Article de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dans "Tribunes socialistes" le 8 février 2005 et discours à l'Assemblée nationale le 2 février 2005, sur la remise en cause de la réforme des 35 heures.

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Média : Tribunes socialistes

Texte intégral

Assemblée nationale
le 02/02/05
Le débat commence aujourd'hui à l'Assemblée nationale à 17 heures. Ce n'est pas un ministre contrairement à la tradition qui va présenter ce projet de loi, mais un député qui va rapporter au nom de la Commission, car ce n'est pas une initiative de gouvernement, mais une initiative parlementaire. Ce faisant, le gouvernement échappe à l'avis du Conseil d'État et s'exonère de toute consultation avec les organisations professionnelles et syndicales. Il passe ainsi en catimini et évite de cette manière un débat public.
Les Socialistes participeront néanmoins à la manifestation interprofessionnelle du 5 février 2005 et commenceront la bataille parlementaire dès cet après-midi avec l'intervention de Jean Le GARREC sur l'exception d'irrecevabilité, celle de Gaétan GORCE, rapporteur de la loi que nous avions mise en place et Michel LIEBGOTT qui connaît bien les questions d'entreprise, notamment celles d'Arcelor ou de Bosch encore d'actualité.
Le gouvernement fait preuve d'une lâcheté incroyable en n'assumant pas le tournent qu'il veut imposer au code du travail, aux conventions collectives et au droit collectif dans son ensemble. Il n'y aura définitivement plus de 35 heures déjà mises à mal par les lois FILLON. De surcroît le gouvernement veut imposer un modèle de contrat de travail et de rapport entre l'employeur et le salarié qui n'existe pas en France à l'heure actuelle.
Il démantèle les accords collectifs au profit d'un rapport purement individuel entre l'employeur et le salarié. Ce projet parlementaire, présenté par ses représentants les plus libéraux et qui a l'aval du gouvernement, est un projet de revanche sociale. Il a un fondement idéologique qui va transformer la nature du travail. La protection du salarié sera encore plus fragilisée, au moment où le travail précaire progresse ainsi que le nombre de travailleurs pauvres.
On nous dit qu'il faut davantage de souplesse, mais la loi FILLON a déjà accordé 180 heures supplémentaires et le projet qui nous est soumis propose jusqu'à 220 heures. Il y a bien là une démonstration de revanche sociale et une loi idéologique.
Nous mènerons cette bataille à l'Assemblée dans des conditions extrêmement difficiles car le gouvernement veut aller vite et veut en finir. Nous ne serons pas là pour lui faciliter la tâche. Il n'y aura aucune complaisance de notre part. Il n'y a que 4 articles, mais nous emploierons tous les moyens de procédure qui sont à notre disposition pour lutter contre ce projet.
En préparant 2007, nous nous engagerons à dire aux Français que si nous revenons au pouvoir, nous engagerons une grande négociation à la fois sur la politique de l'emploi et du pouvoir d'achat. Et s'il faut des ajustements législatifs pour garantir la protection des salariés, nous le ferons.

(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 8 février 2005)
Tribunes socialistes
08 février 2005
Le gouvernement et sa majorité ont pu mesurer le coût des heures supplémentaires. Le monde du travail et toute la gauche se sont dressés contre l'inepte réforme des 35 heures. Le groupe socialiste a été à la pointe de ce mouvement en menant dans l'hémicycle un travail de harcèlement pédagogique sur tous les faux semblants de cette proposition de loi que le gouvernement n'a même pas eu le courage d'assumer.
Le pouvoir a conçu une loi idéologique. Il a perdu une bataille politique. Les salariés, qu'ils soient du public ou du privé, ont parfaitement compris qu'on leur proposait un marché de dupes : le retrait d'un acquis fondamental, le temps libre, sans aucune garantie d'un meilleur salaire. Travailleront plus ceux qui ont déjà un emploi pendant que ceux qui en sont privés continueront de chômer. C'est cette accumulation d'inégalités et d'absurdités depuis trois ans qui ne passe plus. Chaque loi, chaque décret effeuille les droits collectifs sans qu'on ne voit jamais les contreparties.
Mais le pire est de constater la totale insensibilité du pouvoir à ces manifestations réitérées de rejet. Qu'il ait été sanctionné trois fois dans les urnes, qu'il le soit périodiquement dans la rue, rien ne change ni dans ses politiques, ni dans ses équipes. Ce déni de démocratie est lourd de désespérance et de débordements.
Voilà pourquoi notre opposition va bien au-delà de la défense d'une loi emblématique de la gauche. Ce qui est en jeu c'est l'existence même du pacte social, cette idée cardinale selon laquelle les efforts demandés trouvent toujours leur contrepartie. C'était la grande réussite des 35 heures. Offrir du temps libéré en échange d'une modernisation de l'organisation du travail. Ce pouvoir l'a tué. Il s'y noiera.
Car nous sommes au coeur d'une grande querelle de société. Revenir aux conceptions aliénantes du travail à la sainte alliance du pouvoir et du patronat ou, comme nous le proposons, se projeter dans le mouvement du XXIe siècle : celui du compromis social et du travail partagé.
La RTT restera un élément central de notre projet politique. Elle fera partie de la grande négociation emplois/salaires que nous ouvrirons avec les partenaires sociaux.
C'est à l'aune de ses résultats que nous déciderons de ses nouvelles modalités de mise en uvre. Les 35 heures ne sont pas finies.
(Source http://www.deputessocialistes.fr, le 8 février 2005)