue ?
Michèle Alliot-Marie : Les États-Unis sont présents en Europe au travers de l'OTAN. L'Alliance reste un pilier essentiel de notre sécurité. C'est pourquoi la France lui apporte un concours déterminé par sa présence dans les instances de commandements et par sa contribution qui est l'une des 3 plus importantes. L'Europe de la Défense est parfaitement complémentaire et solidaire de l'Alliance atlantique. Les accords " Berlin + " garantissent un véritable partenariat stratégique euro-atlantique au bénéfice de la sécurité sur le continent européen et dans le monde.
La Lettonie, membre à part entière et de l'Union européenne et de l'OTAN, bénéficie au même titre que l'ensemble des Européens, de l'assistance de la communauté euro-atlantique en cas de menaces contre ses intérêts.
Diena : La France a déclaré, lors du Sommet d'Istanbul, qu'elle n'enverrait pas de soldats en Irak et qu'elle ne participerait pas aux activités de l'OTAN relatives à la formation de l'armée irakienne si celles-ci se déroulaient en Irak. Quelle est la raison de ce refus ? Quels seraient les changements nécessaires en Irak pour que la France accepte d'envoyer des hommes sur place ?
Michèle Alliot-Marie : Le défi aujourd'hui en Irak est de garantir la souveraineté et l'unité du pays, sa sécurité et son développement. Les Irakiens doivent aujourd'hui avoir la certitude que leur pays est pleinement indépendant et de fait, libre de son destin. La mise en place, le 28 juin, du nouveau gouvernement intérimaire souverain en Irak, représente une étape importante. C'est d'ailleurs ce qu'a clairement affirmé le président Chirac lors du Sommet de l'OTAN à Istanbul. Pour avoir le sentiment de leur souveraineté retrouvée, les Irakiens ont besoin de voir chez eux moins d'uniformes militaires étrangers. La France est prête à participer à la reconstruction de l'Irak. Elle ne s'est jamais opposée à ce que l'Alliance mette à disposition ses moyens et infrastructures pour la formation des forces de sécurité irakiennes, mais hors du territoire.
C'est pour cette même raison que la France n'enverra pas de soldats en Irak.
Diena : Nombreux sont ceux qui se demandent si l'OTAN réussira à mener à bien sa mission en Afghanistan, à savoir stabiliser la situation dans la région. Pourquoi la France est-elle réticente à l'idée d'envoyer la Force de réaction rapide de l'OTAN pour aider à atteindre cet objectif ?
Michèle Alliot-Marie : En Afghanistan, il est clair qu'il nous faut amplifier nos efforts si nous voulons garantir des élections démocratiques dans un climat sécurisé. Néanmoins, la Force de Réaction Rapide de l'Otan n'est pas la bonne réponse au problème. La date des élections est connue depuis longtemps. Il y a des troupes sur le terrain qu'il faut renforcer selon les procédures normales. La NRF (Nato Response Force) est comme son nom l'indique, une force de réaction. Elle n'est donc pas adaptée dans un tel contexte. Son déploiement se ferait donc à contre-emploi.
Pour autant, nous avons conscience des risques de dégradation rapide de la situation dans ce pays. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que la NRF soit mise en état d'alerte maximum, et que soit envoyée sur place une mission d'évaluation qui devra estimer si à un moment donné son intervention se justifie. Cette solution, proposée par la France, a été adoptée.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 juillet 2004)
Déclaration à l'occasion de la réception offerte pour la communauté française de Lettonie le 21 juillet :
Monsieur l'Ambassadeur,
Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse, comme première étape de ma visite en Lettonie, de vous rencontrer, ici, à la Résidence de France.
De nombreux déplacements officiels ont rythmé les relations entre nos deux pays.
Ils témoignent de tout l'intérêt que la France porte à la Lettonie.
Il était naturel qu'en tant que Ministre français de la Défense, je rende visite à un pays ami et allié, peu après son entrée dans l'Alliance Atlantique et l'Union Européenne.
