Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des Finances, cher Jean ARTHUIS,
Monsieur le rapporteur, cher Philippe MARINI,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
Ma présence parmi vous aujourd'hui à l'occasion de l'examen par votre assemblée du projet de loi de finances rectificative pour 2004 ne s'inscrit pas dans les usages habituels qui veulent que Ministre délégué au budget en soit chargé. C'est donc, en toute logique, Jean-François COPE, que je suis heureux d'avoir à mes côtés, qui vous présentera tout à l'heure les détails de ce projet de loi.
Si j'ai tenu à venir devant vous ce matin, c'est pour deux raisons :
La première, c'est que je voudrais revenir sur l'adoption hier soir par votre assemblée d'un complément à la LOLF portant sur les éventuels surplus de recettes. C'est, en effet, un sujet qui me paraît exemplaire de la bonne gouvernance des finances publiques que nous souhaitons, avec Jean-François COPE, adopter.
La deuxième, c'est que je souhaite profiter de cette occasion pour partager avec vous à la fois ma lecture du contexte économique, en revenant, en particulier, sur les indicateurs les plus récents et le cadre dans lequel, avec l'ensemble de mes ministres délégués, j'entends inscrire mon action.
I. Contexte économique
Nous le savons, la bataille de l'emploi se gagnera par la croissance. Cette croissance, nous l'avons retrouvée en 2004, même si l'Insee parle d'une " reprise bousculée " pour la fin de cette année.
Bien sûr, vous le savez comme moi, prévoir la croissance est un art difficile.
Néanmoins, je crois que nous avons de vraies raisons de garder confiance dans les perspectives économiques pour 2005.
Cette année, en effet, nous avons vu repartir la consommation et les investissements :
la consommation devrait croître d'au moins 2 % en 2004 en France, soit deux fois plus que dans le reste de l'Europe
les investissements se sont nettement redressés : près de +3 % cette année pour l'ensemble des entreprises d'après les dernières estimations de l'Insee (+5 % pour la hausse en valeur pour les investissements de la seule industrie)
Les derniers indicateurs témoignent ainsi d'un rebond très sensible de la croissance en fin d'année, après le trou d'air enregistré cet été.
Les dernières prévisions de l'Insee et de la Banque de France font état d'une croissance de +0,6 % et +0,8 % respectivement au 4ème trimestre.
Compte tenu de ce rebond et du grand nombre de jours travaillés cette année, la croissance devrait bien avoisiner 2,5 % sur l'ensemble de l'année 2004.
Cet acquis de l'année 2004, c'est la première dynamique qui fonde notre confiance pour l'année qui vient.
Pour autant je ne mésestime pas les risques extérieurs qui pèsent sur l'économie de notre pays.
Aujourd'hui, le premier risque, c'est le dollar.
Ce risque lié au dollar, nous devons le gérer ensemble avec nos partenaires européens pour agir plus efficacement à l'échelle mondiale.
La prochaine échéance importante sera la réunion du G7 en février prochain. Car toute solution ne pourra venir que des deux rives de l'Atlantique, en coopération avec l'Asie. C'est ce à quoi nous travaillons.
Mon deuxième sujet de vigilance reste le prix du pétrole.
L'accalmie récente qui a vu le prix du baril revenir à des niveaux proches des prévisions inscrites dans le PLF (36,5$), reste toutefois fragile et ne doit pas nous conduire à l'inaction.
C'est pourquoi nous devons relancer activement les économies d'énergie et, parallèlement, le développement des énergies renouvelables, comme le gouvernement s'y est déjà engagé.
Mais si nous sommes confiants pour 2005, c'est aussi parce que le gouvernement s'est employé à soutenir la consommation et l'investissement depuis deux ans :
- la forte revalorisation du SMIC (+ 5,8 % en juillet 2004 pour le SMIC horaire, après + 5,3 % en juillet 2003)
- les mesures récentes en faveur des donations et du déblocage des fonds d'épargne salariale
- la baisse des prix dans la grande distribution qu'il convient de conforter
Ces mesures ont déjà commencé à porter leurs fruits en 2004 et devraient continuer de le faire dans les prochains mois.
C'est ce que laisse anticiper le rebond de la consommation à l'uvre en cette fin d'année : +0,6 % au 4ème trimestre.
