Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur le volet accompagnement social du plan santé mentale, Bagneux le 4 février 2005.

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Circonstance : Visite de l'association "Espérance Hauts-de-seine" à Bagneux le 4 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames les Présidentes (FNAPpsy + association Espérance Hauts de Seine),
Monsieur le Maire (présence à confirmer)
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs,
Le 18 juin 2004, je répondais à l'invitation de Monsieur Jean CANNEVA de venir clore les journées de l'UNAFAM à Bordeaux. C'est à cette occasion que j'ai découvert les clubs d'entraide pour personnes atteintes de troubles psychiques. Je veux saluer son obstination et sa force de conviction. Je veux aussi remercier l'ensemble des personnes qui m'ont accueilli ce jour-là au club Delord. Grâce à eux tous, j'ai, je le crois, approché d'un peu plus près la maladie mentale, ses particularités, les souffrances qui lui sont liées, les besoins très spécifiques des personnes qui en sont atteintes et de leurs familles.
Vous m'avez alors présenté, Monsieur le Président, les attentes qui sont les vôtres, et qui sont, vous y avez insisté, autant une exigence pour la société qu'une nécessité pour elle. Car il en va de la responsabilité mais aussi l'intérêt de tous de proposer des solutions à ceux que la maladie mentale frappe. Les événements dramatiques de l'actualité récente ne nous le rappellent que trop.
Aujourd'hui, l'accompagnement social et médico-social des personnes atteintes de troubles psychiques est partie intégrante du plan de santé mentale dont Philippe DOUSTE-BLAZY, ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, a présenté les grandes orientations ce matin. Il constitue même un axe fort de la politique du Gouvernement en la matière, comme je l'avais proposé lors de ma communication en Conseil des ministres le 15 décembre dernier.
Depuis six mois, nous avons inscrit définitivement dans la loi les outils juridiques et financiers nécessaires pour sa mise en oeuvre. Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a en effet été définitivement voté hier matin par l'Assemblée nationale.
Philippe DOUSTE-BLAZY m'a confié le soin de développer, ici, devant vous, ce volet du plan de santé mentale qui concerne l'accompagnement social et médico-social et dont il considère qu'il en constitue un axe majeur.
Il est essentiel à trois titres :
Premièrement, il vient renforcer un des maillons les plus faibles de notre dispositif général de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques.
Aujourd'hui, de nombreux malades ne bénéficient d'aucun accompagnement. Le 3 décembre 2002, à l'occasion de l'installation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le Président de la République avaient cité les personnes handicapées psychiques parmi les catégories de personnes sans solution. La " désinstitutionnalisation ", à savoir la déshospitalisation qui a marqué la psychiatrie française comme bien d'autres pays, il y a quelques années, n'a pas suscité l'attention nécessaire pour la mise en oeuvre d'alternatives suffisantes. Nombre de personnes sont aujourd'hui livrées à elles-mêmes, à la charge de leurs familles lorsqu'ils en ont une et que celles-ci sont encore en mesure de faire face à la situation.
Nombreux sont aussi ceux qui bénéficient d'une prise en charge inadéquate. Le ministre de la santé évoquait le nombre de 10 000 personnes qui seraient hospitalisés faute d'un accompagnement et d'un hébergement adapté hors de l'hôpital.
Deuxièmement, offrir un accompagnement adapté, c'est bien souvent prévenir les crises toujours douloureuses pour la personne et pour sa famille et parfois dramatiques pour la société.
Enfin, reconnaître l'importance de l'accompagnement social, au côté de la prise en charge sanitaire, est le signe d'une évolution, voire même d'une révolution : la prise en compte de la maladie mentale comme cause de handicap.
Ce tournant est inscrit dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui reconnaît enfin le handicap psychique. C'est cette reconnaissance qui va permettre un recours satisfaisant à nombre de solutions médico-sociales.
Cette inscription du handicap psychique au coeur du dispositif de reconnaissance du handicap doit néanmoins être conciliée avec la nécessité de prendre en compte ses spécificités : la souffrance bien sûr, mais aussi une certaine instabilité du handicap, la difficulté pour certaines personnes d'admettre leur maladie, leur handicap et notre obligation de respecter ici la liberté des personnes. Cela nous impose d'adopter des dispositifs souples et évolutifs. Je l'ai entendu.
Mesdames et Messieurs,
Si j'ai voulu me rendre à Bagneux, être avec vous aujourd'hui, c'est pour mettre en évidence la nécessité de mettre en place une prise en charge globale, qui est ici exemplaire. Espérance Hauts de Seine offre des services d'accompagnement, un accès adapté à l'emploi avec le CAT Jean CAURANT que je viens de visiter, un logement ou un hébergement accompagné avec le foyer du centre ou le foyer d'accueil médicalisé La Fontaine aux Voeux.
Des soins, des ressources, un accompagnement, un logement sont indispensables et doivent être inextricablement liés. Pour certains, des mesures de protection juridique et l'accès à une activité professionnelle seront par ailleurs nécessaires ou possibles.
Certaines avancées sont d'ores et déjà actées :
- le Gouvernement a créé, comme je m'étais engagé à le faire, un complément de ressources pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler, à travers la nouvelle garantie de ressources pour les personnes handicapées de 140 euros par mois.
- Les services d'accompagnement vont trouver dans quelques jours le support juridique de leur fonctionnement : il s'agit des services d'accompagnement à la vie sociale (les SAVS) et des services d'accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés (SAMSAH), dont le décret a été signé par presque tous les ministres concernés et qui pourra être publié rapidement.