Le tournant exceptionnel qui a eu lieu le 1er mai a marqué la fin des affrontements du siècle précédent, laissant place à une nouvelle ère.
La Lettonie a su se mobiliser en faveur du projet de l'Union Européenne.
Nos deux pays se retrouvent donc aujourd'hui la main dans la main, pour faire vivre et avancer l'Europe de demain.
Cette Europe de demain se construit un peu plus chaque jour, particulièrement dans le domaine de la défense.
Je souhaite à cet égard que la coopération de défense entre nos deux pays se développe sur de nouvelles bases.
Je serai reçue ce soir par la Présidente de la République, en prolongement de l'entretien du printemps à l'Élysée avec le chef de l'État.
Demain, je m'entretiendrai avec M. Slakteris, Ministre de la Défense, puis M. Emsis, Premier ministre.
La coopération entre deux pays ne passe pas seulement par les hautes autorités de l'État.
Elle relève surtout des échanges entre les peuples.
Je sais que la présence française en Lettonie est encore modeste.
Je sais néanmoins que votre action est des plus dynamiques, que vous soyez dans les affaires ou l'administration.
Il nous appartient que la communauté française en Lettonie prenne de l'ampleur, en incitant nos entreprises et nos compatriotes à venir s'installer ici.
Je sais tous les efforts réalisés par notre Ambassadeur pour favoriser la connaissance mutuelle et l'approfondissement de nos relations.
Tous, par votre double appartenance aux sociétés française et lettonne, vous concourrez au rapprochement entre nos deux peuples et pays.
Je tenais à vous en remercier.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2004)
Discours du 22 juillet à Riga :
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
C'est pour moi un réel plaisir d'être parmi vous pour parler de l'Europe.
L'Europe, c'est notre avenir commun.
Avec le récent élargissement, qui a vu le retour de la Lettonie dans la famille européenne, une nouvelle ère s'ouvre à nous.
Je suis heureuse que les nouveaux membres, à l'image de votre pays, se soient mobilisés en faveur du projet européen.
La construction européenne progresse depuis quelques années à grands pas.
Elle doit désormais, avec l'appui et le dynamisme des nouveaux membres, franchir de nouvelles étapes.
L'élargissement est une chance à saisir.
Il doit nous amener à réunifier notre continent autour d'une ambition commune : une Europe unie, puissante, capable de défendre ses citoyens et ses intérêts et de se faire respecter dans le monde.
L'élargissement de l'Union européenne est une opportunité sans précédent.
Notre continent, tout en préservant sa diversité, aspire désormais à l'unité.
L'élargissement est une étape décisive dans la refondation de la famille européenne.
L'abolition des barrières en Europe est un facteur de stabilité et de développement partagé.
La construction européenne ne signifie pas pour autant l'affaiblissement de nos identités nationales.
Les pays qui, comme la Lettonie, ont récemment reconquis leur indépendance, sont là pour nous rappeler le prix de ces identités.
Toutefois, la défense de nos intérêts communs exige une action collective
Nous avons besoin d'une Europe solidaire.
Le modèle européen que nous devons bâtir ensemble s'appuie sur des objectifs partagés.
Que ce soit dans les domaines économique, social, culturel et politique, nous avons des valeurs communes, des intérêts communs.
Nous voulons pouvoir disposer d'entreprises suffisamment puissantes pour affronter la compétition mondiale.
Nous voulons préserver un modèle social protégeant les plus déshérités.
Nous voulons défendre nos richesses culturelles.
Pour promouvoir ensemble ces intérêts et ces valeurs, nous devons renforcer notre concertation et notre coopération dans tous les domaines.
C'est d'autant plus un impératif que nous sommes désormais 25 États membres.
Notre voix commune ne sera entendue que si nous manifestons concrètement notre capacité à la faire respecter.
Ce modèle européen doit aussi affronter des risques partagés : terrorisme, crises régionales intercommunautaires, interethniques, interreligieuses.
Face à ces défis, nous devons être capables de réagir.
