Texte intégral
5 novembre 2004
Élections américaines : "Enjeu planétaire" ou bourrage de crâne ?
Au lendemain des élections américaines, il semblait probable que Bush soit élu comme nouveau président des États-Unis, même s'il était possible que, comme lors de l'élection précédente, en 2000, les bulletins de vote soient encore comptés et recomptés et que le résultat donne lieu à contestation dans les jours à venir.
Cette élection a été présentée comme une "élection historique" et, pour certains journaux, son enjeu serait "planétaire". Mais peut-on imaginer que la bourgeoisie américaine, la plus puissante du monde, que les grands groupes industriels et financiers qui dominent le pays et finalement le monde entier jouent l'avenir politique sur un coup de dé électoral? En réalité, une multitude de filtres existent, pour présélectionner les candidats et ne laisser concourir, le jour J, que ceux qui conviennent aux grands possédants, qui détiennent la réalité du pouvoir. Le filtre des appareils des deux grands partis, le Parti républicain et le Parti démocrate, le filtre des grandes chaînes de télévision et des grands groupes de presse, c'est-à-dire de leurs propriétaires. Le filtre surtout de l'argent. Le prix de la campagne est à la mesure de l'immensité du pays et, avant que les bulletins de vote tranchent entre les concurrents, ce sont les chèques des donateurs qui décident qui a le droit de concourir.
Le suspense de cette course ne portait que sur le nom du cheval, mais pas sur celui des propriétaires. Bush ou Kerry, la politique menée ne pouvait être que celle exigée par les grands groupes industriels et financiers qui, là-bas comme ici, dominent l'économie et la société.
Mais il fallait faire croire aux électeurs américains que leur destin était entre leurs mains et que la politique de leur pays dépendait de leurs bulletins de vote. C'est à cela que s'emploient la télévision et les journaux, là-bas surtout et, par ricochet, même ici, en dramatisant les conséquences du choix des électeurs. Pourtant les deux candidats ont tenu pratiquement le même langage sur la sécurité de l'Amérique, sur le combat contre le terrorisme, et chacun a promis que son élection assurerait à tous une vie meilleure. Même si, sur la présence américaine en Irak, Kerry s'est voulu critique, il s'est bien gardé de promettre le retrait des troupes américaines. Restait le choix: les mouvements de menton ou la couleur des cravates?
Mais est-ce bien différent ici, où on nous dit que la politique menée dépend de l'homme qui sera installé à l'Elysée? Et, à chaque fois, on refait l'expérience que, lorsque les hommes changent au sommet, seuls les mots utilisés changent, et encore pas toujours, mais pas la politique.
Bush ou Kerry, quel que soit le vainqueur, cela ne pouvait changer la politique impérialiste des États-Unis à l'extérieur. C'est certes Bush, le républicain, qui a décidé l'invasion de l'Irak, mais la guerre du Vietnam a été menée aussi bien par le démocrate Johnson que par le républicain Nixon. Et à prendre la longue liste des interventions, directes ou indirectes, des États-Unis, de l'Amérique latine au Vietnam, de Saint-Domingue au Chili, qui pourrait dire si le président était républicain ou démocrate?
Le nom du président ne changera rien non plus au fait qu'à l'intérieur de ce pays, pourtant le plus riche du monde, des millions de personnes vivent dans la pauvreté et que tomber malade peut être une catastrophe pour une famille d'ouvriers. Bush a favorisé sans honte les plus riches en diminuant leurs impôts pendant qu'il privait un peu plus encore les pauvres d'accès aux soins. Mais le démocrate Clinton, qui l'a précédé, en a fait autant.
Au moins sur un point, les commentateurs ont raison: ce qui se passe aux USA nous concerne. Les États-Unis représentent ce que la société capitaliste à de mieux à offrir à l'humanité. Mais ce mieux, c'est, sur le plan économique, une immense concentration de richesses entre quelques mains et la pauvreté pour beaucoup. Sur le plan politique, c'est cette démocratie où les électeurs ont le droit de voter pour qui ils veulent car, de toute façon, ils ne peuvent voter que pour un représentant des riches!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 5 novembre 2004)
12 novembre 2004
Retrait de l'armée française de Côte-d'Ivoire !
