Déclaration de M. Xavier Bertrand, secrétaire d'état à l'assurance maladie, sur les dispositions du projet de loi relatif à l'assurance maladie, Sénat, le 21 juillet 2004.

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Circonstance : Présentation du projet de loi relatif à l'asurance maladie au Sénat le 22 juilllet 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des affaires sociales,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Après le temps du dialogue avec les partenaires sociaux et les acteurs du système de santé, nous avons entamé à la fin du mois de juin le temps du débat parlementaire auquel nous sommes particulièrement attachés. Nous avons ainsi passé trois semaines sur les bancs de l'Assemblée Nationale, temps fructueux puisqu'il a permis l'évolution de notre texte qui s'est ainsi enrichi des nombreux amendements votés par les députés. Je ne doute pas qu'ici devant la Haute Assemblée, nous pourrons avec vous continuer d'améliorer le texte de cette réforme.
Après l'intervention de Monsieur le Ministre, je voudrais pour ma part revenir sur deux points essentiels :
* Le premier est celui de la nécessité impérieuse de mettre en place ce plan ambitieux pour notre système d'assurance maladie. Oui, il y a nécessité. Oui, il y a urgence.
* Le deuxième est de vous démontrer en quoi le plan de modernisation de notre système de soins, qui est au cur de ce projet de loi, permet de redresser les comptes de notre assurance maladie. Il ne s'agit pas de vous dire que nous pouvons sauver la Sécurité sociale mais bel et bien de vous montrer comment nous entendons le faire.
I- Pourquoi ce plan de modernisation de notre système de santé est-il nécessaire ?
Nous le savons tous, la situation financière actuelle de l'assurance maladie n'est pas soutenable. Trois chiffres clefs suffisent à montrer les raisons principales de l'impérieuse nécessité d'agir :
Le déficit de l'assurance maladie s'aggrave de 23 000 euros par minute, il atteindrait 12,9 Mds d'euros en 2004 tandis que la dette s'élèverait à 33 Mds d'euros à la fin de l'année. Ce déficit est dû pour partie au ralentissement économique international de ces trois dernières années, mais aussi et surtout à la forte croissance des dépenses de santé.
Le Haut Conseil pour l'Avenir de l'Assurance maladie, qui a effectué un travail remarquable en quelques mois, a analysé les effets à moyen terme de cette forte croissance des dépenses. Ainsi, si rien n'était fait, il faudrait d'ici 2020 :
- soit diminuer le taux de remboursement de 76% aujourd'hui à 51%, ce qui correspond en quelque sorte à une privatisation rampante de notre système, puisque les organismes privés auraient à jouer un rôle accru dans le système ;
- soit accroître fortement les prélèvements sur les revenus des Français en doublant le taux de CSG affectée à l'assurance maladie, soit une hausse de 5,4 points. Ceci amputerait d'autant le pouvoir d'achat des Français.
Ces deux hypothèses, nous les refusons. Vous le voyez bien. Le pire aujourd'hui serait de ne rien faire. Et nous sommes résolument opposés à cet immobilisme. C'est pourquoi, le gouvernement, après la réforme des retraites et de la dépendance, a le courage politique d'engager la modernisation en profondeur de notre système d'assurance maladie qui, avec le prochain plan de cohésion sociale, s'inscrit au coeur de son action pour l'avenir de notre pacte social.
II- Un plan ambitieux, efficace et juste
Il y a eu, et il y aura toujours ici et là, des critiques sur le fait que notre plan serait insuffisant, qu'il reposerait trop largement sur le changement de comportement des différents acteurs du système de santé et serait donc, par là même, aléatoire.
Je le redis, haut et fort, devant vous : notre plan est justement crédible car, pour la première fois, il s'attaque aux problèmes structurels de notre système de soins en créant les conditions d'un véritable changement des comportements. C'est d'ailleurs bel et bien sur cet aspect que notre plan est différent des 16 plans antérieurs de sauvetage de la sécurité sociale depuis 1977. Et c'est bien parce que notre projet fait le pari d'un changement des comportements que, pour la première fois, notre plan réussira là où d'autres ont jusqu'à présent échoué.