Si nécessaire, cela peut passer par des moyens militaires.
Cela exige donc le renforcement de l'Europe de la Défense.
L'Europe de la défense est plus que jamais une composante incontournable de la nouvelle Europe.
L'obligation première de l'Europe, comme l'obligation première de tout État, c'est d'être en mesure de défendre nos ressortissants, nos intérêts et nos valeurs à l'extérieur du continent.
C'est la raison d'être et l'ambition de l'Europe de la Défense.
La Défense européenne fait aujourd'hui des progrès considérables.
Le drapeau européen a flotté l'an dernier en Macédoine et au Congo.
Il flottera en Bosnie à la fin de l'année, pour conforter la paix entre les communautés à proximité de nos frontières.
Demain, nous serons sans doute amenés à intervenir aux confins de l'Europe, en Afrique ou ailleurs, pour protéger nos ressortissants, pour défendre nos intérêts contre le terrorisme, pour rétablir ou consolider la paix.
Nous ne répondrons à cette ambition qu'à une triple condition :
- renforcer nos capacités militaires.
- améliorer nos capacités de planification et de commandement.
- développer nos capacités de réaction rapide.
La constitution européenne adoptée le 18 juin contient plusieurs dispositions en matière de défense.
La clause de solidarité permet aux pays de l'Union européenne de faire front uni contre les attaques terroristes.
Le système des coopérations renforcées incite tous les pays qui veulent aller de l'avant à prendre des mesures novatrices.
L'Agence européenne nous permettra de préparer ensemble l'avenir en matière de définition des besoins, de recherche et de gestion des programmes communs.
En 2003, l'Europe de la Défense a connu son vrai départ.
Nous devons poursuivre cet élan.
Chacun doit y tenir toute sa place.
Ensemble, nous donnerons à l'Union européenne, première puissance économique du monde, les moyens d'être aussi une grande puissance politique et militaire.
Cela ne signifie pas pour autant que nous devons accorder moins d'importance au partenariat transatlantique.
L'Europe et l'Amérique constituent deux partenaires privilégiés.
Dans tous les domaines, nous connaissons une interdépendance très forte.
Nous faisons face aux mêmes menaces liées au terrorisme, à la prolifération d'ADM et aux crises régionales.
Nous partageons les mêmes valeurs, fondées sur la démocratie et l'état de droit.
Les pôles européen et nord-américain doivent donc coopérer de façon étroite.
L'Alliance atlantique symbolise cette coopération dans le domaine de la sécurité.
Elle est une garantie ultime face aux incertitudes de l'avenir.
Elle est aussi un cadre commun d'action pour gérer des crises internationales susceptibles d'affecter notre sécurité.
Pour qu'elle nous permette de répondre efficacement aux crises, nous devons continuer à rénover ses structures.
Il n'y a pas de compétition entre l'UE et l'OTAN ; le renforcement des capacités militaires de l'Union européenne contribuera aussi au renforcement de l'Alliance.
La multiplicité des crises prévisibles dans le monde appelle un appui réciproque et interdit toute idée de concurrence entre les deux organisations.
Face aux défis actuels, il importe de ne pas baisser la garde et de consacrer les moyens nécessaires à la défense.
La sécurité des citoyens est la première raison d'être de tout Etat : de la France, comme de la Lettonie, comme de tout autre pays européen.
La France fait aujourd'hui un effort remarqué pour remettre à niveau et renforcer dans la durée son outil de défense.
Elle attend de ses partenaires et de ses alliés qu'ils apportent leur pierre à l'édifice commun de la sécurité européenne.
Ces apports serviront le lien transatlantique, en montrant à nos alliés américains que les Européens sont capables de mieux assumer leurs responsabilités en matière de défense.
Je tiens à saluer les réels efforts accomplis par les pays qui rejoignent cette année l'Union européenne et l'OTAN.
En poursuivant dans cette voie, je sais que nous saurons saisir ensemble les opportunités exceptionnelles que nous apporte le projet européen.
La France a toujours joué un rôle moteur dans cette entreprise.
