Déclaration de M. Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC, sur les pensions de réversion, la loi sur les plans sociaux et la TVA sociale, cotisation sociale sur la consommation, Montpellier le 17 novembre 2004.

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Circonstance : Convention régionale de la CFE-CGC à Montpellier le 17 novembre 2004

Texte intégral

Merci à vous tous qui avez fait l'effort d'être présents à cette Convention Interrégionale. Merci à nos militants du Languedoc-Roussillon, merci aussi à ceux qui n'ont pas hésité à passer de longues heures de car pour être parmi nous en venant de Provence-Alpes-Côte-d'Azur ou de Midi-Pyrénées. Merci à tous les collègues qui ont participé aux différents groupes de travail et aux 5 thèmes de cet après-midi.
C'est la CFE-CGC militante, la CFE-CGC de terrain qui s'est exprimée. C'est celle qui compte et celle sur laquelle on compte. Je voudrais vous conforter dans votre engagement syndical, conforter vos convictions, conforter votre confiance dans la CFE-CGC et dans ses résultats.
La CFE-CGC n'a jamais été aussi mordante. Elle n'admet plus d'être mise devant le fait accompli. Elle revendique, sans état d'âme, mais sans agressivité. Elle est maintenant capable de prendre la tête d'une contestation sans avoir besoin du secours d'une autre organisation, d'aller jusqu'au bout et d'obtenir satisfaction.
On vient de le voir sur les pensions de réversion. C'est nous qui avons découvert ce décret scandaleux qui éliminait les veufs (peu nombreux) et les veuves (surtout) de l'encadrement du bénéfice de la pension de réversion de la Sécurité Sociale à laquelle, pourtant, le conjoint décédé avait cotisé sa vie durant. Personne n'avait évoqué le problème, et tous nos petits camarades nous ont laissés seuls dans ce combat.
Il est vrai qu'il concernait essentiellement les cadres et l'encadrement, et cela montre bien l'impérieuse nécessité d'une organisation syndicale spécifique pour défendre nos droits.
Comme les choses n'évoluaient pas assez vite à notre goût, nous avons même engagé un recours en Conseil d'État pour faire annuler ce décret. Eh bien ! J'ai le plaisir de vous con?rmer que nous avons gagné, que le plafond de ressource ne tiendra pas compte des retraites versées par les régimes complémentaires et que donc aucun conjoint survivant supplémentaire ne sera éliminé.
Et je n'aurai garde d'oublier la loi sur les plans sociaux. Dans un premier texte, le gouvernement faisait totalement droit à toutes les exigences du MEDEF. Nous avons donc protesté, parce que ce n'était pas ce qui était ressorti de nos réunions de concertation.
Nous sommes allés jusqu'à claquer la porte de la réunion de la Commission Nationale de la Négociation Collective, seuls avec la CGT, voisinage peu commun
Eh bien ! Le gouvernement a reculé et a présenté à la discussion parlementaire un texte édulcoré qui ne retient ni la dé?nition du licenciement pour sauvegarder la compétitivité des entreprises, qui ouvrait la voie à toutes les dérives, ni la limitation à deux mois des délais de recours, qui avait pour effet effectif de nous priver de tout recours. Là encore, nous avons été en pointe et quasiment seuls pour obtenir satisfaction.
Mais la CFE-CGC ne fait pas que contester. Elle propose également des solutions, tellement évidentes qu'il faut plusieurs années aux technocrates de nos ministères pour les comprendre et les appliquer.
C'était le cas du rachat des années d'étude, pour lequel j'ai largement été brocardé en 1993 lors de la première négociation sur la réforme des retraites, rachat qui, 10 ans après, s'est imposé dans les esprits de tout le monde et a tout naturellement été adopté.
C'est l'activation des dépenses de l'Assurance Chômage, avec l'anticipation et l'employabilité que l'on retrouve dans le projet de Loi sur la cohésion sociale.
C'est la cotisation sociale sur la consommation, que d'aucuns appellent à tort la TVA sociale. Il y a 15 ans que la CFE-CGC défend cette idée comme un moyen d'assurer les ressources de nos régimes sociaux, débarrassé des ?uctuations de l'emploi et, en même temps, de lutter contre les délocalisations. Et je m'inscris en faux, avec la plus grande vigueur, contre ceux qui prétendent que cette solution est injuste.
Aujourd'hui, lorsque nous achetons un produit quelconque, le prix de vente de ce produit comporte son prix de revient plus les marges. Demain, si l'on transfert les charges salariales sur la cotisation sociale, le prix de revient sera abaissé du coût de ces charges et le prix de vente qui intégrera la cotisation sociale restera inchangé.