Le Haut Conseil évoque dans son rapport un déficit qui serait pour les 2/3 dû à des facteurs structurels et pour 1/3 à des motifs conjoncturels. En réduisant les dépenses de 10 Mds d'euros et en augmentant les recettes de 5 Mds, le Gouvernement a adopté la même logique, la seule qui soit légitime aux yeux du Haut Conseil. Pour résoudre des problèmes structurels, il faut en effet des réponses structurelles.
Ce que nous ne faisons pas.
Nous avons refusé de nous engager dans la voie de la facilité et dans ce qui marque traditionnellement tout plan de réforme de l'assurance maladie : les déremboursements massifs. Je voudrais en effet vous dire, avant de détailler les modalités de notre plan, ce que nous avons refusé de faire.
Baisser de 5 points le taux de remboursement aurait permis de dégager 1,7 Mds d'euros d'économies. Une baisse de 15 points représenterait 5,1 Mds d'euros, ce qui est considérable. Sur le papier, il s'agit d'économies considérables, certaines, comptables. Mais c'est aussi un non sens tant cela s'apparente en réalité à un simple transfert entre gestionnaires : de l'assurance maladie de base vers les organismes complémentaires, l'assuré se voyant prié de payer des cotisations toujours plus importantes. Prenons un exemple : un transfert de 5 Mds d'euros de dépenses médicales du régime obligatoire vers le régime complémentaire représenterait une augmentation de 30% des cotisations. A nos yeux, cela est inconcevable.
La réforme que nous vous présentons ne modifie en rien la frontière entre régime obligatoire et régime complémentaire. Nous rejetons toute privatisation. Les efforts que nous demandons aux Français ne visent qu'à consolider un système qu'ils connaissent et apprécient.
Nous avons aussi refusé de remettre en question ce qui fait le coeur même de notre système d'assurance maladie, à savoir la liberté : liberté pour le patient d'aller voir le médecin de son choix, liberté du médecin de prescrire ce qu'il juge être bon pour son patient. Pour moi, la liberté ne signifie pas le laisser-faire. Pour nous, la liberté a pour contreparties la responsabilité et la solidarité.
Nous avons enfin refusé de nous engager dans la voie du prélèvement massif pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de la sécurité sociale. N'en déplaise à certains, il n'existe pas de ressources que l'on peut ponctionner sans conséquence sur le croissance et donc indirectement sur les recettes mêmes de la Sécurité sociale..
Notre plan est ainsi constitué de 10 Mds d'euros de " moindres dépenses " grâce à une meilleure organisation du système et de 5 Mds d'euros de recettes nouvelles.
A) 10 Mds d'euros de moindres dépenses
Avant de parler des moindres dépenses, je voudrais le redire solennellement devant cette assemblée pour éviter les caricatures : nous dépenserons en 2007 davantage pour notre santé qu'en 2004. Les dépenses de santé continueront de croître et c'est tout à fait légitime (vieillissement de la population, innovation...). Il n'y a pas, il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit. Dans le même temps, nous faisons en sorte que chaque euro investi dans notre système de soins le soit à bon escient.
La maîtrise médicalisée : 3,5 Mds d'euros
Cela passe d'abord par la mise en oeuvre des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses à hauteur de 3,5 milliards. Il est vrai, et nous l'assumons pleinement, que nous avons écarté le choix d'une maîtrise comptable de l'assurance maladie au profit d'une maîtrise médicalisée. Dans son point de conjoncture mensuel de mai 2004, la CNAMTS estime que les dépenses " injustifiées " (c'est-à-dire les prescriptions excessives ou inadaptées, les remboursements inopportuns ...) se situaient entre 5 et 6 Mds d'euros pour les seuls soins de ville (hors dépenses hospitalières ou congés maladie) soit l'équivalent de 15 % des prescriptions réalisées. Nous sommes bien en deçà de cette estimation.
La promotion du bon usage du médicament grâce au déploiement de logiciels d'aide à la prescription, à des campagnes d'informations et à une mobilisation du service médical doit nous permettre d'économiser 800 M d'euros. Je rappelle que nous consommons en France en moyenne une boîte de médicament par personne et par semaine, soit 1,5 fois plus que nos voisins allemands ou espagnols.