La Lettonie a toute sa place à prendre au cur de cette immense ambition commune.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2004)
Diena : Quelle est la principale menace à laquelle doit faire face l'Union européenne à l'heure actuelle ?
Michèle Alliot-Marie : Le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive sont sans conteste les menaces les plus importantes pour l'UE. La multiplication des crises régionales en est une autre qui ne doit pas être négligée.
Qu'elles soient à nos frontières ou plus lointaines, elles créent une instabilité menaçant nos concitoyens présents sur ces terrains. Elles sont propices aux trafics. L'Europe de la défense est devenue une réalité concrète de la coopération européenne à 25. Nos capacités de réaction rapide, le développement des moyens de sécurité civile, l'intensification de la lutte contre le financement du terrorisme, l'amélioration de la coopération opérationnelle par le renforcement d'Europol mais aussi l'intensification des échanges d'informations constituent autant de progrès que devra coordonner M. De Vries. Sa nomination récente comme coordonnateur de la lutte européenne contre le terrorisme marque une avancée. Cette lutte appelle déjà une vigilance accrue et un effort dans la durée.
La lutte antiterroriste n'est pas que militaire. Elle n'aura de véritable efficacité que si nous nous employons à comprendre les origines de cette menace : sous développement, sentiment d'injustice, désespoir.
Diena : Etes-vous satisfaite des capacités de défense mises en place par l'Union européenne jusqu'à maintenant ? Comment envisagez-vous le développement de ces capacités dans l'avenir ?
Michèle Alliot-Marie : Les progrès de l'Europe de la défense depuis deux ans sont considérables tant dans le domaine institutionnel qu'opérationnel. Dans le domaine opérationnel, l'Union européenne s'apprête à relever l'OTAN en Bosnie à la fin de cette année. Le Corps européen et la brigade franco-allemande seront prochainement engagés en Afghanistan. S'agissant des capacités militaires, la cellule de planification et de conduite d'opérations de l'état-major de l'UE monte en puissance et sera opérationnelle fin 2005. Les premiers groupements tactiques français et britanniques de 1 500 hommes seront déployables dès 2005. La force de gendarmerie européenne aura son état-major installé en Italie dès cet automne et elle sera opérationnelle en 2005. Au plan institutionnel, l'Agence européenne de défense sera en fonction avant la fin de l'année. Le Collège européen de défense et de sécurité ouvrira sa première session à l'automne.
Nous devons nous féliciter de ces avancées, maintenir le cap et poursuivre avec détermination dans la voie que nous avons collectivement choisie. Ensemble, nous devons donner à l'Union européenne, première puissance économique du monde, les moyens d'être aussi une grande puissance politique et militaire.
Diena : Quel rôle pourrait, à vos yeux, être attribué à la Lettonie en ce qui concerne les capacités de défense européennes en cours de développement ?
Michèle Alliot-Marie : La récente adhésion de la Lettonie à l'UE est un événement historique dont nous nous réjouissons. Elle renforce la famille européenne. Elle élargit le champs géographique de la stabilité, de la démocratie et de la paix sur notre continent.
La participation de la Lettonie à notre effort collectif pour développer nos capacités européennes de réaction rapide constitue une précieuse contribution. Elle peut être pleinement associée au renforcement de nos capacités militaires au sein de l'Agence européenne de défense, participant ainsi à la rationalisation des efforts communs et à la préparation de l'avenir. La Lettonie a également toute sa place pour améliorer nos capacités de planification et de commandement au sein de l'état-major de l'UE.
Je suis persuadée que la Lettonie sera un acteur de l'affirmation de l'Europe comme puissance politique engagée au service de la paix et de la liberté.
Diena : Plusieurs des nouveaux membres de l'UE voient dans la présence des Etats-Unis en Europe un élément essentiel à la stabilité de notre région. Adhérez-vous à ce point de vue ?
