Texte intégral
Q - Noëlle Lenoir a une après-midi chargée aujourd'hui : elle recevra tout à l'heure Mario Monti, le commissaire européen et ensuite l'ancien Premier ministre polonais, donc deux visites sur des dossiers chauds, et puis cet élargissement et cette Constitution : est-ce qu'on va pouvoir rediscuter de la Constitution sous la présidence irlandaise qui a commencé ? Noëlle Lenoir, beaucoup de sujets en ce moment. Votre rencontre avec Mario Monti, il y a pas mal de dossiers en discussion en ce moment, notamment le gros dossier EDF : Est-ce que sur l'esprit vous espérez amadouer M. Monti ?
R - Comme je l'ai dit hier en réponse à une question d'actualité au Sénat, la France n'est pas dans une logique de confrontation avec la Commission qui joue son rôle. C'est ce qu'a indiqué d'ailleurs Jean-Pierre Raffarin à Romano Prodi, le président de la Commission européenne, quand il l'a rencontré. Nous sommes en négociation et il est tout à fait légitime que nous défendions nos dossiers. A la Commission ensuite de faire valoir son argumentation sur EDF. La décision de la Commission ne nous arrange évidemment pas dans le temps. EDF est dans une démarche de réforme en profondeur. Nous pensons qu'il faut que cette démarche puisse se poursuivre dans un climat apaisé. Mais du côté de la Commission on retient une autre argumentation. C'est la raison pour laquelle nous comptons présenter nos contre-arguments.
Q - Comment peut-on débloquer la situation Noëlle Lenoir ?
R - Je ne vais certainement pas anticiper sur la finalisation des discussions qui sont en cours, cela relève du ministre des Finances. Ce que demande la Commission européenne, c'est que cette grande entreprise qu'est EDF restitue à l'Etat les sommes représentatives de l'aide qui lui a été accordée pour lui permettre de passer une période difficile. Nous estimons que le timing de cette restitution n'est pas bon. Comme je l'indiquais à l'instant, il faut que l'entreprise se réforme en profondeur, s'adapte pleinement au contexte du marché européen et il faut qu'elle puisse le faire en toute tranquillité.
Q - Doit-on comprendre que c'est moins sur le fond de cette restitution qu'on est en train de parler que sur le calendrier, on voudrait un peu plus de temps éventuellement ?
R - Ce que je puis vous dire, c'est qu'effectivement le calendrier n'est pas bon.
Q - Nous allons demander un délai supplémentaire, comment cela va-t-il se passer ?
R - Nous allons demander un délai. Et sur le fond, nous souhaitons que la Commission retienne une interprétation légèrement différente. C'est assez compliqué. Mais la discussion qui a lieu au niveau du ministère des Finances avec la Commission est une discussion normale dans des cas de ce genre.
Q - On attend une réponse pour quand ?
R - Dans les semaines à venir
Q - C'est le dossier essentiel dont vous allez parler avec Mario Monti ou y en a-t-il d'autres ?
R - D'un point de vue général, vous savez que la direction générale de la Concurrence, dont le rôle est d'assurer une concurrence loyale entre toutes les entreprises qui sont opératrices sur le marché européen, vient d'être modifiée en profondeur. Désormais, il y aura une plus forte déconcentration. Les autorités de concurrence nationales, comme notre Conseil national de la concurrence, auront plus de pouvoirs. Par ailleurs, il y a un fort renforcement de la qualité de l'analyse économique réalisée par la Commission avant qu'elle ne statue sur le respect ou non des règles de la concurrence. C'est intéressant pour nous de voir comment ces procédures sont mises en oeuvre, car elles permettent un meilleur dialogue entre les Etats et la Commission et garantissent aussi une meilleure argumentation de la Commission quand elle prend une décision négative.
Q - Votre deuxième rendez-vous de la journée, c'est avec l'ancien Premier ministre polonais, c'est un rendez-vous important. Cette Constitution européenne qui n'avait pas pu être ratifiée en fin de semaine dernière notamment à cause de la position de l'Espagne et de la Pologne : est-ce que vous espérez sous la présidence irlandaise assouplir la position de ces deux pays ?
R - J'ai passé une bonne partie de la journée de lundi dernier avec mon homologue, le ministre irlandais des Affaires européennes et je l'ai senti très déterminé. La présidence irlandaise veut tout faire pour que cette Constitution puisse être finalisée à la fin du mois de juin. Si ce n'est pas possible, il faudra évidemment déborder sur la présidence suivante, celle des Pays-Bas. Mais les Irlandais vont tout faire pour régler cette question. Ils ont une forte expertise car ce gouvernement irlandais a été le champion de la campagne qui a conduit à la ratification par le peuple irlandais du Traité de Nice, après l'échec du premier référendum. Ils ont donc de l'expérience et de la détermination.
