Texte intégral
A. Hausser -. On va parler de l'actualité française dans un instant, vous serez d'ailleurs à Matignon ce midi. Mais un mot sur la nomination de J.M. Barroso, comme président de la Commission européenne. Est-ce un bon choix ?
- "C'est en tout cas un homme de dimension, qui a de grandes capacités ; je le connais depuis longtemps. Outre le fait qu'il parle français comme vous et moi, ce qui est bien pour un président de la Commission européenne, et pour notre pays. Simplement, quel sera son programme européen ? Je n'en sais rien. Et pour ma part et pour mes amis, c'est sur ce programme européen que nous nous déterminerons pour la suite. Car vous voyez bien, l'Europe, aujourd'hui, a besoin d'un nouveau souffle ; l'Europe a besoin de gens qui y croient, qui s'affirment, qui tracent un chemin. Et c'est sur ce programme-là, sur cette vision-là, que nous jugerons du soutien à apporter à J.M. Barroso."
Pour l'instant, votre soutien, le soutien du groupe que vous vous apprêtez à former à Strasbourg, que vos amis s'apprêtent à former à Strasbourg, n'est donc pas entièrement acquis ?
- "Nous en déciderons à partir du programme que M. Barroso présentera. Mais en effet, vous avez raison de le dire, je crois qu'il y aura une bonne nouvelle dans les heures qui viennent : le groupe que nous avons souhaité former à Strasbourg, sera le troisième groupe du Parlement européen, avec sans doute 90 ou 100 membres, et il rassemblera tous ceux qui veulent une vision européenne forte et claire de la famille démocrate que nous sommes en train de former et de la famille libérale."
Ce sera un groupe charnière ?
- "Ce sera un groupe clé."
Pas comme à l'Assemblée nationale... Ce midi, vous êtes invité à Matignon par J.-P. Raffarin, avec l'ensemble des parlementaires UDF. Vous dites "oui" à la modification du statut d'EDF, mais "non" à la réforme de l'assurance maladie. Que direz-vous du plan de cohésion sociale de J.-L. Borloo ?
- "Il faut d'abord présenter les choses exactement. Si la réforme de l'assurance maladie avait été une vraie réforme, nous l'aurions soutenue."
Que lui reprochez-vous ?
- "On est dans une situation critique. Et ce que je reproche, en tout cas la lecture que je fais du plan qui est proposé à l'Assemblée nationale, c'est qu'il ne résout pas les problèmes de la Sécurité sociale. Très vite : premièrement, on ne change pas la gestion de la Sécurité sociale, on n'y apporte pas les modifications qui lui auraient permis dans le temps de trouver son équilibre. Deuxièmement, on présente des économies qui n'en sont pas. Vous avez vu que la note de Bercy dit la même chose. Et troisièmement, et surtout, c'est pour moi la critique la plus fondamentale, on reporte sur les générations à venir les déficits de la Sécurité sociale, les feuilles de Sécu que nous ne pouvons pas payer aujourd'hui. Or, nous savons très bien que les générations à venir, jusqu'en 2020, 2025, pendant les 20 ans qui viennent, vont avoir à porter un nombre de personnes âgées beaucoup plus important qu'aujourd'hui. Donc, ils ont une charge dont on sait qu'elle va être très lourde et on leur met en plus sur le dos, nos feuilles de Sécu que nous ne pouvons pas payer nous-mêmes. C'est immoral. Il y a quelque chose d'irresponsable et d'immoral dans ce choix. Et c'est pourquoi je dis, qu'en l'état, je ne le soutiendrai pas."
Vous ne croyez pas à la modification des comportements, parce que finalement, c'est un peu cela la grande finalité de cette loi ?
- "C'est la vingtième fois qu'on dit la même chose ! Je crois que c'est le 19ème plan qui dit la même chose, chaque fois ! Je souhaite que, par exemple, avec le dossier médical partagé, on change un certain nombre de choses. Mais de là à croire que cela faire 3,5 milliards d'euros d'économies dans deux ans, je ne crois pas. Simplement, on a donc une contradiction : on annonce un plan censé régler les choses pour 20 ans, et en réalité on reporte le déficit sur les jeunes."
Il y a finalement assez peu de contributions financières qui sont réclamées. Vous en réclamiez davantage, des mesures plus drastiques ?