Au temps de l'empire colonial français, la Côte-d'Ivoire était une colonie modèle. Grand producteur de cacao et de café, le pays rapportait gros. Pas à la population, à part une petite couche d'autochtones, mais à ceux, Français en particulier, qui savaient faire fortune dans les colonies! Et surtout aux groupes capitalistes français qui contrôlent le transport maritime, le port, le grand commerce et les banques.
Abidjan, de modeste capitale de la Côte-d'Ivoire, devint le centre économique de toute cette partie de l'Afrique, jusqu'au Burkina et au Mali, d'où on fit venir des ouvriers pour les plantations comme pour les docks et les chantiers.
Ce qu'on a appelé le miracle économique ivoirien s'est prolongé après la décolonisation. Le premier chef de l'État ivoirien indépendant, Houphouët-Boigny, ex-ministre de plusieurs gouvernements français, a gouverné le pays pendant trente ans d'une main de fer, enrichissant sa famille et son clan, mais surtout protégeant les grands intérêts français. Il pouvait compter en contrepartie sur l'appui de Paris et sur la présence de l'armée française.
Mais pendant que poussaient les buildings dans les quartiers d'affaires et les villas dans les quartiers résidentiels, où se mêlent classe dirigeante locale et cadres de grandes sociétés, poussaient aussi d'immenses bidonvilles, sans équipements, sans hygiène, où s'agglutinaient des centaines de milliers de travailleurs, de chômeurs, originaires de toutes les régions du pays comme des pays avoisinants.
Les habitants de ces immenses bidonvilles n'ont jamais profité du miracle économique. Ils ont pourtant subi les conséquences de la fin de celui-ci. Et ces conséquences n'étaient pas que matérielles.
À la mort du vieux dictateur Houphouët-Boigny, s'est déclenchée une guerre de succession qui, depuis plus de dix ans, ravage la Côte-d'Ivoire. Une guerre de succession dont les antagonistes ont cherché à se faire une popularité en développant une démagogie xénophobe, visant les immigrés mais aussi les ethnies du nord du pays.
La France s'est fort bien accommodée de ce climat tant que le chef d'État en place préservait les intérêts français. Mais, de coup d'État en élection truquée, les antagonismes ethnistes attisés par les dirigeants ont fait éclater en deux l'État lui-même. Une partie de l'armée a fait sécession et contrôle le nord du pays, pendant que le gouvernement officiel, celui de Gbagbo, contrôlait, avec le soutien de la France, la partie méridionale, la plus riche en ressources, celle aussi où se trouve Abidjan.
C'est à l'occasion d'une tentative de l'armée gouvernementale de reconquérir le Nord que ses avions ont bombardé une base des forces d'interposition françaises. La riposte de Chirac a fait éclater la haine accumulée contre la présence française. En laissant ses milices manifester contre cette présence, Gbagbo ne fait que spéculer sur les sentiments de la population. Ce n'est qu'un chantage pour que Paris le soutienne plus qu'il ne le fait. Mais les sentiments sur lesquels il spécule sont réels.
L'armée française essaie d'attribuer un caractère humanitaire à son intervention. Mais son déploiement ne fait que jeter de l'huile sur le feu, tant il est visible que ce ne sont pas les intérêts de la population qui la guident.
Les troupes françaises rétabliront, peut-être, à Abidjan, pour quelque temps, un calme apparent. Elles ne protégeront pas la population originaire du Nord, du Burkina ou du Mali contre la violence xénophobe des milices du gouvernement Gbagbo -elles ne le prétendent même pas. En revanche, chaque mort qu'elles feront aggravera les sentiments contre la France. Les 15000 résidents français, cadres des grandes sociétés, commerçants divers, ceux qui en tout cas n'ont pas les moyens de partir, paieront peut-être les pots cassés. Bolloré, Bouygues et quelques autres continueront à prélever du profit sur un pays qui s'appauvrit.
L'armée française ne fait rien d'autre en Côte-d'Ivoire, comme dans les autres ex-colonies françaises en Afrique, que semer la haine.
5Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 novembre 2004)
19 novembre 2004
Exploiteurs et troupes françaises, hors de Côte-d'Ivoire et d'Afrique
Chirac l'a décidé: l'armée française reste en Côte-d'Ivoire. "Nous ne voulons pas laisser se développer une situation pouvant conduire à l'anarchie ou à un régime de nature fasciste". Mais, depuis la conquête coloniale, l'armée française n'a jamais quitté la Côte-d'Ivoire, et la "situation d'anarchie" est pourtant là. Quant à la nature du régime, le président ivoirien Gbagbo n'a pas eu de mal à rappeler à Chirac que les gouvernements français ont soutenu pendant près de quarante ans Houphouët-Boigny, qualifié alors de "sage de l'Afrique", malgré un régime de parti unique où les oppositionnels étaient emprisonnés, torturés, voire assassinés.
Gbagbo n'est ni meilleur ni pire que cette liste de dirigeants africains, de Bokassa à Bongo, soutenus par Paris tant qu'ils maintenaient l'ordre dans leur pays et laissaient les groupes français faire des affaires.
Il faut le cynisme du dirigeant d'une puissance impérialiste pour attribuer à son protégé local la responsabilité de la détérioration de la situation. Car si cette ancienne colonie française, la plus riche pendant longtemps, est aujourd'hui en situation de guerre civile, avec un territoire coupé en deux, la France y a une large part de responsabilité.
Elle n'a rien trouvé à redire à la démagogie des clans politiques rivaux pour le pouvoir, tant qu'elle n'était développée que contre les travailleurs et les paysans migrants venus du Burkina voisin et du nord du pays, et pas contre les Français.
Mais la France est responsable de la situation en Côte-d'ivoire pour une autre raison, bien plus profonde. Ce pays passait pour riche à cause de ses ressources naturelles, cacao et café notamment, mais aussi parce que c'est par lui que transitaient les affaires réalisées dans les autres anciennes colonies française de la région.
De grands groupes capitalistes français dominent l'économie: Bouygues pour les nombreux chantiers de construction ou pour la distribution de l'eau dans les quartiers aisés de la capitale; Bolloré qui a mis la main sur le port d'Abidjan, le plus important de cette région d'Afrique, sur l'unique chemin de fer; et bien d'autres. Dans leur ombre, sont venus de France ou d'ailleurs ceux qui cherchaient à faire fortune. Et, autour d'eux, des cadres petits et grands, des restaurateurs, des hôteliers, des propriétaires de boutiques qui, comme l'affirment ceux qui ont dû partir ces jours derniers, ont pu avoir là-bas une vie qu'ils ne pouvaient espérer ici: villas, piscines et serviteurs, noirs, bien sûr.
Mais la vie que les rapatriés ont dû abandonner, la majorité des Ivoiriens ne pouvaient même pas en rêver. La prospérité de la Côte-d'Ivoire n'a jamais profité à la majorité de sa population. À deux pas des buildings et des banques du centre et des boutiques de luxe des quartiers aisés, ont poussé des bidonvilles lépreux, avec leurs centaines de milliers de pauvres pour qui la survie quotidienne pose problème.
Alors, il ne faut pas s'étonner que ce qui, dans la bouche de Gbagbo ou de sous-fifres, n'était que démagogie contre les étrangers, comme certains dirigeants d'ici savent en faire, ait trouvé du répondant dans une population pauvre. Ceux qu'on a vus descendre, hagards, des avions ne sont sans doute pas les principaux profiteurs du pillage de la Côte-d'Ivoire par l'impérialisme français. Ces derniers siègent dans les conseils d'administration des grandes sociétés et beaucoup n'ont jamais mis les pieds en Côte-d'Ivoire. Mais on ne mène pas impunément une vie de privilégiés dans un pays où la misère est partout.
En réaffirmant la présence de l'armée française, la France impérialiste tient à affirmer qu'elle veut continuer sa domination. Les patrouilles françaises dans les rues d'Abidjan ne diminueront pas les tensions. Elles ajouteront une humiliation de plus à celles du passé et du présent. Et chaque Ivoirien tué par l'armée française ajoutera de la haine à la haine.
