Déclaration de M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, sur la mise en oeuvre par la France de l'application de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, à Nairobi le 2 décembre 2004.

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Circonstance : Conférence d'examen de la Convention sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, à Nairobi (Kenya) le 2 décembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux et fier aujourd'hui de représenter mon pays et de me retrouver parmi vous pour ce grand rendez-vous, plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de la Convention d'Ottawa.
Je voudrais rendre hommage aux Nations unies et aux organisations non-gouvernementales qui ont lutté pour cette interdiction, en particulier la Campagne internationale contre les mines anti-personnel, dont l'action a été reconnue par l'attribution du Prix Nobel de la Paix.
Ce qui nous réunit aujourd'hui est la lutte contre l'un des fléaux les plus cruels que l'homme ait connu. Les mines anti-personnel continuent à tuer, à blesser ou à mutiler chaque année des milliers de personnes dans le monde, touchant essentiellement des populations civiles, souvent bien après la fin des conflits armés. Leur prolifération constitue un facteur aggravant de déstabilisation et un frein au développement
Depuis la Convention d'Ottawa, l'action de la France a reposé sur trois principes majeurs.
Le premier d'entre eux est l'exemplarité.
La France a été l'un des premiers États signataires, le 3 décembre 1997, et le premier des cinq États membres permanents du Conseil de sécurité à ratifier la Convention, le 23 juillet 1998.
Depuis lors, la France a rempli, dans des délais très courts, l'ensemble de ses obligations, avec en particulier :
- l'adoption rapide des textes d'application nationale, dont la loi du 8 juillet 1998 "tendant à l'élimination des mines anti-personnel" ;
- l'adoption de dispositions spécifiques aux Forces armées françaises, dont une directive du chef d'état-major des armées en date du 12 novembre 1998 ;
- l'achèvement des opérations de destruction des stocks de mines anti-personnel, dès le 20 décembre 1999, avec plus de trois ans d'avance sur les délais prescrits par la Convention d'Ottawa.
Enfin, nous avons créé un poste d'ambassadeur chargé de l'action pour le déminage et l'assistance aux victimes.
Le deuxième principe est celui de la transparence.
Dès le début 1999, la France a mis en place une Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, dont la présidente, Mme Brigitte Stern, se trouve parmi nous aujourd'hui.
Cette Commission a d'abord eu pour rôle de suivre la mise en oeuvre de la loi française d'application de la Convention d'Ottawa. Aujourd'hui, elle se consacre à l'action internationale de la France en matière d'assistance aux victimes et d'aide au déminage. Elle a organisé, en mars dernier à Paris, un colloque international portant sur les structures nationales chargées de la lutte contre les mines antipersonnel qui a réuni 31 États-parties à la Convention.
Rassemblant des représentants du Parlement, de la société civile et de l'État, cette Commission a permis d'instaurer une étroite collaboration entre tous ceux qui, en France, participent à la lutte contre les mines anti-personnel.
Le troisième et dernier principe est celui de la solidarité.
Dès 1996, la coopération française a pris en compte le déminage humanitaire comme facteur de développement.
A l'appui de ses engagements, la France, depuis 1996, a consacré plus de 13 millions d'euros à titre bilatéral. Le montant est à multiplier par cinq si on y ajoute ses contributions aux programmes de la Commission européenne, contributions de 17 à 25 % selon les instruments.
Souvent portés sur le terrain par des organisations non-gouvernementales, comme Handicap international, ces projets se traduisent par des actions de dépollution des sites contaminés, d'aide à la destruction de stocks, d'assistance aux victimes et de formation aux techniques de déminage et de dépollution.
Sur ce dernier volet, je voudrais dire très rapidement un mot du Centre régional de formation au déminage de Ouidah au Bénin. Ouverte l'an dernier, cette école, mise en place dans le cadre de la coopération militaire et de défense française, a pour vocation d'offrir à des stagiaires africains des formations aux techniques de déminage et de dépollution. Les cours y sont assurés en français et en anglais. 80 stagiaires y ont déjà été formés.
