Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
En ce tout début janvier, je souhaite au préalable vous présenter ainsi qu'à vos adhérents mes meilleurs voeux qui accompagnent en particulier FARRE pour ses 8èmes rencontres. Je suis très heureux d'observer le rapprochement opéré entre consommateurs et producteurs à travers la lecture de votre programme ambitieux pour cette journée. L'an passé, vous avez accueilli Madame Bachelot, ministre de l'Environnement et de l'Ecologie, et, à ce titre, vous y aviez vu une manifestation de " l'insertion de l'Environnement dans les pratiques agricoles et donc la société ". Soyez assurés que le Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité est également sensible à cet objectif. Je m'emploierai à vous le démontrer.
Les crises sanitaires et agricoles, l'évolution de l'agriculture vers plus d'automatisation de la production mais aussi l'urbanisation accélérée pendant et au-delà des Trente Glorieuses ont trop souvent conduit les Français à ignorer voire à méconnaître leur agriculture. Ignorance d'abord car ce mode de vie astreignant apparaissait peu conforme à l'idéal de modernité et conduisait naturellement les actifs à se détourner des métiers agricoles ; mauvaise appréciation ensuite lorsque sont survenues des crises alimentaires qui suscitent des angoisses.
Ce panorama trop succinct, et de ce fait quelque peu réducteur, nous aide malgré tout à comprendre l'exigence nouvelle des Français sur la qualité des produits, la traçabilité, la certification. Vous pouvez par votre démarche rassurer les consommateurs et encourager les bonnes pratiques de producteurs qui ne demandent qu'à être reconnus.
Soyez assurés qu'une telle initiative rencontre mon intérêt. Ma présence veut manifester l'évolution essentielle que connaît actuellement l'agriculture. Vous m'avez invité à livrer ma " vision sur l'agriculture et sur la place d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement dans la société ". C'est ce que je souhaite faire maintenant en soutenant devant vous que la mise en uvre de la réforme de la PAC répond à cette exigence environnementale.
Dans ce contexte, l'expérience de la certification " agriculture raisonnée " prépare cette mutation. J'aborderai ensuite le chantier qui s'ouvre avec la prochaine loi d'orientation agricole. Je conclurai sur les évolutions possibles de FARRE pour répondre aux changements à venir.
[ I - Une expérience au service des consommateurs mais aussi favorable à la préparation des agriculteurs aux nouvelles normes]
Je voudrais en premier lieu souligner les liens qui se dessinent entre la démarche FARRE et la refonte de la PAC. Il faut insister sur la demande des consommateurs-citoyens mais aussi sur l'opportunité qu'offre la certification aux producteurs.
Précisons d'emblée la responsabilité des pouvoirs publics qui ont défini un cadre juridique sûr de manière à garantir la certification, sa transparence aux yeux non seulement des consommateurs mais aussi des producteurs. En effet, le cadre juridique de l'agriculture raisonnée est défini précisément par le décret du 25 avril 2002 fixant le dispositif de qualification des exploitations et complété par celui du 26 mars 2004 relatif aux conditions d'utilisation de la mention " agriculture raisonnée " ; le Référentiel d'exigences est spécifié par arrêté du 4 mai 2002.
Au-delà de l'agriculture, l'idée d'une saturation des marchés, tout au moins dans nos pays occidentaux et pour les biens de consommation courante, est récurrente. La quantité ne fait pas défaut ; en revanche, l'attention se porte sur la qualité. Je suis convaincu que celle-ci constitue une nouvelle frontière pour la production agricole. Or, cette qualité doit être visible et lisible pour les consommateurs. De ce point de vue, votre démarche doit les aider dans leur recherche de la qualité et, pour les moins concernés, les sensibiliser à ce nouvel horizon. Conscients de ce besoin d'identification, les pouvoirs publics ont décidé par décret du 26 mars 2004, décret dit " Etiquetage ", que :
- d'une part, la mention informative "issu d'exploitations qualifiées au titre de l'agriculture raisonnée" pourra être apposée sur les produits issus d'exploitations qualifiées, de telle sorte que les agriculteurs pourront faire connaître leur démarche et les consommateurs être informés,
- d'autre part, les conditions prévues pour l'utilisation de cette mention sont destinées à éviter les confusions, notamment avec les signes officiels de qualité et d'origine des produits, et à garantir la traçabilité des produits concernés à tous les stades de commercialisation.
L'intérêt des consommateurs pour la production agricole est certain : je note que, dès l'origine, les consommateurs ont été associés aux travaux du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, le CSO, et leur représentante a contribué de façon active et constructive à leur réussite. Les associations de consommateurs sont représentées au sein du collège " des organisations de consommateurs, des associations de protection de l'environnement et des syndicats de salariés agricoles ", présent dans chacune des deux sections de la CNAR (Commission Nationale de l'Agriculture Raisonnée).
Au-delà des textes réglementaires, j'encourage les organisations agricoles impliquées dans l'agriculture raisonnée comme FARRE à mettre en place un partenariat avec des associations de consommateurs afin de leur expliquer l'agriculture raisonnée et en assurer la promotion. Le titre de ce colloque souligne que ce travail est engagé ; il mérite d'être poursuivi et amplifié.
[I - 2 La qualité produite par le " producteur-citoyen " ]
Si le consommateur est citoyen ainsi que le promet votre programme de l'après-midi, je crois que le producteur est tout autant citoyen.