Le projet de loi prévoit aussi la mise au point d'une charte de qualité de la visite médicale entre les industriels et le comité économique des produits de santé.
Le développement des référentiels de bonne pratique qui aura un impact effectif au travers de la liquidation médicalisée réalisée par les caisses d'assurance maladie représentera 800 M d'euros de moindres dépenses.
Troisième volet de cette maîtrise médicalisée, la coordination des soins, au travers du dossier médical personnel, du médecin traitant et du rapprochement entre la ville et l'hôpital : elle doit nous permettre d'économiser 1 Md d'euros d'ici à 2007. Enfin, le respect des règles liées à la prise en charge à 100%, notamment de l'ordonnancier bi-zone, permettra de lutter contre les dérives qui font que nous prenons en charge à 100% des soins qui n'ont rien à voir avec l'affection qui justifie le classement en ALD.
Le médicament : 2,3 Mds d'euros
La politique du médicament, au travers notamment d'un développement rapide du médicament générique constitue le deuxième volet de ce plan, à hauteur de 2,3 Mds d'euros. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'attractivité du site France en surtaxant aveuglément l'industrie du médicament, dont chacun connaît les importantes retombées en termes d'innovation et de recherche. Il faut en effet que les Français continuent de bénéficier des meilleurs médicaments et des plus innovants. Néanmoins, soigner mieux en dépensant mieux doit aussi s'appliquer à la filière des produits de santé.
C'est tout le sens de la politique du médicament que nous souhaitons développer dans les années à venir. Claude LE PEN, un des professeurs d'économie de santé les plus reconnus dans notre pays, estime à 1 milliard d'euros les économies réalisables grâce au développement du générique. En Allemagne, 30 % des boîtes de médicament vendues sont aujourd'hui des génériques. En Angleterre, cette part est de 50 %. En France, nous n'en sommes qu'à 13 %. Notre marge de progrès est donc considérable et les économies seront bien au rendez-vous. Mesdames et Messieurs les Sénateurs, le succès du générique est l'exemple-type qui montre que les Cassandre de l'époque se trompaient. Il montre ainsi que les changements de comportement sont possibles.
Grâce à la réduction des délais de mise sur le marché des génériques par l'adoption rapide des textes européens, à la réduction du prix de ces produits, à la mise en place d'objectifs fixés aux professionnels afin qu'ils s'engagent pour développer l'utilisation de ces médicaments moins onéreux pour la collectivité, nous rejoindrons les niveaux d'utilisation des génériques de nos voisins.
Le plan médicament prévoit aussi l'adaptation des conditionnements des boîtes de médicament, une plus grande maîtrise de la rétrocession hospitalière et un relèvement limité des taxes applicables aux industries du médicament. Nous y reviendrons, je pense, dans le débat.
L'hôpital : 1,6 Mds d'euros
Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il était légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie. Et ce, principalement par une rationalisation de la politique d'achat de l'hôpital qui est appelé à contribuer à hauteur d'1,6 Mds d'euros aux 10 Mds d'euros de moindres dépenses. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande hétérogénéité des coûts d'achats des produits à l'hôpital, avec des différences pouvant aller de 1 à 5. Un seul exemple : le prix de l'oxygène médical varie de 33 centimes d'euros à 1,90 euros par m3. Ne peut-on pas harmoniser ces prix et réaliser de véritables économies sans nuire en rien à la qualité des soins à l'hôpital.
Améliorer les contrôles des Indemnités Journalières : 800 millions d'euros
Le renforcement du contrôle des arrêts de travail au travers de procédures plus simples et plus efficaces dans le respect des patients comme des professionnels nous permettra de recentrer cette dépense sur sa véritable finalité : indemniser la personne temporairement dans l'incapacité de travailler pour raisons médicales. Une économie de 800 millions d'euros est possible d'ici 2007. Ce résultat n'est pas hors de portée, comme le montre l'inflexion sensible des indemnités journalières en 2004 grâce aux contrôles accrus de la CNAM depuis l'automne 2003.
