Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur les implications de la 'loi portant réforme de l'assurance maladie' et du 'projet d'ordonnace sur la nouvelle organisation hospitalière', concernant l'organisation des établissements hospitaliers et le métier d'infirmier, Paris le 3 novembre 2004.

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Circonstance : Ouverture du Salon infirmier, Paris le 3 novembre 2004

Texte intégral

Madame la Directrice,
Monsieur le Directeur,
C'est avec un très grand plaisir que j'inaugure ce matin ce salon infirmier. Je suis toujours très attentif au personnel infirmier dont je connais les compétences et le professionnalisme. Et lorsque le hasard de mon agenda a de nouveau permis ma présence, parmi vous, je n'ai pas hésité. Je suis très attaché à conserver un contact direct avec les professionnels de terrain.
Vous vous interrogez dans votre allocution sur un certain nombre de points dont vous me permettez d'en reprendre certains.
J'aimerais d'abord vous parler de la réforme de l'assurance maladie, une des priorités de mon action, la plus importante mais non la seule. La plus importante car il s'agit de la sauvegarde de nos régimes d'assurance maladie, un pilier fondamental de notre système de santé. Si nous ne pérennisons pas notre sécurité sociale, beaucoup des sujets qui sont abordés aujourd'hui n'auront plus vraiment de sens.
Cette réforme est basée sur le rapport du Haut conseil auquel participe des membres du Conseil national des professions de santé. Il fait donc le pari de la maîtrise médicalisée et de la responsabilisation des acteurs. Les dernières données de la CNAMTS nous indique d'ailleurs que réussir ce pari est non seulement souhaitable mais possible. Nous devons y arriver ensemble. Votre profession est concernée. A travers les relations conventionnelles qu'elle noue avec l'assurance maladie et dont le cadre est rénové par la réforme, elle devra prendre pour les soins qui la concernent ses responsabilités comme l'ensemble des autres professions de santé. J'espère notamment qu'elle mettra en uvre les outils de la maîtrise médicalisée et qu'elle participera à une meilleure coordination des soins en liaison avec les professions médicales notamment.
C'est grâce à cette maîtrise médicalisée que nous pourrons maintenir le système de soins telle qu'il existe, une offre libérale avec plus de 60 000 infirmières et une offre hospitalière et médico-sociale.
Celui de la nouvelle gouvernance à l'hôpital ensuite. " Nouvelle gouvernance " est un vocable auquel je préfère celui " d'organisation hospitalière ", car l'organisation hospitalière se fait autour du malade, pas la gouvernance.
Le projet d'ordonnance sur la nouvelle organisation hospitalière prévoit notamment que les établissements publics de santé devront s'organiser en pôles d'activités, structures de gestion, déconcentrées. Au sein de chaque pôle, un conseil de pôle, composé d'équipes médicales, d'encadrement et soignantes, aura notamment pour mission de participer à l'élaboration d'un projet de pôle. Ce projet fixera l'organisation générale, les orientations ainsi que les actions à mettre en uvre pour développer la qualité et l'évaluation des soins. A cet égard, concernant l'évolution de la commission du service de soins infirmiers " CSSI ", ces missions sont désormais étendues à l'ensemble des soins infirmiers, médico-techniques, et de rééducation et le projet d'ordonnance enrichit ses attributions par son association à la définition de la politique d'amélioration continue de la qualité des soins ainsi qu'à l'évaluation des pratiques professionnelles. Par ailleurs, du fait de son élargissement aux activités médico-techniques et de rééducation, la composition de la commission doit être adaptée et ses modalités de désignation reposera désormais sur l'élection et non plus le tirage au sort de ses membres.
Cela a été demandé par de nombreux syndicats. J'ai modifié le texte en ce sens, car, c'est, je crois, une des conditions de la démocratie hospitalière.
Cette nouvelle organisation hospitalière est une chance. Une chance pour vous, non seulement de pouvoir vous exprimer au sein de l'hôpital, mais surtout d'agir, j'en ai la conviction.
