Texte intégral
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis tout particulièrement d'ouvrir, avec vous, cette journée nationale des CDES, co-organisée par le ministère de l'éducation nationale, de la technologie et de la recherche et par le ministère de l'emploi et de la solidarité.
L'action sociale, est avant tout un engagement politique, une dynamique fondée sur nos principes républicains, qui va bien au-delà de l'assistance : les personnes handicapées ont des droits, elles revendiquent légitimement l'accès à ces droits, aux droits de tous, notamment au droit à une éducation et à une formation professionnelle.
Dans la démarche de développement social qui nous anime et pour ne pas décevoir cette attente, il convient de mettre tout jeune handicapé en situation, d'assumer ses choix et de concrétiser son projet de vie, en fonction de ses réelles capacités souvent ignorées.
La loi d'orientation du 30 juin 1975, en faisant de l'intégration sociale des personnes handicapées une priorité nationale, a initié un processus irréversible. Dans cette logique, la scolarisation en milieu ordinaire aurait dû, à ce jour, devenir la solution majoritairement proposée au jeunes handicapés. Même si les chiffres très approximatifs fournis par nos actuels outils statistiques proviennent d'études cloisonnées, fragmentaires et incomplètes, force est de constater que nous sommes actuellement dans la situation où un tiers d'entre eux seulement bénéficie de telles orientations.
La décision d'orientation d'un enfant ou d'un adolescent handicapé vers le milieu de scolarisation ordinaire ou vers un établissement spécialisé doit s'appuyer sur une analyse fine de la situation globale et des besoins du jeune, dont elle engage fortement l'avenir. Cette décision doit aussi être préparée avec la famille, à laquelle revient la responsabilité des choix éducatifs.
Le réexamen régulier des orientations m'apparaît tout aussi essentiel que la première orientation. Dès lors que l'intérêt de l'enfant le requiert, et cet intérêt prime sur toute autre considération, le choix initial doit être remis en question.
Je sais que ces principes sont parfois difficiles à respecter sur le terrain, pour de nombreuses raisons : manque de personnel, de moyens et parfois de locaux, insuffisance de l'offre d'accompagnement en intégration par les SSESAD et de places en établissement spécialisé pour les plus lourdement handicapés.
En conséquence les décisions d'orientation se trouvent donc, encore trop souvent, influencées par l'offre institutionnelle au niveau départemental. Même si ces décisions " par défaut " demeurent encore difficilement quantifiables, elles n'en sont pas moins unanimement qualifiées de " fréquentes " à " très fréquentes ", voire " prépondérantes " dans le rapport récemment publié conjointement par l'IGAS et l'IGEN. Ceci dépeint une situation d'autant plus préoccupante et difficilement acceptable qu'elle apparaît banalisée.
De ce rapide diagnostique je retiendrai trois points :
-la grande faiblesse de nos outils statistiques de connaissance de la scolarisation des enfants handicapés
-le nécessaire besoin de développement des moyens d'expertise et d'accueil des CDES
-la réponse parfois insuffisante du secteur médico-social tant pour l'accompagnement en milieu ordinaire que pour l'accueil en milieu spécialisé.
Il s'agit donc de redéfinir d'une façon plus cohérente nos outils de traitement automatisé d'informations. De telles lacunes dans notre connaissance quantitative de la scolarisation des enfants handicapées ne peuvent bien entendu subsister. Ainsi, la refonte de l'application informatique utilisée pour la gestion individuelle des dossiers et l'organisation du travail des commissions va être engagée dès cette année. Dans le prolongement de ce travail, notre objectif est de disposer rapidement d'un nouveau système d'information capable de repérer les besoins et d'apporter une aide précieuse pour la planification des équipements et des prestations. Vous serez, bien entendu associés à cette réflexion.
Il s'agit aussi de développer les moyens d'expertise des CDES afin d'améliorer, notamment en termes de délais et de qualité d'accueil, le service rendu aux usagers. Au cours du dernier CNCPH, le Premier Ministre a annoncé la mobilisation, sur la période 2001-2003, d'une enveloppe de 15 MF à cet effet.