Il ne s'agit pas de culpabiliser les uns ou les autres. Il s'agit simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus. Ces abus, nous savons qu'ils existent : abus de certaines entreprises, de certains médecins, de certains patients. Ils sont toujours très minoritaires. Néanmoins, pour préserver le système des arrêts de travail qui est une avancée essentielle et un des fondements historiques de notre système d'assurance maladie, il faut veiller à ce qu'il ne soit pas détourné. Sur ce point, l'Assemblée Nationale a apporté un certain nombre de précisions, notamment en prévoyant que la prolongation d'un arrêt de travail ne pourra être réalisée, sauf cas particulier, que par le médecin qui a prescrit l'arrêt initial.
Transfert de la dette à la CADES (Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale) : 1 Md d'euros
Dans les 10 Mds d'euros de moindres dépenses, il y a aussi l'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la CADES. Nous aurons l'occasion d'en débattre dans cet hémicycle, comme nous l'avons fait il y a quelques jours à l'Assemblée Nationale. C'est un débat légitime. En dépit des inconvénients d'une telle solution dont il n'est pas question de nier la réalité, il nous a semblé que ce dispositif restait préférable à l'augmentation importante des prélèvements obligatoires qui aurait été nécessaire. Ce transfert nous permettra d'économiser plus d'1 Mds d'euros en frais financiers.
Enfin, la modernisation de la gestion du réseau des caisses et l'augmentation du recours contre tiers nous permettront d'obtenir respectivement 200 et 300 M d'euros d'économies d'ici à 2007.
B) 5 Mds d'euros de nouvelles recettes
Pour compléter ces 10 Mds d'euros de moindres dépenses, le Gouvernement prévoit 5 Mds d'euros de recettes nouvelles :
- dont 1 Md d'euros au titre de la participation des usagers à travers la contribution de 1 euro et l'augmentation du forfait journalier d'1 euro par an jusqu'en 2007. S'agissant de la contribution d'un euro, il nous a semblé en effet indispensable de susciter chez nos concitoyens une prise de conscience du coût de leur consommation de soins. Le développement du tiers payant a en effet incontestablement suscité un sentiment de gratuité qui ne peut définitivement s'installer.
Nous ne voulons là encore culpabiliser personne. Il ne s'agit pas d'une mesure financière car nous ne parlons ici que de 700 millions d'euros sur un plan global de 15 milliards. Il s'agit simplement de responsabiliser chacun tout en préservant l'équité puisque dans le même temps, nous prévoyons un certain nombre d'exonérations afin que l'accès aux soins des plus démunis ne soit pas entravé et que les familles ne soient pas pénalisées. Nous avons aussi introduit à l'Assemblée Nationale un plafonnement sur l'ensemble de l'année qui permettra d'éviter qu'un montant trop important soit mis à la charge de l'assuré. Ce plafonnement permettra que cette contribution ne soit à l'origine d'aucune restriction d'accès aux soins. Nous devons le rappeler : tout acte de soin a un coût et à force de l'oublier nous entraînons collectivement notre assurance maladie vers la faillite.
- Il y a ensuite 4 Mds d'euros de recettes supplémentaires. Je citerai d'abord le transfert de l'Etat à l'Assurance maladie
Transfert de l'Etat à l'Assurance maladie :
L'Etat apportera une contribution d'un milliard de l'Etat à travers une fraction plus importante des droits tabacs affectée à l'assurance maladie. Le Sénat et plus particulièrement la commission des affaires sociales a critiqué à de nombreuses reprises la complexité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale et fustigé, à juste titre, le rapt des recettes de la sécurité sociale mis en uvre pour financer la réduction du temps de travail.
Nous avions déjà entamé cette clarification nécessaire en supprimant le FOREC (Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale) et en affectant une part croissante des droits sur les tabacs à l'assurance maladie depuis 2002.
Aujourd'hui, avec cette réforme, nous faisons un pas supplémentaire en opérant ce transfert d'1 Md d'euros des droits sur les tabacs. Ce transfert de l'Etat est un geste fort, compte tenu du contexte financier difficile pour les finances publiques. C'est une réponse concrète au débat sur les charges indues. Je crois qu'une telle affectation des droits tabacs à l'assurance maladie repose sur une logique forte de santé publique.