* Concernant l'aspect économique et notamment la mise en place progressive de la tarification à l'activité.
La tarification à l'activité, n'est pas un outil de maîtrise des coûts. C'est un outil pour reconnaître la performance et le dynamisme. C'est donc un outil d'équité.
Mais c'est aussi un outil qui permettra enfin de mettre en lumière ce que sont les missions de service public.
Les " missions d'intérêt général " sont en cours d'identification par la direction de l'hospitalisation. Pour la première fois, un décret définira ces missions avant la fin de l'année, et permettra de les financer forfaitairement et en toute transparence.
Je ne permettrai pas que la tarification à l'activité ait la moindre répercussion négative sur l'organisation des soins, soyez en assurés.
* Vous vous êtes inquiétée de l'incidence des réformes sur la charge de travail des infirmières. Permettez-moi de souligner que la loi portant réforme de l'assurance maladie consacre plusieurs de ses articles à la formation des professionnels, à l'évaluation de leurs compétences, et de la qualité des pratiques. La Haute Autorité de Santé est désormais chargée d'élaborer des guides de bon usage des soins, d'établir et de mettre en uvre des procédures d'évaluation des pratiques professionnelles et d'accréditation des équipes.
La question de ce que vous avez appelé " le transfert de compétences ", et que je préfère nommer : " la coopération entre les professions de santé ", expression qui reprend une partie du titre du deuxième rapport du Doyen Berland, me paraît en effet mériter quelque attention. Je comprends à ce sujet vos doutes et vos inquiétudes, qui sont le signe d'une volonté de ne pas utiliser un vrai débat de fonds à des fins qui ne sont pas les siennes, à savoir régler les questions de pénurie. Tout au long de l'histoire des professions de santé, des activités soignantes ont, tour à tour, été réalisées par l'une ou l'autre des catégories professionnelles. Certaines professions ont d'ailleurs été créées de cette manière, ainsi les manipulateurs d'électroradiologie médicale sont nés de l'émergence de technologies nouvelles. Toutes les professions paramédicales sont issues de segments d'activités, qui, soit n'existaient pas, soit étaient réalisés par d'autres. La spécificité du moment vient de la conjonction de facteurs qui peuvent rendre opportune l'évolution des métiers et professions dans le champ de la santé. Il s'agit de penser autrement, grâce à une approche non plus segmentaire, mais de coopération autour du parcours de soins du patient.
En effet, vous avez raison de parler d'une baisse attendue des effectifs médicaux. Elle existe, il ne serait pas opportun de la nier.
Elle n'est pas identique pour toutes les spécialités, elle est mal répartie en France, mais c'est une donnée dont il faut tenir compte. D'autant qu'à cet effet mécanique s'ajoute l'augmentation des besoins de santé liée au vieillissement de la population. Il y a donc nécessité de recentrer les médecins sur leur cur de métier, c'est-à-dire l'approche scientifique des pathologies et des traitements, et leur permettre de faire évoluer la recherche. C'est une question de santé publique.
Par ailleurs, un souhait existe depuis des années, relayé par des salons comme celui-ci ou des associations professionnelles, de faire évoluer vos professions et vos carrières dans le domaine propre des compétences cliniques. Des travaux menés il y a quelques années par mes services parlaient déjà de créer des fonctions spécifiques pour les infirmières, comme celle, " d'infirmière clinicienne " ou d'infirmière compétente dans l'un ou l'autre domaine spécifique comme l'oncologie, ce que d'autres pays nomment : " infirmières de pratiques avancées " . Une troisième opportunité peut venir pour les professions de santé, de l'Europe et de la signature par la France des accords de Bologne. Ils demandent aux pays de rendre cohérents leurs systèmes de diplômes afin de participer aux développements de l'Europe des savoirs et de favoriser la mobilité des professionnels de santé au sein de l'Europe. Dans ce cadre, la France a pris des mesures pour aligner ses diplômes et ceux de la santé devront participer de cette mise en forme.