Dans un environnement difficile, marqué par les aléas de tous ordres, le professionnalisme et la rigueur des producteurs ne font aucun doute. La qualification, fondée sur de nombreuses exigences, recourt à un organisme de certification indépendant : diagnostic, audit, qualification puis contrôle inopiné pendant les 5 années de validité de certification en ponctuent le parcours avant un éventuel renouvellement. La qualification des premières exploitations agricoles au titre de l'Agriculture Raisonnée est intervenue au printemps 2004 ; aujourd'hui 450 exploitants sont certifiés.
Votre action a finalement permis de développer la pratique de l'autodiagnostic qui sera essentielle dans le cadre de la PAC. La réforme de celle-ci et l'introduction du principe de conditionnalité ne font que renforcer cette orientation. Elaborer un diagnostic puis se soumettre à certification, c'est une démarche volontaire de vos adhérents qui manifestent ainsi la volonté de se préparer aux contrôles liés à la conditionnalité. S'ils n'en sont pas exemptés, ils seront certainement mieux préparés à respecter les exigences nouvelles. En somme, adhérer à FARRE, c'est définir pour soi un chemin pédagogique dans la perspective de l'application des principes de la nouvelle PAC.
La procédure de qualification permet par ailleurs de fixer un cadre et un horizon à l'activité économique. Son apport dans le pilotage de l'exploitation est indéniable ; procéder ainsi ouvre l'horizon, permet de planifier et prendre en compte les contraintes, dont le souci de préserver l'environnement.
L'existence d'un réseau peut enfin constituer une force dans la compétition internationale en fondant des pratiques d'échange tant sur le plan des méthodes de production, sur la connaissance des produits que des règles de gestion de l'exploitation. Parce que vous partagez les mêmes références, des regroupements ou des rapprochements au sein de filières peuvent aussi constituer des atouts.
Pour résumer, je pense que votre démarche peut être valorisée sous ses trois aspects :
- gestion de l'exploitation qui prend en compte les dimensions environnementale, économique et sociale pour un meilleur pilotage par l'agriculteur ;
- développement agricole qui donne une nouvelle vision de l'agriculture à travers les activités de conseil qui sont essentielles au sein du réseau ;
- communication car le travail réalisé par les exploitants doit être reconnu.
[Transition]
Je voudrais aborder les relations entre FARRE et le Ministère de l'Agriculture. En octobre, lors de la visite par mon prédécesseur, Hervé GAYMARD, d'une exploitation du réseau, FARRE a demandé à disposer d'informations que recueille le ministère sur les exploitations qualifiées. Un travail a été engagé par la CNAR et devrait aboutir à une convention définissant les modalités de cette collaboration.
Par ailleurs, j'ai noté que le Président de la CNAR (Commission Nationale de l'Agriculture Raisonnée), Antoine HERTH, est sensible à la demande d'identification des exploitations agricoles qualifiées au titre de l'agriculture raisonnée et exprimée par les agriculteurs eux-mêmes. Ce désir me paraît fondé et de nature à justifier une participation financière du Ministère de l'Agriculture. L'apposition, à l'entrée des exploitations concernées, d'un panneau d'un modèle national unique sera de nature à satisfaire cette exigence.
Vous m'avez invité à livrer ma " vision sur l'agriculture et sur la place d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement dans la société ". C'est ce que je souhaite faire maintenant à travers l'évocation de la réforme de la PAC et de la future loi d'orientation agricole.
[ II - Le souci de l'environnement et de la santé au coeur de la réforme de la PAC et de la loi de modernisation agricole ]
Depuis ma prise de fonction il y a un mois, j'ai rencontré un monde rural et agricole qui s'interroge sur les mutations en cours. Je veux le rassurer. Devant l'avenir, je suis convaincu qu'il faut être réaliste, ce qui signifie surtout des exigences et du travail. Permettez-moi de citer Virgile qui affirme qu'un " travail opiniâtre vient à bout de tout " (Les Géorgiques). Je crois en effet que les réformes engagées sont une chance pour notre agriculture à double titre. D'une part, les primes liées à la conditionnalité devraient permettre de restaurer le lien distendu entre de trop nombreux Français et les exploitants. L'image productiviste colle de manière négative à notre agriculture alors même que les Français sont attachés à leur patrimoine agricole et à leurs relations avec le monde rural, comme en témoigne la fréquentation du Salon de l'Agriculture. Je voudrais ajouter que la réforme de la PAC mise en place va de pair avec une garantie jusqu'en 2013 sur les aides allouées. D'autre part, la qualité de la production devrait s'en trouver accrue et les produits français et européens bénéficier ainsi d'une différenciation bienvenue sur des marchés fortement concurrentiels.
[ II - 1 La réforme de la PAC ]
C'est pourquoi la réforme de la PAC doit être présentée de manière constructive et doit être mise en uvre non seulement progressivement mais avec discernement.
[ L'application de la conditionnalité ]
S'agissant de la conditionnalité tout d'abord. J'ai entendu les agriculteurs et, en conséquence, j'ai donné des instructions aux Directeurs départementaux de l'agriculture pour que les contrôles soient conduits avec pédagogie. Je vous rappelle que j'ai même porté avec succès ce message auprès de mes collègues européens, le Conseil et la Commission reconnaissant les difficultés d'application dans une déclaration conjointe le 22 décembre. Un bilan de l'année 2005 sera établi par les Etats-membres et la Commission dans le cadre d'une application équilibrée du dispositif.