Ce transfert s'accompagne du nécessaire renforcement de l'autonomie des comptes de la sécurité sociale. Le texte prévoit que tout transfert de charges entre l'Etat et l'assurance maladie devra être compensé. Comme Simone Veil l'avait fait en 1994 avec le principe de la compensation des exonérations de cotisations sociales, nous contribuons ainsi à identifier plus clairement les périmètres financiers respectifs de l'Etat et de la sécurité sociale, ce qui est une demande forte et légitime des gestionnaires. L'assurance maladie ne saurait en effet être la variable d'ajustement de calculs financiers, ce qui, au final, ne change pas les équations des déficits publics. Les jeux d'écriture ne règlent pas le déficit de l'assurance maladie. Je crois que Monsieur le rapporteur Alain VASSELLE se reconnaîtra dans la réaffirmation de ce principe. Une telle mesure est indispensable pour mieux responsabiliser les gestionnaires.
Je souhaiterais aussi souligner le souci de justice et d'équité qui a animé le Gouvernement dans le choix des mesures destinées à dégager des recettes. C'est un effort partagé que nous sollicitons de tous les acteurs : les entreprises, les actifs, les retraités, à chaque fois dans des limites qui nous semblent acceptables.
La CSG
L'augmentation de 0,4 point du taux de CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux seuls retraités imposables. Cette hausse limitée laisse un écart important de 0,9 point avec le taux de CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il nous a en effet semblé possible de demander aux retraités de participer à l'effort de redressement de l'assurance maladie. Cela représente 600 millions d'euros.
L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité nous a par ailleurs semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002. L'augmentation de l'assiette génèrera ainsi 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires.
Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera quant à lui relevé de 0,7 point, soit 630 M d'euros de recettes nouvelles. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la CNSA
-Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie - (0,3 point au 1er juillet 2004), le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera porté à 8,5 %. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera relevée de 2 points et passera à 9,5 %, soit 100 M d'euros de recettes.
Augmentation de la C3S sur les entreprises
S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 point de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés (C3S). Il est important que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, sont raisonnables.
Vous le voyez, notre plan a été réalisé sans tabou, sans aucune idéologie mais au nom du pragmatisme et de l'effort équitable.
Au-delà de ces éléments, je voudrais revenir sur un point qui concerne plus particulièrement le Parlement : le respect des objectifs de dépenses d'assurance maladie.
Afin d'éviter que se creusent de nouveaux déficits, il nous semble essentiel de moderniser en profondeur le pilotage financier de l'assurance maladie, notamment dans sa dimension parlementaire. Ces cinq dernières années nous ont montré les limites du dispositif actuel de gestion des finances de l'assurance maladie. En donnant au Parlement la faculté de fixer chaque année les ressources et de déterminer l'objectif prévisionnel de dépenses (ONDAM), les lois de financement de la sécurité sociale ont constitué, outre une avancée démocratique de premier ordre, un cadre de référence pour gérer les finances de l'assurance maladie, comme celles des autres branches.
Néanmoins, on ne peut que constater l'insuffisante emprise des lois de financement sur la réalité des dépenses et sur ses leviers. Chaque année, vous votez un ONDAM qui est quasi-systématiquement dépassé depuis 1996, vidant ainsi largement ce vote de toute substance.
Nous devons améliorer nettement les outils nous permettant d'anticiper les évolutions et de réagir en cas de dégradation brutale des équilibres financiers de l'assurance maladie.
Le premier de ces outils, c'est une loi de financement modifiée par une réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Des parlementaires ont déjà fait un certain nombre de propositions. Je sais que bon nombre de sénateurs ont souligné la nécessité d'une telle réforme. Le Gouvernement présentera un texte en ce sens dès l'automne prochain. Il vous proposera une évolution des lois de financement, à deux niveaux :
* D'une part, en inscrivant les dépenses dans un cadre pluriannuel, afin de donner une vraie visibilité aux gestionnaires sur un cycle qui pourrait de 3 ans.