- "Je pense que si nous avions été courageux, nous aurions dit : c'est notre génération qui assumera sa propre dette de la Sécu. Nous devons payer nous-mêmes nos propres feuilles de Sécu. Les reporter sur les plus jeunes, sur ceux qui ont 20 ans aujourd'hui, ou 25 ans, ou 15 ans, et qui vont avoir à payer pendant 20 ans nos feuilles de Sécu, vous voyez bien qu'il y a là quelque chose qui ne peut pas être accepté ! Il y a là quelque chose d'immoral et qui manque à la solidarité entre les générations. Et donc, je ne peux pas dire "oui" à ce report sur les générations futures de notre propre déficit de Sécurité sociale."
Ce que vous reprochez au plan de P. Douste-Blazy, c'est de ne pas résorber la dette ?
- "Oui, bien sûr."
Mais les mesures d'économies - l'euro par consultation, une légère augmentation de la CRDS, qui a été votée en commission et qui va sans doute être adoptée en séance, enfin, dans le cadre de cette réforme - tout cela ne va pas dans le bon sens ?
- "Je ne dis pas que cela ne va pas dans le bon sens. Je ne crois pas aux évaluations qui sont faites. Et d'ailleurs, je ne suis pas le seul, parce que beaucoup de professionnels se sont exprimés dans le même sens, et les services de Bercy aussi, en faisant "fuiter" une note, dont vous savez bien qu'elle est une condamnation absolue du plan. C'est donc la preuve qu'il y a beaucoup d'esprits en France qui disent : "on est en train de nous raconter que l'on va résorber les déficits et le chiffrage de ces économies n'est pas réaliste". Or un peuple doit être capable de regarder en face les problèmes qui sont les siens. Donc, je ne crois pas aux économies, et surtout, je condamne de la manière la plus formelle, le report de notre propre déficit sur les générations qui viennent."
Le plan Borloo, lui, se veut un plan à long terme. C'est justement un plan de réinsertion, il veut s'attaquer aux poches de pauvreté, il est également ambitieux au plan financier. Croyez-vous ou pas au "grand juillet social" promis par J.-P. Raffarin ?
- "En tout cas, tout ce qui pourra être fait dans le sens de la cohésion sociale, de la lutte ou de la cicatrisation de la fracture sociale, tout cela, je le soutiendrai."
Y compris si cela a un coût ?
- "Y compris si cela a un coût, quitte à faire des économies ailleurs. Parce que, en effet, c'est une société malade devant laquelle nous sommes. Et ce que j'ai reproché depuis des mois et des années, c'est qu'on n'allait pas dans le sens de la cicatrisation de la fracture mais de l'aggravation de la fracture. Vous vous souvenez, l'an dernier, de la lutte que j'ai menée parce qu'on voulait supprimer l'ASS - l'allocation de solidarité - aux chômeurs de longue durée..."
Vous avez été entendu...
- "Oui, j'ai été entendu après un combat de presque huit mois. Il aurait été mieux qu'on m'entende dès les premiers jours, quand je suis monté à la tribune pour le dire. Donc, tout cela je le soutiendrai. Simplement, si je pouvais donner un conseil au Gouvernement : ne pas trop sacrifier aux effets d'annonces qui, après, ne sont pas suivis de réalité. Parce que les Français ont entendu cent fois les mêmes choses, et ils sont profondément réservés, pour ne pas dire fâchés, lorsqu'on fait de grandes annonces et qu'après les choses concrètes ou les réalités ne changent pas. Donc, au Gouvernement je dirais cela. Mais autrement, je soutiendrai tout ce qui ira dans le sens de la lutte contre la fracture sociale."
Dernière question : président de l'UDF, ce n'est pas un boulot à plein
temps ?