J'ai décidé que, pour la première année d'application, les écarts réglementaires très secondaires, c'est-à-dire les " anomalies mineures " ne seront pas sanctionnées financièrement. Les exploitants recevront en revanche une lettre d'alerte et d'accompagnement. En outre, la perte d'une boucle ou le fait qu'elle soit illisible ne seront pas considérés comme une anomalie lorsque un seul animal est concerné.
Je souhaite, aujourd'hui, vous confirmer l'attachement que je porte à ce que cette première année se déroule le mieux possible. Les DDAF, qui auront la charge de définir et coordonner les contrôles puis d'en établir la synthèse agiront avec discernement. Le dialogue avec les agriculteurs sera permanent. D'une part, les contrôles seront organisés pour perturber le moins possible l'activité ; d'autre part, au moment de la synthèse, les agriculteurs pourront faire part de leurs observations dans une procédure contradictoire avec l'administration. Ensuite seulement, le taux de sanction éventuel leur sera communiqué ainsi qu'aux organismes payeurs
.
Ces contrôles ont bien pour objectif de promouvoir une agriculture nouvelle, qui préserve l'environnement. Sans insister à nouveau, je vois donc dans la démarche volontaire de la qualification " agriculture raisonnée " une préparation à ces contrôles. Elle répond en quelque sorte à l'autodiagnostic proposé par la réforme de la PAC, les agriculteurs adhérents faisant l'objet, en outre, d'un regard extérieur qui doit les rassurer.
[ Les droits à paiement unique ]
Pour les droits à paiement unique, l'année 2005 impliquera une forte mobilisation de l'administration afin que nous abordions l'année réelle de mise en oeuvre 2006 dans les meilleures conditions possibles.
La première phase consistera à envoyer aux agriculteurs leurs droits historiques accompagnés des notices explicatives pour leur calcul entre la fin du mois de février et courant mars.
La deuxième phase aura pour but de recenser les événements intervenus sur les exploitations depuis le 1er janvier 2000 et qui auront un impact sur la détermination des D.P.U. reçus par les agriculteurs dans le régime futur. Pour cela, vous recevrez un formulaire adressé dès la première phase. Mes services en fixeront les délais de réponse.
Je ressens enfin comme vous le besoin de voir clarifier, préciser, en rappelant parfois simplement les arbitrages précédents, les règles s'appliquant à la gestion et au transfert des droits. J'ai demandé qu'une nouvelle communication sur ce sujet puisse s'effectuer rapidement. Les travaux progressent au sein des groupes de travail du CSO. Un guide pour l'installation des Jeunes est dans ce cadre en cours de finalisation.
[ II - 2 La loi d'orientation agricole : pour une application en 2006 ]
Comme vous le savez, la Commission Nationale d'Orientation, installée par Hervé GAYMARD et Nicolas FORISSIER le 20 septembre, m'a remis le 20 décembre la synthèse des débats régionaux et ses conclusions. Je souhaite tout d'abord adresser mes plus vifs remerciements à ceux qui ont pu s'engager personnellement dans ces débats régionaux. Je me félicite à cette occasion de l'excellent partenariat entre les chambres et les services de l'État. Dans toutes les régions, en métropole comme Outre-mer, ils ont été organisés dans d'excellentes conditions et dans un temps record grâce à cette coopération.
Ils ont permis à près de 3000 acteurs de terrain, impliqués localement dans les structures locales ou dans les CDOA, de s'approprier les enjeux de cette loi et d'exprimer leurs attentes et leurs propositions. Les quelque 500 pages des comptes rendus représentent une matière riche à exploiter.
Ces débats ont montré, s'il en était besoin, combien d'espoirs et d'attentes cette loi suscite. Mais, paradoxalement, la commission nationale a également relevé la prudence des propositions formulées pour y répondre. Nous ne devons pas nous en étonner. Nous savons tous combien le changement peut être à la fois attendu et redouté. Sans renoncer à une volonté réformatrice, nous devrons savoir expliquer et aménager la progressivité et les transitions nécessaires.
Sur le fond, le Président de la République à MURAT le 21 octobre dernier nous a donné un certain nombre d'orientations qui constituent une première feuille de route. Il a apporté ainsi un message politique fort - souhait exprimé par la Commission Nationale-, la volonté de faire émerger une vision d'avenir de l'agriculture partagée par la société dans son ensemble. Dans un contexte national et international profondément modifié, cette loi doit apporter un cadre nouveau qui permette à l'agriculture française d'exploiter ses propres atouts. La France est une puissance agricole mondiale de premier ordre, ce texte doit lui permettre de conforter sa position et créer les conditions pour aller de l'avant.
Sur des thèmes forts, qui structurent l'activité agricole, comme l'installation, les métiers de l'agriculture, l'accès au foncier ou les mécanismes de gestion de crise, des perspectives claires doivent être tracées. Je voudrais insister en outre sur les contours d'une nouvelle organisation économique à dessiner. Ainsi la Commission ouvre-t-elle la voie d'une réflexion sur le regroupement de l'offre ou le renforcement des interprofessions.