Michèle Alliot-Marie : Les États-Unis sont présents en Europe au travers de l'OTAN. L'Alliance reste un pilier essentiel de notre sécurité. C'est pourquoi la France lui apporte un concours déterminé par sa présence dans les instances de commandements et par sa contribution qui est l'une des 3 plus importantes. L'Europe de la Défense est parfaitement complémentaire et solidaire de l'Alliance atlantique. Les accords " Berlin + " garantissent un véritable partenariat stratégique euro-atlantique au bénéfice de la sécurité sur le continent européen et dans le monde.
La Lettonie, membre à part entière et de l'Union européenne et de l'OTAN, bénéficie au même titre que l'ensemble des Européens, de l'assistance de la communauté euro-atlantique en cas de menaces contre ses intérêts.
Diena : La France a déclaré, lors du Sommet d'Istanbul, qu'elle n'enverrait pas de soldats en Irak et qu'elle ne participerait pas aux activités de l'OTAN relatives à la formation de l'armée irakienne si celles-ci se déroulaient en Irak. Quelle est la raison de ce refus ? Quels seraient les changements nécessaires en Irak pour que la France accepte d'envoyer des hommes sur place ?
Michèle Alliot-Marie : Le défi aujourd'hui en Irak est de garantir la souveraineté et l'unité du pays, sa sécurité et son développement. Les Irakiens doivent aujourd'hui avoir la certitude que leur pays est pleinement indépendant et de fait, libre de son destin. La mise en place, le 28 juin, du nouveau gouvernement intérimaire souverain en Irak, représente une étape importante. C'est d'ailleurs ce qu'a clairement affirmé le président Chirac lors du Sommet de l'OTAN à Istanbul. Pour avoir le sentiment de leur souveraineté retrouvée, les Irakiens ont besoin de voir chez eux moins d'uniformes militaires étrangers. La France est prête à participer à la reconstruction de l'Irak. Elle ne s'est jamais opposée à ce que l'Alliance mette à disposition ses moyens et infrastructures pour la formation des forces de sécurité irakiennes, mais hors du territoire.
C'est pour cette même raison que la France n'enverra pas de soldats en Irak.
Diena : Nombreux sont ceux qui se demandent si l'OTAN réussira à mener à bien sa mission en Afghanistan, à savoir stabiliser la situation dans la région. Pourquoi la France est-elle réticente à l'idée d'envoyer la Force de réaction rapide de l'OTAN pour aider à atteindre cet objectif ?
Michèle Alliot-Marie : En Afghanistan, il est clair qu'il nous faut amplifier nos efforts si nous voulons garantir des élections démocratiques dans un climat sécurisé. Néanmoins, la Force de Réaction Rapide de l'Otan n'est pas la bonne réponse au problème. La date des élections est connue depuis longtemps. Il y a des troupes sur le terrain qu'il faut renforcer selon les procédures normales. La NRF (Nato Response Force) est comme son nom l'indique, une force de réaction. Elle n'est donc pas adaptée dans un tel contexte. Son déploiement se ferait donc à contre-emploi.
Pour autant, nous avons conscience des risques de dégradation rapide de la situation dans ce pays. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que la NRF soit mise en état d'alerte maximum, et que soit envoyée sur place une mission d'évaluation qui devra estimer si à un moment donné son intervention se justifie. Cette solution, proposée par la France, a été adoptée.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 juillet 2004)
Déclaration à l'occasion de la réception offerte pour la communauté française de Lettonie le 21 juillet :
Monsieur l'Ambassadeur,
Chers compatriotes,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse, comme première étape de ma visite en Lettonie, de vous rencontrer, ici, à la Résidence de France.
De nombreux déplacements officiels ont rythmé les relations entre nos deux pays.
Ils témoignent de tout l'intérêt que la France porte à la Lettonie.
Il était naturel qu'en tant que Ministre français de la Défense, je rende visite à un pays ami et allié, peu après son entrée dans l'Alliance Atlantique et l'Union Européenne.
Le tournant exceptionnel qui a eu lieu le 1er mai a marqué la fin des affrontements du siècle précédent, laissant place à une nouvelle ère.