Q - On a l'impression qu'à ce moment là la Pologne lâche du leste, notamment pour des raisons économiques ?
R - Pour des raisons européennes aussi. Il ne faut jamais discréditer ces pays. Ce sont des pays qui sortent des ténèbres. Pendant 50 ans ils ont vécu sous le joug soviétique. Leurs peuples sont en phase de transition. La Pologne a eu des difficultés à Bruxelles, c'est vrai. Le gouvernement polonais n'avait pas beaucoup de marge de négociation, c'est un pays qui est résolument européen et je suis confiante. Les discussions entre le ministre des Affaires étrangères polonais et Dominique de Villepin ont été très ouvertes et je crois que nous allons arriver à un accord.
Q - Vous pensez que les Polonais pourraient se ranger à la position franco-allemande ?
R - Il y aura en tout état de cause un accord, qui sera le fruit d'un compromis et de concessions réciproques
Q - Et en même temps comme il y aura un changement électoral en Espagne, là aussi cela pourrait se débloquer ?
R - Tous les pays sont déterminés à remettre sur la table le texte de la Constitution car on sait bien que l'Europe a besoin de sa capacité à décider. A défaut on perdrait l'avantage de tout ce qu'on a fait pendant 50 ans. Je crois que la détermination y est. Ensuite c'est affaire de négociations entre Etats. Il est normal, s'agissant d'une Constitution qui va sans doute durer plus longtemps que les traités antérieurs, que les Etats veuillent défendre pied à pied leurs intérêts nationaux avant de s'insérer dans une démarche communautaire
Q - Néanmoins vous me parliez de compromis : la France a dit qu'elle ne changerait pas d'un iota par rapport au projet élaboré par la Convention de Valéry Giscard d'Estaing, qui était déjà un compromis.
R - Nous sommes certes résolument pour l'équilibre général de la Convention. Mais comme vous le savez, sous présidence italienne il y a déjà eu quelques amodiations au texte de la Convention qui nous convenaient. Je pense par exemple à la procédure budgétaire où nous souhaitions un rééquilibrage entre les pouvoirs du Parlement et ceux du Conseil, c'est-à-dire des Etats. Or, cela a été fait. Il y aussi eu des avancées pour accroître les compétences de l'Union européenne en matière de santé publique, car nous pensons que la lutte contre les grandes maladies ou la prévention des maladies est un grand enjeu pour l'Europe.
Q - Donc il y a encore des discussions et des aménagements possibles et en tout cas vous espérez y arriver sous la présidence irlandaise
R - Nous ferons tout pour aider la présidence irlandaise en ce sens
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2004)
R - Comme je l'ai dit hier en réponse à une question d'actualité au Sénat, la France n'est pas dans une logique de confrontation avec la Commission qui joue son rôle. C'est ce qu'a indiqué d'ailleurs Jean-Pierre Raffarin à Romano Prodi, le président de la Commission européenne, quand il l'a rencontré. Nous sommes en négociation et il est tout à fait légitime que nous défendions nos dossiers. A la Commission ensuite de faire valoir son argumentation sur EDF. La décision de la Commission ne nous arrange évidemment pas dans le temps. EDF est dans une démarche de réforme en profondeur. Nous pensons qu'il faut que cette démarche puisse se poursuivre dans un climat apaisé. Mais du côté de la Commission on retient une autre argumentation. C'est la raison pour laquelle nous comptons présenter nos contre-arguments.
Q - Comment peut-on débloquer la situation Noëlle Lenoir ?
R - Je ne vais certainement pas anticiper sur la finalisation des discussions qui sont en cours, cela relève du ministre des Finances. Ce que demande la Commission européenne, c'est que cette grande entreprise qu'est EDF restitue à l'Etat les sommes représentatives de l'aide qui lui a été accordée pour lui permettre de passer une période difficile. Nous estimons que le timing de cette restitution n'est pas bon. Comme je l'indiquais à l'instant, il faut que l'entreprise se réforme en profondeur, s'adapte pleinement au contexte du marché européen et il faut qu'elle puisse le faire en toute tranquillité.
Q - Doit-on comprendre que c'est moins sur le fond de cette restitution qu'on est en train de parler que sur le calendrier, on voudrait un peu plus de temps éventuellement ?
R - Ce que je puis vous dire, c'est qu'effectivement le calendrier n'est pas bon.
Q - Nous allons demander un délai supplémentaire, comment cela va-t-il se passer ?
R - Nous allons demander un délai. Et sur le fond, nous souhaitons que la Commission retienne une interprétation légèrement différente. C'est assez compliqué. Mais la discussion qui a lieu au niveau du ministère des Finances avec la Commission est une discussion normale dans des cas de ce genre.