- "Vous voulez parler de la guerre à l'intérieur de l'UMP et du Gouvernement ? C'est une guerre qui est très pénalisante pour la France. Cette guerre de succession larvée, dans laquelle on se trouve, menace l'action ou l'équilibre nécessaires pour un pays comme le nôtre. Alors, ce n'est pas ma responsabilité, puisque j'ai choisi que l'UDF soit pour l'UMP un équilibre. Et on va bien en avoir besoin dans les mois qui viennent, parce qu'au moins l'UDF va s'occuper du projet pour la France et de l'avenir pendant que l'UMP se déchire."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er juillet 2004)
- "C'est en tout cas un homme de dimension, qui a de grandes capacités ; je le connais depuis longtemps. Outre le fait qu'il parle français comme vous et moi, ce qui est bien pour un président de la Commission européenne, et pour notre pays. Simplement, quel sera son programme européen ? Je n'en sais rien. Et pour ma part et pour mes amis, c'est sur ce programme européen que nous nous déterminerons pour la suite. Car vous voyez bien, l'Europe, aujourd'hui, a besoin d'un nouveau souffle ; l'Europe a besoin de gens qui y croient, qui s'affirment, qui tracent un chemin. Et c'est sur ce programme-là, sur cette vision-là, que nous jugerons du soutien à apporter à J.M. Barroso."
Pour l'instant, votre soutien, le soutien du groupe que vous vous apprêtez à former à Strasbourg, que vos amis s'apprêtent à former à Strasbourg, n'est donc pas entièrement acquis ?
- "Nous en déciderons à partir du programme que M. Barroso présentera. Mais en effet, vous avez raison de le dire, je crois qu'il y aura une bonne nouvelle dans les heures qui viennent : le groupe que nous avons souhaité former à Strasbourg, sera le troisième groupe du Parlement européen, avec sans doute 90 ou 100 membres, et il rassemblera tous ceux qui veulent une vision européenne forte et claire de la famille démocrate que nous sommes en train de former et de la famille libérale."
Ce sera un groupe charnière ?
- "Ce sera un groupe clé."
Pas comme à l'Assemblée nationale... Ce midi, vous êtes invité à Matignon par J.-P. Raffarin, avec l'ensemble des parlementaires UDF. Vous dites "oui" à la modification du statut d'EDF, mais "non" à la réforme de l'assurance maladie. Que direz-vous du plan de cohésion sociale de J.-L. Borloo ?
- "Il faut d'abord présenter les choses exactement. Si la réforme de l'assurance maladie avait été une vraie réforme, nous l'aurions soutenue."
Que lui reprochez-vous ?
- "On est dans une situation critique. Et ce que je reproche, en tout cas la lecture que je fais du plan qui est proposé à l'Assemblée nationale, c'est qu'il ne résout pas les problèmes de la Sécurité sociale. Très vite : premièrement, on ne change pas la gestion de la Sécurité sociale, on n'y apporte pas les modifications qui lui auraient permis dans le temps de trouver son équilibre. Deuxièmement, on présente des économies qui n'en sont pas. Vous avez vu que la note de Bercy dit la même chose. Et troisièmement, et surtout, c'est pour moi la critique la plus fondamentale, on reporte sur les générations à venir les déficits de la Sécurité sociale, les feuilles de Sécu que nous ne pouvons pas payer aujourd'hui. Or, nous savons très bien que les générations à venir, jusqu'en 2020, 2025, pendant les 20 ans qui viennent, vont avoir à porter un nombre de personnes âgées beaucoup plus important qu'aujourd'hui. Donc, ils ont une charge dont on sait qu'elle va être très lourde et on leur met en plus sur le dos, nos feuilles de Sécu que nous ne pouvons pas payer nous-mêmes. C'est immoral. Il y a quelque chose d'irresponsable et d'immoral dans ce choix. Et c'est pourquoi je dis, qu'en l'état, je ne le soutiendrai pas."
Vous ne croyez pas à la modification des comportements, parce que finalement, c'est un peu cela la grande finalité de cette loi ?
- "C'est la vingtième fois qu'on dit la même chose ! Je crois que c'est le 19ème plan qui dit la même chose, chaque fois ! Je souhaite que, par exemple, avec le dossier médical partagé, on change un certain nombre de choses. Mais de là à croire que cela faire 3,5 milliards d'euros d'économies dans deux ans, je ne crois pas. Simplement, on a donc une contradiction : on annonce un plan censé régler les choses pour 20 ans, et en réalité on reporte le déficit sur les jeunes."
Il y a finalement assez peu de contributions financières qui sont réclamées. Vous en réclamiez davantage, des mesures plus drastiques ?