La Lettonie a su se mobiliser en faveur du projet de l'Union Européenne.
Nos deux pays se retrouvent donc aujourd'hui la main dans la main, pour faire vivre et avancer l'Europe de demain.
Cette Europe de demain se construit un peu plus chaque jour, particulièrement dans le domaine de la défense.
Je souhaite à cet égard que la coopération de défense entre nos deux pays se développe sur de nouvelles bases.
Je serai reçue ce soir par la Présidente de la République, en prolongement de l'entretien du printemps à l'Élysée avec le chef de l'État.
Demain, je m'entretiendrai avec M. Slakteris, Ministre de la Défense, puis M. Emsis, Premier ministre.
La coopération entre deux pays ne passe pas seulement par les hautes autorités de l'État.
Elle relève surtout des échanges entre les peuples.
Je sais que la présence française en Lettonie est encore modeste.
Je sais néanmoins que votre action est des plus dynamiques, que vous soyez dans les affaires ou l'administration.
Il nous appartient que la communauté française en Lettonie prenne de l'ampleur, en incitant nos entreprises et nos compatriotes à venir s'installer ici.
Je sais tous les efforts réalisés par notre Ambassadeur pour favoriser la connaissance mutuelle et l'approfondissement de nos relations.
Tous, par votre double appartenance aux sociétés française et lettonne, vous concourrez au rapprochement entre nos deux peuples et pays.
Je tenais à vous en remercier.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2004)
Discours du 22 juillet à Riga :
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
C'est pour moi un réel plaisir d'être parmi vous pour parler de l'Europe.
L'Europe, c'est notre avenir commun.
Avec le récent élargissement, qui a vu le retour de la Lettonie dans la famille européenne, une nouvelle ère s'ouvre à nous.
Je suis heureuse que les nouveaux membres, à l'image de votre pays, se soient mobilisés en faveur du projet européen.
La construction européenne progresse depuis quelques années à grands pas.
Elle doit désormais, avec l'appui et le dynamisme des nouveaux membres, franchir de nouvelles étapes.
L'élargissement est une chance à saisir.
Il doit nous amener à réunifier notre continent autour d'une ambition commune : une Europe unie, puissante, capable de défendre ses citoyens et ses intérêts et de se faire respecter dans le monde.
L'élargissement de l'Union européenne est une opportunité sans précédent.
Notre continent, tout en préservant sa diversité, aspire désormais à l'unité.
L'élargissement est une étape décisive dans la refondation de la famille européenne.
L'abolition des barrières en Europe est un facteur de stabilité et de développement partagé.
La construction européenne ne signifie pas pour autant l'affaiblissement de nos identités nationales.
Les pays qui, comme la Lettonie, ont récemment reconquis leur indépendance, sont là pour nous rappeler le prix de ces identités.
Toutefois, la défense de nos intérêts communs exige une action collective
Nous avons besoin d'une Europe solidaire.
Le modèle européen que nous devons bâtir ensemble s'appuie sur des objectifs partagés.
Que ce soit dans les domaines économique, social, culturel et politique, nous avons des valeurs communes, des intérêts communs.
Nous voulons pouvoir disposer d'entreprises suffisamment puissantes pour affronter la compétition mondiale.
Nous voulons préserver un modèle social protégeant les plus déshérités.
Nous voulons défendre nos richesses culturelles.
Pour promouvoir ensemble ces intérêts et ces valeurs, nous devons renforcer notre concertation et notre coopération dans tous les domaines.
C'est d'autant plus un impératif que nous sommes désormais 25 États membres.
Notre voix commune ne sera entendue que si nous manifestons concrètement notre capacité à la faire respecter.
Ce modèle européen doit aussi affronter des risques partagés : terrorisme, crises régionales intercommunautaires, interethniques, interreligieuses.
Face à ces défis, nous devons être capables de réagir.
Si nécessaire, cela peut passer par des moyens militaires.
Cela exige donc le renforcement de l'Europe de la Défense.