La France, ses exploiteurs et les militaires pour les protéger n'ont rien à faire en Côte-d'Ivoire!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 novembre 2004)
26 novembre 2004
Sécurité sociale, mutuelles, santé : une société malade
Après des hausses importantes en 2004, allant jusqu'à 15% dans certains cas, les mutuelles et les assurances santé complémentaires annoncent de nouvelles hausses pour l'année prochaine. Des hausses conséquentes de nouveau puisqu'elles pourront aller jusqu'à 10%. Les principales victimes en seront les travailleurs, car c'est leur pouvoir d'achat que ces hausses de tarifs diminueront. Ils paieront aussi par une dégradation de la qualité des soins.
L'augmentation des tarifs des mutuelles est un des aspects d'une politique bien plus générale. Cela fait des années que tous les gouvernements se refusent à prélever sur les profits patronaux les sommes nécessaires pour assurer, par le biais des caisses de Sécurité sociale, des soins convenables à tout le monde. Au lieu d'augmenter les prélèvements sur les profits patronaux, tous les gouvernements ont préféré taxer davantage les salariés, mais aussi les retraités et les chômeurs. Durant les trente dernières années, la contribution prélevée sur les catégories sociales aux revenus les plus modestes a augmenté deux fois et demie plus que la contribution patronale.
Qui plus est, c'est sur les fonds des caisses de Sécurité sociale qu'on accorde au patronat des allégements de charges sociales, ce qui revient à les subventionner pour les salaires des travailleurs embauchés pour des emplois non qualifiés.
Gouvernement et grand patronat creusent ainsi le déficit de la Sécurité sociale qui, pour rétablir l'équilibre, rembourse de moins en moins les dépenses de santé. Pour 617 médicaments, le remboursement est passé de 65% à 35%. Le forfait hospitalier a été augmenté d'un euro. Et la réforme en cours de l'Assurance maladie va aggraver encore les choses en imposant une augmentation supplémentaire du forfait hospitalier et en faisant payer aux malades un euro à chaque consultation.
Pour faire face à ces diminutions de remboursements, un nombre croissant de salariés sont obligés de cotiser à une mutuelle ou une assurance complémentaire. Encore faut-il pouvoir le faire! Combien de travailleurs en intérim ou même en CDI ont des salaires qui ne leur permettent pas de payer une mutuelle? Combien sont ainsi ceux qui ne peuvent plus se soigner convenablement, qui ne peuvent plus acheter les médicaments qui leur sont nécessaires?
Même lorsque ce sont les entreprises qui paient une partie des cotisations d'assurance complémentaire, elles n'en paient qu'une partie, justement, le reste étant à la charge des salariés. Et puis, confrontés à la hausse de leur propre part de cotisation, les patrons resserrent les contrôles, font pression contre les arrêts-maladie et renégocient leurs charges au détriment de la qualité de la couverture pour leurs salariés.
À tout cela s'ajoutent les économies faites sur le système hospitalier lui-même. Le budget de l'État, si prodigue lorsqu'il s'agit "d'aider les entreprises", c'est-à-dire de subventionner les profits patronaux, ne fait pas face à ses responsabilités en matière de santé publique. Il n'assure pas l'équipement du nombre nécessaire d'hôpitaux publics ni la formation d'un personnel qualifié pour les faire fonctionner. On oblige, au contraire, les hôpitaux à fonctionner comme des entreprises qui doivent être rentables. On limite les dépenses aux dépens des malades. On diminue le nombre de maternités et d'hôpitaux de proximité. On supprime des lits faute de personnel qualifié en nombre suffisant car on néglige depuis plusieurs années la formation de personnels soignants.
Lors d'un récent meeting à la Mutualité, des médecins ont dénoncé des situations où l'on freine la pose de prothèses indispensables, faute de crédits, et où les nouveau-nés sont installés à trois par berceau! Dans ce pays qui se vante d'être un des plus développés du monde, on va vers des situations du Tiers Monde!
Alors oui, c'est la société elle-même qui est malade, malade de la "rentabilité", malade de la course au profit, malade de la domination du grand patronat.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 novembre 2004)
Élections américaines : "Enjeu planétaire" ou bourrage de crâne ?