- "Je pense que si nous avions été courageux, nous aurions dit : c'est notre génération qui assumera sa propre dette de la Sécu. Nous devons payer nous-mêmes nos propres feuilles de Sécu. Les reporter sur les plus jeunes, sur ceux qui ont 20 ans aujourd'hui, ou 25 ans, ou 15 ans, et qui vont avoir à payer pendant 20 ans nos feuilles de Sécu, vous voyez bien qu'il y a là quelque chose qui ne peut pas être accepté ! Il y a là quelque chose d'immoral et qui manque à la solidarité entre les générations. Et donc, je ne peux pas dire "oui" à ce report sur les générations futures de notre propre déficit de Sécurité sociale."
Ce que vous reprochez au plan de P. Douste-Blazy, c'est de ne pas résorber la dette ?
- "Oui, bien sûr."
Mais les mesures d'économies - l'euro par consultation, une légère augmentation de la CRDS, qui a été votée en commission et qui va sans doute être adoptée en séance, enfin, dans le cadre de cette réforme - tout cela ne va pas dans le bon sens ?
- "Je ne dis pas que cela ne va pas dans le bon sens. Je ne crois pas aux évaluations qui sont faites. Et d'ailleurs, je ne suis pas le seul, parce que beaucoup de professionnels se sont exprimés dans le même sens, et les services de Bercy aussi, en faisant "fuiter" une note, dont vous savez bien qu'elle est une condamnation absolue du plan. C'est donc la preuve qu'il y a beaucoup d'esprits en France qui disent : "on est en train de nous raconter que l'on va résorber les déficits et le chiffrage de ces économies n'est pas réaliste". Or un peuple doit être capable de regarder en face les problèmes qui sont les siens. Donc, je ne crois pas aux économies, et surtout, je condamne de la manière la plus formelle, le report de notre propre déficit sur les générations qui viennent."
Le plan Borloo, lui, se veut un plan à long terme. C'est justement un plan de réinsertion, il veut s'attaquer aux poches de pauvreté, il est également ambitieux au plan financier. Croyez-vous ou pas au "grand juillet social" promis par J.-P. Raffarin ?
- "En tout cas, tout ce qui pourra être fait dans le sens de la cohésion sociale, de la lutte ou de la cicatrisation de la fracture sociale, tout cela, je le soutiendrai."
Y compris si cela a un coût ?
- "Y compris si cela a un coût, quitte à faire des économies ailleurs. Parce que, en effet, c'est une société malade devant laquelle nous sommes. Et ce que j'ai reproché depuis des mois et des années, c'est qu'on n'allait pas dans le sens de la cicatrisation de la fracture mais de l'aggravation de la fracture. Vous vous souvenez, l'an dernier, de la lutte que j'ai menée parce qu'on voulait supprimer l'ASS - l'allocation de solidarité - aux chômeurs de longue durée..."
Vous avez été entendu...
- "Oui, j'ai été entendu après un combat de presque huit mois. Il aurait été mieux qu'on m'entende dès les premiers jours, quand je suis monté à la tribune pour le dire. Donc, tout cela je le soutiendrai. Simplement, si je pouvais donner un conseil au Gouvernement : ne pas trop sacrifier aux effets d'annonces qui, après, ne sont pas suivis de réalité. Parce que les Français ont entendu cent fois les mêmes choses, et ils sont profondément réservés, pour ne pas dire fâchés, lorsqu'on fait de grandes annonces et qu'après les choses concrètes ou les réalités ne changent pas. Donc, au Gouvernement je dirais cela. Mais autrement, je soutiendrai tout ce qui ira dans le sens de la lutte contre la fracture sociale."
Dernière question : président de l'UDF, ce n'est pas un boulot à plein
temps ?
- "Vous voulez parler de la guerre à l'intérieur de l'UMP et du Gouvernement ? C'est une guerre qui est très pénalisante pour la France. Cette guerre de succession larvée, dans laquelle on se trouve, menace l'action ou l'équilibre nécessaires pour un pays comme le nôtre. Alors, ce n'est pas ma responsabilité, puisque j'ai choisi que l'UDF soit pour l'UMP un équilibre. Et on va bien en avoir besoin dans les mois qui viennent, parce qu'au moins l'UDF va s'occuper du projet pour la France et de l'avenir pendant que l'UMP se déchire."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er juillet 2004)