La Commission réfléchit, par ailleurs, à la problématique de la gestion de risque à travers, par exemple, le dispositif de l'assurance revenu ou l'adaptation du Fonds national pour les calamités agricoles. Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue, là encore, les motifs d'une telle orientation. L'intervention publique pour la stabilisation des risques constitue le nécessaire contrepoids à leur accroissement du fait d'une régulation du secteur agricole sur le modèle standard du marché et fondée notamment sur le droit de la concurrence. Les aléas climatiques, sanitaires, biologiques requièrent l'intervention d'un tiers, la puissance publique, pour assurer l'optimum social.
L'ensemble de ces perspectives une fois traduites en textes devra assurer non seulement un progrès économique mais encore des avancées sociales, dans un respect toujours amélioré de l'environnement ; c'est la condition pour installer un développement agricole durable. Nous avons encore sans aucun doute à approfondir et à enrichir cette vision. Sur ce point, je serai attentif à ce qu'elle soit effectivement partagée. Dans cette perspective, les travaux que mènent le Conseil National du Développement Durable me semblent particulièrement intéressants. Je souhaite aussi, dans les phases ultérieures, associer le Conseil Économique et Social, et, à travers lui les conseils économiques et sociaux régionaux et le Conseil National de l'Alimentation.
En termes d'horizon, je vous confirme que je maintiens l'objectif initial d'une entrée en application de la loi en 2006.
[ III - L'évolution de l'Agriculture raisonnée ]
Je voudrais achever mon propos en abordant l'avenir de l'Agriculture raisonnée. Je serai volontairement succinct car il ne m'appartient pas de définir votre chemin. En prenant ainsi la parole, c'est aussi un message amical et de confiance du Ministre de l'Agriculture que je veux délivrer. Je crois que le nouveau contexte et parfois certaines polémiques nécessitent d'envisager l'avenir autrement.
En premier lieu, je veux revenir sur des dispositions prévues dans le projet FARRE dès sa création : il importe de faire vivre les volets territoriaux destinés à renforcer l'intérêt environnemental de l'agriculture raisonnée.
Initialement prévues pour application à compter du 1er juillet 2004, les premières exigences territoriales n'entreront en vigueur qu'au début de cette année, après examen et validation par la CNAR des propositions adressées par les régions du Centre, de l'Ile-de-France, du Nord Pas-de-Calais, des Pays de la Loire, de la Picardie et de Poitou-Charentes. Ces exigences territoriales, élaborées en concertation au sein des commissions régionales de l'agriculture raisonnée, en fonction des enjeux environnementaux propres à chaque région, traduiront inévitablement des niveaux d'efforts différents entre les exploitants des différentes régions, voire entre exploitants d'une même région administrative.
Reflet de la diversité de nos territoires, l'identification des enjeux environnementaux territoriaux de l'agriculture raisonnée est conduite en cohérence avec la définition des enjeux entreprise dans le cadre des mesures agro-environnementales.
Six régions dotées de volets territoriaux en 2005 : c'est trop peu. Il faut, à l'évidence convaincre davantage.
Dans le même temps, l'Agriculture Raisonnée doit évoluer pour intégrer dans son référentiel le champ de la conditionnalité issue de la réforme de la PAC. Il s'agit bien sûr de deux approches complètement différentes. L'une, la conditionnalité imposée, obligatoire même si sa mise en uvre doit se faire de façon progressive et pragmatique permet de légitimer des aides directes. L'autre, l'agriculture raisonnée, volontaire allant au-delà de ces obligations est plutôt tournée vers les clients de l'agriculture.
L'agriculture raisonnée doit, afin de confirmer le renforcement des impacts positifs des pratiques agricoles sur l'environnement, s'efforcer de porter son niveau d'exigence au-delà du strict respect de la réglementation, sans remettre en cause la rentabilité des exploitations qu'elle cherche à entraîner dans la démarche.
La Section examen du référentiel de la CNAR a travaillé au cours de l'automne 2004 sur les premières propositions d'évolution du référentiel de l'agriculture raisonnée traduisant la prise en compte des aspects réglementaires et des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) applicables au 1er janvier 2005 ; la CNAR, qui se réunira en session plénière le 19 janvier prochain, se prononcera sur le projet d'arrêté interministériel appelé à concrétiser l'évolution du référentiel à ce propos.
[ Conclusion ]
Rapprocher producteurs et consommateurs en se souciant de l'environnement. Cette orientation s'accompagne aussi d'une réflexion économique et pose comme principe qu'une agriculture de qualité n'est pas une agriculture dépassée dans la compétition économique. Au contraire, il faut valoriser la qualité de nos produits français tant sur le marché national qu'à l'étranger. Votre association n'a pas renoncé au dynamisme économique, ce dont je me réjouis. N'oublions pas que l'agriculture participe à la richesse nationale, au développement économique et à l'emploi. En ce sens, votre initiative doit se comprendre comme un effort au service du développement et de la croissance durables, objectif essentiel de notre gouvernement. J'ajoute que le pragmatisme et le caractère pédagogique de votre démarche auprès des exploitants participent de la même orientation que le ministère de l'agriculture et emportent mon soutien.