Au lendemain des élections américaines, il semblait probable que Bush soit élu comme nouveau président des États-Unis, même s'il était possible que, comme lors de l'élection précédente, en 2000, les bulletins de vote soient encore comptés et recomptés et que le résultat donne lieu à contestation dans les jours à venir.
Cette élection a été présentée comme une "élection historique" et, pour certains journaux, son enjeu serait "planétaire". Mais peut-on imaginer que la bourgeoisie américaine, la plus puissante du monde, que les grands groupes industriels et financiers qui dominent le pays et finalement le monde entier jouent l'avenir politique sur un coup de dé électoral? En réalité, une multitude de filtres existent, pour présélectionner les candidats et ne laisser concourir, le jour J, que ceux qui conviennent aux grands possédants, qui détiennent la réalité du pouvoir. Le filtre des appareils des deux grands partis, le Parti républicain et le Parti démocrate, le filtre des grandes chaînes de télévision et des grands groupes de presse, c'est-à-dire de leurs propriétaires. Le filtre surtout de l'argent. Le prix de la campagne est à la mesure de l'immensité du pays et, avant que les bulletins de vote tranchent entre les concurrents, ce sont les chèques des donateurs qui décident qui a le droit de concourir.
Le suspense de cette course ne portait que sur le nom du cheval, mais pas sur celui des propriétaires. Bush ou Kerry, la politique menée ne pouvait être que celle exigée par les grands groupes industriels et financiers qui, là-bas comme ici, dominent l'économie et la société.
Mais il fallait faire croire aux électeurs américains que leur destin était entre leurs mains et que la politique de leur pays dépendait de leurs bulletins de vote. C'est à cela que s'emploient la télévision et les journaux, là-bas surtout et, par ricochet, même ici, en dramatisant les conséquences du choix des électeurs. Pourtant les deux candidats ont tenu pratiquement le même langage sur la sécurité de l'Amérique, sur le combat contre le terrorisme, et chacun a promis que son élection assurerait à tous une vie meilleure. Même si, sur la présence américaine en Irak, Kerry s'est voulu critique, il s'est bien gardé de promettre le retrait des troupes américaines. Restait le choix: les mouvements de menton ou la couleur des cravates?
Mais est-ce bien différent ici, où on nous dit que la politique menée dépend de l'homme qui sera installé à l'Elysée? Et, à chaque fois, on refait l'expérience que, lorsque les hommes changent au sommet, seuls les mots utilisés changent, et encore pas toujours, mais pas la politique.
Bush ou Kerry, quel que soit le vainqueur, cela ne pouvait changer la politique impérialiste des États-Unis à l'extérieur. C'est certes Bush, le républicain, qui a décidé l'invasion de l'Irak, mais la guerre du Vietnam a été menée aussi bien par le démocrate Johnson que par le républicain Nixon. Et à prendre la longue liste des interventions, directes ou indirectes, des États-Unis, de l'Amérique latine au Vietnam, de Saint-Domingue au Chili, qui pourrait dire si le président était républicain ou démocrate?
Le nom du président ne changera rien non plus au fait qu'à l'intérieur de ce pays, pourtant le plus riche du monde, des millions de personnes vivent dans la pauvreté et que tomber malade peut être une catastrophe pour une famille d'ouvriers. Bush a favorisé sans honte les plus riches en diminuant leurs impôts pendant qu'il privait un peu plus encore les pauvres d'accès aux soins. Mais le démocrate Clinton, qui l'a précédé, en a fait autant.
Au moins sur un point, les commentateurs ont raison: ce qui se passe aux USA nous concerne. Les États-Unis représentent ce que la société capitaliste à de mieux à offrir à l'humanité. Mais ce mieux, c'est, sur le plan économique, une immense concentration de richesses entre quelques mains et la pauvreté pour beaucoup. Sur le plan politique, c'est cette démocratie où les électeurs ont le droit de voter pour qui ils veulent car, de toute façon, ils ne peuvent voter que pour un représentant des riches!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 5 novembre 2004)
12 novembre 2004
Retrait de l'armée française de Côte-d'Ivoire !