Il s'agit enfin, que les décisions d'orientation " par défaut " deviennent à terme exceptionnelles, grâce au développement cohérent des moyens nécessaires à la scolarisation des enfants handicapés.
Si, l'intérêt de l'enfant impose l'intégration en milieu ordinaire, il apparaît indispensable de la valoriser en favorisant la mise en place des prestations d'aide et de soutien éducatif, thérapeutiques ou rééducatifs définies par les CDES ou les commissions de circonscription. C'est pourquoi, le Gouvernement a déjà mobilisé 40 MF en 1999, mobilise actuellement
60 MF et mobilisera 300 MF sur la période 2001-2003, pour le développement des services médico-sociaux d'accompagnement des familles et d'appui à l'intégration scolaire.
Si par ailleurs, le jeune handicapé doit bénéficier, que ce soit temporairement ou de façon plus permanente, d'une éducation en établissement spécialisé, il faut aussi pouvoir répondre à cette décision d'orientation. Je n'ignore pas, que dans un trop grand nombre de départements, certains de ces jeunes sont encore en attente d'admission dans un de ces établissements. Cette situation n'est pas tolérable et nous nous attachons à y remédier. Le programme pluriannuel présenté par le Premier Ministre va relayer pendant trois ans les mesures déjà prises ces deux dernières années pour un montant de 220 MF. Il permettra la création de places supplémentaires pour les personnes les plus lourdement handicapées. C'est ainsi que 120 MF seront consacrés à l'accueil des enfants polyhandicapés, 150 MF à celui des traumatisés-crâniens, et 150 MF à celui des autistes.
Certes, il faudra ajuster en permanence l'offre à la demande et les groupes HANDISCOL', mis en place par l'instruction ministérielle conjointe que Ségolène ROYAL et moi même avons signée le 19 novembre dernier, seront à cet effet, très précieux. Un meilleur pilotage des politiques en faveur des jeunes handicapés s'appuie nécessairement sur le renforcement, à tous les niveaux, de la coopération entre tous les partenaires concernés mais plus particulièrement entre l'administration de l'éducation nationale et celle des affaires sociales.
Dans le cadre d'un partenariat désormais formalisé les groupes HANDISCOL' auront notamment la charge d'évaluer les besoins, et de proposer les dispositifs scolaires ou médico-sociaux qu'il convient de mettre en place pour y répondre. Sans empiéter sur les prérogatives des CDES, ils constitueront de véritables outils de pilotage d'une action cohérente et coordonnée en faveur des jeunes handicapés et recevront prochainement une assise juridique par le biais des CDCPH auxquels ils seront rattachés.
Votre journée nationale s'inscrit à un moment fort de l'action engagée depuis deux ans et demi par le Gouvernement pour promouvoir, avec un effort supplémentaire de 2,52 milliards supplémentaires réalisé au titre de la solidarité nationale, une politique ambitieuse, globale et interministérielle en faveur des personnes handicapées. En privilégiant résolument l'autonomie des personnes et leur intégration dans le milieu de vie ordinaire, en rééquilibrant les instruments sur lesquels s'appuie son action, cette politique marque un fléchissement très net par rapport à celles qui l'ont précédée.
De l'échange que vous allez avoir aujourd'hui sur vos pratiques devraient émerger les solutions qui sont de nature à améliorer la prise en charge des publics accueillis et qu'il serait opportun de modéliser. Le cas échéant, vous aurez aussi à vous interroger sur celles qui s'éloignent par trop des objectifs poursuivis.
Pour répondre aux attentes des personnes handicapées, il reste sans doute à faire plus et peut être autrement. Sachez que le Gouvernement accompagne et continuera d'accompagner, avec toute la force de sa conviction, cette nécessaire évolution. Sachez aussi que la réussite de cette action dépend en grande partie de l'engagement de tous les acteurs concernés et en particuliers des professionnels que vous êtes.
Je souhaite que vos travaux soient particulièrement fructueux et qu'ensemble nous puissions parfaire les fondements d'une société plus solidaire et plus fraternelle parce qu'elle aura appris à changer son regard sur le handicap.
(source http://www.social.gouv.fr, le 6 juin 2000)