Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la participation des salariés au capital de l'entreprise, l'épargne salariale et l'actionnariat salarié, Paris le 25 novembre 2004.

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Circonstance : Ouverture du Forum annuel de Fondact à Paris le 25 novembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec le plus grand plaisir que j'ai accepté d'ouvrir ce matin votre forum annuel. Chacun sait qu'il constitue l'un des principaux - et à mon sens l'un des trop rares - rendez-vous consacré à la participation.
J'ai accepté votre invitation avec d'autant plus de plaisir que la participation est une valeur à laquelle je suis attaché. Elle exprime en effet un projet de société fondé sur la " réconciliation du travail et du capital ". J'ai la conviction qu'elle constitue de la sorte un irremplaçable facteur de progrès social, tout en accompagnant activement le développement de nos entreprises.
En cela, la participation, loin d'être un simple vu pieu ou un " gadget ", constitue un moyen efficace de régulation du capitalisme. L'expérience des entreprises ayant mis en place des politiques ambitieuses de participation en témoigne chaque jour. Vous aurez l'occasion d'en débattre tout au long de cette journée.
Je voudrais ici être particulièrement clair. Il ne s'agit pas pour moi d'un discours convenu ou d'un propos de circonstance. Je crois bien au contraire qu'il s'agit d'un enjeu central de notre débat économique et social.
Nous avons encore tendance à opposer trop souvent l'intérêt des salariés et des entreprises. Cette vision de la communauté de travail, toute imprégnée de l'idéologie de la lutte des classes, doit être dépassée. Elle reste pourtant prégnante. Nous devons y prendre garde. Il faut éviter de s'enfermer dans des schémas stériles qui risquent de conduire à couper les Français de l'entreprise.
Le gouvernement y est tout particulièrement vigilant. C'est pour cela qu'il a mis le dialogue social au cur de sa méthode pour promouvoir le développement de l'emploi et le soutien aux entreprises.
La participation participe bien entendu de ce mouvement. Je crois même qu'elle doit retrouver une place centrale dans la régulation de nos rapports sociaux. Car ce concept, qui était hier innovant, demeure aujourd'hui résolument moderne. De fait, je considère qu'il doit trouver une nouvelle dimension dans le contexte de mondialisation accélérée qui est le nôtre.
La mondialisation peut être porteuse de progrès. Mais force est de constater que nous n'avons pas encore su mettre réellement l'homme au centre du processus. Or c'est à mon sens une condition indispensable si nous voulons construire un modèle de société qui ne soit pas seulement un modèle économique, mais qui reste aussi un modèle social au service de tous.
La participation constitue dans ce cadre un levier puissant, en favorisant une conception de la société à la fois plus solidaire et plus efficace.
Car, en rassemblant tous les acteurs de l'entreprise autour d'objectifs partagés, en rendant plus tangibles la communauté d'intérêt qui les réunit, la participation est sans nul doute l'un des vecteurs clés permettant de mieux concilier efficacité économique et cohésion sociale.
Voilà pourquoi le Premier ministre en a fait l'une de ses priorités et vient d'annoncer l'ouverture d'un nouveau chantier gouvernemental visant à donner un nouvel élan à la politique de participation. Je m'en réjouis.
Notre souci est de favoriser plus fermement la diffusion de la participation sous toutes ses formes.
Une dynamique s'est déjà créée ces dernières années, à la faveur de plusieurs réformes législatives successives.
Il y a bien sûr la loi du 19 février 2001 qui a permis la mise en place de toute une palette d'outils pour en permettre le développement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Les résultats sont réels si l'on en juge par la vitalité de la négociation de branche sur les plans d'épargne interentreprises (PEI) et par la croissance du nombre de PEE.
Il y a aussi la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites qui a institué le PERCO.
Il y a encore les amendements introduits, à l'initiative du Président Chérioux qui conclura ce soir vos débats, dans la loi du 4 mai dernier sur le dialogue social.
Tous ces aménagements commencent à produire leurs effets : fin 2002, c'étaient ainsi 52 % des salariés qui travaillaient dans une entreprise ayant mis en place au moins un dispositif de participation financière. Ils n'étaient que 48 % trois ans plus tôt. Cette tendance est d'ailleurs confirmée par la part croissante de l'épargne salariale prise dans le patrimoine des ménages : selon l'INSEE, elle concerne 17 % des ménages contre 13 % en 1998.
Cette dynamique doit être confortée et amplifiée.
Malgré les progrès constatés, il apparaît en effet que la participation au sens large conserve encore de très larges potentialités de développement.
J'en veux pour preuve trois données.
D'abord, l'accès aux différents dispositifs de participation reste toujours très inégal : seuls 9 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés pouvaient en bénéficier fin 2002.
De la même manière, ce sont un peu plus de 30 % des salariés qui ont accès à des plans d'épargne d'entreprise. Mais seuls 70 % d'entre eux ont effectivement une épargne, ce qui pose à l'évidence la question de l'alimentation des plans.
Enfin, l'actionnariat salarié, en dépit d'un développement réel, demeure encore marginal. Il n'y aurait encore que l'ordre de 1 % des entreprises à avoir mis en place un dispositif d'actionnariat salarié. Et ce chiffre masque une très forte disparité entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées.
Ces disparités témoignent donc, à mon sens, des progrès que nous avons à accomplir pour favoriser une plus large diffusion de la participation.
La reprise de la croissance et la dynamique actuelle de la négociation collective contribuent certes à créer une situation propice à une montée en puissance. Mais ce mouvement doit aussi être accompagné et amplifié.