Je suis par ailleurs heureux de vous confirmer le lancement, en 2005, de deux programmes supplémentaires de déminage et d'assistance aux victimes :
- l'un au profit de l'Angola, pour 3 millions d'euros ;
- l'autre destiné aux pays d'Afrique de l'Est pour 2 millions d'euros.
Respectant ces trois principes, la France vise deux objectifs.
Le premier est le renforcement du droit international humanitaire.
La France entend, ici, continuer à prendre toute sa part des efforts entrepris par la communauté internationale. Elle est en effet convaincue que la Convention d'Ottawa constitue un instrument essentiel au service de la protection des populations civiles, de leur développement économique et social, du désarmement et de la stabilité internationale.
La France est ainsi très engagée dans le processus visant à améliorer et à renforcer les dispositions d'une enceinte complémentaire, la Convention de 1980 "sur certaines armes classiques" et de ses Protocoles, qui associe les principales puissances. Après l'extension en décembre 2001 du champ d'application de cette Convention aux conflits internes, les États-parties ont adopté, en 2003, un nouveau Protocole V sur les résidus explosifs de guerre. Ils se sont également engagés à approfondir les travaux sur la question des mines autres que les mines anti-personnel.
Le deuxième objectif est celui d'universalisation.
Synonyme d'espoir, la Convention d'Ottawa contenait une promesse : celle d'un monde libéré des mines anti-personnel. Désormais, la communauté internationale se donnait les moyens de traduire dans les faits son combat au service d'une cause juste. Depuis lors, les progrès accomplis ont été considérables.
Avec, aujourd'hui, 143 États-parties, la Convention d'Ottawa a connu, en très peu de temps, d'importants succès : la réduction notable de la production de mines anti-personnel, l'arrêt des transferts, la stabilisation du nombre de nouvelles victimes, une meilleure appréhension par la communauté internationale de l'ampleur des problèmes engendrés par ce fléau, et, enfin, une plus grande coordination des efforts. Ces résultats doivent maintenant être consolidés.
Déterminée à ce que l'élimination totale des mines antipersonnel soit réellement atteinte, la France entend continuer à travailler au renforcement de l'intégrité, de la crédibilité et donc de l'efficacité et de la portée de la Convention d'Ottawa. C'est à cette démarche que nous devons tendre, et non à une tentative de révision aléatoire des piliers de la Convention.
En effet, n'oublions pas que, malgré le chemin parcouru, il reste encore beaucoup à faire. Je pense, en particulier, à la position en retrait de puissances majeures. Il en découle que, rapportée à la population mondiale, la moitié de la planète demeure en dehors du régime d'interdiction de la Convention d'Ottawa. Ce qui tend à en compromettre l'efficacité. Les stocks mondiaux sont toujours estimés à plus de 200 millions de mines. Il reste encore plus de 80 pays affectés par ce fléau.
Monsieur le Président,
La lutte contre les mines anti-personnel est un combat permanent. Il ne s'agit pas de remettre en cause les avancées obtenues. Mais, nous ne saurions non plus relâcher nos efforts. Bien au contraire, notre devoir est de persévérer. Les progrès accomplis nous y encouragent.
Consciente de l'ampleur et de la gravité des défis à relever, la France poursuivra son combat avec obstination et exigence, en vue de contribuer à un monde plus sûr.
Nous avons à cet égard une conviction. La lutte contre les mines anti-personnel n'atteindra son objectif - l'élimination totale de ces armes inhumaines - que lorsque la norme d'interdiction des mines anti-personnel ralliera le plus grand nombre d'États et, parmi ceux-ci, les principaux pays producteurs ou utilisateurs. L'universalisation du Traité est la condition du succès de notre effort.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 décembre 2004)