Si l'on ajoute à cela les bénéfices des mesures adoptées dans le cadre du PLF pour 2005 - je pense notamment à la réforme des droits de succession et à la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés - je crois que notre objectif de croissance de 2,5 % pour 2005 reste à notre portée - si les tensions récentes sur le prix du pétrole et le dollar s'atténuent.
Au-delà de ce panorama rapide de la conjoncture économique dans lequel s'inscrit le PLFR, je souhaite vous présenter brièvement le cadre général qui guidera mon action à la tête du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et qui fondera les mesures que je vous présenterai dans quelques semaines.
II. Les objectifs et l'action du gouvernement au service de l'emploi sont clairs
Ce que nous voulons pour notre pays, c'est une croissance durable et riche en emplois.
Au-delà des chiffres, ce qui importe c'est bien le nombre de nos concitoyens qui auront trouvé ou retrouvé du travail dans les mois à venir.
Nous le savons. Nous devons impérativement traiter le mal français du marché de l'emploi qui exclut de l'activité les seniors, les jeunes et nos concitoyens les moins qualifiés.
Je souhaite donc que la stratégie économique sur laquelle je vais fonder mon action repose sur trois piliers.
Le premier pilier, c'est la mobilisation pour l'emploi.
Depuis 2002, le gouvernement a beaucoup oeuvré pour lever les contraintes inutiles et revaloriser le travail.
Surtout, dans le prolongement du plan de cohésion sociale et des mesures inscrites dans le PLF, le Premier Ministre vient d'engager, la semaine dernière, une nouvelle étape dans cette lutte pour l'emploi avec le " contrat 2005 ".
Vous le savez, ce qui est proposé par Jean-Pierre RAFFARIN sur les 35 heures est considérable pour dynamiser l'emploi.
Car un des éléments clés de la croissance de demain, c'est bien de permettre aujourd'hui aux Français qui le souhaitent d'innover, de prendre des risques, de travailler plus et de gagner davantage.
C'est ce que permettront les accords sur le temps choisi présentés par Jean-Pierre RAFFARIN et dont la mise en oeuvre redonnera du pouvoir d'achat aux Français et relancera la consommation.
Pour ma part, j'entends bien utiliser tous les leviers possibles pour tirer parti des importants gisements d'emploi identifiés par de nombreux rapports. A nous maintenant de les mettre en oeuvre !
Le deuxième pilier ensuite : insérer notre pays dans une compétition internationale de l'intelligence.
Aujourd'hui, partout dans le monde, de jeunes économies, bouillonnantes d'idées, de projets, affichent d'insolentes performances de croissance.
C'est un vrai défi pour d'anciennes nations industrielles comme les nôtres que de tenir leur rang dans la compétition internationale de l'intelligence.
Soyons clairs : la chance d'une ancienne nation, c'est de ne pas partir de rien.
La France a accumulé des atouts et des capitaux dont nous devons absolument tirer un meilleur parti : d'abord, un extraordinaire capital humain, des infrastructures de qualité, des formations d'excellence, des laboratoires de recherche.
Quand je parle de capital humain, je pense à ces chercheurs d'exception, les Laurent LAFFORGUE [mathématicien, médaille FIELDS 2002] et Albert FERT [physicien, médaille d'or du CNRS 2004], je pense aux équipes de l'Institut de Recherche pour le Développement qui travaillent sur l'efficacité des trithérapies génériques, espoir de la lutte contre le sida en Afrique.
Notre responsabilité, avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec vous, Mesdames et Messieurs les sénateurs, c'est que ce gisement de matière grise constitué au fil des décennies, soit mobilisé au mieux, avec nos voisins européens.
Nous devons concevoir une stratégie industrielle renouvelée, capable de créer durablement des emplois et de relever le défi de la mutation du paysage productif international.
Je m'en suis entretenu, dès mon arrivée, avec Jean-Louis BEFFA qui doit remettre dans les semaines à venir un rapport au Président de la République.
Nous avons besoin de permettre à la recherche publique et à la recherche privée d'accentuer leurs efforts et de mieux travailler ensemble.
Vous le savez. Les brevets doivent être moins taxés pour encourager nos laboratoires. Nous y travaillons avec vous. Dès 2005, nous passerons le taux d'imposition de 19 à 15 %, soit près d'un quart de prélèvements de moins !
Cette mesure, qui devrait redonner de l'air aux entreprises innovantes, est un geste fort pour favoriser l'implantation sur notre sol de centres de R D.
C'est un objectif stratégique essentiel.