Permettez-moi enfin de conclure par un clin d'oeil. Votre nom FARRE évoque au ministre de la mer que je fus une balise qui protège en indiquant la direction. Mais vous savez comme moi que ces phares sont multiples : à éclats, scintillants, à occultation, etc. En ce début d'année, je ne peux que vous souhaiter beaucoup de réussite et d'être pour nos concitoyens un phare en continu.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention et vous souhaite une après-midi sans aucun doute enrichissante avec des intervenants de qualité.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 janvier 2005)
Mesdames, Messieurs,
En ce tout début janvier, je souhaite au préalable vous présenter ainsi qu'à vos adhérents mes meilleurs voeux qui accompagnent en particulier FARRE pour ses 8èmes rencontres. Je suis très heureux d'observer le rapprochement opéré entre consommateurs et producteurs à travers la lecture de votre programme ambitieux pour cette journée. L'an passé, vous avez accueilli Madame Bachelot, ministre de l'Environnement et de l'Ecologie, et, à ce titre, vous y aviez vu une manifestation de " l'insertion de l'Environnement dans les pratiques agricoles et donc la société ". Soyez assurés que le Ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité est également sensible à cet objectif. Je m'emploierai à vous le démontrer.
Les crises sanitaires et agricoles, l'évolution de l'agriculture vers plus d'automatisation de la production mais aussi l'urbanisation accélérée pendant et au-delà des Trente Glorieuses ont trop souvent conduit les Français à ignorer voire à méconnaître leur agriculture. Ignorance d'abord car ce mode de vie astreignant apparaissait peu conforme à l'idéal de modernité et conduisait naturellement les actifs à se détourner des métiers agricoles ; mauvaise appréciation ensuite lorsque sont survenues des crises alimentaires qui suscitent des angoisses.
Ce panorama trop succinct, et de ce fait quelque peu réducteur, nous aide malgré tout à comprendre l'exigence nouvelle des Français sur la qualité des produits, la traçabilité, la certification. Vous pouvez par votre démarche rassurer les consommateurs et encourager les bonnes pratiques de producteurs qui ne demandent qu'à être reconnus.
Soyez assurés qu'une telle initiative rencontre mon intérêt. Ma présence veut manifester l'évolution essentielle que connaît actuellement l'agriculture. Vous m'avez invité à livrer ma " vision sur l'agriculture et sur la place d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement dans la société ". C'est ce que je souhaite faire maintenant en soutenant devant vous que la mise en uvre de la réforme de la PAC répond à cette exigence environnementale.
Dans ce contexte, l'expérience de la certification " agriculture raisonnée " prépare cette mutation. J'aborderai ensuite le chantier qui s'ouvre avec la prochaine loi d'orientation agricole. Je conclurai sur les évolutions possibles de FARRE pour répondre aux changements à venir.
[ I - Une expérience au service des consommateurs mais aussi favorable à la préparation des agriculteurs aux nouvelles normes]
Je voudrais en premier lieu souligner les liens qui se dessinent entre la démarche FARRE et la refonte de la PAC. Il faut insister sur la demande des consommateurs-citoyens mais aussi sur l'opportunité qu'offre la certification aux producteurs.
Précisons d'emblée la responsabilité des pouvoirs publics qui ont défini un cadre juridique sûr de manière à garantir la certification, sa transparence aux yeux non seulement des consommateurs mais aussi des producteurs. En effet, le cadre juridique de l'agriculture raisonnée est défini précisément par le décret du 25 avril 2002 fixant le dispositif de qualification des exploitations et complété par celui du 26 mars 2004 relatif aux conditions d'utilisation de la mention " agriculture raisonnée " ; le Référentiel d'exigences est spécifié par arrêté du 4 mai 2002.
Au-delà de l'agriculture, l'idée d'une saturation des marchés, tout au moins dans nos pays occidentaux et pour les biens de consommation courante, est récurrente. La quantité ne fait pas défaut ; en revanche, l'attention se porte sur la qualité. Je suis convaincu que celle-ci constitue une nouvelle frontière pour la production agricole. Or, cette qualité doit être visible et lisible pour les consommateurs. De ce point de vue, votre démarche doit les aider dans leur recherche de la qualité et, pour les moins concernés, les sensibiliser à ce nouvel horizon. Conscients de ce besoin d'identification, les pouvoirs publics ont décidé par décret du 26 mars 2004, décret dit " Etiquetage ", que :
- d'une part, la mention informative "issu d'exploitations qualifiées au titre de l'agriculture raisonnée" pourra être apposée sur les produits issus d'exploitations qualifiées, de telle sorte que les agriculteurs pourront faire connaître leur démarche et les consommateurs être informés,
- d'autre part, les conditions prévues pour l'utilisation de cette mention sont destinées à éviter les confusions, notamment avec les signes officiels de qualité et d'origine des produits, et à garantir la traçabilité des produits concernés à tous les stades de commercialisation.
L'intérêt des consommateurs pour la production agricole est certain : je note que, dès l'origine, les consommateurs ont été associés aux travaux du Conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, le CSO, et leur représentante a contribué de façon active et constructive à leur réussite. Les associations de consommateurs sont représentées au sein du collège " des organisations de consommateurs, des associations de protection de l'environnement et des syndicats de salariés agricoles ", présent dans chacune des deux sections de la CNAR (Commission Nationale de l'Agriculture Raisonnée).
Au-delà des textes réglementaires, j'encourage les organisations agricoles impliquées dans l'agriculture raisonnée comme FARRE à mettre en place un partenariat avec des associations de consommateurs afin de leur expliquer l'agriculture raisonnée et en assurer la promotion. Le titre de ce colloque souligne que ce travail est engagé ; il mérite d'être poursuivi et amplifié.
[I - 2 La qualité produite par le " producteur-citoyen " ]
Si le consommateur est citoyen ainsi que le promet votre programme de l'après-midi, je crois que le producteur est tout autant citoyen.