Tel est l'objectif du Gouvernement.
Pour cela, nous n'entendons pas bouleverser les dispositifs actuels. Je ne méconnais pas l'importance qu'il peut y avoir à conserver une certaine stabilité aux règles qui régissent la participation. C'est une condition à leur appropriation par l'ensemble des acteurs : salariés, entreprises, partenaires sociaux, gestionnaires d'épargne. Notre approche est plus pragmatique. Nous souhaitons pouvoir identifier rapidement les obstacles à une plus large diffusion de la participation. Ils sont pour la plupart déjà bien connus. Nous voulons surtout définir les pistes de réforme, à la fois simples, lisibles et je l'espère partagées de nature à favoriser la généralisation de ces dispositifs.
A ce stade, j'ai pour ma part, avec Jean-Louis Borloo qui suit également ce dossier avec la plus grande attention, identifié trois pistes de réformes sur lesquelles nous devons avancer.
Il importe d'abord de renforcer l'incitation des chefs d'entreprises à développer la participation et d'élargir les possibilités d'alimentation des plans d'épargne.
A cet égard, le levier fiscal et social ne doit pas nécessairement constituer le seul instrument. Je considère par exemple que doivent aussi être explorées des pistes permettant une meilleure articulation entre les différents dispositifs de façon à pouvoir offrir plus souvent une panoplie complète. L'intéressement et la participation demeurent inaboutis s'il n'existe pas de réceptacle pouvant les transformer en une réelle épargne salariale. A l'inverse l'utilité du PEE est réduite si les salariés ne bénéficient ni de participation, ni d'intéressement pour l'alimenter. De la même manière, il nous faut sans doute réfléchir à la constitution de passerelles entre le compte épargne-temps et les plans d'épargne (PEE et Perco).
Il nous faut aussi simplifier et clarifier, sur de nombreux points, nos dispositifs pour les rendre plus attractifs tant pour les entreprises que pour les salariés.
Cela suppose par exemple de mieux garantir l'information du salarié sur les possibilités qui lui sont offertes, information qui demeure à ce jour encore imparfaite. Cela suppose aussi de clarifier le régime des transferts. Notre réglementation est encore pour partie lacunaire. Or, dans un contexte de mobilité croissante des salariés et de restructurations importantes des entreprises (fusions, cessions, scissions), la garantie d'une " portabilité " de l'épargne salariale me parait constituer une exigence fondamentale. Cela passe sans doute aussi par une rénovation de notre formule de calcul de la réserve spéciale de participation qui remonte à 1967.
Enfin, troisième et dernier axe, je crois utile de favoriser l'actionnariat salarié, en levant certains blocages qui entravent encore son développement notamment dans les sociétés non cotées.
A cet égard, j'ai bien conscience que les difficultés sont largement d'ordre culturel. En ce sens, une meilleure formation des salariés à l'économie d'entreprise constituerait sans nul doute un préalable. Mais d'autres blocages sont de nature juridique : je pense ici par exemple aux règles régissant la valorisation des titres et celles organisant leur liquidité.
Ces premières pistes de réflexion n'ont bien entendu pas vocation à l'exhaustivité. Mais je considère qu'elles doivent être examinées prioritairement. J'ai pour cela, avec Jean-Louis Borloo et en plein accord avec le Premier ministre, saisi le Conseil supérieur de la participation le 8 novembre dernier. Il se réunira dès demain, sous la présidence de Claude Cambus, pour nous présenter son diagnostic et ses propositions.
Je sais aussi que les quelques pistes que je viens de vous présenter recouvrent déjà, pour une bonne part, les réflexions conduites par Fondact. Vous me le confirmerez sans doute dans quelques instants, Monsieur le Président, et je suis sûr que vous ne manquerez pas d'assortir votre propos de quelques propositions. Soyez sûr que j'y serai très attentif.
Je serai bien évidemment également très attentif à vos travaux de ce jour. Les thèmes de vos trois tables rondes me semblent en effet refléter très exactement les principaux enjeux qui sous tendent le développement de la participation.
J'avoue que j'accorderai une attention toute particulière à vos travaux de cet après-midi. L'enjeu européen est en effet central.
A ce jour, la France occupe une place particulière en Europe, comme l'a montré le récent rapport de M. Jean-Baptiste de Foucauld. Nous sommes en effet le pays où la participation est la plus répandue, nous sommes le seul pays où le " partage des profits " soit obligatoire, nous sommes le pays où les avantages fiscaux et sociaux sont les plus généreux. On pourrait presque là encore parler d' " exception française " si la Grande-Bretagne n'occupait pas aussi une place prééminente en la matière
Je considère pour ma part que le modèle français de participation doit constituer un modèle de référence au niveau européen. Il nous appartient à tous, chacun à notre niveau, de convaincre nos partenaires de la pertinence de notre modèle.
J'estime en particulier que la promotion de la participation au sein de l'Union européenne constitue l'une des réponses à la critique - certes convenue et d'ailleurs infondée- du " déficit d'Europe sociale " mise en avant par les adversaires de la Constitution européenne.
Car, et j'en reviens à mon propos introductif, la participation, en permettant d'associer performance économique et progrès social, constitue à mes yeux l'un des meilleurs instruments permettant de construire un modèle de société à la fois plus humain, plus efficace et plus solidaire. Et c'est bien là l'objet même de la construction européenne.
Et je ne doute pas, là encore, que vous soyez à mes côtés, en première ligne, dans ce combat.
Je vous remercie.


(Source http://www.travail.gouv.fr, le 29 novembre 2004)