Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la collaboration entre l'Armée et les journalistes, les priorités de la politique de défense et la défense européenne, à Paris le 11 janvier 2005.

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Circonstance : Voeux à la presse, à Paris le 11 janvier 2005

Texte intégral

Je sais que c'est banal et que beaucoup d'autres avant moi vous l'ont déjà dit : soyez néanmoins certains que c'est avec la plus grande sincérité que je vous souhaite à tous une bonne année 2005.
En ce début d'année, j'ai bien évidemment une pensée pour les journalistes décédés dans l'exercice de leur métier.
2004 fut une année difficile pour les journalistes, la plus meurtrière depuis dix ans.
53 ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions en 2004. 15 collaborateurs des media ont également trouvé la mort.
2004 fut marquée par de nouvelles crises : la Défense a été amenée à occuper une place considérable dans l'actualité.
Crise ivoirienne, crise haïtienne, crise au Kosovo.
Mais aussi catastrophes naturelles où les armées sont le seul moyen de déploiement efficace dont disposent les Etats.

Nous l'avons vu lors des cyclones à Haïti, et plus récemment lors du terrible raz de marée en Asie du Sud-Est.
Immédiatement, c'est-à-dire le jour même, la Défense a mis à la disposition du Gouvernement ses moyens aériens et navals, ses personnels de santé.
Dès le lendemain partait le premier gros porteur qui, au retour, ramena 160 de nos compatriotes.
Depuis, chaque jour de nouveaux moyens sont envoyés.
Près de 170 militaires ont été rapidement mis à pied d'oeuvre avec un détachement d'intervention de la Sécurité civile, une unité d'identification de la gendarmerie et des moyens aériens de transport et de recherche en mer.
La Jeanne d'Arc et le Georges Leygues sont en route pour l'Indonésie, avec un bloc opératoire, seize médecins, sept hélicoptères, des moyens du Génie, des médicaments et des capacités de production d'eau potable.
Devant les besoins de moyens aériens sur zone, j'ai aussi décidé de renforcer les nôtres par cinq hélicoptères Puma supplémentaires et par l'envoi du Dupleix, actuellement en mer d'Oman, lui-même doté d'hélicoptères.
Une équipe d'évaluation a été envoyée sur place pour nous permettre de juger plus précisément des besoins complémentaires en hôpital de campagne ou en moyens du Génie, besoins que nous pourrons alors prendre en compte dans les plus brefs délais.
Au total, ce sont près d'un millier de militaires français qui vont être ainsi engagés dans cette opération BERYX de secours aux victimes du raz-de-marée.
Nous apportons bien entendu notre soutien aux actions des ONG et à des initiatives d'entreprises.
J'ai décidé de faire acheminer par un C135 les 16 tonnes de médicaments donnés par Laboratoires Fabre.
Le contexte actuel illustre les liens de plus en plus étroits des media et des personnels de la Défense, amenés à se côtoyer dans leur métier.
Ce constat m'inspire deux réflexions :
nos relations d'estime et de coopération doivent être préservées et approfondies ;
le rôle de nos armées doit être encore mieux connu des Français, qui peuvent légitimement en être fiers.
Les enjeux de la Défense dans leur vie quotidienne et sur la scène internationale, ainsi que mon ambition pour ce ministère, peuvent encore gagner en visibilité.
La proximité des media et des armées dans l'exercice de leurs fonctions respectives exige des liens de qualité.
La protection et la sécurité des professionnels de l'information est une question de plus en plus préoccupante, pour vous comme pour les gouvernements.
Le métier des journalistes sur les théâtres de crises internationales est de plus en plus difficile et dangereux.
Les journalistes et les media sont de plus en plus les cibles d'attaques dans les conflits armés.
L'enlèvement est une menace grandissante. Sur le seul territoire irakien, douze reporters étrangers et nationaux ont été enlevés en 2004.
Nous sommes aujourd'hui encore sans nouvelles de trois de nos compatriotes.
La disparition récente à Bagdad de l'envoyée spéciale Florence Aubenas et de son interprète suscite l'inquiétude et la mobilisation de l'ensemble de la profession et du Gouvernement.
Nous n'oublions pas le caméraman Fred Nérac porté disparu depuis mars 2003 en Irak.
Ni en Côte d'Ivoire, Guy-André Kieffer disparu depuis avril 2004.
L'engagement et le professionnalisme des personnels de la Défense nous permettent parfois de trouver une issue heureuse.
Ce fut le cas de nos compatriotes Christian Chesnot et Georges Malbrunot qui, après quatre mois de détention, ont pu regagner la France sains et saufs.
Je tiens à saluer à nouveau le travail remarquable accompli par la DGSE pour obtenir dans les conditions que l'on sait la libération des deux journalistes retenus en otages.
Ce contexte implique également de votre part une grande vigilance.
Je suis consciente de votre responsabilité particulière dans la transmission d'une information juste et indépendante, mais il est de ma responsabilité de vous répéter que dans les conditions actuelles, la France déconseille fermement aux media d'envoyer des journalistes en Irak car leur sécurité ne peut pas être assurée.
Les forces militaires assistent et protègent dans toute la mesure du possible les journalistes sur le terrain. Elles ne peuvent pas tout.
C'est aussi au quotidien que la Défense est attachée à entretenir ses relations avec les media basées sur la confiance et la transparence.
La Défense sait depuis longtemps la difficulté du métier de reporter de guerre.
Cette année encore, 24 journalistes, appelés à travailler en zone de conflit ou de tension, ont bénéficié du stage d'information organisé par la DICOD.
Lors de la crise en Côte d'Ivoire, une plate-forme téléphonique a été mise en place.
Cette année, ce dispositif sera instauré de façon permanente pour être mobilisable immédiatement en cas de crise.