Ainsi on traitera, en matière sociale, les produits importés comme les produits nationaux, réduisant l'écart entre les deux. Le coût des produits français sera réduit et ils retrouveront une compétitivité sur les marchés internationaux. Par ailleurs, un meilleur équilibre s'établira entre industrie de main-d'uvre et industrie purement capitalistique.
En?n, ça y est ! Trois commissions du Sénat ont découvert que c'était là la pierre philosophale de la lutte contre les délocalisations.
Même Nicolas Sarkozy envisage de faire réaliser une étude de faisabilité. Alors, c'est évident, tous revendiquent la paternité de cette découverte. Nous ne réclamons pas de droits d'auteurs, nous saurons simplement, le moment venu, rappeler, documents d'époque à l'appui, qui avait compris cela avant les autres.
Mais au-delà de ces victoires, de cette prise en compte de nos idées, de la reconnaissance de la CFE-CGC comme un acteur incontournable de la vie sociale de notre pays, posons-nous un instant la question du monde dans lequel nous vivons et de la place qu'y tiennent les hommes et les femmes des entreprises et des administrations.
Tout ce que nous pouvons observer autour de nous nous inquiète. Il ne faut pas s'étonner que d'enquête en baromètre nous nous apercevions que nos collègues ont de plus en plus le moral dans les chaussettes.
Nous nous trouvons, sur toute la planète, confrontés à une lutte entre le néolibéralisme anglo-saxon et notre modèle social européen, rhénan aurait dit Michel Albert. Nous refuserons toujours de nous inscrire dans une logique où seuls comptent les rendements pour l'actionnaire ou les monopolys de fusions absorption.
Notre priorité absolue demeurera les hommes et les femmes qui font vivre les entreprises ou qui en ont été exclus.
Tous les mensonges, toutes les ont bonnes pour essayer de passer outre aux réticences du corps social en lui donnant mauvaise conscience. Pour cela, les rapports se succèdent sur le déclin français ou notre perte d'attractivité. Ne vous laissez pas intoxiquer ! Grâce à vous, la France a eu le meilleur taux de croissance de l'Europe des Quinze sur les 10 dernières années.
Grâce à vous, la France est le deuxième pays le plus attractif au monde pour les capitaux étrangers. Grâce à vous, la productivité horaire en France est la plus importante du monde. Et, dans presque tous les domaines d'activité, une entreprise française est sur le podium mondial.
Cela n'empêche pas, dans les milieux patronaux ou politiques, pas tous heureusement, de gloser sur la disparition de la valeur travail, ce qui est une énormité. Est-ce que vous refusez le travail ? Ou encore de verser des larmes de crocodile sur les 35 heures qui n'ont jamais empêché les cadres et l'encadrement de faire leur travail, tout leur travail, encore plus que leur travail. Est-ce que vous avez le sentiment, avec les 35 heures, de travailler moins ?
Mais certains veulent essayer de nous culpabiliser pour nous faire tout avaler. Eh bien non ! La CFE-CGC n'a pas l'intention de se mettre aux abonnés absents.
Elle entend participer à tous les débats, à toutes les négociations. Encore faudrait-il, comme disait un de mes homologues " qu'il y ait du grain à moudre ".
Parce qu'une négociation ce n'est pas de s'asseoir à une table sans vouloir rien lâcher en imposant au partenaire d'accepter tous ses propres ukases. Mais pour le MEDEF le dialogue social c'est devenu : " le contrat quand ça m'arrange, la Loi quand ça me sert ".
Quant au paritarisme qui fonde la vie de nos organismes sociaux, il a tendance à prendre un fâcheux aspect. Le paritarisme, maintenant ça devient " le MEDEF plus un traître ".
Est-il vraiment utile de réinventer la lutte des classes et les seuls rapports de force ? J'avoue que, comme vous tous, je n'ai pas fait mes classes dans le syndicalisme sur ces bases là.
Mais qu'on ne s'y trompe pas je m'adapterai, je ne plierai jamais, la CFE-CGC ne pliera jamais. Si le MEDEF ou le gouvernement nous oblige à utiliser les rapports de force, nous le ferons. Bien sûr nous n'arrêterons pas les trains et les métros.
Mais nous pouvons utiliser le recours au juge, les médias et, arme ultime, nos bulletins de vote. Cette menace que j'ai commencé à utiliser est, là aussi, prise de plus en plus au sérieux.
Nous nous battrons dans nos entreprises, nous nous battrons dans les branches professionnelles, nous nous battrons au niveau national pour défendre nos emplois, nos salaires, nos conditions de travail. Et, à travers eux, cette société humaniste qui est la raison de notre engagement. Cette société où les hommes et les femmes comptent plus que les dividendes des actionnaires.