Le ministre des solidarités, de la santé et de la famille a largement détaillé le volet sanitaire du plan psychiatrie et santé mentale qu'il présente à la concertation. C'est un plan très ambitieux de plus d'un milliard d'euros, qui se développe selon 3 axes forts, sans compter le volet social : développement massif de l'investissement hospitalier, amélioration des moyens humains avec la création de 2500 postes pour les personnels médicaux et non médicaux, renforcement de la formation des infirmiers en psychiatrie.
Le 4e de ces axes est celui que je viens détailler et qui a pour ambition d'offrir aux personnes handicapées psychiques les moyens d'une participation sociale. Le Gouvernement a décidé d'y consacrer 86 millions d'euros entre 2005 et 2007.
Il s'agit tout d'abord de la création de 1900 places dans les services d'accompagnement. 400 places seront dédiées aux personnes handicapées psychiques en 2005 sur les places prévues dans le programme de création de places handicap, soit un tiers. 1500 places supplémentaires par rapport au programme prévu seront créées en 2006 et 2007.
La deuxième attention est celle qui est apportée aux clubs. Lors de la journée d'étude qui leur avait été consacrée en octobre, j'avais annoncé mon intention de leur dédier 20 M d'euros. Ces crédits ont été budgétés dans le cadre des financements pour 2005. Ces groupes d'entraide mutuelle, consacrés par la loi handicap, constituent, j'en suis convaincue, des outils extraordinairement adaptés au besoin d'une socialisation douce, volontaire des personnes handicapées psychiques. Grâce à ces financements, ce sont 300 clubs qui pourraient être créés. Nous devons maintenant définir ensemble le cahier des charges, ou plus simplement le modèle-type de fonctionnement, afin de le diffuser largement.
Le troisième volet est celui du logement. C'est sans doute la question la plus délicate. Elle conditionne une certaine stabilisation de l'état des personnes, une capacité à suivre un traitement, à poursuivre une socialisation. Mais l'accès et le maintien dans un logement est lui-même largement conditionné par la qualité de l'accompagnement qui est mis en place. Je veux saluer la prise de conscience des acteurs du logement social, en particulier, qui n'ont pas attendu pour se saisir de cette question et qui ont accepté de travailler avec nous. Toute la gamme de logement doit être disponible : de l'hébergement médico-social classique, pour lequel 1000 places nouvelles de MAS et FAM seront dédiées aux personnes handicapés psychiques, au logement social le plus ordinaire, conforté par des services d'accompagnement, en passant par les appartements associatifs, les maisons-relais-pensions de famille. C'est indispensable pour que les personnes atteintes de troubles psychiques puissent trouver, là où elles sont, une solution.
J'ai demandé à mon cabinet d'étudier la création de foyers dédiés aux personnes handicapées psychique. Il s'agit là d'un axe important du travail que nous devons continuer à mener ensemble.
Enfin, l'accès au travail des personnes handicapées psychique ne doit être écarté, même s'il ne peut concerner tout le monde. En les adaptant à leurs difficultés et besoins propres, le modèle des centres d'aide par le travail peut constituer une solution. Nous le voyons aujourd'hui. D'autres exemples, parmi lesquels ceux de l'association Messidor en Rhône Alpes, doivent être étudiés. Ainsi, les personnes handicapées psychiques sont-elles largement concernées par le programme de création de places en CAT qui va nous permettre d'ouvrir 8000 places entre 2005 et 2007.
Comme Philippe DOUSTE-BLAZY l'a précisé à nouveau ce matin, le plan qui vous est présenté aujourd'hui est un projet soumis à la concertation. Il ouvre sur la poursuite d'une réflexion. C'est la raison pour laquelle trois groupes de travail seront conduits par mon cabinet, dont le premier consacré au logement s'est réuni une première fois cette semaine, avec la collaboration des ministères délégués au logement et à la lutte contre l'exclusion.
La réussite de ce chantier repose largement sur différents partenariats.
Avec les associations tout d'abord. Il est demandé un grand investissement à la FNAPpsy et l'UNAFAM. Comme je m'y étais engagée, le soutien financier va être susbtantiellement augmenté, pour 600 000 euros globalement. C'est la réussite du développement des clubs, de l'expansion des lignes téléphoniques d'écoute des familles et des personnes, de la formation qui en dépend.
Avec les élus locaux aussi. L'engagement du conseil général des Hauts-de-Seine dans votre structure est un exemple de ce qui doit être conforté et généralisé. Les différents schémas médico-sociaux ou relatifs au logement doivent prendre en compte la problématique des personnes handicapées psychiques. Je connais par ailleurs la réceptivité des élus de la proximité, des élus communaux, à la problématique du handicap psychique. Les quelques clubs qui se sont créés leur doivent souvent beaucoup. Leur engagement sera précieux.
Mesdames et Messieurs,
Ma présence parmi vous aujourd'hui est une étape de plus dans ma relation avec les personnes, les familles et les associations, qui vivent la maladie mentale. C'est plus fondamentalement un témoignage supplémentaire de la prise en compte du handicap psychique dans le grand chantier de la reconnaissance pleine et entière de la citoyenneté des personnes handicapées. C'est enfin le signe d'une prise de conscience et d'une solidarité croissante de notre société vis-à-vis de ceux qu'elle a trop longtemps ignorés.

(Source http://www.handicap.gouv.fr, le 9 février 2005)