Il permettra une meilleure information du grand public.
Il autorisera les officiers chargés de la communication de se consacrer plus efficacement à la presse.
Pour faciliter le travail que vous fournissez au quotidien à Paris et en région, un bureau a été cette année mis à disposition de l'Association des Journalistes de Défense.
Pour la couverture des cérémonies du 60ème anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, les équipes de l'ECPAD, dont je veux saluer le travail, ont fourni la grande majorité des images des cérémonies d'Arromanches et de Toulon.
Elles se sont également mobilisées lors de la crise en Côte d'Ivoire, fournissant des images largement reprises par les journaux télévisés nationaux.
Je sais que la Défense a déjà répondu à une demande de l'Association des journalistes pour l'environnement et l'écologie, en vue de mieux faire connaître les actions menées par la Défense dans ce domaine. De telles initiatives devront se poursuivre dans d'autres domaines.
Ces échanges croissants, ces bonnes relations, me paraissent essentielles pour que vous puissiez exercer votre métier dans les meilleures conditions possibles.
Réciproquement, elles sont indispensables pour que les enjeux actuels et futurs de la Défense soient connus et compris de tous.
Mes ambitions pour la Défense de demain.
Disposer de moyens matériels et humains adaptés aux enjeux du XXIème siècle.
Après 5 ans d'abandon, la Défense est redevenue une priorité nationale.
Grâce à la loi de programmation 2003-2008 et surtout à son application rigoureuse, grâce au soutien constant du Président de la République, nous sommes de mieux en mieux préparés aux exigences du contexte stratégique.
C'est aujourd'hui que nous donnons à la Défense les moyens de remplir ses missions de demain.
Nous devons nous doter d'équipements susceptibles de renforcer notre autonomie stratégique.
J'entends préparer cela grâce à une politique ambitieuse de recherche et de technologie.
C'est le sens de la politique de démonstrateurs que j'ai lancée.
Au premier rang des défis de demain figure la maîtrise de l'espace.
Elle devient une pièce toujours plus centrale des outils de défense modernes et de la puissance publique.
Le lancement réussi du satellite Hélios IIA, le 18 décembre dernier, a été un premier signe fort et encourageant de notre détermination.
J'entends préparer dès maintenant la succession d'Hélios II.
La France doit définir une politique spatiale de défense ambitieuse et la faire partager à ses partenaires gouvernementaux et industriels européens.
C'est l'une des tâches prioritaires que je m'assigne pour 2005.
Des hommes et des femmes valorisés dans leur métier
Répondre aux défis actuels et futurs passe avant tout par la reconnaissance des personnels qui mettent leur détermination et leur motivation au service de la Défense.
Le nouveau statut général des militaires est en passe d'être adopté par le Parlement.
Vous serez, dans les délais les plus brefs, les témoins de sa mise en oeuvre.
J'ai également pris de nouveaux engagements pour les personnels civils, notamment celui de repenser complètement l'organisation et la conduite du dialogue social au sein du ministère.
Le cadre européen a considérablement progressé.
Consolider la coopération, particulièrement au sein de l'Union européenne.
Pour faire face à des puissances industrielles émergentes comme la Chine, l'Inde ou le Brésil, il faut favoriser une véritable politique industrielle de défense à l'échelle européenne.
Cela exige des industries à la hauteur des enjeux, capables de nouer des partenariats multinationaux.
C'est pour préparer ces évolutions que nous avons redressé GIAT Industries.
C'est dans cette perspective que nous avons réformé DCN et que j'ai décidé l'ouverture de son capital.
L'Agence européenne de défense, qui a tenu à l'automne 2004 son premier comité directeur, s'inscrit dans la même perspective.
Poursuivre la construction de l'Europe de la défense
2005 verra la mise en oeuvre concrète des différentes initiatives de 2004 pour permettre à l'UE d'assumer pleinement ses responsabilités :
la Force de gendarmerie européenne
les groupements tactiques, avec un premier créneau d'astreinte assuré par la Grande-Bretagne et la France.
2005 sera l'année de la Constitution européenne, qui comporte des avancées majeures pour l'Europe de la défense.
En vue du référendum que le Président a décidé de tenir avant l'été, il importera de souligner à nos concitoyens l'intérêt de ce traité, pour la défense européenne, et pour l'Europe en général.
Un autre grand rendez-vous de ce début d'année sera la réunion des ministres de la Défense de l'OTAN à Nice, lors de laquelle 450 journalistes sont attendus.
Fortes de ces ambitions, la Défense est aujourd'hui en mesure de s'ouvrir de plus en plus sur l'extérieur.
Elle est renforcée et reconnue dans l'exercice de ses missions fondamentales : la protection des Français partout dans le monde, la sécurisation de notre territoire, la Défense de nos intérêts et de nos valeurs.
Mais elle apporte bien plus à la Nation que les compétences opérationnelles de ses armées.
Ses efforts de modernisation administrative, son rôle dans le dynamisme économique et dans la cohésion sociale du pays sont autant d'atouts qui lui donnent une certaine légitimité à rayonner davantage dans d'autres sphères de la société.
La Défense doit savoir montrer cet autre visage, qui est moins connu des Français.
J'encourage régulièrement mes collaborateurs a placer la communication au coeur de leurs préoccupations. J'attends aussi de vous que vous mettiez davantage en avant ces aspects de nos activités.
Je terminerai en vous renouvelant mes voeux pour 2005, en souhaitant que cette année nous apporte encore de nombreuses occasions de collaborations.
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 12 janvier 2005)