L'universitarisation de la formation des infirmières se fera grâce à la réforme L.M.D.
Les questions posées par le rapport de M. Berland sont donc réelles et actuelles. Nous avons souhaité mettre en place, en travaillant dans le cadre de l'Observatoire national de la Démographie des Professions de Santé, des expérimentations encadrées tant sur le plan légal que sur le plan scientifique afin d'éclairer les décisions à prendre dans ce domaine. En effet, s'il s'avérait qu'il était possible de répartir les activités, voire les compétences entre les professions de santé (par exemple comme vous l'avez dit, des consultations de suivi de patients avec autorisation de prescriptions limitées dans le cadre d'un protocole par des infirmières) il faudrait en tirer des conséquences sur le plan législatif, réglementaire, régissant les professions, sur le plan de la formation et sur le plan des carrières.
Actuellement, les projets en préparation pour les expérimentations concernent cinq sites bien ciblées et quatre professions : les infirmières, les orthoptistes, les diététiciennes, les manipulateurs d'électroradiologie médicale. Bien évidemment, un bilan rigoureux sera tiré après six à douze mois de fonctionnement.
* Concernant la Validation des Acquis de l'Expérience, vous savez qu'il s'agit de l'application d'une loi de droit commun qui concerne l'ensemble des diplômes en France, bien au-delà du secteur de la santé.
Il s'agit d'une véritable révolution culturelle et d'un droit nouveau pour les citoyens : celui d'acquérir un diplôme sans nécessairement passer par la formation classique. C'est aussi la reconnaissance de l'aspect formateur du travail et la valorisation des efforts accomplis par les professionnels.
Je n'ignore pas vos craintes et je tiens d'emblée à vous rassurer qu'il ne s'agit aucunement de valider un exercice illégal, ni d'attribuer des diplômes " au rabais ".
Nous avons d'ores et déjà engagé une réflexion qui arrive à terme sur le diplôme professionnel d'aide-soignant et à laquelle l'ensemble des représentants ont largement contribué.
Ce travail a été mené selon une méthode rigoureuse. Un référentiel métier a été élaboré, (activités et compétences). Le référentiel de formation est en cours d'élaboration et conduira à réexaminer l'organisation de la formation initiale des aides-soignants. La mise en place effective de la procédure aura lieu en 2005 comme cela avait été annoncé.
* Vous vous interrogez, ensuite, sur la pertinence de campagnes de communication concernant la profession d'infirmière. Je l'avais annoncé au printemps dernier, une campagne publique de valorisation des métiers de l'hôpital a eu lieu récemment, début octobre. Ce n'était qu'un début timide. J'ai décidé de créer un groupement d'intérêt public entre l'Etat et l'ensemble des fédérations hospitalières publiques et privées pour assurer, sur plusieurs années, des campagnes de communication sur les métiers de l'hôpital.
Il s'agit d'encourager et de motiver les candidatures, de donner envie de venir travailler à l'hôpital, en faisant mieux reconnaître cette institution et en valorisant les métiers et les carrières.
* Concernant, enfin, vos préoccupations relatives à la politique de santé mentale, je les partage.
Sur la dépression et, en particulier, sur l'ensemble de la santé mentale, je souhaite donner des orientations claires et volontaristes. Un Plan de développement de prise en charge de la santé mentale résumera ces orientations.
Mais, je souhaite aussi assurer le juste financement de cette activité. C'est pourquoi, en plein accord avec l'ensemble des professionnels concernés, j'ai demandé que d'ici la fin 2005, je puisse disposer de propositions opérationnelles pour une véritable valorisation de l'Activité Psychiatrique.
Vous le voyez, Madame la Présidente, je crois comprendre vos préoccupations.
Et malgré les contraintes, je suis conscient de mon devoir envers vous et envers les patients.



(Source http://www.sante.gouv.fr, le 5 novembre 2004)