L'Europe de la défense est plus que jamais une composante incontournable de la nouvelle Europe.
L'obligation première de l'Europe, comme l'obligation première de tout État, c'est d'être en mesure de défendre nos ressortissants, nos intérêts et nos valeurs à l'extérieur du continent.
C'est la raison d'être et l'ambition de l'Europe de la Défense.
La Défense européenne fait aujourd'hui des progrès considérables.
Le drapeau européen a flotté l'an dernier en Macédoine et au Congo.
Il flottera en Bosnie à la fin de l'année, pour conforter la paix entre les communautés à proximité de nos frontières.
Demain, nous serons sans doute amenés à intervenir aux confins de l'Europe, en Afrique ou ailleurs, pour protéger nos ressortissants, pour défendre nos intérêts contre le terrorisme, pour rétablir ou consolider la paix.
Nous ne répondrons à cette ambition qu'à une triple condition :
- renforcer nos capacités militaires.
- améliorer nos capacités de planification et de commandement.
- développer nos capacités de réaction rapide.
La constitution européenne adoptée le 18 juin contient plusieurs dispositions en matière de défense.
La clause de solidarité permet aux pays de l'Union européenne de faire front uni contre les attaques terroristes.
Le système des coopérations renforcées incite tous les pays qui veulent aller de l'avant à prendre des mesures novatrices.
L'Agence européenne nous permettra de préparer ensemble l'avenir en matière de définition des besoins, de recherche et de gestion des programmes communs.
En 2003, l'Europe de la Défense a connu son vrai départ.
Nous devons poursuivre cet élan.
Chacun doit y tenir toute sa place.
Ensemble, nous donnerons à l'Union européenne, première puissance économique du monde, les moyens d'être aussi une grande puissance politique et militaire.
Cela ne signifie pas pour autant que nous devons accorder moins d'importance au partenariat transatlantique.
L'Europe et l'Amérique constituent deux partenaires privilégiés.
Dans tous les domaines, nous connaissons une interdépendance très forte.
Nous faisons face aux mêmes menaces liées au terrorisme, à la prolifération d'ADM et aux crises régionales.
Nous partageons les mêmes valeurs, fondées sur la démocratie et l'état de droit.
Les pôles européen et nord-américain doivent donc coopérer de façon étroite.
L'Alliance atlantique symbolise cette coopération dans le domaine de la sécurité.
Elle est une garantie ultime face aux incertitudes de l'avenir.
Elle est aussi un cadre commun d'action pour gérer des crises internationales susceptibles d'affecter notre sécurité.
Pour qu'elle nous permette de répondre efficacement aux crises, nous devons continuer à rénover ses structures.
Il n'y a pas de compétition entre l'UE et l'OTAN ; le renforcement des capacités militaires de l'Union européenne contribuera aussi au renforcement de l'Alliance.
La multiplicité des crises prévisibles dans le monde appelle un appui réciproque et interdit toute idée de concurrence entre les deux organisations.
Face aux défis actuels, il importe de ne pas baisser la garde et de consacrer les moyens nécessaires à la défense.
La sécurité des citoyens est la première raison d'être de tout Etat : de la France, comme de la Lettonie, comme de tout autre pays européen.
La France fait aujourd'hui un effort remarqué pour remettre à niveau et renforcer dans la durée son outil de défense.
Elle attend de ses partenaires et de ses alliés qu'ils apportent leur pierre à l'édifice commun de la sécurité européenne.
Ces apports serviront le lien transatlantique, en montrant à nos alliés américains que les Européens sont capables de mieux assumer leurs responsabilités en matière de défense.
Je tiens à saluer les réels efforts accomplis par les pays qui rejoignent cette année l'Union européenne et l'OTAN.
En poursuivant dans cette voie, je sais que nous saurons saisir ensemble les opportunités exceptionnelles que nous apporte le projet européen.
La France a toujours joué un rôle moteur dans cette entreprise.
La Lettonie a toute sa place à prendre au cur de cette immense ambition commune.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2004)