Troisième pilier de mon action, enfin : concilier le soutien à la croissance et l'assainissement des finances publiques.
Pierre MENDES FRANCE le disait d'une formule : " Les comptes en désordre sont la marque des nations qui s'abandonnent ".
Vous le savez, Mesdames et Messieurs les sénateurs, malgré les efforts du gouvernement depuis deux ans et demi, la situation de nos finances publiques est un combat de chaque jour.
Les chiffres ne sont que trop connus : 1000 Mds d'euros de dette publique, soit près de 16 000 euros pour chaque Français.
Réduire la dette et les déficits, ce n'est pas une obsession purement comptable. C'est la condition première pour rétablir la confiance de nos concitoyens dans leur avenir et dans celui de leur nation.
Le désendettement doit donc être une priorité.
Je continuerai à cette fin les opérations de cession d'actifs de l'Etat. Et nous utiliserons prioritairement les produits de ces cessions pour désendetter l'Etat - comme nous venons de le faire dans le cadre de la nouvelle opération de cessions d'une partie du capital d'Air France.
Il faut aussi adopter une gestion active du patrimoine de l'Etat.
Assainir durablement nos finances c'est aussi et avant tout maîtriser la dépense publique.
Chaque année, nous dépensons ainsi près de 100 Mds d'euros de plus que la moyenne des pays européens !
C'est pourquoi la stabilisation en volume des dépenses de l'Etat se poursuivra ces prochaines années.
Nous ne transigerons pas sur l'objectif de ramener le déficit des comptes publics sous la barre des 3 %.
Nous venons de recevoir de la part de la Commission un geste de confiance fort avec la suspension de la procédure pour déficit excessif. Cette confiance n'est en rien une incitation au laxisme. Nous devons la mériter par une vigilance renforcée.
Vous le savez comme moi, cela implique d'accélérer encore la réforme de l'Etat.
Je suis frappé de voir qu'on parle beaucoup de LA réforme de l'Etat et pas assez des réformes dans l'Etat.
Il y a des révolutions minuscules que l'on fait et qui ont plus d'effet que la révolution majuscule qu'on ne fait jamais.
A cet égard, les stratégies ministérielles de réforme sont un acquis méthodologique précieux dans lequel, avec Jean-François COPE, nous nous engagerons pleinement aux côtés de Renaud DUTREIL et Eric WOERTH.
Par ailleurs, rendez-vous majeur, la mise en oeuvre de la LOLF en 2006 nous offre l'opportunité de réexaminer la pertinence des grandes politiques publiques au regard des résultats qu'elles produisent et des moyens qu'elles mobilisent.
2005 sera l'année qui concrétisera les avancées de cette réforme majeure : vous voterez le prochain budget par politiques publiques, auxquelles seront associés des stratégies, des objectifs et des indicateurs de performances.
Je veux le dire avec force devant vous : nous avons besoin du Parlement pour réussir cette véritable révolution culturelle.
La LOLF ne doit pas changer uniquement la présentation des chiffres, elle doit changer ce qu'il y a dans les têtes.
Hier, je le disais en commençant, vous avez adopté un complément à cette loi organique permettant d'établir une règle de comportement au cas où des surplus de recettes seraient constatés.
Ce que le gouvernement veut à tout prix éviter, c'est de retomber dans l'épisode regrettable de la cagnotte fiscale en 1999.
Dans quelques semaines, je proposerai, avec JF COPE, au Parlement d'examiner un nouveau dispositif permettant de définir, dès le vote de la loi de finances initiale, la part des crédits qui sera mise en réserve et qui pourra faire l'objet de mesures de régulation en cours d'exercice. Il s'agira, en quelque sorte, de tracer une frontière entre une partie ferme et une partie conditionnelle de chacun des programmes votés par le Parlement.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
A mi-chemin de la législature, une évidence se fait jour : la deuxième moitié de notre mandat sera celle de l'initiative.
Je veux que Bercy, trop souvent décriée comme une forteresse, soit la maison de ceux qui créent et innovent, la maison des entrepreneurs et des créateurs de richesse.
C'est pourquoi j'ai engagé sans tarder le travail pour élaborer dans les semaines qui viennent les bases d'une nouvelle dynamique pour notre économie, que je souhaite inscrire dans un programme d'action stratégique donnant une ligne directrice durable à notre politique économique et budgétaire.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 20 décembre 2004)