Au temps de l'empire colonial français, la Côte-d'Ivoire était une colonie modèle. Grand producteur de cacao et de café, le pays rapportait gros. Pas à la population, à part une petite couche d'autochtones, mais à ceux, Français en particulier, qui savaient faire fortune dans les colonies! Et surtout aux groupes capitalistes français qui contrôlent le transport maritime, le port, le grand commerce et les banques.
Abidjan, de modeste capitale de la Côte-d'Ivoire, devint le centre économique de toute cette partie de l'Afrique, jusqu'au Burkina et au Mali, d'où on fit venir des ouvriers pour les plantations comme pour les docks et les chantiers.
Ce qu'on a appelé le miracle économique ivoirien s'est prolongé après la décolonisation. Le premier chef de l'État ivoirien indépendant, Houphouët-Boigny, ex-ministre de plusieurs gouvernements français, a gouverné le pays pendant trente ans d'une main de fer, enrichissant sa famille et son clan, mais surtout protégeant les grands intérêts français. Il pouvait compter en contrepartie sur l'appui de Paris et sur la présence de l'armée française.
Mais pendant que poussaient les buildings dans les quartiers d'affaires et les villas dans les quartiers résidentiels, où se mêlent classe dirigeante locale et cadres de grandes sociétés, poussaient aussi d'immenses bidonvilles, sans équipements, sans hygiène, où s'agglutinaient des centaines de milliers de travailleurs, de chômeurs, originaires de toutes les régions du pays comme des pays avoisinants.
Les habitants de ces immenses bidonvilles n'ont jamais profité du miracle économique. Ils ont pourtant subi les conséquences de la fin de celui-ci. Et ces conséquences n'étaient pas que matérielles.
À la mort du vieux dictateur Houphouët-Boigny, s'est déclenchée une guerre de succession qui, depuis plus de dix ans, ravage la Côte-d'Ivoire. Une guerre de succession dont les antagonistes ont cherché à se faire une popularité en développant une démagogie xénophobe, visant les immigrés mais aussi les ethnies du nord du pays.
La France s'est fort bien accommodée de ce climat tant que le chef d'État en place préservait les intérêts français. Mais, de coup d'État en élection truquée, les antagonismes ethnistes attisés par les dirigeants ont fait éclater en deux l'État lui-même. Une partie de l'armée a fait sécession et contrôle le nord du pays, pendant que le gouvernement officiel, celui de Gbagbo, contrôlait, avec le soutien de la France, la partie méridionale, la plus riche en ressources, celle aussi où se trouve Abidjan.
C'est à l'occasion d'une tentative de l'armée gouvernementale de reconquérir le Nord que ses avions ont bombardé une base des forces d'interposition françaises. La riposte de Chirac a fait éclater la haine accumulée contre la présence française. En laissant ses milices manifester contre cette présence, Gbagbo ne fait que spéculer sur les sentiments de la population. Ce n'est qu'un chantage pour que Paris le soutienne plus qu'il ne le fait. Mais les sentiments sur lesquels il spécule sont réels.
L'armée française essaie d'attribuer un caractère humanitaire à son intervention. Mais son déploiement ne fait que jeter de l'huile sur le feu, tant il est visible que ce ne sont pas les intérêts de la population qui la guident.
Les troupes françaises rétabliront, peut-être, à Abidjan, pour quelque temps, un calme apparent. Elles ne protégeront pas la population originaire du Nord, du Burkina ou du Mali contre la violence xénophobe des milices du gouvernement Gbagbo -elles ne le prétendent même pas. En revanche, chaque mort qu'elles feront aggravera les sentiments contre la France. Les 15000 résidents français, cadres des grandes sociétés, commerçants divers, ceux qui en tout cas n'ont pas les moyens de partir, paieront peut-être les pots cassés. Bolloré, Bouygues et quelques autres continueront à prélever du profit sur un pays qui s'appauvrit.
L'armée française ne fait rien d'autre en Côte-d'Ivoire, comme dans les autres ex-colonies françaises en Afrique, que semer la haine.
5Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 novembre 2004)
19 novembre 2004
Exploiteurs et troupes françaises, hors de Côte-d'Ivoire et d'Afrique
Chirac l'a décidé: l'armée française reste en Côte-d'Ivoire. "Nous ne voulons pas laisser se développer une situation pouvant conduire à l'anarchie ou à un régime de nature fasciste". Mais, depuis la conquête coloniale, l'armée française n'a jamais quitté la Côte-d'Ivoire, et la "situation d'anarchie" est pourtant là. Quant à la nature du régime, le président ivoirien Gbagbo n'a pas eu de mal à rappeler à Chirac que les gouvernements français ont soutenu pendant près de quarante ans Houphouët-Boigny, qualifié alors de "sage de l'Afrique", malgré un régime de parti unique où les oppositionnels étaient emprisonnés, torturés, voire assassinés.
Gbagbo n'est ni meilleur ni pire que cette liste de dirigeants africains, de Bokassa à Bongo, soutenus par Paris tant qu'ils maintenaient l'ordre dans leur pays et laissaient les groupes français faire des affaires.
Il faut le cynisme du dirigeant d'une puissance impérialiste pour attribuer à son protégé local la responsabilité de la détérioration de la situation. Car si cette ancienne colonie française, la plus riche pendant longtemps, est aujourd'hui en situation de guerre civile, avec un territoire coupé en deux, la France y a une large part de responsabilité.
Elle n'a rien trouvé à redire à la démagogie des clans politiques rivaux pour le pouvoir, tant qu'elle n'était développée que contre les travailleurs et les paysans migrants venus du Burkina voisin et du nord du pays, et pas contre les Français.
Mais la France est responsable de la situation en Côte-d'ivoire pour une autre raison, bien plus profonde. Ce pays passait pour riche à cause de ses ressources naturelles, cacao et café notamment, mais aussi parce que c'est par lui que transitaient les affaires réalisées dans les autres anciennes colonies française de la région.
De grands groupes capitalistes français dominent l'économie: Bouygues pour les nombreux chantiers de construction ou pour la distribution de l'eau dans les quartiers aisés de la capitale; Bolloré qui a mis la main sur le port d'Abidjan, le plus important de cette région d'Afrique, sur l'unique chemin de fer; et bien d'autres. Dans leur ombre, sont venus de France ou d'ailleurs ceux qui cherchaient à faire fortune. Et, autour d'eux, des cadres petits et grands, des restaurateurs, des hôteliers, des propriétaires de boutiques qui, comme l'affirment ceux qui ont dû partir ces jours derniers, ont pu avoir là-bas une vie qu'ils ne pouvaient espérer ici: villas, piscines et serviteurs, noirs, bien sûr.
Mais la vie que les rapatriés ont dû abandonner, la majorité des Ivoiriens ne pouvaient même pas en rêver. La prospérité de la Côte-d'Ivoire n'a jamais profité à la majorité de sa population. À deux pas des buildings et des banques du centre et des boutiques de luxe des quartiers aisés, ont poussé des bidonvilles lépreux, avec leurs centaines de milliers de pauvres pour qui la survie quotidienne pose problème.
Alors, il ne faut pas s'étonner que ce qui, dans la bouche de Gbagbo ou de sous-fifres, n'était que démagogie contre les étrangers, comme certains dirigeants d'ici savent en faire, ait trouvé du répondant dans une population pauvre. Ceux qu'on a vus descendre, hagards, des avions ne sont sans doute pas les principaux profiteurs du pillage de la Côte-d'Ivoire par l'impérialisme français. Ces derniers siègent dans les conseils d'administration des grandes sociétés et beaucoup n'ont jamais mis les pieds en Côte-d'Ivoire. Mais on ne mène pas impunément une vie de privilégiés dans un pays où la misère est partout.
En réaffirmant la présence de l'armée française, la France impérialiste tient à affirmer qu'elle veut continuer sa domination. Les patrouilles françaises dans les rues d'Abidjan ne diminueront pas les tensions. Elles ajouteront une humiliation de plus à celles du passé et du présent. Et chaque Ivoirien tué par l'armée française ajoutera de la haine à la haine.