Q - On attend une réponse pour quand ?
R - Dans les semaines à venir
Q - C'est le dossier essentiel dont vous allez parler avec Mario Monti ou y en a-t-il d'autres ?
R - D'un point de vue général, vous savez que la direction générale de la Concurrence, dont le rôle est d'assurer une concurrence loyale entre toutes les entreprises qui sont opératrices sur le marché européen, vient d'être modifiée en profondeur. Désormais, il y aura une plus forte déconcentration. Les autorités de concurrence nationales, comme notre Conseil national de la concurrence, auront plus de pouvoirs. Par ailleurs, il y a un fort renforcement de la qualité de l'analyse économique réalisée par la Commission avant qu'elle ne statue sur le respect ou non des règles de la concurrence. C'est intéressant pour nous de voir comment ces procédures sont mises en oeuvre, car elles permettent un meilleur dialogue entre les Etats et la Commission et garantissent aussi une meilleure argumentation de la Commission quand elle prend une décision négative.
Q - Votre deuxième rendez-vous de la journée, c'est avec l'ancien Premier ministre polonais, c'est un rendez-vous important. Cette Constitution européenne qui n'avait pas pu être ratifiée en fin de semaine dernière notamment à cause de la position de l'Espagne et de la Pologne : est-ce que vous espérez sous la présidence irlandaise assouplir la position de ces deux pays ?
R - J'ai passé une bonne partie de la journée de lundi dernier avec mon homologue, le ministre irlandais des Affaires européennes et je l'ai senti très déterminé. La présidence irlandaise veut tout faire pour que cette Constitution puisse être finalisée à la fin du mois de juin. Si ce n'est pas possible, il faudra évidemment déborder sur la présidence suivante, celle des Pays-Bas. Mais les Irlandais vont tout faire pour régler cette question. Ils ont une forte expertise car ce gouvernement irlandais a été le champion de la campagne qui a conduit à la ratification par le peuple irlandais du Traité de Nice, après l'échec du premier référendum. Ils ont donc de l'expérience et de la détermination.
Q - On a l'impression qu'à ce moment là la Pologne lâche du leste, notamment pour des raisons économiques ?
R - Pour des raisons européennes aussi. Il ne faut jamais discréditer ces pays. Ce sont des pays qui sortent des ténèbres. Pendant 50 ans ils ont vécu sous le joug soviétique. Leurs peuples sont en phase de transition. La Pologne a eu des difficultés à Bruxelles, c'est vrai. Le gouvernement polonais n'avait pas beaucoup de marge de négociation, c'est un pays qui est résolument européen et je suis confiante. Les discussions entre le ministre des Affaires étrangères polonais et Dominique de Villepin ont été très ouvertes et je crois que nous allons arriver à un accord.
Q - Vous pensez que les Polonais pourraient se ranger à la position franco-allemande ?
R - Il y aura en tout état de cause un accord, qui sera le fruit d'un compromis et de concessions réciproques
Q - Et en même temps comme il y aura un changement électoral en Espagne, là aussi cela pourrait se débloquer ?
R - Tous les pays sont déterminés à remettre sur la table le texte de la Constitution car on sait bien que l'Europe a besoin de sa capacité à décider. A défaut on perdrait l'avantage de tout ce qu'on a fait pendant 50 ans. Je crois que la détermination y est. Ensuite c'est affaire de négociations entre Etats. Il est normal, s'agissant d'une Constitution qui va sans doute durer plus longtemps que les traités antérieurs, que les Etats veuillent défendre pied à pied leurs intérêts nationaux avant de s'insérer dans une démarche communautaire
Q - Néanmoins vous me parliez de compromis : la France a dit qu'elle ne changerait pas d'un iota par rapport au projet élaboré par la Convention de Valéry Giscard d'Estaing, qui était déjà un compromis.
R - Nous sommes certes résolument pour l'équilibre général de la Convention. Mais comme vous le savez, sous présidence italienne il y a déjà eu quelques amodiations au texte de la Convention qui nous convenaient. Je pense par exemple à la procédure budgétaire où nous souhaitions un rééquilibrage entre les pouvoirs du Parlement et ceux du Conseil, c'est-à-dire des Etats. Or, cela a été fait. Il y aussi eu des avancées pour accroître les compétences de l'Union européenne en matière de santé publique, car nous pensons que la lutte contre les grandes maladies ou la prévention des maladies est un grand enjeu pour l'Europe.
Q - Donc il y a encore des discussions et des aménagements possibles et en tout cas vous espérez y arriver sous la présidence irlandaise
R - Nous ferons tout pour aider la présidence irlandaise en ce sens
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2004)