Dans un environnement difficile, marqué par les aléas de tous ordres, le professionnalisme et la rigueur des producteurs ne font aucun doute. La qualification, fondée sur de nombreuses exigences, recourt à un organisme de certification indépendant : diagnostic, audit, qualification puis contrôle inopiné pendant les 5 années de validité de certification en ponctuent le parcours avant un éventuel renouvellement. La qualification des premières exploitations agricoles au titre de l'Agriculture Raisonnée est intervenue au printemps 2004 ; aujourd'hui 450 exploitants sont certifiés.
Votre action a finalement permis de développer la pratique de l'autodiagnostic qui sera essentielle dans le cadre de la PAC. La réforme de celle-ci et l'introduction du principe de conditionnalité ne font que renforcer cette orientation. Elaborer un diagnostic puis se soumettre à certification, c'est une démarche volontaire de vos adhérents qui manifestent ainsi la volonté de se préparer aux contrôles liés à la conditionnalité. S'ils n'en sont pas exemptés, ils seront certainement mieux préparés à respecter les exigences nouvelles. En somme, adhérer à FARRE, c'est définir pour soi un chemin pédagogique dans la perspective de l'application des principes de la nouvelle PAC.
La procédure de qualification permet par ailleurs de fixer un cadre et un horizon à l'activité économique. Son apport dans le pilotage de l'exploitation est indéniable ; procéder ainsi ouvre l'horizon, permet de planifier et prendre en compte les contraintes, dont le souci de préserver l'environnement.
L'existence d'un réseau peut enfin constituer une force dans la compétition internationale en fondant des pratiques d'échange tant sur le plan des méthodes de production, sur la connaissance des produits que des règles de gestion de l'exploitation. Parce que vous partagez les mêmes références, des regroupements ou des rapprochements au sein de filières peuvent aussi constituer des atouts.
Pour résumer, je pense que votre démarche peut être valorisée sous ses trois aspects :
- gestion de l'exploitation qui prend en compte les dimensions environnementale, économique et sociale pour un meilleur pilotage par l'agriculteur ;
- développement agricole qui donne une nouvelle vision de l'agriculture à travers les activités de conseil qui sont essentielles au sein du réseau ;
- communication car le travail réalisé par les exploitants doit être reconnu.
[Transition]
Je voudrais aborder les relations entre FARRE et le Ministère de l'Agriculture. En octobre, lors de la visite par mon prédécesseur, Hervé GAYMARD, d'une exploitation du réseau, FARRE a demandé à disposer d'informations que recueille le ministère sur les exploitations qualifiées. Un travail a été engagé par la CNAR et devrait aboutir à une convention définissant les modalités de cette collaboration.
Par ailleurs, j'ai noté que le Président de la CNAR (Commission Nationale de l'Agriculture Raisonnée), Antoine HERTH, est sensible à la demande d'identification des exploitations agricoles qualifiées au titre de l'agriculture raisonnée et exprimée par les agriculteurs eux-mêmes. Ce désir me paraît fondé et de nature à justifier une participation financière du Ministère de l'Agriculture. L'apposition, à l'entrée des exploitations concernées, d'un panneau d'un modèle national unique sera de nature à satisfaire cette exigence.
Vous m'avez invité à livrer ma " vision sur l'agriculture et sur la place d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement dans la société ". C'est ce que je souhaite faire maintenant à travers l'évocation de la réforme de la PAC et de la future loi d'orientation agricole.
[ II - Le souci de l'environnement et de la santé au coeur de la réforme de la PAC et de la loi de modernisation agricole ]
Depuis ma prise de fonction il y a un mois, j'ai rencontré un monde rural et agricole qui s'interroge sur les mutations en cours. Je veux le rassurer. Devant l'avenir, je suis convaincu qu'il faut être réaliste, ce qui signifie surtout des exigences et du travail. Permettez-moi de citer Virgile qui affirme qu'un " travail opiniâtre vient à bout de tout " (Les Géorgiques). Je crois en effet que les réformes engagées sont une chance pour notre agriculture à double titre. D'une part, les primes liées à la conditionnalité devraient permettre de restaurer le lien distendu entre de trop nombreux Français et les exploitants. L'image productiviste colle de manière négative à notre agriculture alors même que les Français sont attachés à leur patrimoine agricole et à leurs relations avec le monde rural, comme en témoigne la fréquentation du Salon de l'Agriculture. Je voudrais ajouter que la réforme de la PAC mise en place va de pair avec une garantie jusqu'en 2013 sur les aides allouées. D'autre part, la qualité de la production devrait s'en trouver accrue et les produits français et européens bénéficier ainsi d'une différenciation bienvenue sur des marchés fortement concurrentiels.
[ II - 1 La réforme de la PAC ]
C'est pourquoi la réforme de la PAC doit être présentée de manière constructive et doit être mise en uvre non seulement progressivement mais avec discernement.
[ L'application de la conditionnalité ]
S'agissant de la conditionnalité tout d'abord. J'ai entendu les agriculteurs et, en conséquence, j'ai donné des instructions aux Directeurs départementaux de l'agriculture pour que les contrôles soient conduits avec pédagogie. Je vous rappelle que j'ai même porté avec succès ce message auprès de mes collègues européens, le Conseil et la Commission reconnaissant les difficultés d'application dans une déclaration conjointe le 22 décembre. Un bilan de l'année 2005 sera établi par les Etats-membres et la Commission dans le cadre d'une application équilibrée du dispositif.