La France, ses exploiteurs et les militaires pour les protéger n'ont rien à faire en Côte-d'Ivoire!
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 novembre 2004)
26 novembre 2004
Sécurité sociale, mutuelles, santé : une société malade
Après des hausses importantes en 2004, allant jusqu'à 15% dans certains cas, les mutuelles et les assurances santé complémentaires annoncent de nouvelles hausses pour l'année prochaine. Des hausses conséquentes de nouveau puisqu'elles pourront aller jusqu'à 10%. Les principales victimes en seront les travailleurs, car c'est leur pouvoir d'achat que ces hausses de tarifs diminueront. Ils paieront aussi par une dégradation de la qualité des soins.
L'augmentation des tarifs des mutuelles est un des aspects d'une politique bien plus générale. Cela fait des années que tous les gouvernements se refusent à prélever sur les profits patronaux les sommes nécessaires pour assurer, par le biais des caisses de Sécurité sociale, des soins convenables à tout le monde. Au lieu d'augmenter les prélèvements sur les profits patronaux, tous les gouvernements ont préféré taxer davantage les salariés, mais aussi les retraités et les chômeurs. Durant les trente dernières années, la contribution prélevée sur les catégories sociales aux revenus les plus modestes a augmenté deux fois et demie plus que la contribution patronale.
Qui plus est, c'est sur les fonds des caisses de Sécurité sociale qu'on accorde au patronat des allégements de charges sociales, ce qui revient à les subventionner pour les salaires des travailleurs embauchés pour des emplois non qualifiés.
Gouvernement et grand patronat creusent ainsi le déficit de la Sécurité sociale qui, pour rétablir l'équilibre, rembourse de moins en moins les dépenses de santé. Pour 617 médicaments, le remboursement est passé de 65% à 35%. Le forfait hospitalier a été augmenté d'un euro. Et la réforme en cours de l'Assurance maladie va aggraver encore les choses en imposant une augmentation supplémentaire du forfait hospitalier et en faisant payer aux malades un euro à chaque consultation.
Pour faire face à ces diminutions de remboursements, un nombre croissant de salariés sont obligés de cotiser à une mutuelle ou une assurance complémentaire. Encore faut-il pouvoir le faire! Combien de travailleurs en intérim ou même en CDI ont des salaires qui ne leur permettent pas de payer une mutuelle? Combien sont ainsi ceux qui ne peuvent plus se soigner convenablement, qui ne peuvent plus acheter les médicaments qui leur sont nécessaires?
Même lorsque ce sont les entreprises qui paient une partie des cotisations d'assurance complémentaire, elles n'en paient qu'une partie, justement, le reste étant à la charge des salariés. Et puis, confrontés à la hausse de leur propre part de cotisation, les patrons resserrent les contrôles, font pression contre les arrêts-maladie et renégocient leurs charges au détriment de la qualité de la couverture pour leurs salariés.
À tout cela s'ajoutent les économies faites sur le système hospitalier lui-même. Le budget de l'État, si prodigue lorsqu'il s'agit "d'aider les entreprises", c'est-à-dire de subventionner les profits patronaux, ne fait pas face à ses responsabilités en matière de santé publique. Il n'assure pas l'équipement du nombre nécessaire d'hôpitaux publics ni la formation d'un personnel qualifié pour les faire fonctionner. On oblige, au contraire, les hôpitaux à fonctionner comme des entreprises qui doivent être rentables. On limite les dépenses aux dépens des malades. On diminue le nombre de maternités et d'hôpitaux de proximité. On supprime des lits faute de personnel qualifié en nombre suffisant car on néglige depuis plusieurs années la formation de personnels soignants.
Lors d'un récent meeting à la Mutualité, des médecins ont dénoncé des situations où l'on freine la pose de prothèses indispensables, faute de crédits, et où les nouveau-nés sont installés à trois par berceau! Dans ce pays qui se vante d'être un des plus développés du monde, on va vers des situations du Tiers Monde!
Alors oui, c'est la société elle-même qui est malade, malade de la "rentabilité", malade de la course au profit, malade de la domination du grand patronat.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 26 novembre 2004)