* D'autre part, en renforçant la lisibilité de l'équilibre des différentes branches car la loi de financement ne permet pas aujourd'hui d'avoir une vision suffisamment claire du rapport entre recettes et dépenses dans chacune des branches de la sécurité sociale.
Les deux autres outils figurent dans le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui. Les caisses nationales d'assurance maladie seront associées à la préparation des objectifs de dépenses. Elles feront chaque année des propositions d'orientation sur l'évolution de leurs dépenses et de leurs recettes. C'est, je crois, un élément central dans la responsabilisation des gestionnaires et dans les prévisions d'un ONDAM réaliste.
A coté de cette responsabilité nouvelle confiée aux caisses, figure dans le projet de loi le comité d'alerte. Il aura lui aussi un rôle central à jouer dans l'exécution des lois de financement en ce qui concerne la branche maladie. Lorsqu'un risque sérieux de dépassement apparaîtra avant le milieu de l'année, le comité d'alerte devra en prévenir les gestionnaires.
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, il ne s'agit aucunement d'enfermer les dépenses de santé dans une enveloppe comptable. Cela n'aurait tout simplement aucun sens. Aucun Gouvernement n'ordonnera la fermeture des cabinets médicaux ou des hôpitaux le 15 décembre par exemple, sous prétexte que l'enveloppe attribuée aurait été dépassée. Oui ! On peut être responsable des dépenses sans être prisonnier d'une enveloppe.
Toutes ces mesures réussiront grâce à l'engagement de chacun. Leur mise en uvre ne pourra donc être que progressive. Elles devraient ainsi nous permettre de revenir vers l'équilibre financier de l'assurance maladie en 2007. Mais nous saurons avant si la situation évolue dans le bon sens, si cette évolution des comportements est possible. Pour ma part, je le crois ! En 2005, si les comportements commencent à se modifier, la dérive des comptes devrait s'arrêter et le déficit se réduire. Oui, dès la fin 2005, nous saurons si nous sommes en passe de réussir ce défi.
Nous avons bien conscience, Philippe Douste-Blazy et moi-même d'avoir une obligation de résultat. Pour réussir, nous devrons, après le vote, rester mobilisés et mettre en uvre résolument la loi qui viendra d'être adoptée. C'est ce que j'appelle le " service après vote " du plan de modernisation de l'assurance maladie. En effet, une grande partie du travail restera à faire.
A la demande du Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin, nous nous sommes engagés, Philippe DOUSTE-BLAZY et moi-même, à ce que les décrets d'application des différentes mesures que vous allez adopter soient pris très rapidement : d'ores et déjà, de nombreux décrets sont en cours de préparation et ils seront adaptés en fonction du vote des parlementaires. En tout état de cause, ces décrets pourront être publiés dès le début du mois de septembre.
Dès la rentrée, nous expliquerons davantage encore aux patients et aux acteurs de la santé les modalités et la réalité de cette modernisation.
Conclusion
Mesdames et messieurs les Sénateurs, la modernisation de l'assurance maladie se déroulera en trois temps :
1) le temps de la démocratie sociale que nous avons fait vivre,
2) le temps de la démocratie parlementaire qui continue aujourd'hui devant la Haute Assemblée
3) le temps de la démocratie citoyenne qui va nous mobiliser.
Elle repose aussi sur trois principes :
1) la détermination au service d'une ambition ;
2) le dialogue au service de la concertation
3) la pédagogie au service du devoir de vérité.
Nous sommes persuadés que, si chacun y met du sien, nous réussirons à sauvegarder notre système de santé, un système dans lequel chacun contribue selon ses moyens, un système dans lequel chacun est soigné suivant ses besoins, un système de santé qui fait notre fierté.
Relevons ensemble le défi d'une modernisation qui conforte la solidarité, d'une solidarité que renforce la responsabilité.
L'enjeu est de taille : garantir l'avenir de notre sécurité sociale à la française.
Il est dorénavant de notre devoir, dans cet hémicycle, d'être aussi au rendez-vous de nos responsabilités.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 26 juillet 2004)