J'ai décidé que, pour la première année d'application, les écarts réglementaires très secondaires, c'est-à-dire les " anomalies mineures " ne seront pas sanctionnées financièrement. Les exploitants recevront en revanche une lettre d'alerte et d'accompagnement. En outre, la perte d'une boucle ou le fait qu'elle soit illisible ne seront pas considérés comme une anomalie lorsque un seul animal est concerné.
Je souhaite, aujourd'hui, vous confirmer l'attachement que je porte à ce que cette première année se déroule le mieux possible. Les DDAF, qui auront la charge de définir et coordonner les contrôles puis d'en établir la synthèse agiront avec discernement. Le dialogue avec les agriculteurs sera permanent. D'une part, les contrôles seront organisés pour perturber le moins possible l'activité ; d'autre part, au moment de la synthèse, les agriculteurs pourront faire part de leurs observations dans une procédure contradictoire avec l'administration. Ensuite seulement, le taux de sanction éventuel leur sera communiqué ainsi qu'aux organismes payeurs
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Ces contrôles ont bien pour objectif de promouvoir une agriculture nouvelle, qui préserve l'environnement. Sans insister à nouveau, je vois donc dans la démarche volontaire de la qualification " agriculture raisonnée " une préparation à ces contrôles. Elle répond en quelque sorte à l'autodiagnostic proposé par la réforme de la PAC, les agriculteurs adhérents faisant l'objet, en outre, d'un regard extérieur qui doit les rassurer.
[ Les droits à paiement unique ]
Pour les droits à paiement unique, l'année 2005 impliquera une forte mobilisation de l'administration afin que nous abordions l'année réelle de mise en oeuvre 2006 dans les meilleures conditions possibles.
La première phase consistera à envoyer aux agriculteurs leurs droits historiques accompagnés des notices explicatives pour leur calcul entre la fin du mois de février et courant mars.
La deuxième phase aura pour but de recenser les événements intervenus sur les exploitations depuis le 1er janvier 2000 et qui auront un impact sur la détermination des D.P.U. reçus par les agriculteurs dans le régime futur. Pour cela, vous recevrez un formulaire adressé dès la première phase. Mes services en fixeront les délais de réponse.
Je ressens enfin comme vous le besoin de voir clarifier, préciser, en rappelant parfois simplement les arbitrages précédents, les règles s'appliquant à la gestion et au transfert des droits. J'ai demandé qu'une nouvelle communication sur ce sujet puisse s'effectuer rapidement. Les travaux progressent au sein des groupes de travail du CSO. Un guide pour l'installation des Jeunes est dans ce cadre en cours de finalisation.
[ II - 2 La loi d'orientation agricole : pour une application en 2006 ]
Comme vous le savez, la Commission Nationale d'Orientation, installée par Hervé GAYMARD et Nicolas FORISSIER le 20 septembre, m'a remis le 20 décembre la synthèse des débats régionaux et ses conclusions. Je souhaite tout d'abord adresser mes plus vifs remerciements à ceux qui ont pu s'engager personnellement dans ces débats régionaux. Je me félicite à cette occasion de l'excellent partenariat entre les chambres et les services de l'État. Dans toutes les régions, en métropole comme Outre-mer, ils ont été organisés dans d'excellentes conditions et dans un temps record grâce à cette coopération.
Ils ont permis à près de 3000 acteurs de terrain, impliqués localement dans les structures locales ou dans les CDOA, de s'approprier les enjeux de cette loi et d'exprimer leurs attentes et leurs propositions. Les quelque 500 pages des comptes rendus représentent une matière riche à exploiter.
Ces débats ont montré, s'il en était besoin, combien d'espoirs et d'attentes cette loi suscite. Mais, paradoxalement, la commission nationale a également relevé la prudence des propositions formulées pour y répondre. Nous ne devons pas nous en étonner. Nous savons tous combien le changement peut être à la fois attendu et redouté. Sans renoncer à une volonté réformatrice, nous devrons savoir expliquer et aménager la progressivité et les transitions nécessaires.
Sur le fond, le Président de la République à MURAT le 21 octobre dernier nous a donné un certain nombre d'orientations qui constituent une première feuille de route. Il a apporté ainsi un message politique fort - souhait exprimé par la Commission Nationale-, la volonté de faire émerger une vision d'avenir de l'agriculture partagée par la société dans son ensemble. Dans un contexte national et international profondément modifié, cette loi doit apporter un cadre nouveau qui permette à l'agriculture française d'exploiter ses propres atouts. La France est une puissance agricole mondiale de premier ordre, ce texte doit lui permettre de conforter sa position et créer les conditions pour aller de l'avant.
Sur des thèmes forts, qui structurent l'activité agricole, comme l'installation, les métiers de l'agriculture, l'accès au foncier ou les mécanismes de gestion de crise, des perspectives claires doivent être tracées. Je voudrais insister en outre sur les contours d'une nouvelle organisation économique à dessiner. Ainsi la Commission ouvre-t-elle la voie d'une réflexion sur le regroupement de l'offre ou le renforcement des interprofessions.