Cette société de solidarité qui ne s'enferme pas sur la seule sauvegarde des acquis comme certains essayent de le faire croire, mais qui s'ouvre largement sur l'extérieur. C'est le sens de nos partenariats avec France Active pour les opérations d'insertion des exclus. De notre engagement avec le Téléthon pour l'aide aux malades.
Du partenariat que nous allons signer vendredi avec Amnesty International et avec Max Havelaar pour le commerce équitable. De nos actions de plantation d'arbres au Sénégal. Ce n'est pas du syndicalisme. Ce n'est pas notre cur de métier, mais nous ne pouvons pas, avec notre cur et nos tripes rester absents de ces domaines.
Dans l'éternel débat de l'uf et de la poule, ce sont les hommes et les femmes qui sont les acteurs de la réussite de nos entreprises. Ce ne sont pas les fonds de pension néerlandais, les fonds d'investissement anglais où les fonds spéculatifs américains qui créent les richesses.
Et je récuse tous les discours sur les bienfaits du néo-libéralisme, en bloc et en détail. Parce que si c'était une science, cela se saurait. Elle se serait soumise à l'épreuve du test, de l'expérience, de la démonstration.
Si c'est une idéologie, alors d'autres idéologies peuvent être aussi dignes de respect, d'engagement et de conviction. Et on pourrait engager sereinement le débat.
Mais non ! C'est devenu une religion que nul n'a le droit de contester, un intégrisme aussi dangereux que tous les autres intégrismes, avec ses ayatollahs et ses inquisiteurs. Une religion qui renvoie dans les limbes de l'obscurantisme tous ceux qui ne sont pas d'accord.
Je suis sans doute ringard et passéiste, les insultes ne me dérangent pas, mais je persiste à penser qu'il n'y a pas d'avenir pour une société qui détruit régulièrement son tissu industriel.
Non, la France ne peut pas être un pays consacré uniquement au tourisme et aux loisirs.
Non, nous n'accepterons jamais la politique du moins-disant social et de la précarité accrue.
Non, nous n'acceptons pas la mise en concurrence systématique du salarié de la Ruhr ou du Languedoc avec le paysan du Bengladesh ou de la Chine profonde.
Ce néolibéralisme n'a qu'un effet, il enrichit les riches des pays pauvres et il appauvrit les pauvres des pays riches. C'est inacceptable !
Et c'est dans ce contexte que nous allons demain devoir entamer les négociations sur la réforme du Code du travail. Parce que le MEDEF ne supporte plus le Code du travail, non pas pour les contraintes qu'il occasionne parfois, mais tout bêtement parce qu'il est rouge et qu'il n'en supporte pas la couleur. Et déjà les rôles des organisations syndicales sont campés.
La CFDT prête à signer dès demain, parce que cela fera moderne, sans doute avec l'appui de la CFTC, de l'autre côté la CGT arc-boutée sur le refus de toute évolution.
Mais si nos ministres ont les yeux de Chimène pour Bernard Thibault ou François Chérèque, si les médias, encore que ce soit de moins en moins vrai, privilégient leur expression, il y a des syndicalistes qui ne sont pas obnubilés par le fait de recevoir un satisfecit du MEDEF, ou par la défense d'idéologies dépassées. Il y a des gens sérieux qui se contentent d'écouter leurs collègues, d'exprimer leurs attentes, de porter leurs revendications.
Mes amis, la CFE-CGC est de cette trempe. C'est ce pour quoi vous vous battez dans vos entreprises et dans vos branches professionnelles. C'est comme cela que vous faites progresser toute la CFE-CGC. C'est comme cela que vous développez vos sections syndicales, plus d'adhérents, plus de résultats électoraux.
La CFE-CGC c'est vous qui la faites tous les jours, avec conviction, avec abnégation.
Nous ne faisons au niveau national, dans les grandes négociations avec le gouvernement ou le MEDEF, que nous appuyer sur votre travail. Et avec ce qui se profile, nous allons vous demander encore plus d'effort, encore plus de mobilisation pour faire aboutir nos revendications. Aucune entreprise, aucun gouvernement ne peut passer outre à la CFE-CGC. Je compte sur vous pour nous aider à imposer ce message, car c'est vous qui en détenez la clé.
Tous ensemble nous allons gagner parce que ce n'est pas seulement le bon sens, c'est le sens de l'Histoire. Rien ne se fera sans les catégories moyennes, et en particulier l'encadrement, que seule la CFE-CGC représente dans sa totalité.
Merci à tous de ce que vous avez fait. Merci à tous de ce que vous allez faire. Merci de votre con?ance et de votre détermination. Bon courage et au boulot.
(Source http://www.cfecgc.org, le 29 novembre 2004)