La Commission réfléchit, par ailleurs, à la problématique de la gestion de risque à travers, par exemple, le dispositif de l'assurance revenu ou l'adaptation du Fonds national pour les calamités agricoles. Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue, là encore, les motifs d'une telle orientation. L'intervention publique pour la stabilisation des risques constitue le nécessaire contrepoids à leur accroissement du fait d'une régulation du secteur agricole sur le modèle standard du marché et fondée notamment sur le droit de la concurrence. Les aléas climatiques, sanitaires, biologiques requièrent l'intervention d'un tiers, la puissance publique, pour assurer l'optimum social.
L'ensemble de ces perspectives une fois traduites en textes devra assurer non seulement un progrès économique mais encore des avancées sociales, dans un respect toujours amélioré de l'environnement ; c'est la condition pour installer un développement agricole durable. Nous avons encore sans aucun doute à approfondir et à enrichir cette vision. Sur ce point, je serai attentif à ce qu'elle soit effectivement partagée. Dans cette perspective, les travaux que mènent le Conseil National du Développement Durable me semblent particulièrement intéressants. Je souhaite aussi, dans les phases ultérieures, associer le Conseil Économique et Social, et, à travers lui les conseils économiques et sociaux régionaux et le Conseil National de l'Alimentation.
En termes d'horizon, je vous confirme que je maintiens l'objectif initial d'une entrée en application de la loi en 2006.
[ III - L'évolution de l'Agriculture raisonnée ]
Je voudrais achever mon propos en abordant l'avenir de l'Agriculture raisonnée. Je serai volontairement succinct car il ne m'appartient pas de définir votre chemin. En prenant ainsi la parole, c'est aussi un message amical et de confiance du Ministre de l'Agriculture que je veux délivrer. Je crois que le nouveau contexte et parfois certaines polémiques nécessitent d'envisager l'avenir autrement.
En premier lieu, je veux revenir sur des dispositions prévues dans le projet FARRE dès sa création : il importe de faire vivre les volets territoriaux destinés à renforcer l'intérêt environnemental de l'agriculture raisonnée.
Initialement prévues pour application à compter du 1er juillet 2004, les premières exigences territoriales n'entreront en vigueur qu'au début de cette année, après examen et validation par la CNAR des propositions adressées par les régions du Centre, de l'Ile-de-France, du Nord Pas-de-Calais, des Pays de la Loire, de la Picardie et de Poitou-Charentes. Ces exigences territoriales, élaborées en concertation au sein des commissions régionales de l'agriculture raisonnée, en fonction des enjeux environnementaux propres à chaque région, traduiront inévitablement des niveaux d'efforts différents entre les exploitants des différentes régions, voire entre exploitants d'une même région administrative.
Reflet de la diversité de nos territoires, l'identification des enjeux environnementaux territoriaux de l'agriculture raisonnée est conduite en cohérence avec la définition des enjeux entreprise dans le cadre des mesures agro-environnementales.
Six régions dotées de volets territoriaux en 2005 : c'est trop peu. Il faut, à l'évidence convaincre davantage.
Dans le même temps, l'Agriculture Raisonnée doit évoluer pour intégrer dans son référentiel le champ de la conditionnalité issue de la réforme de la PAC. Il s'agit bien sûr de deux approches complètement différentes. L'une, la conditionnalité imposée, obligatoire même si sa mise en uvre doit se faire de façon progressive et pragmatique permet de légitimer des aides directes. L'autre, l'agriculture raisonnée, volontaire allant au-delà de ces obligations est plutôt tournée vers les clients de l'agriculture.
L'agriculture raisonnée doit, afin de confirmer le renforcement des impacts positifs des pratiques agricoles sur l'environnement, s'efforcer de porter son niveau d'exigence au-delà du strict respect de la réglementation, sans remettre en cause la rentabilité des exploitations qu'elle cherche à entraîner dans la démarche.
La Section examen du référentiel de la CNAR a travaillé au cours de l'automne 2004 sur les premières propositions d'évolution du référentiel de l'agriculture raisonnée traduisant la prise en compte des aspects réglementaires et des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) applicables au 1er janvier 2005 ; la CNAR, qui se réunira en session plénière le 19 janvier prochain, se prononcera sur le projet d'arrêté interministériel appelé à concrétiser l'évolution du référentiel à ce propos.
[ Conclusion ]
Rapprocher producteurs et consommateurs en se souciant de l'environnement. Cette orientation s'accompagne aussi d'une réflexion économique et pose comme principe qu'une agriculture de qualité n'est pas une agriculture dépassée dans la compétition économique. Au contraire, il faut valoriser la qualité de nos produits français tant sur le marché national qu'à l'étranger. Votre association n'a pas renoncé au dynamisme économique, ce dont je me réjouis. N'oublions pas que l'agriculture participe à la richesse nationale, au développement économique et à l'emploi. En ce sens, votre initiative doit se comprendre comme un effort au service du développement et de la croissance durables, objectif essentiel de notre gouvernement. J'ajoute que le pragmatisme et le caractère pédagogique de votre démarche auprès des exploitants participent de la même orientation que le ministère de l'agriculture et emportent mon soutien.
Permettez-moi enfin de conclure par un clin d'oeil. Votre nom FARRE évoque au ministre de la mer que je fus une balise qui protège en indiquant la direction. Mais vous savez comme moi que ces phares sont multiples : à éclats, scintillants, à occultation, etc. En ce début d'année, je ne peux que vous souhaiter beaucoup de réussite et d'être pour nos concitoyens un phare en continu.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention et vous souhaite une après-midi sans aucun doute enrichissante avec des intervenants de qualité.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 janvier 2005)